[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1790.] 17î> convertirez en tel décret général que vous trouverez juste de prononcer : 1° Les enfants parvenus à un certain âge, à quinze ou dix-huit ans, par exemple, ne pourront-ils pas prétendre à une portion de l’usufruit des biens de leur mère décédée à la survivance du père ? Quelle devrait-être cette portion ? 2° Au cas que cette question fût décidée tout entière en faveur des pères non remariés, faudrait-il accorder la même faveur à ceux qui passent à de secondes noces, et qui exposent par là les enfants du premier mariage à l’antipathie presque inévitable d’une marâtre ? 3° Les enfants de ceux-ci peuvent-ils être contraints par le père à vivre dans la maison paternelle, sous l’empire d’une marâtre, malgré qu’ils aient une subsistance suffisante dans les biens maternels ? 4° Au cas que le décret de l’Assemblée sur l’article précédent serait défavorable aux enfants, n’y aurait-il pas une différence à faire entre les enfants professant une religion autre que celle de leur père remarié, et les enfants professant la même religion que leur père ? 5° Les enfants ne doivent-ils pas être aussi libres dans leur religion que les parents eux-mêmes? Du décret ou des décrets qui interviendront, Messieurs, sur ces questions, dépend la liberté ou la servitude d’une foule d’individus de l’un et de l’autre sexe, victimes des mariages en secondes noces, surtout lorsqu’ils sont attachés à un culte religieux différent de celui que suit leur père ou leur marâtre. Veuillez donc, Messieurs, jeter les yeux sur ces infortunés ; ils l’attendent de votre justice et de votre bienfaisance, et cet âge ne sollicite jamais en vain le cœur des législateurs. Notre sage monarque et ses ministres attendent aussi ce décret avec une louable impatience pour venir, de concert avec vous, au secours des infortunés qui demandent la durée des ordres déjà accordés en leur faveur, eFdont les pères durs, et cédant à l’impulsion des marâtres encore plus dures, sollicitent la révocation. Je terminerais ici la motion que j’ai l’honneur de présenter à l’Assemblée, et je renverrais à un autre jour de l’entretenir de plusieurs demandes de mes commettants, si j’étais sûr d’obtenir la parole une seconde fois; mais les difficultés qu’il a fallu vaincre pour pouvoir me faire entendre, m’autorisent à user pleinement de la faveur qui m’a été accordée, et ce n’est pas ma faute si je suis long. Les habitants de Lavaur, ma patrie, m’ont adressé extrait d’une délibération prise le 6 novembre dernier, contenant plusieurs demandes qu’ils supplient l’Assemblée nationale de prendre en considération ; ils demandent : 1° Que si la ville de Lavaur, ne peut pas conserver l’avantage d’être, comme ci-devant, chef-lieu de département, il plaise à l’Assemblée nationale de l’unir de préférence aux villes d’Alby et de Castres, pour jouir concurremment avec elles du privilège de chef-lieu ; 2° La conservation du siège épiscopal, et celle du chapitre. Outre les ressources assurées que ces établissements offrent dans des temps malheureux, ce qui suffirait pour devoir en perpétuer la durée, il est heureux pour moi de trouver, dans le mérite personnel de M. l’évéque et du Chapitre de Lavaur des titres qui viennent à l’appui des vœux des habitants ; la bienfaisance du prélat, l’aménité de son caractère, son respect constant pour les droits de la municipalité de la ville épiscopale, et son attention scrupuleuse à seconder les officiers de la commune, les lumières des bénéficiers, leur charité envers les pauvres, leur zèle pour l’instruction des fidèles, nous portent à désirer , non-seulement la perpétuelle durée de leurs places, mais même celle de leurs personnes ; 3° La conservation aussi du collège dirigé par les prêtres de la doctrine chrétienne, du couvent des religieuses de Sainte-Claire, servant d’asile à la jeune personne pour qui j’ai eu l’honneur de parler, qui a servi et qui servira de refuge à bien d’autres en pareille occurrence, et de la maison des filles de la Croix qui tiennent les écoles gratuites des filles. Ces établissements, utiles et nécessaires dans toutes les villes, le seront bien davantage si on considère qu’ils sont uniques dans tout le diocèse de Lavaur, et que la nation en les supprimant et s’emparant de leurs fonds, loin d?en retourner avantage, n’y trouverait qu’un objet de dépense, pour fournir à la subsistance des individus composant les établissements supprimés, tant ils sont médiocrement dotés ; 4° La juridiction royale de Lavaur dont cette ville jouit depuis des siècles, et qu’elle mérite de conserver par sa position qui la rend susceptible d’un présidial. 