[États gên. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Sénéchaussée de Basas.) 207 tion congrue, la rétribution qu’ils en retirent est insuffisante à leurs besoins; ils mettent dans la même classe les ecclésiastiques du diocèse qui , ne vivant que dans les places d'un revenu très-médiocre, sont exposés dans leur vieillesse à une indigence humiliante. 17° Il y a dans la sénéchaussée plusieurs paroisses qui ont des annexes; souvent ces annexes ne sont pas desservies par des vicaires à raison de la rareté des prêtres ; les curés demandent ou qu’il soit établi des vicaires dans les annexes, ou que la rétribution en soit adjugée au curé comme faisant double fonction. 18° Les curés de la sénéchaussée de Bazas se plaignent de ce que dans leurs affaires particulières on leur défend de s’assembler comme n ayant aucune existence légale. Les soupçons injustes qu’on veut former sur leurs desseins les humilient; ils ne respirent que le respect pour le Roi, ils ne travaillent que pour le bien de la nation, ils désirent le soulagement des peuples; il est juste qu’ils veillent à leurs affaires générales et parti-lières. Ils demandent donc une existence légale et le pouvoir de s’assembler toutefois en assemblées particulières, quand leurs affaires l’exigeront et d’avoir un syndic de leur ordre dans le diocèse qui les défende et se charge de leurs intérêts. 19° L’ordre des curés ,a toujours été regardé comme le second dans l’État ecclésiastique. Pourraient-ils ne pas exprimer leur douleur de ce que dans les assemblées générales et particulières du clergé, dont ils ne sont pas formellement exclus, ils n’y sont cependant jamais appelés? Ils demandent "que leur ordre soit plus considéré, et que comme il s’agit presque toujours dans les assemblées générales et particulières des intérêts qui les concernent, il y soit toujours appelé un député de leur ordre et de chaque diocèse. 20° Les corps religieux demandent avec instance la révocation de l’édit qui règle la profession des jeunes religieux à l’âge de vingt et un ans ; ils se plaignent de ce que par une suite de cet édit, leurs cloîtres deviennent déserts, ils sont persuadés qu’ils trouveraient de meilleurs sujets et qu’ils seraient plus utiles, s’ils pouvaient les former dans un âge plus flexible. Ils supplient donc les Etats généraux de fixer la profession religieuse à l’âge de dix-huit ans. 21° Enfin, tout le corps du clergé de Bazas, tant séculier que régulier, entrant dans les vues bienfaisantes de Sa Majesté, laisse aux Etats généraux à décider si les suffrages se compteront par ordre, ou par tête. MANDAT DE LA NOBLESSE DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE BAZAS, A M. DE P1IS, GRAND SÉNÉCHAL, SON DÉPUTÉ AUX ÉTATS GÉNÉRAUX DU ROYAUME (1). La noblesse du Bazadois, réunie par les ordres du Roi, et animée du zèle que la gloire et l’honneur perpétuent avec le nom français, publie avec confiance ses supplications devant la nation assemblée. Ce moment de triomphe pour l’Etat qui va se régénérer, en est un bien grand pour le prince qui cherche, dans le rappel de la constitution, le bonheur des peuples qu’il gouverne. Après avoir reconnu l’importance des pouvoirs à accorder à son député aux Etats généraux qui seront tenus à Versailles le 27 avril 1789, la no-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. blesse du Bazadois a unanimement résolu et arrêté, que telle que puisse être la manière particulière de penser de son député, il sera rigoureusement astreint à se conformer aux ordres exprès qui lui seront expliqués ci-après, et ne pourra être d’un avis différent, lorsque le sien sera requis aux Etats généraux, puisque c’est notre vœu commun et unanime qu’il a la commission d’exprimer. Gomme aussi il demeure chargé, en son honneur et conscience, de poursuivre, sans délai et avec persévérance, tout ce que nous croyons utile au maintien de notre constitution monarchique, à la gloire de la justice du Roi, à la durée de l’empire, â la liberté individuelle et au bonheur de la nation. Ne pourra, néanmoins, notredit député, se retirer des Etats généraux avant leur clôture, en troubler ou arrêter les délibérations par son opposition ni protestations, mais seulement présenter avec fermeté nos doléances, nos vues pour le bien commun, les défendre par tous les moyens que la vérité fait ressortir, nous en remettant au surplus à ce que décidera la majorité de nos frères, les députés de notre ordre des autres provinces du royaume, qui réunissent à des lumières supérieures le même amour pour la patrie. A ces fins notre député est contraint d’opiner constamment pour : 1° Que les trois ordres réunis aux Etats généraux opinent séparément, seul moyen de conserver la liberté et l’influence de chacun d’eux, forme que nous ont transmis nos pères et qu’ils avaient établie sans doute parce qu’ils prévoyaient les maux que nous craignons ; sans préjudice de consentir à la formation des bureaux des trois ordres pour la préparation des matières et jamais pour leur décision. 