SÉANCE DU 7 THERMIDOR AN II (25 JUILLET 1794) - N° 5 495 Les autorités constituées se sont vues dans un instant environnées, 1°. par l’enfance ornée de fleurs des champs, 2°. par l’adolescence ornée de myrthe, 3°. par la virilité ornée de chêne, 4°. par la vieillesse ornée de laurier. Chaque magistrat tenoit à la main un bouquet d’épis de bled, de fleurs et de fruits, symbole de l’abondance que nous assure le régime républicain. Au centre des autorités constituées, quatre bœufs couverts de festons et de guirlandes, traînoient un char sur lequel on voyoit les instrumens des arts, et des productions de la République. Un détachement de troupes formoit la marche. Ce cortège, partant de la maison commune, s’est avancé sous un arc de triomphe très-élevé, construit en verdure, orné de fleurs, et placé à l’entrée de la grande rue, en face du pont; au-dessus flottoient les couleurs nationales; il étoit orné d’attributs de la liberté et de l’abondance, et d’inscriptions sur les deux faces. On s’est rendu de suite au temple, où des hymnes en l’honneur de l’Être suprême, et un discours sur l’immortalité de l’âme ont préparé les esprits à la cérémonie qui alloit se célébrer sous la voûte du ciel, à l’aspect et au milieu des merveilles de la nature. Une des plus belles et des plus heureuses expositions qui se trouvent dans la République, se rencontre aux portes de Blois. Une montagne, monument du luxe et de la tyrannie s’élève sur l’endroit le plus haut du coteau qui domine la Loire : sur sa cime, d’où l’œil se promène de tous côtés et sans aucun obstacle sur un vaste horizon, un orme étend de toutes parts ses rameaux touffus, qui semblent braver l’injure des ans et des tempêtes : ses racines profondes se montrent à trente pieds au dessous du tronc, et ce lieu offre l’emblème le plus heureux de cette Montagne chérie, qui, sur ses bases inébranlables, porte l’édifice de la plus grande Révolution que présentent les fastes du monde. Le cortège, en sortant du temple pour se rendre à la Montagne, a rencontré sur son passage, de la promenade appelée la Grande Pièce, un socle vaste portant une piramide, monument élevé à la mémoire des hommes qui ont cimenté la liberté de leur sang; des festons de verdure et de fleurs pendoient aux arbres qui l’environnoient, et soutenoient des inscriptions analogues. Des hymnes ont été chantées en l’honneur des martyrs de la Révolution, et les jeunes filles ont répandu des fleurs sur leurs tombes. En passant devant le temple de la liberté, lieu des séances de la société populaire, on a exécuté un chœur en l’honneur de la liberté. De là, on s’est rendu à la Montagne. Quatre sentiers en rampe partant de côtés opposés, mon-toient en spirale au sommet sur lequel étoit pratiquée une platte-forme. Au-dessous, on voyoit flotter de toutes parts des drapeaux tricolores. Aux quatre points cardinaux, sur la platte-forme, étoient élevés quatre autels surmontés de vases destinés à brûler les parfums. La musique est allée se placer autour de l’arbre, afin d’être facilement entendue, et faire face de tous côtés. Le grouppe des jeunes filles portant les parfums est monté ensuite, et chacune est allée prendre sa place sur le socle des quatre autels. Tous les grouppes formant le cortège se sont placés dans les routes pratiquées autour de la montagne. Chacun est monté successivement sur la platte-forme, pour y chanter avec le corps des musiciens, les hymnes composés par les artistes de la commune. Dans ces chants, les jeunes garçons ont juré de ne poser les armes qu’après la destruction des tyrans. Les jeunes filles, en jettant leurs fleurs au milieu de la fumée des parfums qui s’élevoit vers le Ciel, ont juré de réserver leur tendresse pour_ les enfans et les amis de la patrie. Des hymnes à l’Être suprême, pour le remercier de la liberté et de ses autres bienfaits, se sont mêlés aux accens d’une