668 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mai 1790.] arrêté injuste et l’inconvénient d’établir en France un troisième degré de juridiction ordinaire; car, c’est ainsi que j’appellerai le tribunal de cassation, dès que l’accès en deviendra excessivement facile. Ensuite, il est des moyens très simplesd’ouvrir même au pauvre le plus éloigné de la capitale, la voie de cassation contre un arrêt injuste. Pour cela, je ne veux que deux choses: La première est d’interdire toute sollicitation personnelle auprès des juges, et il ne faut pas croire qu’une pareille défense doive nécessairement être illusoire ; elle est très efficace en Hollande, et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas lui donner parmi nous la même efficacité. La seconde, c’est d’étendre atout le royaume, de perfectionner, car on le peut, les procédés qu’on emploie avec le plus grand succès à Nancy et à Douai pour procurer aux pauvres une défense gratuite. Ce n’est pas encore le moment de vous les développer ; mais ils sont tels que je puis vous assurer qu’en rendant le tribunal de cassation sédentaire, pour le bien de la nation, pour le bien de la justice, pour !e bien des justiciables, vous ne vous priverez pas des moyens de faciliter l’abord de ce tribunal à la classe des citoyens qui excite, qui intéresse et qui mérite le plus votre sollicitude. Je conclus à ce qu’il soit décrété que le tribunal de cassation sera sédentaire. M. Goupil de Préfelu. Montesquieu a dit que le pouvoir judiciaire était le plus terrible de tous les pouvoirs entre les hommes. 11 peut en effet attaquer la loi; il peutattaquer la liberté. Anéantir un jugement.ee n’est pas juger : ainsi la cassation n’est pas une partie du pouvoir judiciaire, mais une émanation du pouvoir législatif. C’est par rapport à l’œuvre judiciaire, un hors d’œuvre, une espèce de commission extraordinaire du Corps législatif chargé de réprimer la rébellion contre la volonté générale de la loi. Des magistrats sont rebelles à la loi quand ils jugent contre laloi. Ce tribunal doit-il êtr� uni iue? Oui, c’est le seul moyen de ramener à l’unité les différents tribunaux. Si vous avez un tribunal permanent, toutes les convenances annoncent qu’il sera fixé dans la capitale. Ne craignez-vous pas qu’il ne se fasse une coalition avec les ministres? ne craignez-vous pas que la cour plénière ne se réalise? ne craignez-vous pas que ce ne soit une arme contre la Révolution? ne craignez-vous pas qu’un jour on essaie de substituer ce tribunal au Corps législatif? Le pauvre qui aura obtenu un jugement en dernier ressort se verra obligé de renoncera son droit, parce qu’il ne pourra suivre le riche hors de ses foyers. Si, au contraire, les juges sont ambulants, ils seront pour ainsi dire comme la Providence qui est présente dans tous les lieux. On vous dit que vous introduirez un nouveau degré de juridiction : oui, si vous ne définissez pas l’objet de la cassation ; si vous souffrez que le tribunal usurpe la justice et rende un jugement : mais vous déterminerez le cas, Punique cas de cassation. 11 consiste à réformer le jugement par lequel on aura contrevenu à la loi . Il semble qu’on vous présente dés juges courant coutiuuellement dans toute la France ; je propose des magistrats séant 80 jours dans le même lieu ; ainsi, qu’on se déshabitue de ces exagérations inutiles. On dit qu’il se présentera des causes importantes, des causes qui devront être jugées sur des coutumes locales Ce n’est pas cela : telle loi existe ; elle est conçue en ces termes : Tel jugement a t-il contrevenu à cette loi ? Voilà le jugement en cassation. Il est nécessaire de conserver, de remonter sans cesse le ressort delà justice ; il faut réparer sans cesse le palais auguste de la législation. Ce moyen a manqué jusqu’à présent à toutes les nations modernes: vous pouvez vous le procurer en adoptant le plan que je vais vous soumettre : Art. 1er. « Il sera établi une cour de cassation composée de quatre-vingt-trois juges, dont un sera élu dans chaque département, parmi les citoyens domiciliés dans ce département. Art. 2. « Elle sera divisée en huit sections dont cinq seront composées de dix juges, et trois de onze, en attribuant à chacune des sections un nombre de départements égal à celui des juges. Art. 3. « Chacune des sections siégera alternativement dans deux villes, assignées pour cet effet dans l’étendue du territoire donné à la section. Art. 4. « Les séances des sections se tiendront depuis le 1er mars jusquau 19 mai,etdepuis le25 mai jusqu’au 14 août. Art. 5. « Les demandes en cassation seront faites par une simple requête. Art. 6. « Dans tout arrêt de cassation, on référera en entier la loi qui aura été violée. Art. 7. « Les sections recevront pendant le cours de leurs séances les plaintes sur les abus commis dans l’administration de la justice, et il en sera dressé procès-verbal. Art. 8. « Toutes les sections se rassembleront à Paris le lar décembre et pendant trois mois, pour examiner les lois qui auront souffert des contraventions, et au sujet desquelles il y aura eu des cassations de jugements souverains ; le nombre des cassations sera indiqué. La cour de cassation fera des remarques et observations sur les lois et désignera les augmentations, suppressions et changements qu’elle jugera nécessaire de faire à ces lois. Ce travail contiendra aussi les abus dont chaque section aura eu connaissance. Il sera présenté à la législature. » (On se retire dans les bureaux pour la nomination d’un nouveau président et de trois nouveaux secrétaires.) La séance est levée à 2 heures et demie et renvoyée à demain onze heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du mardi 25 mai 1790 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M.Palasnede Champeaux, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Il ne se produit aucune réclamation. Un de MM. les secrétaires fait la lecture ou l’énumération des délibérations ou adresses suivantes: Adresse de l’assemblée générale des électeurs du département de Maine et-Loire, qui applaudissent aux travaux de l’Assemblée nationale, et l’invitent à les continuer. Délibération du conseil général delà commune de la ville de Mantes, du 15 de ce mois, par la-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.