2° Que les impôts ne peuvent être établis ni perçus légalement, que par l’octroi libre de la nation assemblée en Etats généraux, ainsi que Sa Majesté l'a reconnu elle-même ; et qu’à l’avenir ils seront répartis sur toutes les propriétés mobilières et immobilières des individus des trois ordres, sans qu’aucun privilège puisse en dispenser ou en exempter. 3° Que le domaine de la couronne, grevé d’une substitution perpétuelle, est inaliénable, et que non-seulement on ne peut acenser ni aliéner les portions qui sont encore entre les mains du Roi, mais que c’est une vérité sacrée que Sa Majesté doit être réintégrée, sans délai, dans toutes les parties qui ont été vendues par ses prédécesseurs, ou concédées à quelque titre que ce soit. Nous avons d’autant plus de satisfaction à professer cette doctrine, qu’elle est née avec la royauté parmi nous, et qu’elle a été réclamée par toutes les assemblées de la nation. 4° Demander un compte exact de l’état actuel des finances du royaume, et de ne voter pour l’impôt que lorsque la quotité en aura été démontrée par l’évidence du besoin, ainsi que les emprunts qui ne pourront être faits que par la nation assemblée ; que, de plus, l’impôt sur les propriétés foncières soit seul et unique, lequel tiendrait lieu de tailles, capitation, vingtièmes, sans préjudice de faire concourir les fortunes mobilières par une perception préalablement déterminée dans les Etats généraux. 5° Que toutes les distinctions et prérogatives des deux premiers ordres, autres que l’affranchissement des impôts et le concours à toutes les dépenses publiques, subsisteront dans leur intégrité, non-seulement comme une propriété à la- 268 [États gén. 1789. CahiersJ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bazas.l quelle aucune puissance sur la terre ne peut porter atteinte, mais encore parce qu’il est de l’esseace du gouvernement monarchique qu’il y aild es distinctions d'état, pour maintenir la règle dans les esprits, et conserver la subordination dans les procédés et la conduite de tous les hommes. 6° Que les décisions des présents Etats généraux ne pourront lier ni engager la nation que jusqu’à la suivante assemblée générale, de manière que le retour périodique desdits Etats généraux soit déterminé et reconnu publiquement comme une loi fondamentale du royaume ; Et nous déclarons que nous ne nous tiendrons pas pour engagés par des octrois indéfinis pour la durée et la quotité. 7° Sa Majesté sera suppliée de retirer les édits désastreux du 8 mai 1788 *, d’ordonner en conséquence qu’ils seront raturés sur les registres des différents tribunaux dans lesquels ils ont été transcrits, de manière qu’il n’en demeure aucune trace, afin que la postérité ignore les maux qui nous ont menacés. Sera également suppliée Sa Majesté d’agréer que, sur la requête des Etats généraux et à la diligence de son procureur général, les criminels auteurs et instigateurs de ces innovations, soient poursuivis devant la cour des pairs ou tout autre tribunal compétent, jusqu’à arrêt définitif, ainsi que cela s’est pratiqué à l’égard du chancelier Poyet et autres. 8° La liberté individuelle de chaque citoyen étant une propriété aussi certaine et plus précieuse encore que les biens, Sa Majesté voudra bien renoncer à l’exercice des lettres closes, ordres arbitraires de ses ministres ; renouveler les ordonnances du royaume, qui défendent d’y adhérer, et permettre qu’à l’avenir il n’en sera fait aucun usage que pour éloigner de sa personne royale, ou des lieux de son habitation, ceux qui auraient le malheur de lui déplaire, ou encore par forme de correction, sur la demande des parents ; mais dans tous ces cas aucun individu ne pourra être renfermé dans une forteresse ; et si la sûreté publique exige l’arrêtement de quelque citoyen, les préposés de l’administration le feront remettre incessamment, avec les charges parvenues à leur connaissance, à la disposition des tribunaux ordinaires pour être jugé suivant les lois. Sa Majesté sera egalement suppliée de modifier l’ordonnance criminelle qui, sans égard pour la liberté naturelle ni la dignité de l’homme, permet à un juge seul, dans les tribunaux inférieurs, de prononcer sur la liberté des citoyens ; et d’ordonner qu’à l’avenir les informations seront publiques, et qu’aucun décret de prise de corps ne pourra être décerné, sans que le juge soit assisté d’un gradué, le nom duquel il sera tenu d’exprimer dans le décret. 