foule innombrable de citoyens, au bruit de l’artillerie et au saisissement qu’inspiroit le spectacle d’un peuple entier qui, à la même heure, rendoit hommage à l’Auteur de toutes choses, et tournoit vers le Ciel des regards attendris, où se peignoient à la fois la reconnoissance et l’espoir consolant de l’immortalité. On est ensuite retourné, dans le même ordre, à la maison commune. Cette fête, qui, comme on le voit, est calquée sur le projet de l’artiste patriote David, s’est passée avec l’ordre, le respect et la décence qu’on devoit attendre de Français devenus libres. Les Commissaires de la fête : Cabaille, Arnaud, Gendrier et Gros. z La Société populaire de Bidache, département des Basses-Pyrénées, écrit qu’elle a célébré une fête le 10 prairial, en l’honneur de l’Être suprême; elle fait hommage d’un discours prononcé par un de ses membres à cette fête; elle ajoute qu’informée des besoins de ses frères de Paris, elle leur envoie 149 livres de jambon et lard qu’elle a retranchés sur sa consommation ordinaire (l). 5 La société populaire de Sauveur-sur-Douve (2) département de la Manche, félicite la Convention sur ses travaux. Elle lui annonce qu’ environ 400 hommes sont sortis du sein de cette petite commune pour la défense de la patrie; qu’elle a envoyé au chef-lieu de son district 20.000 livres de métal de cloches, 1.000 livres de cuivre et 101 marcs 14 onces d’argenterie qu’elle a donnés pour nos braves combat-tans, 302 chemises, 7 paires de guêtres, 82 paires de souliers, 2 habits, 3 sabres, 3 fusils neufs avec leur baïonnettes, et que les propriétaires de ces fusils, âgés de 16 et 17 ans, ont voulu s’en servir eux-mêmes et sont actuellement aux armées. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi aux comités des marchés et approvision-nemens (3). (l) Mon., XXI, 315; J. Paris, n°572; Audit, nat., n° 670; Rép., n°218; J. Fr., n° 669. (2) Ci-dev4 S1 Sauveur-le-Vicomte. (3) P.V., XLII, 168. SÉANCE DU 7 THERMIDOR AN II (25 JUILLET 1794) - N° 5 495 Les autorités constituées se sont vues dans un instant environnées, 1°. par l’enfance ornée de fleurs des champs, 2°. par l’adolescence ornée de myrthe, 3°. par la virilité ornée de chêne, 4°. par la vieillesse ornée de laurier. Chaque magistrat tenoit à la main un bouquet d’épis de bled, de fleurs et de fruits, symbole de l’abondance que nous assure le régime républicain. Au centre des autorités constituées, quatre bœufs couverts de festons et de guirlandes, traînoient un char sur lequel on voyoit les instrumens des arts, et des productions de la République. Un détachement de troupes formoit la marche. Ce cortège, partant de la maison commune, s’est avancé sous un arc de triomphe très-élevé, construit en verdure, orné de fleurs, et placé à l’entrée de la grande rue, en face du pont; au-dessus flottoient les couleurs nationales; il étoit orné d’attributs de la liberté et de l’abondance, et d’inscriptions sur les deux faces. On s’est rendu de suite au temple, où des hymnes en l’honneur de l’Être suprême, et un discours sur l’immortalité de l’âme ont préparé les esprits à la cérémonie qui alloit se célébrer sous la voûte du ciel, à l’aspect et au milieu des merveilles de la nature. Une des plus belles et des plus heureuses expositions qui se trouvent dans la République, se rencontre aux portes de Blois. Une montagne, monument du luxe et de la tyrannie s’élève sur l’endroit le plus haut du coteau qui domine la Loire : sur sa cime, d’où l’œil se promène de tous côtés et sans aucun obstacle sur un vaste horizon, un orme étend de toutes parts ses rameaux touffus, qui semblent braver l’injure des ans et des tempêtes : ses racines profondes se montrent à trente pieds au dessous du tronc, et ce lieu offre l’emblème le plus heureux de cette Montagne chérie, qui, sur ses bases inébranlables, porte l’édifice de la plus grande Révolution que présentent les