j34 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 août 1791.] L’Assemblée a décrété que la monnaie de cuivre alors existante serait distribuée dans Paris dans un seul emplacement sous la surveillance du directoire du département. L’emplacement a été formé dans la vieille rue du Temple, et l’on s’est déterminé pour cet emplacement, parce qu’il était plus à la proximité du quartier où les besoins étaient les plus pressants et où le petit peuple désirait avec le plus d’instance d’avoir de la petite monnaie. En second lieu, l’Assemblée nationale aurait-elle décrété que cette distribution serait faite dans un plus grand nombre d’établissements, qu’il aurait été impossible d’obéir à son décret et d’effectuer cette distribution. En effet, pour échanger la monnaie de cuivre ou toute autre monnaie, il faut qu’elle soit en proportion suffisante pour que plusieurs échanges puissent être faits à la fois dans plusieurs établissements répandus dans la capitale, de sorte que l’objet de la sollicitude de l’Assemblée est maintenant de décréter une monnaie qui puisse être échangée contre des petits assignats. Votre comité des monnaies s’est réuni hier ; il a préparé un travail qu’il peut vous proposer pour la fonte des cloches. Je crois donc qu’il est à propos de l’entendre dans ce moment, et en adoptant ses vues on se retrouvera bientôt à même de remplir les vues des citoyens et par conséquent les désirs de l’Assemblée. (L’Assemblée renvoie la pétition des citoyens de Paris au comité des finances pour l'examiner et en faire le rapport.) M. Delavlgne. Voici, Messieurs, le décret du 13 juin dernier relatif à M. de Condé; il est compris dans votre décret général sur le serment à prêter par les officiers et sur les mesures propres à rétablir la tranquillité dans le royaume et il forme les articles 15, 16, 17, et 18 de ce décret. Voici ces articles : Art. 15. L’Assemblée nationale décrète que son Î résident se retirera, dans le jour, par devers e roi pour le prier de faire notifier, dans le lus court délai possible, à Louis-Joseph de ourbon Condé, que sa résidence près des frontières, entouré de personnes dont les intentions sont notoirement suspectes, annonce des projets coupables. « Art. 16. Qu’|. compter de cette déclaration à lui notifiée, LoorS-Jb'epb de Bourbon Condé sera tenu de rentrer dans le royaume dans le délai de 15 jours, ou de s’éloigner des frontières, en déclarant formellement, dans ce dernier cas, qu’il n’entreprendra jamais rien contre la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par le roi, ni contre la tranquillité de l’Etat. « Art. 17. Et à défaut par Louis-Joseph de Bourbon Condé de rentrer dans le royaume, ou, en son éloignement, de faire la déclaration ci-dessus exprimée, daus la quinzaine de la notification, l’Assemblée nationale le déclare rebelle et déchu de tous droits à la couronne, le rend responsable de tous les mouvements hostiles qui pourraient être dirigés contre la France sur la frontière. « Décrète que ses biens seront séquestrés, et que toute correspondance et communication avec lui ou avec ses complices ou adhérents demeureront interdites à tous citoyens français, sans distinction, à peine d’être poursuivis et punis comme traîtres à la patrie; et dans le cas où il se présenterait en armes sur le territoire de France, enjoint à tous citoyens de lui courir sus, et de se saisir de sa personne, ainsi que de celle de ses complices et adhérents. « Art. 18. Le roi sera prié d’ordonner aux départements, districts, municipalités et tribunaux, de veiller d’une manière spéciale à la conservation des propriétés de Louis-Joseph de Bourbon Condé. » Vous voyez, Messieurs, d’après ce décret, que le délai seul que vous avez fixé a déclaré ce qu’il faut faire. Je demande en conséquence que l’Assemblée se fasse rendre compte, par le ministère chargé de l’exécution de ce décret, de ce qu’il a fait et dû faire. M. Fréteau-Saint-Just. Ce que M. Delavigne demande a été fait. Le ministre de la justice est venu et a présenté à l’Assemblée l’unique compte qu’il put faire, l’espèce de récit signé de M. Dti-veyrier qui se trouve annexé à la minute du procès-verbal de l’Assemblée. Vos 6 comités ont pensé qu’aucun homme ne pouvait douter que M. de Condé n’ait reçu la notitication du décret par l’organe de M. Duveyrier. Pour prononcer, il faut deux choses : d’abord, que le fait d’après lequel on prononce un jugement soit manifesté au tribunal qui prononce dans les formes de la loi. Il faut ensuite que le tribunal puisse et veuille prononcer. Or, sur ces deux points-ià, voici la difficulté. Ordinairement, dans les tribunaux, on ne prononce pas une peine sans qu’il y ait un témoignage; et quelque certain, quelque respectable que soit celui qui résulte d’une déclaration écrite et signée d’un homme revêtu d’un caractère, tel u’était revêtu M. Duveyrier, qui n’est parti de rance qu’avec une commission scellée du sceau de l’Etat, cependant, on ne reçoit pas une simple déclaration, donnée spontanément au tribunal, sans que le témoin ait été assigné et assermenté. {Murmures.) Voilà donc ce que les comités se sont dit à eux-mêmes. Si l’Assemblée 6e croit en droit de prononcer l’exécution, contre M. de Condé, des dispositions pénates comprises dans les décrets des 11 et 13 juin, on prendra Ja déclaration de M. Duveyrier, sous la foi du serment, et l’Assemblée prononcera. (Murmures.) Ensuite on a dit : mais l’Assemblée nationale qui aura jugé M. de Coudé, qui aura prononcé la disposition générale contre lui, devra aussi prononcer un jugement contre ses complices < t adhérents. Cependant, il n’est