[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bordeaux.] 397 3° Que dans les diverses manières d’asseoir ce dernier sur les propriétés foncières, produisant fruits annuels, l’impôt en nature sur ces fruits sera indiqué, comme étant le seul peut-être qui réunisse les avantages d’une prestation facile et d’une juste proportion au revenu des contribuables. 4° Que les Etats provinciaux soient spécialement chargés de l’assiette et répartition desdits impôts, avec la faculté de verser directement dans le trésor royal les sommes qui devront lui être remises, et de retenir celles destinées aux frais de l’administration dans chaque province. Art. 2. Mais de quelque manière que soient assis définitivement lesdits impôts, l’ordre de la noblesse charge ses députés de déclarer qu’il renonce formellement à toute distinction à cet égard; qu’il entend les supporter avec la plus entière égalité, soit dans la répartition qui en sera faite, soit dans la forme de les acquitter. Art. 3. S’il était proposé quelque objet de délibération importante, non prévu dans le présent cahier, il est enjoint à nos députés de prendre nos instructions ultérieures à cet égard. Clos et arrêté le 7 avril 1789, à quatre heures de relevée, dans l’assemblée de la noblesse de la sénéchaussée de Guyenne , et par son ordre, en présence de M. le grand sénéchal, qui l’a signé au bas de chaque page, ainsi que le secrétaire et les commissaires, à la fin de celui. Signé Gala-theau, commissaire; le chevalier de Casaux, commissaire ; de Sen tout, commissaire; le vicomte de Segur, commissaire ; le chevalier de Vertha-mon; lechevalier deGautreteau; de La Gorge, commissaire ; le marquis de Mons de Dunes, commissaire; Mabolin-Conteneuil, commissaire; le chevalier Froger de Larigaudière, commissaire ; le vicomte de Pontac, commissaire; Lavie, commissaire ; Ghillaud aîné, commissaire : CAHIER GÉNÉRAL. * Des demandes du tiers-état de la sénéchaussée de Guyenne (1). C’est un exemple bien rare, un spectacle touchant, que celui d’une nation appelée à la liberté par son monarque. Ce bienfait unique, combien n’en renferme-t-il pas? La liberté de l’homme dans la disposition de sa personne, de ses biens et de toutes ses facultés, liberté de l’âme dans l’exercice de sa volonté pour le consentement aux lois, aux devoirs, aux sacrifices qu’elle doit s’imposer; liberté de la pensée dans les écrits publics ; liberté de la parole dans les assemblées nationales ; L’égalité des droits communs dans l’inégalité des rangs et des fortunes ; toutes les classes se rapprochant en trois ordres pour y chercher l’intérêt de tous les citoyens dans le vœu de chacun ; personne n’ayant plus à se glorifier, plus à rougir de sa condition, mais uniquementde ses actions; l’honneur attaché désormais aux talents et le mérite aux vertus, mais attendant leur prix et leur récompense de l’estime de la nation ; les grands à leur tour recherchant la faveur du peuple, par des sacrifices, des monuments ou des services publics; le peuple intéressé par sa reconnaissance à défendre les grands contre les entreprises d’une puissance illimitée : voilà tous les biens que le Français va recevoir d’un Roi qui méritera seul les noms de juste, de bienfaisant et dlami du peuple. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. C’est à tous ces titres que le tiers-état de la sénéchaussée de Guyenne lui jure un dévouement inépuisable, un amour sans bornes, une éternelle fidélité, des sentiments enfin qui passeraient même, s’il était possible, la mesure de sa bonté. Ge sont là les gages de sa confiance et de sa sécurité dans rénonciation de ses nombreuses doléances, et les demandes qui, justement accueil-lies, les feront cesser et disparaître. Constitution. Le tiers-état de la sénéchaussée de Guyenne demande qu’il soit établi une constitution fixe qui détermine irrévocablement les droits du Roi et ceux de-+a nation. Que pour base do cette constitution, il soit statué que les Etats généraux seront convoqués à des époques certaines et invariables dont les termes rapprochés seront fixés par l’assemblée elle-même. Que dans l’intervalle de la tenue des Etats généraux , aucune commission intermédiaire ne pourra les suppléer. Que les élections des députés aux Etats généraux seront toujours parfaitement libres, et les formes de ces élections réglées de manière à conserver à chaque citoyen son droit de suffrage. Que pour assurera l’ordre du tiers-état une influence égale à sa représentation, les délibérations soient prises les trois ordres réunis, et que les voix soient comptées par tête et non par ordre. Que la personne d’un député aux Etats généraux soit déclarée inviolable et sacrée ; qu’il ne soit comptable qu’aux seuls Etats généraux de tout ce qu’il aura pu dire ou faire dans le sein de l’assemblée. Que sur toutes les matières importantes et principalement sur celles qui sont relatives à la constitution, ce ne soit qu’à la troisième délibération prise à jour successif, que le résultat des opinions puisse être définitivement arrêté. L’organisation des Etats généraux ainsi déterminée, le tiers-état demande qu’il soit statué qu’à la nation seule assemblée en Etats généraux appartient le droit de consentir l’impôt et d’en fixer la durée en proportion des vrais besoins de l’Etat. Que nul emprunt ne puisse être faitquedu consentement des Etats généraux, lesquels, en autorisant l’emprunt, indiqueront les fonds qui devront en opérer l’amortissement. Qu’il soit pareillement statué que le concours du pouvoir de la nation et du souverain sera nécessaire pour la formation des lois générales et permanentes du royaume ; que ces lois ainsi faites seront publiées et enregistrées dans les cours souveraines de justice, sans qu’elles puissent apporter à cet enregistrement aucun délai ni modification. Que cependant les règlements de simple administration continueront d’être confiés au conseil du monarque, pourvu qu’ils ne contiennent rien de contraire à la législation générale et qu’ils soient soumis à la révision des Etats généraux. Qu’il soit statué que les Etats généraux seront juges de tous les cas de forfaiture des tribunaux souverains. Qu’il soit reconnu comme loi constitutive de l’Etat que la liberté et la propriété individuelle du citoyen sont inviolables. Que les lettres de cachet et tous les ordres arbitraires soient abolis ; que toute personne arrêtée en vertu d’ordres supérieurs sera dans les vingt-quatre heures traduite devant ses juges naturels et jugée suivant les lois du royaume. 