749 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 octobre 1790.] titution ; ne doutant pas d’ailleurs qu’ils ne fassent tous leurs efforts pour concourir, avec les commissaires du roi et le chef de la marine, au rétablissement de l’ordre et de la discipline parmi les équipages des vaisseaux actuellement en armement à Brest. » M. le Président annonce l’ordre du jour pour ce soir et lève la séance à quatre heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 21 OCTOBRE 1790. Lettre de M. GüILHERMY, député de la sénéchaussée de Castelnaudary , à ses commettants (1). Paris , le 22 octobre 1790. Messieurs, après l’incroyable débat qui a eu lieu hier à mon sujet dans l’ Assemblée nationale, je dois vous rendre compte des circonstances qui l’ont amené et du décret qui en a été la suite. L’Assemblée nationale délibérant sur les moyens de rétablir l’ordre dans le port de Brest, avait rejeté à une grande majorité l’étrange proposition de forcer le roi à renvoyer quatre de ses ministres, en lui déclarant qu’ils avaient perdu la confiance de la nation. On s’y occupait de la discussion sur la proposition de changer le pavillon blanc qui jusqu’ici a été le pavillon de France, en pavillon aux couleurs nationales, lequel ne pourrait être arboré sur l’escadre , que lorsque les équipages seraient rentrés dans la plus parfaite obéissance. M. le marquis de Foucault venait de représenter que cette proposition tendait à déshonorer le pavillon blanc, en le signalant comme la cause des désordres; que ce changement serait dispendieux; qu’il mécontenterait peut-être cette foule de vieux et braves militaires qui avaient combattu avec gloire sous le pavillon blanc; qu’il croirait lui plus prudent à V Assemblée de se contenter d'adopter la proposition de M. de Galbert, qui consistait à faire arborer au bout du grand mât une flamme aux couleurs nationales ; lorsque M. de Mirabeau a paru à la tribune, et qu’avec toutes les grimaces d’une feinte fureur, il nous a dit qu’au premier mot de cette étrange discussion, il avait ressenti les bouillons du patriotisme jusqu’à l'emportement. (Heureusement on sait que le patriotisme de M. de Mirabeau est accommodant «t que ses emportements ne sont pas dangereux.) Venant ensuiie à M. de Foucault, M. de Mirabeau a dit qu’il avait été profondément coupable de se permettre seulement de discuter la proposition du changement de pavillon. 11 l’a accusé a avoir méprisé les couleurs nationales. Il n’a pas rougi d’avancer que trois semaines plus tôt, il lui en eût coûté la tête pour sa témérité. Il a osé dire que la couleur blanche était la couleur de la contre-révolution (2), que ceux qui voulaient la conserver (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) J’avoue que je ne comprends rien aux mots révolution et contre-révolution. Je n’entends pas ce qu’on veut nous dire lorsqu’on nous félicite pour la révolution que nous avons opérée, puisque ce serait nous faire injure que de dire que nous avons détruit le gouvernement monarchique que nos commettants nous avaient unanimement commandé do conserver. au pavillon français étaient des factieux , des conspirateurs enhardis par le succès de la veille, et qui se croyaient devenus assez forts pour pouvoir l’arborer; mais que le réveil serait prompt (1). En vain M. l’abbé Maury se présenta pour répondre à un discours aussi incendiaire, l’Assemblée ferma la discussion. J’étais à côté de M. le marquis de Beauharnais, et dans la juste indignation dont je me sentis pénétré, je ne pus m’empêcher de lui dire que M. de Mirabeau qui n’était qu'insolent à la tribune , avait tenu des propos atroces , révoltants , les propos d'un scélérat et d'un assassin. Je n’ai dit que cela, et je ne suis comptable que de ce que j’ai dit, en admettant même que je sois comptable de ma conversation avec M. de Beau-harnais. Ces mots proférés au milieu d’un grand tumulte, conséquemment susceptibles d’être mal entendus, et mal entendus en effet, ont excité contre moi un tumulte encore plus violent. M. de Menou a cru devoir les relever; si j’eusse été l’ami de M. de Mirabeau, j’en aurais été