5° L’établissement de deux foires en sus de celles déjà établies. Son commerce de soie, laines, grains et bestiaux, ne pourrait que recevoir un nouvel accroissement, moyennant les nouvelles facilités que cette ville sollicite. Le mémoire de la ville de Lavaur a été remis depuis plusieurs jours à Messieurs du comité des rapports. 2e Annexe À la séance de l’Assemblée nationale du 12 janvier 1790. Projet d’administration pour la ville de Paris présenté à l’Assemblée nationale par M. de La ülelherle, docteur en médecine (1). (Le soussigné, ne pouvant obtenir la parole, prend le parti de faire imprimer, pour mettre sa motion sur le bureau, et y être statué par l’Assemblée nationale ainsi qu’elle avisera dans sa sagesse. A Paris le 12 janvier 1790.) La ville de Paris vient de rentrer dans tous ses droits, dont le despotisme ministériel l’avait dépouillée, ainsi que toutes les autres cités du royaume. 11 faut, dans ces heureux moments, fixer de la manière la plus sage les différentes parties de l’administration de cette imrnense cité. On doit surtout avoir soin d’en éloigner toute l’influence ministérielle, qui va faire des efforts soutenus pour reprendre ce qu’elle vient de perdre. Ainsi il ne doit plus y avoir de ministre de Paris. Le secrétaire d’Etat, qui aura dans son département la généralité de Paris, ne doit avoir d’autre autorité que celle des autres secrétaires d’Etat dans les pro-vinces. Il est nécessaire de partager l’administration de Paris en différentes branches. Je crois qu’on pourrait la diviser en dix portions principales : 1° Les milices bourgeoises. 2° La police. 3° La subsistance. (1) Ce document n’a pas eié inséré au Moniteur. 176 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1790.] 4° Les hôpitaux. 5° Les maisons de force. 6° Les postes. 7° Les loteries. 8° Les revenus de la ville. 9° L’embellissement de la ville. 10° Les études. Tous les citoyens ne peuvent se réunir à l’hôtel de ville. Il faut cependant qu’ils y soient tous représentés : ce ne pourra donc être que par des députés. La ville a été divisée en soixante districts, qu’on tâchera de rendre égaux pour la population. Chaque district nommera un certain nombre de citoyens de toutes les classes -, par exemple, vingt personnes. La réunion de tous ces députés, qui seront au uombre de douze cents, formera l’assemblée générale de l’hôtel de ville, et représentera tous les citoyens. Cette assemblée générale ou grand conseil sera convoqué tous les ans pendant plusieurs jours. Elle examinera tout ce qui peut intéresser là municipalité, et apurera tous les comptes. Le public assistera dans les galeries à ces assemblées. L’assemblée générale formera dix comités pour les dix principaux objets d’administration dont nous venons de parler, savoir: 1° Un comité des milices bourgeoises. 2° Un comité de police. 3° Un comité de subsistance. 4° Un comité pour les hôpitaux. 5° Un comité pour les maisons de force. 6° Un comité pour les postes. 7° Un comité pour les loteries. 8° Un comité pour les revenus de la ville. 9° Un comité pour les embellissements de la ville. 10° On pourrait y ajouter un comité pour les études, académies, etc. Chacun de ces comités sera présidé par le maire de la ville. Il y aura dans chaque comité un vice-maire ou échevin, qui présidera en l’absence du maire, seize conseillers et trois secrétaires. L’assemblée générale de tous ces comités formera le petit conseil qui s’assemblera tous les mois et dans tous les cas urgents . Chacun des soixante districts aura un président, un vice-président et deux ou quatre conseillers avec deux secrétaires. Le maire et tous les membres des comités et des districts ne seront en place que pour deux ans, et la moitié sera renouvelée chaque année. I. — Comité des milices bourgeoises . Tous les citoyens en état de porter les armes seront inscrits chacun dans leurs discrits. Us seront divisés en compagnies qui auront leurs officiers, et chaque district aura un commandant. Ces officiers particuliers seront nommés par