398 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bordeaux.] Que toutes lettres et dépêches confiées à la poste soient regardées comme un dépôt sacré, que le gouvernement ne puisse sous aucun prétexte les intercepter, et que si jamais pareil abus de corn-fiance publique était commis, la lettre ou dépêche interceptée ne puisse être opposée au citoyen qui l’aura écrite ou signée. Que les ministres seront personnellement responsables envers la nation des prévarications par eux commises dans leur administration, et qu’ils seront jugés par les seuls Etats généraux qui détermineront d’avance la forme de procéder à ce jugement. Que les honneurs et grades militaires, les places dans le haut clergé et la magistrature soient accordées au mérite, en sorte qu’un membre du tiers-état, distingué par ses vertus et ses talents, ne soit plus exposé à languir dans les emplois subalternes et à souffrir des exclusions décourageantes. � Avant d’accorder aucun subside et de discuter aucun autre objet d’administration, les députés aux Etats généraux insisteront sur l’établissement de ces différents points de constitution. États provinciaux. Les Etats généraux ne pouvant s’occuper de tous les détails de l’administration de l’intérieur du royaume, le tiers-état de la sénéchaussée de Guyenne demande qu’il soit établi dans la ville de Bordeaux ou dans toute autre de la province, des Etats provinciaux composés des députés des trois ordres dans les mêmes proportions qu’aux Etats généraux. Que ces Etats provinciaux soient spécialement chargés de la répartition égale de l’impôt sur les trois ordres; de l’exécution des arrêtés des Etats généraux et de tout ce qui peut avoir rapport à l’administration intérieure de la province. Que pendant la vacance des Etats provinciaux, il soit établi par eux un comité intermédiaire pour prendre connaissance des plaintes particulières des districts et communautés de la province et des différents objets qui leur seront ultérieurement attribués. Finances et impôts. Qu’il soit fait un examen et une vérification dans le plus grand détail des divers articles qui corfiposent le compte de recette et de dépense des finances de l’Etat. Que dans l’examen des dépenses les pensions non méritées soient supprimées et les excessives réduites. Que les places d’un exercice inutile accompagnées d’honoraires onéreux à l’Etat, soient abolies, et qu’il soit fait une réduction sur les émoluments trop considérables attachés soit à divers emplois même inutiles, soit à des grades ou titres honorifiques. Que la recette soit améliorée par une surveillance scrupuleuse et la plus sévère sur les objets qui la concernent. Que les dépenses nécessaires pour l’administration générale du royaume, notamment celles des divers départements, soient fixées d’aprèsdes états estimatifs. Que chaque administrateur soit responsable envers les Etats généraux des fonds qui lui auront été confiés, qu’il soit assujetti à la publication annuelle du compte de recette et de dépense de son département, dans la forme qui sera prescrite par les Etats généraux. La constitution une fois assurée et le retour périodique des Etats généraux invariablement fixé, mais non sans cette condition, la dette publique existante sera reconnue dette nationale. Que pour l’acquittement de cette dette, il soit pris des mesures sages et convenables à la situation des peuples. * Les Etats généraux examineront avec l’attention que la matière exige la question de l’aliénabilité du domaine et celle de la rentrée du Roi dans les domaines engagés. L’aliénation de ces domaines pouvant être un des meilleurs moyens d’acquitter les dettes de l’Etat, il sera fait une exacte révision des divers échanges de domaines pour reconnaître et réparer les erreurs et les lésions qui pourraient y avoir été commises. Le Roi sera supplié de suspendre sa nomina* tion aux abbayes, prieurés et autres bénéfices ecclésiastiques non essentiellement utiles au culte divin, pour en consacrer le revenu au payement des dettes de l’Etat et au soulagement du peuple. Qu’il ne soit établi aucun impôt sans le consentement de la nation assemblée en Etats généraux et que la durée de l’impôt ne puisse jamais excéder le terme de cinq ans au plus. Qu’au sujet des emprunts, les Etats généraux, qui pourront seuls les autoriser, assignent des fonds suffisants pour le payement des intérêts et qour le remboursement du capital, à deux termes fixés et marqués. Que les Etats généraux prononcent de la manière la plus solennelle et sans aucune réserve l’extinction et l’abolition de la corvée , de la taille, du droit de franc-fief et de tous impôts distinctifs quant à leur nature, à leur dénomination et sous tout autre rapport. Que le don gratuit, qui, dans quelques parties de la sénéchaussée est perçu sous la dénomination de droits réservés , soit supprimé. Qu’il n’y ait qu’un impôt unique établi généralement sur toutes les propriétés, sans distinction ni privilège et sans aucune exception quelconque, et qu’il soit réparti dans la plus juste proportion. Qu’il soit pourvu aux moyens les plus efficaces, pour asseoir une imposition proportionnelle sur les capitalistes, les rentiers et autres possesseurs de richesses mobilières. Qu’il soit fait en conséquence dans chaque paroisse ou communauté un cadastre général des terres, et dans les villes, l’estimation des maisons. Qu’il n’y ait qu’un seul et même rôle, dans chaque ville, bourg ou communauté. Que ce rôle ne puisse être fait qu’en présence de huit commissaires nommés par la communauté assemblée. Que l’impôt ne puisse être perçu que dans le lieu où les propriétés sont situées. Que le fermier soit dispensé de tout impôt relatif à la ferme, le propriétaire payant les charges de la propriété. Que tout manouvrier ou journalier attaché aux travaux de l’agriculture et non propriétaire, soit affranchi de tout impôt. Que les préposés à la perception des impôts ne puissent en exiger le payement qu’à deux époques fixes : la première après la moisson, et la seconde après les vendanges, laissant au cultivateur un temps moral pour que la vente de ses denrées le mette en état de payer l’impôt. Que les frais de poursuite contre les contribuables qui sont en retard soient modérés. Que les huissiers aux tailles soient supprimés, et que les collecteurs soient autorisés à pourvoir [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bordeaux.] 399 à la rentrée des impôts par les voies ordinaires. 1 Qu’il soit établi une forte capitation sur les domestiques mâles, dans les villes, et une taxe sur les voitures et les autres objets de luxe. _ Que les Etats généraux s’occupent à délivrer l’Etat de la gabelle, odieuse au Roi comme à la nation; et si la suppression ne pouvait pas encore avoir lieu, qu’il soit du moins pourvu à l’allégement de cet impôt, tant dans la rigueur du droit que dans la rigueur de sa perception. Qu’on ordonne la suppression des divers droits établis sous le nom de contrôle, insinuation, centième denier et autres; que le remplacement en soit fait par un droit simple et unique et sans distinction des qualités des personnes ; que le tarif en soit clair, précis et à l’abri de toute interprétation vexatoire qu’après deux ans les citoyens soient, à l’abri de toute recherche à ce sujet; que les préposés au recouvrement de ce droit ne puissent en faire lapoursuite que devant les juges du lieu, sauf l’appel aux tribunaux souverains de la province, sans que jamais la juridiction des commissaires départis ou toute autre prétende connaître et juger de ces sortes d’offrande. Administration de la justice. Cette réforme doit porter sur trois objets ..... Constitution des tribunaux, lois, expédition de la justice. La justice sera