réellement mortifié pour lui. M. de Mt-nou a demandé qu'attendu qu'il était public que j’avais traité M. de Mirabeau de... je ne répéterai pas les qualifications, l’estime et l’attachement que je conserverai toute ma vie pour le brave et loyal militaire dont M. de Mirabeau a l’honneur d’être frère, m’imposent le silence. M. de Menou a demandé que pour la punition de ce prétendu crime, M. le Président fût autorisé à donner de suite l'ordre de m'arrêter provisoirement. Je me suis élancé sur-le-champ à la tribune. A la barre ! à la barre ! criaient quelques députés, avec une fureur et des hurlements qui m’auraient fait presque douter si j’étais devant mes juges. J’ai persisté à soutenir que ma place était à la tribune, et j’ai refusé d’en descendre. J’ai entendu les mêmes voix demander que je fusse jugé sans être entendu, puisque je ne voulais pas parler à la barre, lorsque M. Goupil de Préfeln ayant insisté pour qu’on m’écoutât, je suis enfin parvenu à obtenir une espèce de silence, et je me suis exprimé à peu près dans les termes suivants : « Vous avez tous entendu comment M. de Mirabeau a empoisonné le discours de M. de Foucault, comment il a osé l’accuser d’avoir méprisé les couleurs nationales, tandis que celui-ci n’a pas dit un mot d’où l’on puisse induire ce mépris, et que bien loin de là, en insistant sur les inconvénients qui pourraient résulter du changement de pavillon,- il a appuyé la proposition de M. de Galbert, qui consistait à arborer au haut du grand mât, une flamme aux couleurs nationales (2). « M. de Mirabeau a dit que la couleur blanche était la couleur de la contre-révolution. Il a osé accuser de projets de contre-révolution, ceux qui voulaient la conserver au pavillon français : comme si l’oriflamme blanc, qui est suspendu à la voûte de cette salle, y avait été apporté eu signe de contre-révolution; comme si, de même (I) Pendant que M. de Mirabeau aiguisait ainsi des poignards, un député du même ordre et de la même province que moi, recommandable à plus d’un titre, et connu surtout par la douceur de ses mœurs, un député qu’on n’accusera certainement pas de tenir à aucun parti se précipita de sa place et quitta brusquement l’Assemblée, s’écriant qu’il était impossible de tenir plus longtemps à de semblables horreurs. (2) Il est bien étonnant que personne n’ait remarqué que les couleurs nationales étaient les couleurs d’Orléans. Cette réflexion eût, peut-être, expliqué beaucoup d’énigmes. Au reste, mon opinion est que le choix de la nation annoblit les couleurs qu’elle adopte. tSO [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAI!* Ë S . [21 octobre 1790.] que nos soldais portant là Cocarde aux Couleurs de la nation avaient conservé leurs drapeaux blancs, nos marins portant aussi la cocarde nationale, ne pouvaient pas conserver leur pavillon blanc. » M. de Mirabeau supposant l'Assemblée nationale divisée en deux parties, a cherché à attirer toutes les fureurs du peuplé sur le parti qui n'est pas le sien. « (Ici les partisans de M-. de Mirabeau ont cru triompher, ils Ont paru supposer, certainement bien gratuitement, que j’avais voulu dire qüe le parti dévoué par M. de Mirabeau n’était pas le parti du peuple. Ce triomphe a été de courte durée. J’ai repris et continué mon opinion en ces termes). « Je dis que toutes les fufeurs dü peuple ont été lâchement excitées contre le parti qui h’èst pas celui de M. de Mirabeau ; et certes, le parti de M. de Mirabeau n’est pas le parti du peuple. M. de Mirabeau n’ignore pas combien ce peuple est facile à égarer. 