9° D’accorder à la province de Guienne, comme à toutes celles du royaume, des Etats provinciaux ou particuliers, auxquels seront renvoyées priva-tivement l’assiette et répartition des impôts, dont lesdits Etats seront chargés de faire remettre le montant, sans frais, dans le trésor royal ; et les fonds qui seront levés pour les dépenses publiques demeureront à leur entière et libre disposition, sans que, sous aucun prétexte, ils puissent en être distraits ; comme aussi lesdits Etats provinciaux auront seuls la connaissance et la décision de toutes les discussions qui pourraient survenir sur ces différents objets. 10° Lesdits Etats provinciaux de Guienne seront composés des députés des trois ordres de chaque sénéchaussée, formant actuellement la généralité de la Guienne, et chaque sénéchaussée y enverra un nombre de députés proportionnel aux impôts qu’elle aura à supporter, parce qu’il est juste que le pays qui fournit le plus à la cause commune ait aussi le plus grand nombre de représentants. On pourrait y admettre des députés particuliers des villes de Bordeaux et Bayonne, les deux seules de la province qui fassent le commerce extérieur. 11° Puisque l’ordre ecclésiastique doit former une partie intégrante des Etats provinciaux, il sera arrêté et convenu que la masse d’impôts et de charges publiques que cet ordre devra supporter, sera fixée et réglée, ainsi que celle des autres ordres, dans l’assemblée générale desdits Etats provinciaux ; car sans cela sa présence et son vœu deviendraient inutiles, et peut-être dangereux dans la discussion d’intérêts qui ne le regarderaient pas. Et comme l’entretien des bâtiments et lieux consacrés au culte divin, est une charge commune à tous les citoyens, l’ordre ecclésiastique, à l’avenir, en supportera sa part contingente, de quelque manière que ses impôts soient répartis. 12° Sera suppliée, Sa Majesté, de supprimer entièrement tous les bureaux des traites et tous les privilèges locaux, destructifs du commerce et de la circulation, ainsi que les dons gratuits des villes, charges odieuses à toutes les classes de citoyens. La noblesse du Bazadois, considérant de plus combien le poids de la gabelle est onéreux pour les autres provinces, quoiqu’elle en soit rédimée , supplie Sa Majesté d’en ordonner l’abolition dans toute l’étendue du royaume. 13° La noblesse du Bazadois, considérant qu’il serait inutile d’augmenter les revenus de l’Etat, s’ils (levaient être livrés à la déprédation , demande que tous les ministres, chacun dans leur département, rendent à l’avenir un compte exact des dépenses faites par eux et de leur application, les en déclarant responsables ; lequel compte sera rendu public chaque année par la voie de l’impression, nous en remettant d’ailleurs à nos frères de l’ordre de la noblesse, pour étendre et modifier cet article suivant qu’ils le jugeront convenable. 14° Déclare ladite noblesse qu’elle proteste contre toute délibération décidée aux Etats généraux, si les voix y sont recueillies autrement que par ordre. 15° Et pour tous les objets non prévus par nos ordres ci-dessus, nous nous en remettons à la discrétion et probité de notre mandataire, étant persuadés que, jaloux de conserver l’estime qui lui aura mérité notre choix, il se conformera, autant qu’il lui sera possible, à l’esprit du présent mandat, et nous lui confierons tout le pouvoir qui réside en nous pour traiter de la situation et restauration des finances, accorder des subsides, concourir à toutes les lois nécessaires pour assurer le bonheur du souverain et de la nation , enfin ménager les intérêts de la grande famille avec économie et prudence. Tels sont les objets que la noblesse du Bazadois soumet à la décision des Etats généraux ; elle attend tout d’une nation qui, pour détruire l’arbitraire, rappelle son antique constitution, et marche vers la liberté sous les auspices de son roi.