rapprochée des justiciables, et ce rapprochement pourrait être produit par un retranchement dans les ressorts trop étendus des cours souveraines ou par une augmentation du pouvoir des tribunaux subalternes, ou par la création de nouveaux présidiaux. Le tiers-état demande que le Roi et les Etats généraux veuillent bien prendre en considération la demande que fait le tiers, de la suppression de la vénalité des charges et du remboursement des offices sur le pied de la valeur actuelle. Que nul ne puisse occuper des places dans les cours souveraines qu’il n’ait servi dans les tribunaux inférieurs ou exercé la profession d’avocat pendant un certain temps. Que pour procéder à la réforme des lois civiles et criminelles, il soit établi par le Roi et les Etats généraux différents bureaux de législation, composés de magistrats, jurisconsultes et autres personnes éclairées, prises dans les différentes parties du royaume. Qu’on travaille à la rédaction d’un code de police, qui distingue avec précision les matières qui lui sont propres d’avec celles qui concernent les juridictions ordinaires. Qu’on prescrive l’exécution rigoureuse des ordonnances concernant les faillites; qu’il ne soit accordé aux faillis aucunes lettres de surséance ni sauf-conduit, et qu’il leur soit prohibé de faire aucune acquisition de biens immeubles jusqu’à l’entier payement de leurs dettes. Qu’on supprime toute commission ou évocation au conseil, ainsi que tout droit de commissions accordés aux commensaux de Sa Majesté ou à tout autre. Qu’on établisse l’usage des jurés dans les procédures criminelles, qu’on les rende publiques, et qu’on accorde des défenseurs aux accusés. Que les auditions des accusés et les dépositions des témoins en matière criminelle, ne soient prises par le juge qu’assisté de deux commissaires ou assesseurs. Que les peines soient exactement proportionnées aux délits et qu’on les rende uniformes sans distinction d’état ou de condition ; on détruira ou affaiblira par ce moyen et par tous autres le préjugé qui flétrit les parents d’un homme condamné par la justice. Qu’il soit statué que les juges soient tenus de se conformer à la lettre de la loi, sans pouvoir s’en écarter, sous aucun prétexte, et que tout citoyen sans distinction de rang ni de naissance soit soumis à la loi. Qu’on supprime absolument la question et les cachots ou basses-fosses. Qu’on accorde l’élargissement des accusés en donnant caution, à l’exception de ceux qui seront prévenus de crimes emportant peine afflictive ou infamante. Qu’en attendant un nouveau code criminel rédigé d’après ces vues et ces principes, on prenne des moyens pour faire exécuter l’ordonnance criminelle concernant les décrets de prise de corps, qui compromettent ouvertement la liberté des citoyens domiciliés, par la facilité avec laquelle la plupart des juges en abusent, et qu’il soit permis de prendre à partie les juges qui contreviendraient à cette défense. Qu’il ne puisse être décerné aucun décret sur le simple verbal d’un officier de cour souveraine ou de tout autre juge, et que tout décret soit précédé d’une information, exceptant le cas d’un officier troublé dans ses fonctions. Que les juges se fassent assister de commissaires ou assesseurs pour prononcer des décrets. Que tout officier public interdit dans ses fonctions par un décret soit admis à rendre son audition dans les vingt-quatre heures; qu’il soit enjoint à la cour qui l’aura décrété, de prononcer dans la huitaine sur son interdit, et dans trois mois sur le fond de l’accusation. Qu’il soit défendu de prendre la voie criminelle, lorsqu’on n’aura à demander que des dommages et intérêts, et qu’il soit ordonné de se pourvoir par la voie civile. Que, pour remplir l’objet de la déclaration de 1772 , concernant l’instruction des procédures criminelles, il soit ordonné que la capture et la traduction des prisonniers soient faites aux frais du Roi, et que les procureurs d’office soient tenus de justifier des diligences qu’ils auront faites pour y parvenir. Que dans le même objet, les cavaliers de maréchaussée, huissiers et sergents soient exactement et incontinent payés des frais de capture et traduction, conformément à la déclaration du Roi de 1746, donnée au camp de Ghin, dont la pleine et entière exécution sera de plus fort ordonnée. Qu’on cherche à simplifier les formes dans l’expédition de la justice, en conciliant autant qu’il sera possible la promptitude avec la sûreté et la liberté. Qu’un justiciable ne puisse jamais subir trois degrés de juridiction. Qu’il soit statué que toutes les affaires seront jugées par rang d’ancienneté, sans qu’il soit jamais permis de s’écarter de cet ordre : et comme il est des causes, de leur nature, privilégiées, telles que les cassations d’emprisonnement, les provisions, les affaires de police et autres affaires sommaires , qu’il soit fait des classes particulières de ces sortes d’affaires et qu’il n’y ait que celles-là seulement d’exceptées du tour de rôle. Que le rôle soit publié de telle sorte que chaque citoyen puisse savoir le temps où il devra être jugé-. Qu’il soit accordé aux juges ordinaires, tant royaux que seigneuriaux, le pouvoir de juger en 400 [Élats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bordeaux. dernier ressort jusque à une plus forte somme que celle maintenant fixée. Qu’il soit permis de former opposition envers les jugements par défaut rendus par les premiers juges, en payant les frais contumaciaux . Que les juges des seigneurs soient gradués et résidants dans le lieu de leur juridiction, et que dans les juridictions étendues il y ait toujours un lieutenant ou assesseur. Qu’on exécute littéralement l’édit des criées pour obvier aux abus des procédures décrétales. Qu’en simplifiant les formes et en diminuant les lenteurs autant qu’il est possible, on diminue les frais de procédure; il en est môme qui sont suceptibles d’une réduction prompte, tels que les droits de greffes et du contrôle et des épices, droits excessifs qui dénaturent le bienfait de la justice, que le souverain doit gratuitement à ses sujets. Qu’on diminue aussi les frais de pourvoyance des tuteurs et curateurs et qu’on les supprime entièrement lorsque la pourvoyance sera faite pour procurer le consentement à "un mariage. Que les séquestres établis sur les saisies mobilières ou de fruits, soient pris dans la classe du saisi et que ceux établis pour les impositions royales soient pavés de leurs vacations. Que les pauvres soient exempts d’être séquestres. Qu’il soit établi, quant au contrôle, un droit unique et modéré dont la destination soit d’assurer la date des conventions ou des actes et non de tenir lieu d’impositions. Qu’on supprime le droit annuel de centième denier des offices établi par l’édit de 1771, droit exorbitant dans son taux et d’autant plus injuste dans son principe que les officiers ont tous acheté et payé plusieurs fois, durant les règnes de Louis XIV et de Louis XV, le droit d’hérédité de leurs offices. Que tous les tribunaux d’exception, tels que les eaux et forêts, les élections, les bureaux des finances, les traites foraines , soient supprimés; que les matières dont ils connaissent soient attribuées aux tribunaux ordinaires. Que le prix de ces offices à supprimer soit liquidé et remboursé dans l’année, sur le pied de leur valeur actuelle. Que les offices de notaires royaux ne soient pas si multipliés, pour donner à cet état le degré de considération que son importance mérite, et qu’on ne puisse être reçu qu’après un examen rigoureux. Commerce. Que le commerce intérieur soit affranchi de toutes les entraves et que toutes denrées, marchandises, bestiaux, etc., puissent être transportés librement d’une partie du royaume dans l’autre , sans être assujettis à aucuns droits ni à aucune formalité, saunes objets qui seraient transportés par mer, desquels la destination devra être assurée par des acquits-à-caution, que l’on pourra faire décharger dans un port de France quelconque. Qu'il soit pris des mesures efficaces pour la confection de tous chemins royaux et vicinaux, tant pour la facilité de la circulation de toutes denrées et marchandises que pour la sûreté et la commodité des voyageurs. Que les dispositions du droit public et des ordonnances du royaume soient strictement exécutées en ce qui concerne le lit, les bords et le marchepied des rivières; et comme les habitants de la sénéchaussée de Guyenne se plaignent de plusieurs contraventions à des ordonnances, que toutes celles qui ont été commises soient promptement réparées et qu’il soit pourvu aux moyens les plus propres à les empêcher à l’avenir. L’un des moyens de remplir l’objet ci-dessus a paru être de nommer des commissaires chargés de visiter tous les trois mois les bords des rivières, et autorisés provisoiremeut à faire eulever tout ce qui nuit à la navigation et retarde les embarquements. L’établissement d’un corps d’ingénieurs hydrauliques pour la confection des ouvrages relatifs à la navigation. Que les poids et mesures soient rendus uniformes dans tout le royaume et que l’arpentage des terres se fasse d’après le pied de roi. ,Que le régime fiscal de toutes les provinces du royaume soit uniforme, et qu’il n’existe plus de différence dans la dénomination des provinces, comme celle des provinces à l’instar de l’étranger effectif, des provinces réputées étrangères. Que dans le cas où l’on ne pût pas opérer très-promptement le renvoi des barrières et douanes aux extrémités frontières du royaume, il soit remédié autant qu’il sera possible à tous les abus de la perception des droits qui ne seront pas supprimés. Qu’il soit notamment ordonné que les grains et autres denrées de première nécessité, ainsi que que les bestiaux, soient exempts de tous droits et de toutes formalités dans la circulation d’une province du royaume à l’autre. Que tous les objets qui resteront sujets à des droits quelconques soient classés dans un tarif simple et uniforme, arrêté dans les Etats généraux et assez clair pour ne donner lieu à aucune contestation, et que le droit total soit fixé comme principal et sans qu’il soit question de sol pour livre ni d’autre droit additionnel. Ceux qui font le commerce des papiers et cartons se plaignent encore de l’excès des droits auxquels cette marchandise est assujettie , malgré l’utilité de cette espèce de fabrication, ainsi que des formalités gênantes et dangereuses établies dans la régie chargée de la perception de ces droits. Ils demandent en conséquence que s’il est jugé indispensable de laisser subsister le droit, il soit perçu à la cuve en activité et de la manière la moins gênante pour celui qui le supporte, et que l’on tienne rigoureusement la main à l’exécution des lois qui prohibent la sortie des matières premières. Qu’il soit remédié au dépérissement des tanneries dans le royaume et notamment dans la province de Guyenne, par la suppression des droits sur les cuirs, soit par un régime moins rigoureux pour la perception des droits qu’on laisserait subsister, à raison desquels les détaillistes ne puissent être recherchés, ces droits devant être acquittés par les fabricants, soit enfin par tous autres moyens convenables. Que la sortie des cuirs en vert, hors duroyaume, soit prohibée. Que les tanneries ne puissent être placées dans l’intérieur des villes, comme contraires à la salubrité de l’air. Que le droit de traite foraine qui se perçoit dans les bureaux� de Toulouse, Narbonne, Villeneuve-les-Avignon, Auvillard, sur les denrées et marchandises du cru, ou des fabriques du Languedoc et de la province d’Orange, soit supprimé ou réduit. Que les bois de sapin et de chêne propres pour la mâture et tous autres bois, chanvres, brai,pour [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bordeaux.) 4fl| la construction des vaisseaux, soient exempts de tout droit d’entrée dans le royaume. Qu’il soit permis de réexporter ces mêmes objets à l’étranger. Que les matières premières des verreries soient exemptes de tous droits ; qu’il en soit de même des ouvrages qui en proviennent et que l’exploitation des mines de charbon de terre qui sont dans le royaume, soit encouragée. Que toutes marchandises de fabrique nationale et autres exemptes de droits, ne soient point assujetties à passer dans les douanes et puissent entrer librement dans les villes après une première visite aux portes. Modération et adoucissement dans les droits des aides et particulièrement dans ceux perçus sur les vins. Ce produit important du territoire de notre sénéchaussée languit dans les mains des propriétaires par l’excès de l’impôt, surtout à la sortie de la sénéchaussée, d’où résulte l’insuffisance des débouchés. Que, sous aucun prétexte, les employés de la ferme des aides et de régie quelconque ne puissent faire de perquisitions ni de visites domiciliaires. Qu’il soit attribué aux juridictions consulaires une ampliation de pouvoirs, pour juger souverainement jusqù’à une somme plus forte que celle fixée par l’édit de création. Que l’homologation des concordats en cas de faillite soit rétablie ou attribuée âux juridictions consulaires. Que tous marchands soient admis à la juridiction consulaire. Que la connaissance des affaires relatives au commerce maritime soit rétablie ou attribuée à la juridiction consulaire. Qu’à l’avenir les députés du commerce ne puissent être pris que dans la classe des négociants. Que dans les affaires du commerce portées aux conseils du Roi, soit celui des finances, soit celui des dépêches, il soit appelé six députés du commerce, l’un desquels en fera le rapport. Qu’il soit fait et rendu public» dans tout le royaume un nouveau tarif pour le port des lettres et autres objets par la poste, et qu’il soit pris des moyens à l’effet de réprimer tous les abus en ce genre ; un courrier direct pour la ville de Lyon. Les négociants de Bordeaux fondent cette demande sur le double motif de l’importance des relations de commerce entre ces deux villes et de l’augmentation mise sur le port des lettres qui suffit aux frais de ce courrier. La suppression de la surtaxe des lettres venant des colonies, et qu’il soit pris des moyens tour qu’elles soient rendues le plus tôt possible à eur destination. Que les lettres venant des colonies