11 devrait se rappeler, qü'il y a peu de mois, il a tenu à peu qu’il n’en fît la triste expérience. « M. de Mirabeau à dit qu’il n’y a pas trois semaines que M. de Foucault eût payé de sa tête sa prétendue témérité. M. de Mirabeau, traitant une partie des membres de cette Assemblée de factieux et de conspirateurs, a dit qu’eubardis par le succès d’hier, ils osaient demander hautement là couleur blanche, et se croyaient assez forts pour l’arborer, mais que le réveil serait prompt. « Je demande s’il est permis de traiter impunément une partie des membres de l’Assemblée nationale de conspirateurs et de factieux ? Je demande s’il est permis d’oser les accuser, sans preuves, même sans présomption, de vouloir tenter ce que M. de Mirabeau appelle une contre-révolution? Je demande ce que signifie cette prédiction, que le réveil sera prompt? Je demande si celui qui, il n’y a pas trois semaines, aurait fait tomber la tête de M. de Foucault, n’aurait point été un assassin ? Je demande, si celui qui aurait conseillé de la faire tomber, n’aurait pas été plus coupable encore ? Je demande s’il est posssible d’exciter le peuple à des assassinats, sans en devenir le complice? Que M. de Mirabeau nous explique ce qu’il a voulu dire, et je serai le premier à lui rendre toute la justice qu’il pourra mériter. « Je viens à la motion de M. de Menou. A la manière dont il l’a articulée, il m’a paru qu’il n’avait entendu que la moitié, que la dernière partie de ma phrase. J’ai dit à M. de Beauharnais que M. de Mirabeau avait parlé de manière à faire assassiner une partie de l' Assemblée ; qu'il avait tenu des propos atroces , révoltants , les propos d’un scélérat et d'un assassin. Pour ce délit, M. de Menou demande que M. le Président soit autorisé à donner sur-le-champ l’ordre de m'arrêter provi-solrementt il ne dit pas quel sera le terme de cette arrestation. M. de Menou veut-il que le procès me soit fait â la diligence de la partie publique? M. de Menou veut-il que l’Assemblée lance contre moi une espèce de lettre de cachet, un de ces ordres arbitraires contre lesquels il s’est tant de fois élevé? Je demandé qü’il s’explique. » M. de Menoü, après avoir prétendu que ma demande avait l’air d’une mauvaise plaisanterie , a affirmé sur sa conscience et sur son honneur, qu'il m’avait entendu qualifier la personne et non le discours de M. de Mirabeau. J’ai répondu que, saiis prétendre affecter ni l honneur ni la conscience de M. de Menou , j'osais soutenir que je n'avais qualifié que le discours et non la personne de M. de Mirabeau, et que je pouvais affirmer que M. dé Menûii avait mal entendu , ce qui n'était certainement pas étonnant , d'après là violence du tumulte au milieu duquel f avais proféré le propos controversé. M. de Menou n’a pas donné d’autre explication, et je suis descendu de la tribune. M. l’abbé de Pradt, qui était assez près de moi lors du propos en question, a soutenu vraie la version que j’en donnais. M. le marquis de Beau-harnais se présentait aussi pour fournir la même attestation, et certes, il était plus que personne dans le cas de rendre témoignage, puisque c’était à lui que je parlais du discours de M. de Mirabeau, lorsque les mêmes personnes qui avaient voulu me forcer à descendre à la barre ont soutenu , par acclamation, avoir entendu mon propos tel que M. de Menou, qui se taisait dans ce moment, frappé sans doute de la justice des observations que j’avais faites sur ce qu’il était bien aisé de concevoir qu’il eût pu mai entendre, tel que M. de Menou, dis-je, l’avait d’abord rendu. Sur quoi, il a été très judicieusement observé par M. le comte de Mirepoix, qu’il était bien étonnant qu’on osât affirmer m'avoir ouï distinctement, au plus fort d’un grand tumulte, et de l’extrémité opposée de la salle, tandis que lui, qui était beaucoup plus près de moi, n’avait rien entendu. M. de Gazalès m’a succédé dans la tribune, et y a pris ma défense avec cette noblesse et cette sensibilité qui ne l’abandonnent jamais. Il a soutenu que s’il avait à justifier le propos qu’on m'imputait, il dirait que l’opinion incendiaire de M. de Mirabeau l’avait provoqué ; que cette opinion contenait la menace la plus directe contre une partie de l’Assemblée qui y avait été désignée au peuple en victime ; qu’il n'y avait pas d'exemple dans notre jurisprudence, qu'un délit verbal fût puni de la prison ; et qu’on ne pouvait même regarder comme un délit, un propos tenu dans un entretien, et d'une manière privée. Interrompu sur ces derniers mots, il a soutenu qu’il n'y avait de public dans l’Assemblée que ce qui était prononcé à la tribune ; enfin, que si l’Assemblée croyait avoir le droit de s'occuper du propos que