les districts. Il y aura ensuite un général de toute la milice bourgeoise, un lieutenant général, un major et quelques aides de camp. Tous ces officiers seront nommés tous les deux ans par l’assemblée générale. Le général donnera le mot qu’il fera passer aux capitaines de garde dans chacun des soixante districts. Chaque district aura deux ou trois corps de garde, composés chacun de 25 hommes. Ces corps de garde feront faire des patrouilles la nuit, mais non pas le jour. En été, il y aura des revues générales et on exercera la jeunesse au port d’armes. Chaque chef de famille ou personne connue sera tenu d’avoir une armure complète; savoir : un fusil avec sa baïonnette, de la poudre, du plomb, des balles et une épée. Le district aura des armes pour les jeunes gens à qui on n’oserait en confier. Chaque district aura au moins une pièce de canon. On aura d’ailleurs un corps de soldats qui seront comme les vestmen à Londres, c’est-à-dire, qu’un de ces soldats sera posté le soir dans les rues, toutes les cent ou cent cinquante toises. Il sera armé seulement d’une longue pique, dont l’extrémité sera surmontée d’une fleur de lys en laiton, ayant les angles bien arrondis. Ces soldats, dans les cas urgents, seront armés de fusils déposés à l’hôtel de ville et aux districts. Quelques-uns de ces soldats seront canonniers. Dans ce moment, les soldats des gardes françaises qui ont montré tant de patriotisme, et à qui nous avons de si grandes obligations, les soldats du guet et les autres qui se sont associés aux milices bourgeoises, composeront ce corps. Ces soldats feront la garde des spectacles. Ils seront divisés dans les différents districts, idont ils recevront les ordres. On laissera beaucoup d’autorité aux districts et peu au général, crainte que, s’il était gagné par la cour, la milice bourgeoise ne devînt bientôt entre ses mains une nouvelle arme pour le despotisme. Au reste, ce général, sera toujours subordonné au maire, au comité des milices bourgeoises, au petit conseil et au conseil général. II. — Comité de police. Le comité de police sera chargé de tout ce vaste département. Le maire et le vice-maire de ce comité feront les fonctions de lieutenant de police, qui demeure supprimé. Les présidents et vice-présidents de chaque district feront les fonctions de juges de paix, ou de commissaires de quartiers (qui seront supprimés); il y aura par conséquent toujours au district un de ces messieurs et un secrétaire pour recevoir les plaintes, et ils prononceront devant le public. Le jugement, prononcé par le juge de paix, sera aussitôt communiqué au comité général de police, pour qu’il le confirme ou le casse, et ce comité prononcera en dernier ressort sur tous les cas de police, en se faisant assister par des jurés, s’il est nécessaire. Enfin, dans les crimes capitaux, le criminel sera renvoyé aux cours de justice pour y être jugé par ses pairs. On pourra diviser ce département en plusieurs branches, telles que les pavés, les illuminations, les spectacles, etc. Tout l’espionnage de l’ancienne police sera supprimé. III. — Comité de subsistance. Ce comité, présidé par le maire et le vice-maire, aura l’inspection sur toutes les choses nécessaires à l’approvisionnement de Paris : tels sont : 1° les grains ; 2°. les vins ; 3° les bestiaux, volailles, etc; 4° les bois, les charbons, les tourbes, etc; 5° les fourrages ; 6° les matériaux de construction, etc. Ce comité suivra dans ces premiers moments (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 janvier 1790.J 17? les anciens renseignements. Mais il devra prendre des précautions assurées pour que la capitale ait toujours des provisions de bouche, surtout des grains, au moins pour trois mois. IV. Comité pour les hôpitaux . Ce département, si mal régi aujourd’hui, a besoin d’une surveillance qui réponde à l’utilité de son objet. Le comité aura donc l’activité la plus soutenue. Il faudra premièrement solliciter la construction des hôpitaux projetés. Les enfants trouvés méritent un soin particulier. Ceux qui sont amoncelés à la Pitié devraient être distribués dans les provinces. Ce comité s’occupera encore spécialement des pauvres. Ainsi, dans chaque paroisse, il conférera avec MM. les curés et les membres du district, pour prendre les moyens les plus efficaces de subvenir aux besoins des indigents. Le meilleur