et qui sont mises à la poste, notamment celles provenant des navires en relâche, ne soient taxées que comme toutes autres lettres mises au bureau de la poste, dans les villes ou lieux de France quelconques d’où elles partent� la surtaxe qu’on a fait payer jusqu’à présent à ceux qui les reçoivent n’étant fondée sur aucun motif raisonnable. Que les directeurs des postes soient tenus de faire parvenir ces lettres à leur destination dans le plus court délai, et qu’il soit suppléé à l’insuffisance de la malle ordinaire. Que le commerce du transit soit favorisé par les moyens les plus convenables. Que l’inspection des manufactures soit confiée à des personnes à ce entendues et versées dans la connaissance de ces matières. lre Série, T. II. Que l’inspection des pêcheries du royaume soif confiée à d’anciens négociants et capitaines ayant fait des armements pour la pêche, lesquels doivent être pris par préférence dans les ports de Dieppe, Granville, Saint-Malo, Bayonne, Saint-Jean-de-Luz et Libourne. Qu’il soit accordé des encouragements aux pêcheries nationales. Qu’il soit pourvu aux moyens les plus propres et les plus efficaces d’obtenir de notre marine marchande qu’elle s’adonne au cabotage dans les ports septentrionaux de l’Europe. Cette branche de commerce manque à l’industrie nationale; elle serait une pépinière de matelots et procurerait à nos ports le moyen de pourvoir les parties méridionales de l’Europe de tous les objets qu’elles exportent de Hollande et d’Hambourg. Que les abus qui peuvent s’être glissés dans les chambres de commerce soient réformés et qu’il soit avisé aux moyens de rendre ces établissements plus utiles à l’avenir. Que les assemblées de commerce puissent avoir lieu sans qu’il soit nécessaire de demander aucune permission à cet effet. Que la franchise des ports de Bayonne, Dunkerque et Lorient soit supprimée. Que tout privilège exclusif soit supprimé, notamment celui de la Compagnie des Indes, et qu’il ne puisse en être accordé à l’avenir. Qu’il soit pris des moyens sûrs pour réserver exclusivement à la métropole, et sans aucun partage avec les étrangers, le commerce des colonies françaises, tant pour fournir à leurs habitants tous les objets dont ils peuvent avoir besoin, que pour extraire tous les produits de leur culture, et qu’il soit pourvu à l’insuffisance des lois qui existent à cet égard. Comme il est juste que les colons ne manquent jamais des objets de première nécessité, on peut y pourvoir en assujettissant tout navire destiné pour les colonies à porter, proportionnellement à son port, une quantité déterminée de poutres, planches et merrain. Que les sirops, les tafias fabriqués dans les colonies, puissent être introduits en France; l’exécution du règlement qui défend le mélange des sirops cuits avec le sucre brut, provenant des cannes. Qu’on veille dans les colonies à l’exécution des ordonnances qui enjoignent aux colons de mettre leur étampe à toutes barriques de sucre brut ou terré et autres balles de coton, afin de prévenir les fraudes trop fréquentes qui, se font dans le paccage des sucres et l’emballage des cotons. Que la fabrication des sucres bruts et leur importation dans la métropole soit favorisée par la suppression des droits d’octroi, sauf à augmenter ceux sur le sucre terré. Qu’il soit avisé aux meilleurs moyens de faire payer l’habitant des colonies, soit par saisie et vente des immeubles, soit par toute autre voie. Qu’il soit défendu de percevoir un prétendu droit d’engagés auquel sont assujettis les armateurs qui expédient des bâtiments pour les colonies, à raison duquel on leur fait payer 360 livres par chaque navire. Qu’un droit qui se fait payer à Bordeaux sur diverses marchandises sous le nom de droit de convoi soit supprimé. Que les armateurs pour les colonies soient dispensés de payer à la caisse des invalides les gages des déserteurs, le préjudice qui résulte pour eux des désertions ne pouvant pas même être 26 402 [Etats gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bordeaux. [ compensé par le faible dédommagement de leurs dépenses pour le remplacement. Qu’il soit pris des moyens efficaces pour empêcher la désertion des matelots dans les colonies, et pour éviter que dans les ports de France ils ne puissent aussi s’évader en emportant les avances. Que le régime des classes soit réformé et amélioré, et que pendant la paix la levée des matelots soit restreinte. Qu’il soit pourvu aux meilleurs moyens de former des npvices et notamment sur les vaisseaux du Roi. Qu’il soit accordé aux matelots au service de Sa Majesté un salaire qui suffise à leurs besoins et à ceux de leur famille et que leur décompte soit fait avec exactitude et célérité et sans aucune retenue. Que les consuls chez l’étranger puissent être pris dans la classe du commerçant. Que les frais et droits de consulat chez l’étranger soient diminués. Que les encouragements et les gratifications accordés pour favoriser une branche de commerce ne puissentêtre révoqués que par la même autorité et d’après les mêmes formes qu’ils ont été accordés. Que les droits de consommation sur le café, lesquels s’élèvent à 16 livres 10 sols par quintal, soient supprimés et remplacés par une augmentation sur le domaine d’Uccident, d’après un relevé exact du produit des droits de consommation. Que la tour de Gordouan soit de nouveau éclairée par le feu de charbon, au lieu de l’être par une lampe en forme de réverbère. Qu’on ordonne le rétablissement des bouées placées deux à deux de l’un et de l’autre côté des passes de la rivière; ces bouées sont des points de reconnaissance et d’indication indispensables au sauvememt des navires et dont la privation a occasionné fréquemment des naufrages. Qu’il soit établi une seconde tour à côté de celle de Ghaniron, pour éviter la méprise commise souvent par les capitaines des navires, qui confondent cette tour avec celle de la Baleine ; cette erreur est occasionnée parla proximité de ces deux tours, parl’égalitédu gisement des terres de l’îlede Ré, où est la tour de la Baleine et de l’île d’Oléron où est celle de Ghaniron. Qu’il soit avisé aux meilleurs moyens de former des pilotes lamaneurs. Qu’il soit accordé à ces pilotes des encouragements propres à les faire aller au-devant des vaisseaux qui cherchent à rentrer en rivière. Que les négociants soient dispensés de rapporter les acquits-à-caution des denrées coloniales exr portées dans l’étranger. Qu’il soit procédé à une révision exacte de tous droits d’amirauté. Que ceux des droits qui sont onéreux au commerce et au cabotage soient supprimés ou modérés, notamment ceux sur les naufrages, et que tous les abus qui se sont introduits dans les amirautés soient réformés. Qu’il soit statué par une loi générale qu’il sera permis de placer l’argent au terme qu’on voudra, soit par contrat public, soit par convention particulière, en se conformant à l'intérêt prescrit par le prince. Le commerce demande la révision du traité de commerce avec l’Angleterre, et réclame contre les articles de ce traité qui lui sont nuisibles et à l’industrie nationale. Que l’introduction des mouchoirs