j'avais tenu, elle pouvait, tout au plus, me rappeler à l'ordre. Ici, M. de Mirabeau qui avait d’abord eu la prudence de demander que l’Assemblée passât à l’ordre du jour, sans s’occuper de mon propos , M. de Mirabeau s’est plaint de ce que d'accusateur qu'il a prétendu avoir droit de se porter, on voulait le faire devenir accusé. Il a dit : que son discours pour la défense des couleurs nationales avait été commandé par le patriotisme leplus pur. Etait-ce pour la défense dès couleurs nationales, qu’il nous avait représenté M. de Foucault, qui ne les avait point insultées, payant de sa tête sa prétendue témérité? Etait-ce pour la défense des* couleurs nationales qü’il nous avait fait un crime du succès de la veille, et qu’il avait osé dire que le réveil serait prompt? M. de Mirabeau a ajouté que si j'avais eu le sang-froid de le prendre pour avotat, il m’aurait défendu beaucoup mieux que je ne m'étais défendu moi-même. D’une manière plus avantageuse pour son amour-propre, cela Se peut; car je ne puis croire que, quoique M. de Mirabeau ne pût se dissimuler combien son discours avait dû exciter d’indignation, il eut eu la bonne foi d’en convenir. Enfin M. de Mirabeau, après avoir essayé de proférer quelques paroles, que l’on pourrait croire de mépris, si l’an nesavait qu’il n’est personne au monde que M. de Mirabeau ait le droit dé mépliser, a fini par demander que lui et moi nous fussions jugés . Deux fois l’Assemblée a été aux voix sur là proposition de M. de Gazalès, deux fois l’épreuve [21 octobre 1790. J [Assemblée nationale.] a paru douteuse. M. Goupil de Préfeln, qu’oh dit ii’avoir pas voté pour moi, soutenait néanmoins que, dans le doute, le décret devait être prononcé en ma faveur, mais cette proposition qui était de là plus exacte vérité, de la plus rigoureuse justice allait donner lieu à une discussion, lorsque pour contenter tout le monde, M. Regnaud a demandé tju’au rappel à l’ordre, on substituât trois jours d’arrêts, ce qui a été adopté. L’Assemblée m’aainsi jugé, mais elle n’a point jugé M. de Mirabeau, car je ne croirai jamais qu’elle ait entendu canoniser son discours. Je rotigis, Messieurs, d’avoir à me plaindre que durant cette extraordinaire discussion, il ait été jeté au peuple, par les fenêtres de noire salle, des billets qui l’exhortaient à venger sur moi, nominativement , la prétendue insulte faite à M. de Mirabeau. En vain, a-t-on voulu faire accroire que cette manœuvre, observée et dénoncée par plusieurs membres de l’Assemblée, et notamment par M. Martin d’Auch, mon respectable collègue, était relative au travail d’un journaliste, qui jetait ainsi ses feuilles à des personnes affidées, etchar-gées par lui de les apporter sur-le-champ à l’imprimerie. Si l’on pouvait élever des doutes sur l’existence des billets dont j’ai parlé, et sur leur contenu, et surtout si de pareils moyens pouvaient exciter en moi un autre sentiment que Celui du mépris, j’invoquerais le témoignage de MM. le comte de Toulouse-Lautrec et comte de Gbambors, membres denotre Assemblée, qui m’ont dit avoir vu ramasser et entendu lire ces billets. J’invoquerais celui de plus de trente autres per-Sotines dignes de foi, qui m’ont été nommées pour l’avoir aussi vu et entendu. Mais ce qui me venge bien complètement d’un procédé aussi lâche et àilssi noir, c’est l’indifférence avec laquelle le peuple a reçu ces avis. Et eu effet, Messieurs, c’est une bien importante nouvelle que M. de Mirabeau nous a apprise, lorsqu’il lui est échappé que trois semaines plus tôt il en eut coûté la tète à M. de Foucault, pour ce qu’il n’avait pas dit. Les temps seraient-ils donc changés, depuis trois semaines? Le peuple sortirait-il de cette profonde léthargie dans laquelle l’ont plongé des factieux qui, l’enivrant d’espérances chimériques dans un temps où il avait des besoins réels, espéraient eux-mêmes le faire Servir à leurs desseins, s’embarrassant ensuite aussi peu de son sort à venir que de sbn état présent? Serait-ce de son réveil, qu’on aurait prétendu nous parler? Sans doute, il sera terrible pour tous ces conspirateurs à qui jl en coûte si peu pour