fastes du monde. Le cortège, en sortant du temple pour se rendre à la Montagne, a rencontré sur son passage, de la promenade appelée la Grande Pièce, un socle vaste portant une piramide, monument élevé à la mémoire des hommes qui ont cimenté la liberté de leur sang; des festons de verdure et de fleurs pendoient aux arbres qui l’environnoient, et soutenoient des inscriptions analogues. Des hymnes ont été chantées en l’honneur des martyrs de la Révolution, et les jeunes filles ont répandu des fleurs sur leurs tombes. En passant devant le temple de la liberté, lieu des séances de la société populaire, on a exécuté un chœur en l’honneur de la liberté. De là, on s’est rendu à la Montagne. Quatre sentiers en rampe partant de côtés opposés, mon-toient en spirale au sommet sur lequel étoit pratiquée une platte-forme. Au-dessous, on voyoit flotter de toutes parts des drapeaux tricolores. Aux quatre points cardinaux, sur la platte-forme, étoient élevés quatre autels surmontés de vases destinés à brûler les parfums. La musique est allée se placer autour de l’arbre, afin d’être facilement entendue, et faire face de tous côtés. Le grouppe des jeunes filles portant les parfums est monté ensuite, et chacune est allée prendre sa place sur le socle des quatre autels. Tous les grouppes formant le cortège se sont placés dans les routes pratiquées autour de la montagne. Chacun est monté successivement sur la platte-forme, pour y chanter avec le corps des musiciens, les hymnes composés par les artistes de la commune. Dans ces chants, les jeunes garçons ont juré de ne poser les armes qu’après la destruction des tyrans. Les jeunes filles, en jettant leurs fleurs au milieu de la fumée des parfums qui s’élevoit vers le Ciel, ont juré de réserver leur tendresse pour_ les enfans et les amis de la patrie. Des hymnes à l’Être suprême, pour le remercier de la liberté et de ses autres bienfaits, se sont mêlés aux accens d’une foule innombrable de citoyens, au bruit de l’artillerie et au saisissement qu’inspiroit le spectacle d’un peuple entier qui, à la même heure, rendoit hommage à l’Auteur de toutes choses, et tournoit vers le Ciel des regards attendris, où se peignoient à la fois la reconnoissance et l’espoir consolant de l’immortalité. On est ensuite retourné, dans le même ordre, à la maison commune. Cette fête, qui, comme on le voit, est calquée sur le projet de l’artiste patriote David, s’est passée avec l’ordre, le respect et la décence qu’on devoit attendre de Français devenus libres. Les Commissaires de la fête : Cabaille, Arnaud, Gendrier et Gros. z La Société populaire de Bidache, département des Basses-Pyrénées, écrit qu’elle a célébré une fête le 10 prairial, en l’honneur de l’Être suprême; elle fait hommage d’un discours prononcé par un de ses membres à cette fête; elle ajoute qu’informée des besoins de ses frères de Paris, elle leur envoie 149 livres de jambon et lard qu’elle a retranchés sur sa consommation ordinaire (l). 5 La société populaire de Sauveur-sur-Douve (2) département de la Manche, félicite la Convention sur ses travaux. Elle lui annonce qu’ environ 400 hommes sont sortis du sein de cette petite commune pour la défense de la patrie; qu’elle a envoyé au chef-lieu de son district 20.000 livres de métal de cloches, 1.000 livres de cuivre et 101 marcs 14 onces d’argenterie qu’elle a donnés pour nos braves combat-tans, 302 chemises, 7 paires de guêtres, 82 paires de souliers, 2 habits, 3 sabres, 3 fusils neufs avec leur baïonnettes, et que les propriétaires de ces fusils, âgés de 16 et 17 ans, ont voulu s’en servir eux-mêmes et sont actuellement aux armées. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi aux comités des marchés et approvision-nemens (3). (l) Mon., XXI, 315; J. Paris, n°572; Audit, nat., n° 670; Rép., n°218; J. Fr., n° 669. (2) Ci-dev4 S1 Sauveur-le-Vicomte. (3) P.V., XLII, 168.