en couleur venus de l’Inde soit défendue comme contraire à la prospérité des fabriques nationales. Agriculture. L’agriculture étant la source des vraies richesses, il importe essentiellement de la vivifier par toutes sortes de moyens. Pour y parvenir, il faut rendre au propriétaire le séjour des campagnes plus agréable, améliorer le sort du cultivateur et accorder des encouragements particuliers à diverses branches d’industrie rurale. Dans cet objet on demandera que tous les droits, impôts et charges publiques qui ne tombent que sur les habitants de la campagne soient abolis. Que si on ne supprime pas le droit de chasse on l’adoucisse du moins. Que les seigneurs puissent seuls en user dans leurs terres et que, conformément aux ordonnances, ils n’en usent jamais dans les saisons prohibées. Que les seigneurs soient tenus de faire détruire les lapins et les bêtes fauves qui ravagent les terres. Qu’on supprime les droits de fuye ou colombiers, parce que les pigeons dévastent les terres ensemencées. Qu’il soit accordé des primes d’encouragement aux laboureurs qui se seront le plus distingués dans leur état. Que l’aîné des enfants de tous les cultivateurs soit exempt du tirage de la milice, que les jeunes gens qui quittent la campagne pour aller servir dans les villes tirent à la milice avant ceux qui restent attachés à l’agriculture. Qu’on supprime la taxe d’industrie que supportent les paysans non propriétaires ; que, dans le pas d’une saisie des fruits peudant par racines, il soit réservé au saisi une partie de ces fruits, blés, vins ou autres, nécessaires pour faire cultiver ses biens. Qu’on accorde des encouragements à la multiplication des abeilles, qu’on s’occupe surtout de la multiplication des troupeaux et de l’amélioration des laines. Un moyen efficace serait de prohiber toute inféodation des terrains communaux et d’ordonner que ceux dont les paroisses ont ci-devant joui leur soient restitués par les personnes qui s’en sont injustement emparées. Que, pour remédier à la disette des bois dont la France est menacée, on’ordonne que toutes les grandes routes seront bordées des deux côtés de chênes et d’ormeaux qui devront être plantés et entretenus par les propriétaires dont les possessions aboutissent à ces grandes routes, et qu’ils en resteront propriétaires. Que, pour invitera multiplier les complanta-tions en bois, on réforme l’ordonnance des eaux et forêts dans toutes les dispositions qui nuisent à la liberté des propriétés, et que tous les vices qui se sont glissés dans le régime de cette partie importante d’administration soient rigoureusement scrutés et corrigés. Qu’on s’occupe du dessèchement des marais et du défrichement des landes; que les avantages que la loi accorde à ceux qui tentent ces défrichements soient augmentés ; que, du moins, sans égard aux prétentions des décimateurs, tous les fonds défrichés depuis 1766, ou ceux qui le seront par la suite, jouissent sans distinction du bénéfice de l’exemption portée par les lettres patentes de 1768, concernant les défrichements. Que les dîmes ne soient plus à l’avenir préle� vées sur les semences et que les décimateurs [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bordeaux.] 403 remettent les pailles au cultivateur, ou du moins qu’ils ne puissent les vendre qu’aux habitants qui auront payé ces dîmes ; que la culture du tabac soit permise, comme elle l’était avant 1719. Qu’on s’occupe essentiellement de l’ensemencement des dunes de sable. Nota. La ville de la Teste observe que la mobilité des sables est le plus grand fléau qui désole cette partie intéressante de la Guyenne, connue sous le nom de petite Lande. G’est par la mouvance perpétuelle de ces sables que se sont formés ces bancs dangereux qui obstruent l’entrée du bassin d’Arcachon, et qui rendent presque inutile un port de la plus grande importance pour la marine royale et marchande, surtout en cas de guerre de la France avec l’Espagne et le Portugal. Les avantages que l’on pourrait retirer du bassin de seize lieues de circonférence qui offre un mouillage excellent, ont été vivement sentis par le gouvernement -, il s’est occupé en différents temps des moyens de dégager ce port des écueils qui le gâtent et de fixer les dunes effroyables qui frappent de stérilité les terrains où elles se sont portées. De tous les mémoires présentés à ce sujet, celui de M. Quemy, lieutenant de vaisseau, a para présenter la méthode la plus sûre et la plus simple, puisqu’il ne s’agit que de complanter les dunes en pins et en autres sortes d’arbrisseaux rampants qui, par leurs racines, donneraient une consistance à ces dunes et fixeraient leur instabilité. L’essai que le gouvernement vient de faire de cet ensemencement des dunes, et qui a parfaitement réussi, prouve d’une manière sans réplique combien il est indispensable de le continuer. Les frais n’en sont pas dispendieux et les avantages qui en résulteraient pour l’Etat sont inappréciables. D’abord ces sables une fois fixés, le port pourrait être nettoyé et devenir un département de marine plus essentiel que celui de Rochefort, les landes fécondées produiraient à la fois et les matières résineuses et les matières que nous allons acheter à si grands frais chez l’étranger. Le port de la Teste serait un point de réunion. Bordeaux et Bayonne pourraient faire des expéditions en temps de guerre avec plus de sûreté et sans crainte d’être bloqués par la plus petite escadre. Cette complantation rendrait à l’agriculture une infinité de terrains précieux dévorés par les sables ou qui sont prêts à l’être. Les marais seraient desséchés et cultivés dès que l’on cesserait de craindre l’inutilité de son labeur. Enfin, cette complantation conserverait une des plus belles et des plus utiles forêts de la province, dont une partie est déjà ensevelie sous les sables et qui dans ce moment en est attaquée de tous côtés. Droits seigneuriaux. La protection due à l’agriculture exige que le cultivateur soit rédimé de toutes les surcharges seigneuriales qui, en le privant des produits de sa propriété, peut éteindre son émulation. Dans cet objet, on demandera que les tenanciers soient autorisés à user de la faculté du rachat des droits de ehampart, agrière, quint et requint, et ce rachat sera exercé sous la réserve d’un cens représentatif de la directe en faveur du seigneur et moyennant une indemnité relative à la valeur réelle du droit de ehampart, agrière, qumt et requint. Pour alléger la condition du tenancier et ne point l’exposer à la perte de ses récoltes, il lui sera libre de percevoir les fruits de ses fonds sans être tenu d’attendre que le seigneur lui en ait accordé la permission, en observant seulement de le faire avertir, ce qui aura lieu jusqu’à l’exercice du rachat. Les droits seigneuriaux qui tiennent du principe vicieux de la féodalité étant infiniment défavorables et ne méritant pas la même protection que ceux qui sont le signe de la tradition du tonds, on en demandera la suppression absolue. Ces droits exorbitants sont : celui de fouage, de corvée seigneuriale, de guet et garde, de boucherie, de banalité des fours ou