sera de leur fournir des ouvrages proportionnés à leurs forces, s’ils sont en état de travailler; et, lorsqu’ils ne le pourront plus, on leur donnera des vivres. On mettra, en conséquence, une taxe pour les pauvres. Mais on évitera de tomber dans les mêmes inconvénients qu’en Angleterre. V. Comité pour les maisons de force. Les maisons de force doivent être surveillées avec soin. Personne n’ignore les malversations qu’y commettent les proposés. Bicêtre, la Salpétrière, le dépôt de Saint-Denis, etc, doivent être supprimés en partie. On enverra dans les villes fortes, dans les ports, etc, les personnes condamnées aux travaux publics. Les vieillards infirmes, indigents, rentrent dans la classe des pauvres dont nous venons de parler. Enfin, les femmes prostituées doivent jouir comme citoyennes de leur liberté. On ne les renfermera que pour les faire guérir lorsqu’elles seront malades. L’arbitraire doit être exclu ici comme ailleurs. Elles ne peuvent être enfermées à Londres qu’environ deux mois. VI. Comité pour les postes. Ce comité veillera à la sûreté des lettres. Il aura les clefs des boîtes aux lettres et fera faire le3 paquets devant lui. Il recevra les lettres des provinces et les distribuera aux facteurs, qui les porteront dans la ville. L’intendance générale des postes doit être supprimée. Le maire de Paris et le vice-maire de çe comité en feront les fonctions. VII. Comité pour les toteries. La suppression des loteries est demandée par tous les bons citoyens. Mais en attendant il faut qu’une police surveillante y préside.G’est ce que fera un comité établi à cet effet. Le maire fera tirer ces loteries, ou en son absence, le vice-maire de ce comité. VIII. Comité pour les revenus de la ville. Les revenus de la ville sont, suivant le public, fort mal administrés. Le comité de celte partie devra donc y apporter le plus grand soin. Il rendra ses comptes tous les ans à l’assemblée tre Série. T. XI. générale des citovens, et les comptes seront imprimés. IX. Comité pour les embellissements et tes choses publiques. Tous les ans on destine une certaine somme des revenus publics, à l’embellissement de la ville, et aux choses qui peuvent lui être utiles. Cette partie doit être confiée à un comité, composé principalement d’artistes habiles et de citoyens. 11 ne décidera aucun objet important sans avoir communiqué au public ses plans et projets par la voie de l’impression, et chaque district donnera son avis. X. Comité pour les études. Les études sont en général extrêmement négligées en France; aussi se propose-t-on de les réformer. On pourrait donc établir un comité qui surveillerait : 1° l’éducation publique et les études et les collèges; 2° les écoles de droit, de médecine et de chirurgie; 3° les académies, les arts, etc. Ce comité serait chargé de tout ce qui concerne la librairie et l’impression des ouvrages. Tous les censeurs seront supprimés. Chaque comité publiera ses comptes et fera connaître ce qu’il aura fait dans l’année. Si on trouvait trop considérable le nombre de ces comités, on pourrait attribuer au comité des hôpitaux l’administration des maisons de force. Les études étant une fois bien réglées, ce comité pourrait peut-être être supprimé; une surveillance générale suffirait. Enfin, l’administration des postes et des loteries pourrait se faire concurremment avec le gouvernement, et pour lors, il ne faudrait peut-être pas que le comité de la ville fût aussi nombreux. Mais quant aux autres parties, les comités sont absolument nécessaires, et il existe déjà des administrations qui les représentent. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQUIOU. Séance du mercredi 13 janvier 1790 (1). M. Duport, l'un de MM. les secrétaires , fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Griffon de Romagné, député de la Zio-chelle , observe que les réclamations des députés d’Aunis, relativement à la division de cette province et à sa réunion à la Saintonge, ne sont pas insérées au procès-verbal : il demande qu’elles y soient mentionnées. M. l’abbé Latyl, député de Nantes, appuie la motion en faisant remarquer qu’il est convenable de constater l’exactitude des députés vis-à-vis de leurs commettants. M. Bouche rappelle à l’Assemblée que, dans une circonstance semblable, elle a décidé qu'on (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 12