732 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 février 1790.] Les nouveaux élus, sont : MM. de Croix, Guillaume et Merlin. M. Durand de Maillane, député d'Arles, après avoir exposé à l’Assemblée que les poursuites faites par le sieur de Bournissac, prévôt général de la maréchaussée de Provence, contre les habitants de la ville et du territoire des Baux (poursuites qu’il avait déjà dénoncées à l’Assemblée dans la séance du 2 de ce mois, et qu’elle avait renvoyées à son comité des rapports pour lui en être rendu compte), avaient la plus grande affinité avec la procédure prévôtale de Marseille, et que même elles étaient encore plus propres que cette dernière procédure à faire connaître les principes d’après lesquels le sieur de Bournissac s’était conduit dans l’exercice rigoureux de ses fonctions, puisqu’au mépris des Ordonnances, il avait poussé la vexation jusqu’à retenir depuis un mois des prisonniers sans leur avoir fait subir interrogatoire, a demandé que l’affaire des Baux et celle de Marseille fussent rapportées conjointement. Cette motion, ainsi que le rapport de M. Durand de Maillane qui l’accompagne (voy. ce rapport annexé à la séance de ce jour ) sont renvoyés au comité des rapports et ce comité est invité à les prendre en considération. M. le Président. L’ordre du jour arrêté hier appelle la discussion sur la constitution militaire. M. le prince Victor de Broglie. La manière favorable, dont vous avez accueilli le travail de M. Charles de Lameth, m’engage à ne pas vous présenter celui que j’ai préparé. Je trouve du plaisir à me rallier à i’opinion d’un collègue dont les succès ne peuvent, m’être ni indifférents, ni étrangers. Je me bornerai à appliquer les principes qu’il a exposés. 1° La paye des soldats français doit être augmentée. Je' ne crois pas que l’augmentation de 20 deniers, proposée par le comité, soit suffisante; et je pense, avec M. de Lameth, qu’elle doit être portée à 32 deniers. Je pense aussi qu’il faut en faire jouir les soldats le plus promptement possible, et qu’avant d'avoir fixé le traitement des officiers, il soit accordé aux lieutenants et sous-lieutenants, qui sont parvenus en passant par tous les grades, un supplément d’appointements. 2° Le code des peines et des délits militaires doit être modifié par des changements analogues à ceux que vous avez adoptés pour le code criminel. 3° L’avancement, en général, doit être fait avec égalité et d’après l’ordre de l’ancienneté de service. Mais les Romains, et avant eux les Grecs, distinguaient les services éclatants et les talents supérieurs de l’ancienneté des travaux. La détermination de la proportion qui doit avoir lieu à cet égard appartient au Roi; elledoit être moindre dans la paix que dans la guerre. M. de La Tour-du-Pin a proposé, dans son mémoire, de destiner la moitié des emplois supérieurs à la vraie supériorité de talents : j’adopte cette opinion; mais je crois qu’il faut, jusqu’au moment où l’armée sera organisée et le mode d’avancement fixé, suspendre les nominations, afin que l’ancienneté obtienne l’avancement dont elle a En vous soumettant ces idées, je n’ai pu me défendre de la timidité que m’impose mon inexpérience. J’en aurais moins, si des circonstances malheureuses ne m’avaient séparé de ceiui qui, pendant soixante ans, a mérité l’estime générale par des vertus et par des succès : maintenant c’est avec tristesse que je prononce son nom : je le prononcerais avec plus de confiance si sa pureté soupçonnée ne me forçait à combattre l’opinion publique qui l’accuse, et qu’ autrefois je n’avais qu’à partager pour le respecter et l’admirer. On applaudit vivement. M. le prince de ttroglie ajoute : Voici Je projet de décret que je soumets à l’Assemblée nationale. « 1° Que le Roi des Français est le chef suprême de l’armée; « 2° Que les appointements des officiers seront augmentés, et que cette augmentation commencera dès le 1er avril prochain ; « 3° Que la paye du soldat de toutes les armes sera augmentée de 32 deniers, à commencer du 1er avril prochain ; « 4° Que les lois pénales militaires seront, dès ce moment, modifiées d’une manière analogue aux changements que l’Assemblée nationale a déjà apportés à la jurisprudence criminelle en faveur des accusés ; * 5° Qu’aucun militaire ne pourra être destitué de son emploi, qu’en vertu d’un jugement légal prononcé par un conseil de guerre ; « 6°. Que d’ici à l’époque où la nouvelle organisation de l’armée sera arrêtée, il sera sursis à la nomination de tous les emplois supérieurs vacants ou qui viendront à vaquer, afin que l’ancienneté obtienne, à la première promotion, les avantages auxquels elle a droit de prétendre. » M. le comte Mathieu «le Montmorency. Il y a longtemps que la France peut se glorifier d’avoir l’armée la plus brave; elle a le bonheur d’avoir aujourd’hui l’armée la plus patriote. L’Assemblée doit la rendre la plus heureuse, la plus économiquement utile, la plus propre à notre sûreté, et la moins propre à compromettre notre liberté... Il faut, dans cette matière, distinguer ce qui appartient au pouvoir constituant de ce qui appartient au pouvoir législatif. Le pouvoir législatif doit fixer la paie de l’armée, consentir lés sommes destinées à son entretien, et permettre ou défendre l’introduction des troupes étrangères. Le pouvoir constituant doit considérer l’armée non pas dans les détails de son organisation, ils regardent le pouvoir exécutif, mais dans ses rapports avec les citoyens, pris collectivement ou individuellement. Sous le rapport des citoyens considérés collectivement, le pouvoir constituant doit établir tout ce qui est nécessaire pour que la liberté publique ne soit pas menacée; il doit reconnaître l’existence des milices nationales, qui ont pris naissance avec la liberté, et qui ne finiront qu’avec elle; il doit examiner si les militaires sont responsables, comme les autres agents du pouvoir exécutif, et si le pouvoir législatif peut statuer sur l’admission des troupes étrangères dans l’armée. Sous le rapport des citoyens pris individuellement, il faut que la liberté du citoyen ne soit gênée par aucune séduction ni violence : l’idée de l’une ou de l’autre porterait une juste défaveur sur l’Etat et sur ses défenseurs. Il est nécessaire d’assurer, par une loi de détail, la loi déjà prononcée sur le recrutement par enrôlement volontaire; mais comme cette forme peut être modifiée par le temps, on doit laisser aux légis-