360 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. Ae Chapelier... et sans interruption de séance, des moyens propres à assurer l’ordre général de l’Empire et de faire que le départ du roi ne cause aucune espère de désordre; et qu’il recommande à tous les citoyens de ne commettre aucune violence, parce que le salut de l’Empire est intéressé dans ce moment au maintien de l’ordre public. (Cette motion est décrétée à l’unanimité.) M. Camus. La troisième mesure consiste à mander les ministres : je la crois indispensable. 11 faut entendre de leur bouche le récit des faits qui sont à leur connaissance, il faut leur donner des ordres, car il y en a nécessairement à leur donner dans un moment tel que celui-ci. Le Trésor public n’est pas un objet à négliger. Il faut savoir aussi si le ministre des affaires étrangères a ou nou quelques renseignements. En un mot, je crois qu’il est très important de les entendre, de les interroger et de leur donner des ordres, parce que c’est vous certainement que cela regarde aujourd’hui. Ensuite, je pense qu’il serait intéressant de prendre quelques précautions relativement au château des Tuileries. Il faut empêcher, ou qu’il ne soit pillé, ou que Ton ne continue à enlever ce qui y est encore. Je demande donc que Ton décrète que les ministres seront sur-le-champ avertis de se rendre à la barre de l’Assemblée nationale; que le département et la municipalité seront tenus de nommer des commissaires pour se rendre également à la barre; que le commandant de la garde nationale sera également averti de s’y rendre ; et que, dès à présent, sans attendre les ordres du commandant, on donne des ordres suffisants, au nom de l’Assemblée, pour mettre le château des Tuileries à l’abri, afin qu’il ne s’y fasse aucun pillage, et qu’il n’y arrive aucun accident. M. Charles de Came&h. Les propositions qui ont pour objet la sûreté publique se succèdent avec une telle rapidité, qu’il faudra que l’Assemblée, une fois qu’elle les aura accueillies, donne un peu de temps et de méthode à les rédiger. Mais je pense qu’il est de la plus haute importance que, sans perdre un moment, le ministre de la guerre ordonne à M. de Rocharn-beau, qui est général de l’armée de la frontière de Flandre, de se rendre à la tête de son armée : car, c’est de toutes les provinces, celle par laquelle il est plus probable que le roi aura été enlevé. Je demande donc premièrement que ce général, sur lequel il a paru qu’on avait très grande raison de compter, qui, d’ailleurs, est expérimenté dans l’art de la guerre, soit envoyé sur-le-champ à son commandement. (Bruit.) Cette mesure, sans doute, est du ressort du pouvoir exécutif; mais nous sommes obligés ici de cumuler les fonctions du pouvoir législatif et du prévoir exécutif. Il est donc nécessaire que nous donnions aux ministres les ordres indispensables et que nous calculions les mesures à prendre. Je demande donc que vous chargiez le ministre de la guerre d’ordonner à M. de Rocham-beau... Un membre : À tous les commandants. M. Charles de Lameth... de se rendre sur-le-champ sur les frontières des départements dans lesquels le commandement des troupes de ligue [21 juin 1791.] lui est confié, et de les mettre en état de défense. M. le Président. Vous avez entendu la proposition de M. de Lameth ; elle n’est pas contestée, je la mets aux voix. M. Ce Chapelier. J’y ferai une addition. Messieurs, je crois que l’Assemblée n’est point propre pour prendre ainsi des mesures, et qu’il voudrait infiniment mieux qu’elle nommât des commissaires pour lui en présenter. (Murmures.) M. Camus. J’insiste pour que tous les ministres soient mandés à la barre. M. d’André. Je demande que vous mettiez aux voix les motions qui ne sont point combattues : car d’articles additionnels en articles additionnels, nous irions jusqu’à midi. Veuillez donc bien, Monsieur le