moulins, de ban-vin, vinade ou mayade, de minage, de péage, soit sur les rivières, soit sur la terre, et on sollicitera la suppression de tous ces droits. On demandera une diminution dans le prix des lods et ventes en général et une abolition totale de ce droit accordé à titre d’indemnité sur la vente des arbres en haute futaie, quelle qu’en soit la qualité et le nombre. Que le droit de précation soit déclaré personnel, qu’il ne puisse être cédé par le seigneur qui ne pourra l’exercer après que les lods et ventes auront été payés à lui ou à ses fermiers. L’article 89 de la Coutume de Bordeaux, qui assujettit le seigneur à exercer le retrait féodal dans la huitaine du jour de l’exhibition du contrat, sera rigoureusement exécuté dans tous les cas ; même lorsque le contrat n’aura pas été exhibé au seigneur et lorsqu’il n’aura pas reçu les lods et ventes, il ne pourra exercer le retrait féodal que dans l’an et huit jours après la prise de possession. Que le droit d’échange, qu’il soit exercé par le Roi ou qu’il ait été cédé à des seigneurs particuliers ou à des gens de mainmorte, soit aboli, à moins qu’il n’y eût dans le contrat une soulte en argent qui lui donnât le caractère de vente, ce droit d’échange étant purement fiscal et ne tenant en aucune manière aux principes qui dirigent les fiefs.' Que les droits de halle et de plaçage sur les foires et marchés soient pareillement* supprimés, ces droits ayant eu pour principe l’obligation qu’a contractée] le seigneur d’y faire observer l’ordre et la police que les seigneurs ou gens de mainmorte doivent gratuitement à leurs justiciables. Que la loi protectrice de la prescription soit admise en matière de droits seigneuriaux, lorsqu’ils n’auront été servis ni reconnus pendant le cours de trente années, et que les seigneurs et gens de mainmorte ne puissent plus faire revivre des titres de directité prescrits par le laps de temps. Que la solidarité entre les tenanciers pour le payement des cens, rentes et autres redevances soit supprimée et que chaque tenancier ne soit tenu de la prestation des droits seigneuriaux qu’à raison des fonds qu’il possède. Que les seigneurs ou gens de mainmorte ne puissent exiger de reconnaissance féodale qu’à chaque mutation de tenancier ou tous les trente ans. Qu’il ne soit permis à aucun seigneur ou gens de mainmorte d’affermer les ports sur les rivières de Garonne, Gironde et autres, pour laisser au commerce et à la navigation toute leur li - berté. Que les seigneurs soient contraints d’abandonner à leurs tenanciers l’usage de leurs coin- 404 [Etais gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bordeaux'.] munaux, pour qu’ils puissent user du droit de pacage. Mendicité et ateliers de charité. Pour extirper la mendicité qui est un des plus terribles fléaux des villes et des campagnes, les différentes communautés de la sénéchaussée ne voient qu’un moyen praticable ; c’est qu’il soit ordonné : Que chaque paroisse nourrisse ses pauvres; qu’il soit établi des ateliers de charité pour tous ceux qui sont en état de travailler. Que, pour subvenir aux dépenses occasionnées par ces établissements et par la nécessité de nourrir les pauvres invalides, il soit perçu sur les impositions de chaque paroisse une somme fixe appelée taxe des pauvres, dont l’emploi et la distribution seront confiés à un bureau de charité composé d’un certain nombre des plus notables habitants de la paroisse. Que cette ressource pouvant être insuffisante, il y soit suppléé en ramenant les revenus ecclésiastiques à leur destination primitive, et que pour cet effet le quart de ces revenus soit consacré au soulagement des pauvres. Qu’on supprime quelques-uns des bénéfices qui ne sont pas à charge d’âme, pour que les revenus qui y sont attachés soient employés principalement à l’entretien des ateliers de charité. Que, pour augmenter encore les fonds destinés à des établissements si nécessaires, le produit des amendes et confiscations pour fraudes et malversations y soit appliqué. Que dans les grandes villes il soit établi des hôpitaux ou hospices dans lesquels les orphelins seront reçus ainsi que les fous ; que ces derniers puissent recevoir dans ces maisons tous les secours qui seront cru propres à les rétablir. Clergé. Le vœu général de la sénéchaussée serait la suppression des dîmes, à la charge de fournir aux pasteurs les moyens de subsister avec décence. Que dans le cas où la suppression des dîmes ne pût avoir lieu, du moins la perception en fût rendue uniforme et fixée au vingtième des fruits actuellement sujets à la dîme, attendu l’augmentation excessive des frais de culture. Que, dans les paroisses où le curé ne perçoit pas les dîmes, ou bien n’en perçoit qu’une partie, le gros décimateur auquel en revient la totalité ou quelque partie, soit contraint à fournir au desservant ce qui sera jugé lui manquer pour son honnête subsistance, si mieux il n’aime abandonner la totalité de la dîme à celui qui supporte le poids du travail. Qu’une fois pourvus des moyens de subsister, convenables à leur état, les curés ne puissent rien exiger des habitants de leurs paroisses sous le nom de casuel. Que les évêques soient soumis à une réduction de leurs revenus immenses et qu’ils soient tenus de résider dans leurs diocèses, dont ils visiteront de temps en temps les différentes paroisses. Objets divers d'administration. Plusieurs villes et le plus grand nombre des communautés et paroisses de la sénéchaussée, ensemble plusieurs corporations de la ville de Bordeaux, demandent la libre entrée des vins de la sénéchaussée dans ladite ville de Bordeaux. Monnaies. . Que les espèces monnayées soient maintenues aux mêmes titre et valeur qu’elles ont actuellement et qu’il n’y soit rien changé sans le consentement de la nation. Corvées. Que la corvée en nature soit supprimée, qü’elle soit remplacée par une prestation pécuniaire assise sur tous les biens tenant en proportion de la valeur de leur propriété, sans aucune distinction d’état, de privilèges ou d’exemptions personnelles. Chemins. Que les troupes de terre soient occupées à ce travail pendant la paix, soit pour les entretenir dans cet état de force et de vigueur qui peut leur faire supporter sans peine les fatigues de la guerre, soit pour laisser aux malheureuses campagnes leurs manœuvres, qui deviennent très-rares et qui sont si nécessaires à la culture des terres. Que les réparations des chemins royaux, ponts et chaussées soient arrêtées chaque année par les Etats provinciaux etqu’elles soient exécutées sous l’inspection du comité intermédiaire. Qu’on s’occupe aussi de la réparation et de l’entretien des chemins vicinaux, si négligés dans cette province et si nécessaires pour faciliter l’exportation des denrées territoriales. Que ces chemins aient au moins vingt pieds de large, qu’il soit défendu à tous propriétaires contigus d’empiéter sur lesdits chemins et que les contraventions à ce sujet soient attribuées aux juges de police et aux officiers municipaux. Qu’il soit pourvu à leur réparation et à leur entretien aux frais de chaque paroisse pour une contribution annuelle également