47 [Assemblé* nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 179t.] bientôt anéanties. En 1757, lê parlement d’An-gleterre mit en délibération l’attaque et l’invasion de cette île. En 1770, la Russie a fait à la reli-ion les offres les plus séduisantes pour y éta-lir l’entrepôt de ses forces dans le Levant : le Succès de cette négociation ne pouvant convenir aux intérêts de la France, l’ordre nous resta fidèle, et rejeta toutes les propositions de la Russie, aux dépens de sa propre tranquillité qui fut bientôt troublée par des divisions intestines. Des complots, des tentatives de soulèvement exigèrent alors l’établissement d’une force militaire plus imposante, et la réduction de ces forces qui suivrait celle des revenus de l’ordre, ne pourrait que compromettre la sûreté de cette possession. Or, remarquez, Messieurs, qu’éminemment utile à la France, l’Allemagne, le Portugal, qui n’y ont aucun intérêt, contribuent cependant à l’entretenir. Je sais qu’on a proposé de payer un subside à l’ordre de Saint-Jean pour le maintenir dans nos intérêts, malgré la destruction de ces établissements dans le royaume ; mais veuillez bien remarquer, Messieurs, que lorsqu’ily aura de moins à Malte 400 chevaliers français qui y perpétuent et y font prévaloir la prépondérance des intérêts nationaux ; lorsque l’alliance de l’ordre ne sera plus que le prix d’un subside, il conviendra à sa politique, à ses intérêts de mettre dans la balance tous les avantages que pourrait lui assurer une puissance étrangère, indépendamment d’un subside ; et si l’un de ces avantages était précisément l’établissement territorial dont on priverait en France l’ordre de Saint-Jean, il serait très raisonnable et par conséquent très probable, qu’il n’accepterait point un subside de la part de la France. Supposons-nous que l’ordre de Saint-Jean ne pouvant plus défendre le port de l’île de Malte, le roi de Naples, en qualité de suzerain, s’en emparerait et que cette possession serait toujours entre les mains d’une puissance amie? Mais je pense que le roi de Naples ne pourrait longtemps conserver une possession plus onéreuse aujourd’hui qu’elle n’était lorsque Gharles-Quint la céda à l’ordre pour servir de rempart à la Sicile, et je suis convaincu qu’elle deviendrait nécessairement la conquête d’une grande puissance maritime. Défions-nous donc, Messieurs, de cette espèce de spéculation politique et fiscale, qui nous montre toujours la destruction sous un rapport avantageux, en dissimulant tous les résultats dangereux. Je suppose que l'anéantissement de l’ordre de Malte en France nous procure cent millions dis-onibles ; mais si votre système commercial ans lé Levant, se trouve désorganisé par la suite de cette opération ; si vos escadres pendant la guerre perdent une relâche, un recrutement de matelots et des moyens de ravitaillement ; si la balance du commerce de la Méditerranée en est annuellement diminuée de dix millions ; si 400 familles françaises et 10,000 salariés y perdent leur aisance, et vont refluer nécessairement sur les autres classes d'employés A la charge du Trésor public et des particuliers, aurez-vous fait une sage, une juste, une utile opération, etne serait-ce pas rendre nu chômage beaucoup trop cher à ces critiques usées, mais toujours renouvelées des abus, des vices apparents des anciennes institutions? Ah! Messieurs, la perfection est loin de nous et n’est pas faite pour nous, quelque soit notre zèle et nos efforts. La perfection ! elle est impossible ; mais l’amélioration dê toute institution qui eut un premier objet d’utilité, est dans la puissance dés hommes sages et éclairés et je ne sais quel pressentiment me fait voir, sur ce rocher célèbre de l’ile de Malte, la possibilité, la perspective d’un magnifique établissement, quiréumsse dans son enceinte tous les intérêts, tous les soins, toutes les consolations de l’humanité. Déjà depuis longtemps la charité y établit son temple ? c’est peut-être le seul lieu du monde où le pauvre ait à son usage les ustensiles du luxe et dê l’opulence. L’astronomie vient d’y trouver un