Président, mettre aux voix la motion de M. de Lameth. (La motion de M. de Lameth est mise aux voix et adoptée.) M. le Président. J’annonce à l’Assemblée que les ministres vont arriver. M. Delavigne. Je crois qu’il faudrait aussi que l’Assemblée donnât à l’instant des ordres pour que la plus grosse artillerie de Paris tire de 10 minutes en 10 minutes un coup de canon en signe d’alarme et qu’on fasse tirer de distance en distance un même coup de canon, afin que l’on soit instruit de proche en proche de l’événement qui vient d’arriver. ( Applaudissements .) M. liegnaud (de Saint-Jean-d'Angêly). J’ai l’honneur d’annoncer que le commandant général a déjà donné ses ordres pour les précautions dont on vient de parier. Plusieurs membres parlent dans le bruit. M. le Président. Du calme, du calme, Messieurs. M. Martineau. Je crois qu’il est essentiel de prendre toutes les mesures propres à maintenir le calme et le bon ordre dans le royaume. Mais en même temps je crois qu’il n’y aurait rien de plus dangereux qne d’adopter la motion qui vient d’être faite. Ce serait porter l’alarme, l’inquiétude dans toutes les parties du royaume (Murmures.), sans que Ton sache ce dont il s’agit; les coups de canon n’appren iront pas quelle est la cause de l’alarme, et on fera peut-être tout le contraire de ce qu’il faut faire. Des courriers valent mieux que des canons. M. Goupil-Préfelu. Les coups de canon annonceront que le pouvoir exécutif retourne forcément à sa source. (L’Assemblée devient bruyante.) M. Merlin. Il est incroyable que, dans un moment de crise tel que celui-ci, nous ne nous rappelions pas le douloureux silence que nous avons gardé, il y a deux ans, en pareille circonstance. Ce n’est, Messieurs, qu’en imitant cette même conduite que nous pourrons rétablir le calme et prévenir le malheur dont nous sommes menacés. M. Chabroud. Monsieur le Président, rappe- 361 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791. J lez donc à l’ordre ceux qui entourent le bureau. M. Gombert. Messieurs, agissons donc. M. le Président. Messieurs, on vient de m’annoncer qu’un des aides de camp du commandant général de la garde parisienne, qui avait été envoyé pour savoir quelle route le roi et la famille royale avaient prise, a été arrêté par le peuple; il demande à être entendu par l’Assemblée; il est ici, voulez-vous l’entendre? ( Oui ! oui !) M. Raumeuf, aide de camp du commandant de la garde nationale parisienne , est introduit à la barre et dit : Messieurs, je ne m’attendais pas d’être conduit devant cette auguste Assemblée. On vient de me conduire au comité des Feuillants; et le peuple a demandé que je fusse conduit à l’Assemblée nationale. Voici ce qui s’est passé : M. de La Fayette, ayant appris le départ du roi et de la famille royale, a pris sur-le-champ toutes les précautions qui sont en son pouvoir, afin de savoir quelle était la route qui avait été prise, quels étaient ceux qui les avaient enlevés. En conséquence, il m’a expédié un ordre, qui est actuellement entre les mains de M. le Président, qui porte que je partirai sur-le-champ pour avertir tous les bons citoyens que le roi vient d’être enlevé par les ennemis du bien public, et pour leur ordonner de tâcher de s’opposer à ce départ par tous les moyens possibles, et de le ramener s’il est possible. Au moment où je partais, j’ai été arrêté au bout du pont Louis XVI, par les ouvriers de ce pont. Ils m’ont descendu de cheval malgré moi, ont maltraité également un de nos camarades, M. Curmer, sur le sort même duquel je suis fort inquiet, car il ne m’a pas suivi. Je ne me suis échappé qu’à l’aide de plusieurs bons citoyens qui m’ont environné, et qui m’ont évité quelques coups de pied et de bâton. M. le Président fait lecture de l’ordre donné aux deux aides de camp, par M. de La Fayette; cet ordre est accueilli par de vifs applaudissements. Il ajoute : L’Assemblée nationale m’autorise-t-elle à ajouter à l’ordre que M. le commandant général avait pris sur lui de donner, un ordre particulier de l’Assemblée nationale? ( Oui ! oui !). M. Ranmeuf, aide de camp. Je demande que l’Assemblée pourvoie à la sûreté de mon camarade, qui peut-être en a grand besoin dans ce moment-ci. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angêly). Il faut envoyer deux commissaires de l’Assemblée avec un huissier. M. le Président. L’Assemblée m’autorise-t-elle à envoyer deux commissaires avec un huissier pour mettre les deux aides de camp du commandant de la garde nationale dans le cas de continuer leur mission ? (Oui ! oui ! ) Dans ce cas, je désigne MM. de Biauzat et de La Tour-Maubourg. Un membre : Expédiez donc l’ordre, Monsieur le Président. Un membre : On dit M. de La Fayette arrêté à la Grève par le peuple. Il faudrait envoyer des commissaires. M. le Président. L’Assemblée nationale m’autorise-1- elle à envoyer 6 commissaires pour appeler M. le maire de Paris et M. le commandant de la garde nationale dans J’Assemblée? (Oui ! oui ! ) Je nomme MM. Duport, Le Pelletier-Saint-Fargeau, Salle, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angêly ), Dauchy et Ricard de Séalt. M. de Follevüle. Il serait aussi utile que vous fissiez proclamer, à sonde trompe, le décret que vous venez de rendre et que MM. les officiers municipaux se partageassent dans les différents quartiers, afin que le peuple, voyant votre vigilance, soit rassuré et se contienne. (Applaudissements.) Voici la rédaction de cette mesure : « L’Assemblée nationale décrète que le décret rendu par elle pour la sûreté de l’Etat, et par lequel l’Assemblée nationale a ordonné l’arrestation de tout individu, sera proclamé à l’instant dans tous les quartiers de Paris, par les officiers municipaux, qui se disperseront à cet effet et qui notifieront au peuple que l’Assemblée nationale veillera, sans aucune intermission de séance, afin de concourir au salut de la chose publique, et que le peuple doit, par sa volonté, y concourir et ne gêner... » (Murmures.) Voix diverses : Ce n’est pas cela! •— Si c’est celai (Bruit.) M. Tarbé, ministre des contributions publiques , est introduit dans l’Assemblée. M. Rewbell. Je prie l’Assemblée nationale de conserver le courage qu’elle a toujours montré. M. de La Fayette va paraître ici. Je prie M. le Président de lui demander s’il n’a pas donné, il y a environ un mois, aux officiers de la garde chez le roi la consigne de ne laisser sortir personne après minuit. II y a un officier qui prétend avoir été de garde et avoir reçu cette consigne. Certainement cette précaution était fondée sur quelque motif, et il faudrait savoir si ..... (Murmures à gauche.) M. Rarnave. Je demande la parole avant tout. Plusieurs membres : Faites place, Monsieur Rew-bell. M. Rewbell. Je crois, Messieurs, que vous avez peur... (Murmures prolongés à gauche.) M. Rarnave. J’arrête l’opinant sur les doutes qu’il a paru vouloir répandre. L’objet qui doit nous occuper dans le moment actuel, c’est de sauver la chose publique, de réunir toutes nos forces, et d’attacher la confiance populaire à ceux qui la méritent véritablement. Je demande que l’Assemblée ne laisse pas continuer le discours de l'opinant et qu’il ne soit pas permis d’élever des doutes injurieux contre des hommes qui n’ont pas cessé de donner des preuves de patriotisme.il estdes circonstancesdanslesquelles il est facile de jeter des soupçons sur les sentiments des meilleurs citoyens. (Le calme se rétablit.) Il est des hommes sur lesquels ces circonstances malheureuses pourraient appeler des défiances que je crois profondément, que je jurerais à la face de la nation entière qu’ils n’ont pas méritées. (Applaudissements.) C’est donc en attachant sur ces personnes la confiance du peuple comme elles ont la nôtre