répartie sur tous les habitants sans aucune distinction. Qu’il soit ouvert de nouveaux chemins dans tous les endroits jugés nécessaires par aboutir aux ports et havres des rivières de Garonne et de Dordogne et faciliter par ce moyen la circulation intérieure. Ports et havres. Que tous les ports et havres soient réparés aux dépens de la province. Que, conformément à l’ordonnance des”eaux et forêts de 1669, les bords des rivières soient libres. Marchepied des rivières. Qu’il soit défendu à tous particuliers, même aux seigneurs, d’obstruer les marchepieds des grandes rivières ; que ces marchepieds soient réputés chaussées publiques et entretenus à l’instar des chemins royaux. Peyrats. Que cette multitude de peyrats dont les rives de la Dordogne et de la Garonne sont hérissées soit restreinte à ceux indispensables pour atterrir et pour le chargement ou déchargement des denrées et marchandises. Qu’il ne soit permis à aucun seigneur ou propriétaire riverain de former à son gré des peyrats pour son utilité particulière , que tous les peyrats qui seront conservés appartiennent au public et soient également entretenus aux frais de la province. Milice. Qu’il soit fait un nouveau règlement concernant la milice, lequel assujettira indistinctement au tirage et les villes et les campagnes. [Etats. gen. 1789, Cahiers.] . . ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bordeaux'.] 405 Que l’on soumette principalement au tirage de la milice les gens oisifs et sans profession, les domestiques, les vagabonds, les émigrants des campagnes et les artisans des villes. Que l’exemption du tirage à la milice soit néanmoins accordée aux gens attachés à la charrue, aux fermiers, colons et domestiques des veuves et orphelins habitant les campagnes. Que les habitants des paroisses côtières qui fournissent des marins, soient pareillement exempts de la milice, que les abus qui régnent dans les classes de la marine soient supprimés -, que le despotisme des commissaires des classes et des officiers d’arrondissement soit contenu par des règlements qui préviennent l’arbitraire. Qu’il soit permis aux villes et communautés des campagnes de se rédimerdu tirage à la milice par l’offre 4e miliciens volontaires. Logement de gens de guerre. Que, dans toutes les villes où il y a garnison, il soit établi des casernes suffisantes pour loger les troupes et éviter les vexations et le désordre inséparables du logement du soldat chez •l’habitant. Que, dans les villes et lieux de simple passage, il n’y ait aucune exemption pour le logement des gens de guerre. Que tous les citoyens indistinctement, nobles ou ecclésiastiques, soient soumis à cette charge publique et qui tient à la défense commune ; que les veuves ou tilles vivant seules, en soient dispensées. Etapes , Convois militaires. Que la direction des étapes et convois militaires ne soit plus confiée à des compagnies, que cet objet essentiel à la conservation au soldat et à la célérité du service cesse d’être une spéculation de certains capitalistes, que les officiers municipaux des villes, les syndics des campagnes soient seuls chargés de la. fourniture des étapes et des chevaux et voitures nécessaires à la marche des troupes ; qu’aucune personne, de quelque qualité qu'elle soit, ne puisse se refuser sur leur mandement à contribuer aux besoins de ce service militaire. Que la paye du soldat soit augmentée. Police majeure. Que les ordonnances de police concernant les accaparements soient exécutées dans toute leur rigueur; que tout monopole sur les grains et objets de première nécessité soit sévèrement surveillé et puni. Que les officiers municipaux et autres préposés à la police des foires et marchés soient spécialement chargés d’empêcher ces hausses subites, occasionnées par des personnes interposées et suspectes. Que, dans les villes et paroisses où la taxe du pain a lieu, les fourlaux soient arretés d’après le prix moyen de tous les grains vendus, soit dans les marchés, soit dans les magasins particuliers des marchands. Que, pour la sûreté publique et le maintien du bon ordre dans les campagnes, les maréchaussées soient augmentées; que chaque brigade soit rapprochée et composée au moins de six cavaliers ; que leurs tournées sur les grands chemins, dans les routes et habitations écartées soient plus fréquentes. Qu’il soit pourvu à l’entretien des maréchaussées de manière que leur service soit entièrement gratuit, qu’il leur soit prohibé d’exiger aucuns salaires pour leurs courses et lorsque les officiers de justice et de police requerront leur assistance. Que dans les paroisses où il n’y a pas de juge de police, il soit choisi tous les"ans, trois des plus notables et anciens habitants du lieu pour veiller aux désordres momentanés, maintenir la pureté des mœurs et juger sans frais toutes les petites contestations sommaires dont l’objet n’excédera pas 10 livres. Port d'armes, Que les chefs de famille dans les campagnes puissent avoir dans leurs maisons des armes à feu, soit pour se défendre contre les attaques nocturnes des brigands, soit pour garantir leurs personnes et leurs propriétés des animaux nuisibles, et surtout du dégât des bêtes fauves. . Chirurgiens. Que, pour l’intérêt de l’humanité, il soit défendu à toutes personnes d’exercer la médecine et la chirurgie dans les campagnes, sans être approuvées par les collèges de médecine et de chirurgie du royaume. Que ces mêmes collèges apportent plus de sévérité dans l’examen des élèves qui se destinent à ces professions honorables et utiles. Que l’homme estimable qui se consacrera à l’exercice de la chirurgie dans les campagnes et prêtera des secours gratuits aux pauvres, soit distingué par quelque encouragement. Suppression des fêtes. Que, pour donner plus d’activité à l’agriculture et augmenter les moyens de subsistance de cette classe nombreuse de citoyens qui ne vit et n’alimente sa famille que du produit d’un travail journalier, le nombre des rêtes de l’Eglise soit diminué ; que les dimanches et les fêtes annuelles soient seuls consacrés au culte des autels et à un repos nécessaire. Collèges. — Éducation. Qu’il soit formé par les Etats généraux un nouveau plan d’éducation nationale; qu’au lieu de cette ancienne méthode pratiquée dans nos collèges qui consume les premières années de l’homme dans l’étude aride d’une langue morte, il soit établi des maisons d’instruction, où la religion, la morale, les belles-lettres, les langues, les sciences, l'histoire, le droit des gens et le droit naturel, trouveront les enseignements qui conviennent au temps présent, à la chose publique et aux sujets d’un grand et riche empire. Mœurs. — Luxe. L’ordre du tiers-état de la sénéchaussée de Guyenne terminera ses demandes et doléances générales en représentant aux Etats généraux combien il serait important de travailler à la réformation des mœurs publiques, d’arrêter par des lois somptuaires cette propension générale au luxe qui a gagné et confondu tous les états; de considérer que le luxe peut donner quelques instants de l’éclat à une monarchie, mais qu’il énerve nécessairement les principes de sa puissance.