asile par les soinsdu grand-Maître, et sous le plus beau Ciel de l’Europe, doit y faire de nouvelles découvertes. Les métiers et l’industrie de l’Inde s’y sont naturalisés. La botanique y rassemble toutes les productions végétâtes de l’univers. Les langues orientales, toutes les langues mortes et vivantes y trouveraient des professeurs, et la jeunesse qui s’y rassemble des divers pays de l’Europe, pourrait y trouver un centre d’instruction, d’harmonie et de ralliement, qui influerait sûrement sur les relations politiques, et peut-être sur les peuples barbares de notre continent. Mais sans vous arrêter plus longtemps sur des espérances que je ne crois point exagérées, qu’il me soit permis, Messieurs, ue vous inviter seulement à ne pas les détruire; et revenant aux considérations importantes que je vous ai exposées par celle de la justice, de l’honneur et de l’intérêt national, je demande que l’ordre de Malte soit maintenu dans ses propriétés, droits et privilèges, en statuant seulement que les Français qui y sont affiliés, n’auront en leur qualité aucun droit politique à exercer dans l’intérieur du royaume* Signé : MlLOUEÎ. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DEFERMON. Séance du samedi 30 juillet 1791, et u Soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. Lecture est faite des procès-verbaux des séances des merdfedi 27 juillet et jeudi 28 juillet au matin et au soir , qui sont adoptés. M. Bouche. Messieurs, M. Joseph-Ëtienne-Michel, négociant d'Eyguières et administrateur des Bomhes-du�BhÔne. fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage extrêmement bien fait, contenant des observations sur le commerce des bêtes à laine. Je demande qu’il soit fait mention honorable de cet hommage dans le procès-verbal et que le travail de M. Michel soit envoyé à l’examen des comités d’agriculture et de commerce, (La double motion deM. Bouché est adoptée.) M. le Président. MM. Blavier et Güillot, présents à ia barre, font hommage à l’Assemblée d’un tarif général de toutes les contributions décrétées. M. de Seine, sourd-muet de naissance, sculpteur et élève de l’Académie, également présent à la (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791. ] barre, fait hommage à l’Assemblée du buste de son instituteur l’abbé de l’Epée. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable de ses deux hommages dans le procès-verbal et accorde les honneurs de la séance à MM. Blavier, Guillot et de Seine.) Une députation de la ville de Verneuil, département de l'Eure , est admise à la barre. L'orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, « Discuter avec soin tous les projets de lois qui peuvent être avantageuses ou nécessaires à la société, les examiner sous tous les rapports, manifester ses opinions, sans prétendre forcer personne à les adopter ; voilà ce que vos augustes décrets nous feront éternellement regarder comme le droit inaliénable de l’homme libre. Les lois une fois faites, sacrifier tout pour le bon ordre et pour l’harmonie, montrer l’exemple de la soumission, la prêcher courageusement, la propager constamment, en se réservant toujours la faculté de faire des représentations : tel nous paraît être le devoir d’une nation éclairée, et la prérogative d’une naiion souveraine. Jaloux de mériter le titre sacré de vrais patriotes, les membres de la Société des ainis de la Constitution et les citoyens de Verneuil, soussignés, se pressent de vous assurer que les principes de l’Assemblée nationale sont les leurs, et qu’ils sont prêts à verser leur saug pour les soutenir et les défendre. « Nous assurons, sans craindre le démenti, que les sentiments exprimés dans cette adresse sont généralement ceux de tous les citoyens du district. « Suivent, Messieurs, un grand nombre de signatures : ce sont celles de MM. les administrateurs du directoire de district, des gardes nationaux, des ecclésiastiques fonctionnaires publics, des juges du tribunal et des deux juges de paix de la ville et du canton, dont j’ai l’honneur d’être membre. » ( Applaudissements .) M. le Président répond : « Messieurs, « Vous ne pouvez mieux justifier le vœu que vous avez fait d’être amis de la Constitution, qu’en vuus empressant de manifester votre souvenir aux lois : c’est par ce dévouement que vous maintiendrez la liberté, et que vous pourrez en recueillir promptement les fruits. L’Assemblée nationale reçoit votre hommage; elle vous accorde les honneurs de la séance. » M. CIgongne fait lecture d’une adresse de la municipalité de Saumur , ainsi conçue : « Augustes législateurs, « Grâces immortelles vous soient rendues; vous avez su distinguer le vœu d’un peuple ami de la liberté et fidèle avec les lois, des vaines clameurs des factieux et vous avez opposé courageusement aux projets dangereux des partisans du gouvernement républicain l’inviolabilité du monarque, sans laquelle les bases de notre sublime Constitué n seraient détruites. C’est à présent que la France, préservée de l’anarchie, fléau non moins redoutable que le despotisme, va s’empresser d’applaudir à cette constance inébranlable, à cette noble fermeté, qui savent également renverser les obstacles qui nuisent à la liberté, et poser des bornes à la licence. « Interprètes des sentiments de nos concitoyens, nous vous offrons le tribut de leur reconnaissance et nous vous prions de l’agréer comme un témoignage certain de leur sincère adhésion à vos sages décrets et de leur parfait dévouement à une Constitution dont les principes, consacrés par le serment, seront, s’il le faut, scellé de leur sang. » {Applaudissements.) « Signé : Les officiers municipaux de la ville de Saumur. * Une députation de la ville d'Auxonne est admise à la barre. M. le maire d'Auxonne, au nom de la députation, s’exprime ainsi : « Augustes représentants de la nation, vrais pères de la patrie! il m’est donc permis d’exprimer dans voire sein, en vertu du pouvoir que m’en ont donné mes concitoyens, leur adhésion aux décrets émanés de votre sagesse. « Soumis à toutes les lois que vous avez données à l’Empire, ils ne sont guidés que par elles; les principes de cette douce égalité que vous avez si sagement décrétée, ont été la base de la conduite des Auxonnois. « Mais avec quel plaisir ne dois-je pas aussi vous instruire de l’intime union qui a régné entre le brave régiment de la Fère, artillerie, en garnison à Auxonne, et les citoyens ! Depuis la dévolution, ils n’ont fermé qu’une seule et même famille. Constamment attachés à vos décrets, ils ont donné les preuves les plus éclatantes du plus pur patriotisme : j’ose en attester MM. de Prez de Crassier, Regnaud ( de Saint Jean-d' Angély) et d’Ambezieux, commissaires pour se rendre sur les frontières, qui ont vu avec satisfaction cette précieuse fraternité. « Messieurs, les plus beaux jours du sénat de Rome {Rires ironiques à droites ) n’ont jamais approché de la grandeur, de la majesté et de la fermeté que vous avez montrées dans les crises périodiques que vous avez éprouvées, et notamment lors de l’évasion du roi. Nos âmes en ont été saisies tour à tour d’effroi, d’admiration et de respect; et dans un saint enthousiasme, nous nous sommes écriés ; Quel exemple ils donnent à leurs successeurs ! « C’est dans ces sentiments que mes concitoyens ont pris une délibération dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture : « Le conseil général de la commune d’Auxonne, « assemblé en la grande salle de la commune, « en suite de la convocation légalement faite « par billets, cejoui d’hui, 22 juillet 1791, en pré-« sence de Jacques Seguin, procureur de la com-« mune; « Considérant que la soumission aux lois est « le seul moyen de conserver la liberté, don « précieux de nos augustes représentants; « Considérant que c’est d'une union intime en-« tre tous les Français que dépend désormais le « bonheur et le salut de ce vaste Empire, « A délibéré unanimement, « Et les citoyens de cette ville tous armés le promettent, « Qu’en réitérant son adhésion aux décrets « constitutionnels précédents, il adhère d’une « manière spéciale â celui du 15 juillet dernier. « Il considère ce décret comme ayant sauvé « la chose publique et ayant donné aux Fran-