bouleverser des Empires, ët pour qui les larmes et le sang des hommes ne Sont tien, pourvu qu’ils viennent à bout de leurs coupables projets. Il sera terrible pour tous ceux ülii ont pü. croire qu’il leur était permis de se rendre ce peuple favorable, en fattant ses passions èt en encourageant ses penchants. Et si les lois sont encore longtemps muettes, ce peuple aigri par le malheur, réveillé pat le sentiment douloureux de ses souffrances, vengera peut-être sur êtix, par un crime nouveau (1), les crimes qu’ils Tdnt forcé de commettre. Mais ce réveil n’épouvantera pas ce petit nombre de citoyens qui ont constamment bravé tous les dangers pour faire 'cbhnaiti’e là vérité à ce peuple. Ce réVeil n’épou-Vànterà pâs Ceux qui, demeurés fidèles à leurs (1) Je dis par un crime nouveau, parce que quand même il serait prouvé qu’un homme chargé de fonctions publiques aurait trahi les intérêts du peuple, ce ne serait point encore au peuple qu’appartiendrait lé droit de faire tomber sa tête. 751 serments, ont constamment pris pour règle de leur conduite les mandats dont ils avaient été chargés. Et quand même, ce que je suis bien éloigné de croire, quand même ils se seraient trompés sur le moyeu de rendre ce peuple heureux, ils pourraient peut-être lui rappeler qu’aulrefois Manlius condamna son fils à mort, pour avoir contrevenu à ses ordres en combattant malgré sa défense, quoique le succès eût d’ailleurs couronné son entreprise. S’il m’était permis de vous présenter quelques réflexions sur le décret qui a été rendu contre moi, en m’ioterdisant de rechercher si l’Assemblée nationale a le droit de priver une sénéchaus sée, momentanément même de ses représentants, je pourrais demander comment il peut se faire qu’il existe dans cette Assemblée une caste privilégiée, dont les membres aient le droit de se permettre impunément à la tribune, vis-à-vis de l’autre caste, les imputations les plus calomnieuses, les plus odieuses qualifications ? Je demanderais comment, il y a un peu plus d’un an, dans un temps où la majorité passait quelquefois d’un parti à l’autre, ce même homme, qu’hier on m’a accusé d’avoir insulté, enragé de la voir quelquefois lui échapper, osa écrire au président de l’Assemblée nationale : qu’il avaitavec lui quatre cents députés las degémir sous la tyrannie de huit cents, et que s'il ne prenait des moyens pour faire cesser cette oppression , ils en prendraient eux de tels, que les plus doux seraient de la dénoncer au peuple, c’est-à-dire de le tromper encore, et de le porter à de nouveaux excès? Je demanderais comment l’Assemblée nationale, à qui cette menace fut dénoncée, ne sévit pas de la manière la plus éclatante, contre cette violation manifeste de la liberté, dans son sanctuaire meme? Je demanderais comment il a pu se faire que lorsque M. de Foucault s’opposait à la demande d’un appel nominal, dans des circonstances où il représentait que cet appel pourrait tromper le peuple sur les véritables intentions de l’Assemblée, faire attaquer, et dans leurs propriétés et daus leurs personnes, des députés qui, sur la foi d’un congé, étaient tranquilles au fond de leurs provinces, un atroce. Eh bien! ait pu partir du sein de cette Assemblée* et que tous les représentants de la nation ne se soient pas levés à la fois pour dénoncer à la France entière celui qui avait osé le prononcer ? Je demanderais... Mais je m’arrête, je respecte votre sensibilité, que de semblables détails ne peuvent qu’affliger. G’est à vous surtout qu’il appartient de juger si la mienue a pu être coupable. G’est à vous qu’il appartient de juger même les décrets de l’Assemblée nationale. P. S. — Quelques journalistes ont imprimé qu’en me défendant, ma voix était tremblante et mal assurée. Mes amis, au contraire, m’ont reproché, avec plus de justice peut-être, de n’avoir pas pris le tou et la contenance modeste qui couvien* nent à un accusé. Aux reproches de ces derniers, seuls fondés, je répondrai que, sans doute, j’aurais dû montrer plus de modestie si quelques personnes avaient montré moins d’acharnement. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.