[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [48 septembre 1789.] espèce retrouveront des salaires qui les mettront en état de payer le pain au prix naturel, et le gouverne ment" ne sera plus embarrassé aussi dispendieusement d’un détail sans succès. L’Assemblée a décrété que le pouvoir judiciaire ainsi que les autres pouvoirs émanent de la nation , d’où il résulte que les représentants de la nation sont responsables envers elle, que ce pouvoir, le plus essentiel au bonheur des peuples, le plus indispensablement nécessaire au maintien de toute société, soit organisé et puisse être exercé le plus tôt possible pour ramener la tranquillité, sans laquelle, il n’y a point de vraie liberté. Je propose donc qu’il soit décrété avant tout : 1° Qne l’Assemblée nationale s’occupera dès ce jour et sans interruption d’organiser les municipalités, pour les soumettre à l’ordre qu’elle jugera à propos de leur prescrire et rétablir la tranquillité dans les villes; 2° Qu’aussitôt après le travail des municipalités, elle s’occupera de constituer le service militaire et de prescrire la manière dont il doit seconder le pouvoir exécutif; 3° Que le Roi, dépositaire du pouvoir judiciaire, sera supplié d’ordonner sans délai et très-expressément à ses procureurs et officiers délégués dans tous les tribunaux, sous peine à eux de répondre personnellement de leurs négligences, de poursuivre avec la plus exacte vigilance toutes les personnes qui ont troublé ou troubleront l’ordre public; 4° Enfin que l’Assemblée nationale déclare que le Roi est le chef de toutes les municipalités du royaume et de toutes les troupes nationales, comme faisant partie essentielle du pouvoir exécutif, dont l’Assemblée nationale l’a déclaré chef suprême par son décret du 23 septembre. Ge dernier article mérite toute votre attention, étant un des plus essentiels à la liberté et à la sûreté publiques. G’est le vœu du bailliage de Cotentin que j’ai l’honneur de représenter et qui gémit des troubles actuels. J’en fais la motion expresse, et je demande que l’Assemblée prononce sur-le-champ. Lorsque ces objets seront décrétés, ce sera avec infiniment plus de confiance que nous enverrons à nos commettants, et le décret du 26, et l’adresse que vous avez résolu d’y joindre. M. Beauperrey , député d'Evreux , dit que l’Assemblée a déclaré , dans une de ses séances antérieures, que Y abolition des droits de franc-fief serait l'objet d’un décret particulier. Il demande que ce décret soit rendu dans la séance de ce jour et propose de le rédiger de la façon suivante : « L'Assemblée nationale, instruite que malgré son arrêté qui a prononcé l’abolition du régime féodal, les préposés à la perception du franc-fief continuent et multiplent les contraintes et les poursuites contre ceux qui sont soumis à cette contribution, déclare que le franc-fief est supprimé dans tout le royaume ; défend, en conséquence, toute poursuite ; abolit toute contrainte et procédure ; ordonne que le présent arrêté sera porté au Roi pour le supplier de le sanctionner. » M. Tronchet dit que le droit de franc-fief mérite le plus sérieux examen ; il en développe l’origine. Le droit de franc-fief, dit-il, est un droit annuel ; mais la force et la violence ont obligé l’acquéreur à payer vingt années en une seule, 199 et si l’acquéreur ne possède que pendant trois ans, on ne lui restitue pas les dix-sept années suivantes. Il y aura bien des difficultés à prévoir. Votre arrêté du 4 août supprime les fiefs ; il supprime également le franc-fief; cependant il se trouvera, je suppose, un acquéreur qui aura acquis le 3 août : le receveur du domaine le forcera de payer, ce qui est une injustice criminelle, puisqu’il n’a pas joui, et qu’on le fait payer comme s’il avait joui vingt ans. Je pense donc qu’il faut renvoyer au comité féodal la rédaction de cet arrêté. M. Lanjuinais propose l’abolition pure et simple des droits de franc-fief et en même temps l’extinction absolue des poursuites et des procès à raison de cette taxe désastreuse. M. le curé Dillon demande la suppression des intendants de province , comme inutiles, par suite de l’abolition du droit de franc-fief. M. Target distingue les lois relatives à l’impôt de celles qui règlent les droits des citoyens. Les premières peuvent se reporter vers le passé ; les autres n’ont jamais d’effet rétroactif et la nation peut déclarer que le droit de franc-fief est aboli à partir de tel jour. Quoique le décret du 4 août ne soit pas promulgué, il est encore temps d’arrêter une injustice pour les acquisitions faites depuis cette époque. M. Grégoire fait sentir combien ce droit, écrasant par les 10 sous pour livre et par les extensions arbitraires, devient encore plus dévorant par les procès multiples auxquels il donne lieu. M. de Lamrlli. Les commis préposés à la perception du franc-fief attaquent différents particuliers, soit pour un demi-arpent, soit même pour un quartier; l’assignation est donnée devant l’intendant, sauf l’appel au conseil. Or, il y a une foule immense de questions de ce genre portées au conseil. 11 faudrait donc déclarer toutes les procédures commencées à cet égard nulles, et défendre de leur donner suite. M. Glezen. G’est ici que l’on a le droit de se plaindre de ces légions de commis qui infestaient les campagnes, de ces sangsues des peuples, les intendants nés du despotisme; de la justice du conseil, qui peut-être jamais n’a rendu un seul jugement exempt de tout reproche. Tous les suppôts de l’aristocratie avaient formé une conjuration pour faire juger qu’il n’y avait en France aucune terre roturière, et forcer le pauvre paysan, seigneur d'un fief de vingt perches, à payer le droit de franc-fief. Ges exemples de l’injustice des intendants tourmentaient surtout les cultivateurs dans la Picardie, dans la Bretagne et dans toutes les provinces de coutume. M. de Lancosne, député de Touraine demande l’ajournement. L’ajournement est rejeté. M. le Président propose de fermer la discussion, ce qui est adopté. M. le Président prend les voix dans la forme ordinaire et il est décrété : « Que conformément aux décrets du 4 août, les droits de franc-fief sont abolis. »