(AMemblfe national*] ARCBIVIS PARLEMENTAIRES. [il mai 1791.] Si donc vous vous rendez à la réclamation des gens de couleur, ceux-ci croiront que vous avez prononcé contre les blancs ; les blancs penseront que vous avez voulu prononcer contre leur vœu; et par une résolution dout vou3 vous seriez promis le calme des esprits et la pacification des colonies, vous n’obtiendrez véritablement que la continuation des haines des partis opposés et la renaissance de troubles beaucoup plus graves que ceux qui ont existé jusqu’à présent. Si au contrai re If vœu proposé par l’assemblée de Saint-Martin n’est pas conforme à la justice, à la raison et à la saine politique, il sera réformé par le Corps législatif. (Murmures.) On parait croire que noire projet de décret ne réserve pas ce droit au Corps législatif. Je déclare formel!' -meut que nous l’avons entendu ainsi. (Murmures.) Notre opinion était telle, et si la rédaction n’est pas claire, personne ne met obstacle à ce que la rédaction soit améliorée ; car telle a toujours été notre opinion, telle a toujours été la proposition que nous avons voulu faire; nous n’y avons vu aucune obscurité. Si qu lqu’un aperçoit cette obscurité, levons-la. Quel sera d’ailleurs, Messieurs, le résultat de cette démarche? C’est que si le Corps législatif rendait une disposition qui ne fût pas conforme à la proposition qui lui serait faite, au moins par le décret tel qu’il serait, les colonsse trouveraient assurés qee le Corps législatif ayant statué, leur sécurité d’ailleurs demeurerait pleine et entière. Il résulterait du décret nue vous auriez rendu au moment actuel, qu’il ne pourrait pas être provoqué de nouvelles dispositions à cet égard, c’est-à-dire qu’ayant ainri statué sur l’état politique de3 hommes libres, ils ne seraient pas forcés de faire de nouvelles propositions sur ce qui forme la base du régime colonial, sur ce que j’ai tracé dans la première partie. Telle a été, Messieurs, notre opinion ; tels ont été nos motifs. Je sais qu’il est diflicile de lutter contre l’application des principes ; mais je sais aussi que nous n’avons été déterminés que par des raisons impérieuses d’intérêt national. Je sais que nous avons voulu arriver à un résultat juste et raisonnable par des moyens prudents qui n’opéreraient pas le trouble, qui ne recommenceraient pas les scissions ; je sais que nous avons eu pour objet, dans les résolution* que nous vous avons présentées, la pacification des colonies, leur conservation à la France, et la conservation de tous l«s intérêts ; je sais que nous n’avons pa* aperçu sans terreur, et tous ceux qui étaient alors dans le comi'é avaient plus ou moins connaissance des colonies, carcertes, ceux qui s’en occ p> nt depuis deux ans, qui saveut littéralement tous les faits qui s’y sont passés, toutes les opinions qui y ont été rirofessées, peuvent juger avec quelque probabi-ité les effets qu’y produiront vos décrets, je sais, dis-je, quedans cette résolution-là nous avons vu la conservation d’un grand intérêt national ; que nous avons cru que rendre spontanément un décret pour donner aux hommes libres de couleur les droits de citoyens actifs, était un moyen subversif pour les colonies; que nous avons cru y voir aes semences de troubles dont les nations rivales tireraient sûrement parti. (Murmures.) Quand les faits viendront à justifier ce que je viens de vous dire, vous ne me reprocherez pas d’avoir iasisté pour vous avoir occupé quelques minutes de plus. Dans le moment actuel, je vous déclare que le décret qu’on vous propose de ren-759 dre, portera dans les colonies, parmi les blancs, qui sont actuellement seuls possesseurs des fonctions publiques; le désespoir et la terreur. ( Murmures à gauche ; appaudissements au centre.) Je ne veux plus faire qu’une observation sur ce fait : les personnes qui, je ne dis pas dans cette Assemblée, mais dans le public et par leurs écrits, cherchent à déterminer l'Assemblée nationale, dans la résolution qu’on lui a proposée ce matin, sont les mômes personnes qni, bien que convaincues par l’intérêt national, de l’avantage de l’alliance avec l’Espagne, s’opposaient à la conservation de cette alliance, lorsque le décret que vo is avez porté à cet égard a sauvé à la France une guerre terrible, de grands dangers, de grands intérêts ( Murmures.) les mêmes hommes qui provoquent aujourd’hui par leurs écrits le décret qu’on sollicite contre l’avis des comités. Eh bien ! ces mômes hommes par leurs écrits et par leurs discours publics, par d’incroyables efforts, cherchaient à déterminer l’opinion contre le décret que vous aviez rendu et cherchaient à persuader à l’Assemblée de revenir sur ses pas. (Applaudissements.) Je mets un dernier fait sous vos yeux : l’Angleterre a fait et fait eocore en ce moment d’importantes pertes dans son commerce et dans ses possessions colonial* s; elle a un très grand intérêt à chercher un dédommagement, elle est actuellement armée pour chercher ces dédommagements quelque part. (Applaudissetnents.) M. Gombert. Tout cela ne nous fait pas peur. M. Barnave. L’Angleterre dODt les soins et la politique nous occupent depuis longtemps, l’Angleterre a laissé établir dans son parlement, avec une grande sécurité, la discussion sur la proposition d’abolir la traite des nègres, et elle a contribué peut-être à amener cette question parmi nous. Par le décret qu’elle vient de rendre, elle a rejeté une proposition qui certainement lui assurera dans toutes ses colonies un grand degré de conliance et de crédit. (Applaudissements au centre; murmures ù gauche.) En prononçant sur l’état politique des gens de couleur, vous courez le risque de perdre les colonies. J’étais intimement convaincu de ce que je viens de vous dire, j’étais profondément pénétré de l’importance du décret dont vous vous occupez, je sais que le destin de ma patrie y est lié. J'ai dû vous dire franchement ma pensée; j’ai fait mon devoir. Maintenant prenez le parti qui vous conviendra. (Applaudissements à droite. Murmures à gauche.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain). M. le Président annonce l’ordre du jour de demaia et lève la séance à trois heures et demi& ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 11 MAI 1791. Nota. M. de Viefville des Essarta, député du Vermandois, fUimprimereidistribuerun discours et un projet de décret sur V affranchissement des