pas dans l’intention de l’Assemblée de s’ériger en tribunal et surtout en tribunal à séances continues contre tous les complices de M. de Condé. En conséquence, voici le résultat qui fut goûté par beaucoup des membres dans les comités. Nous sommes eu droit de prononcer le séquestre des biens, et l’Assemblée peut prononcer et mettre M. de Condé en état d’arrestation. Aucun citoyen ne doute qu’il y ait du louche sur la conduite de M. de Condé. Il n’a pas déclaré en rentrant dans le royaume qu’il se soumetlait à la Constitution ; par cela même il est coupable. Chacun de nous sent an fond du cœur le cri du devoir qui le lie. Mais M. de Condé a été astreint par le décret à deux déclarations : 1° celle parlaquelle il assurerait à la nation que jamais il ne ferait rien contre la tranquillité de l’Etat; 2° celle par laquelle il assurerait la naiion que jamais il n’attenterait à la Constitution française. GVst à l’occasion de ces dernières dispositions que l’on avait commencé à agiter la question de savoir comment ou libellerait votre décret. 135 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 août 1791.] Messieurs, cette espèce de difficulté dans la rédaction avait déterminé vos comités à suspendre jusqu'au moment où l’on aurait pu voir la Charte nationale soumise à ladélibération del’Assemblée. Cependant si l’on veut prononcer aujourd’hui le séquestre, il n’y a point l’ombre du doute. Mais, si l’Assemblée veut déclarer que les autres peines sont encourues, il faut qu’elle ouvre là-dessus sa délibération, parce qu’il y a des limitations et des difficultés sur la rédaction du décret relativement aux complices et adhérents qu’il faut détacher de la condamnation d’aujourd’hui pour les renvoyer à Orléans, si vous n’y renvoyez pas même M. de Condé. Remettez donc à demain, chargez vos comités de rédiger le projet de décret* si vous voulez, mais ne vous engagez pas à adopter un libellé qui peut avoir des suites aussi fâcheuses. (L’Assemblée, consultée, renvoie aux comités de constitution militaire, de jurisprudence, des re-cherches et diplomatique réunis, avec recommandation d’en faire leur rapport au premier jour, les divers es observations et demandes concernan t : 1° les mesures à prendre pour l’exécution du décret du 13 juin 1791 relatif à M. de Condé; 2°lts traitements éprouvés par M. Du veyrier, dans la mission dont il a été chargé pour le lui notifier.) M. Belzais-Courmenü, au nom du comité des monnaies. Messieurs, vous avez adjoint 6 nouveaux membres à votre comité des monnaies et les lumières qu’ils y ont apportées nous ont été d’un grand secours. Le 26 mai dernier, vous avez décrété que le métal des cloches serait fondu et employé à la fabrication d’une même monnaie. Plusieurs motifs vous ont déterminé à rendre ce décret; vous avez pensé tout d’abord que c’était un moyen de faire promptement une grande émission et par conséquent de venir promptement au secours de la chose publique. L’expérience qui vient toujours trop tard nous a fait apercevoir que ce mode de fabrication n’était pas sans inconvénients et que le plan qui nous avait paru très bon à première vue était défectueux dans certaines de ses parties. On a reconnu que la monnaie faite avec le métal des cloches était cassante, qu’elle était de plus susceptible d’être contrefaite par tout le monde, parce que rien n’est plus aisé à faire que le coulage de la monnaie; on s’est aussi aperçu qu’il était très facile d’avilir la matière et de l’imiter avec une combinaison de différents métaux très peu coûteux. Votre comité a pensé qu’il serait possible d’éviter tous ces inconvénients en alliant une certaine quantité de métal d’un prix plus élevé à la matière des cloches qui pourrait par ce moyen surporter le balancier. Plusieurs expériences ont été faites, mais une seule a produit des résultats satisfaisants; elle consiste à joindre une certaine quantité de matière des cloches à une partie égale de cuivre pur. 11 résulte de cet alliage un métal qui supportera parfaitement le balancier, le laminoir, et qui vou3 produira une monnaie abondante, impossible à contrefaire, et qui le disputera à toutes les monnaies de cuivre actuellement existants en Europe. Avant de vous lire le projet de décret que je suis chargé de vous soumettre, je dois faire part à l’Assemblée de l’acte de civisme et de générosité accompli par M. Duvivier. Gomme la place de graveur général des monnaies se donne au concours, M. Duvivier qui occupait autrefois cette place ne l’a point obtenue; aussitôt qu’il ên a été instruit et qu’il a appris que la confection de poinçons et de matrices pouvait apporter du retard dans la fabrication de la monnaie, il s’est empressé de faire hommage de son poinçon et de sa matrice afin d’éviter toute lenteur préjudiciable au bien public et il n’a pas hésité à faire lui-même l’éloge du graveur que le concours lui avait substitué et à se concerter avec lui sur les moyens d’exécution des opérations nouvelles : cette conduite est digne des plus grands éloges. ( Vifs applaudissements ). M. Delà vigne. C’est à moi que M. Duvivier s’est adressé pour me prier d’annoncer au Comité l’offre qu’il faisait ; je demande non seulement que mention honorable de sa conduite soit insérée dans le procès-verbal, mais encore que l’Assemblée lui témoigne sa satisfaction par l’organe de M. le Président. ( Vifs applaudissements.) (L’Assemblée charge M. le Président d’écrire une lettre à M. Duvivier pour lui transmettre le témoignage de la satisfaction que son dévouement à la chose publique lui a inspirée.) M. Belzaig-Courmenil, rapporteur , Voici, Messieurs, le projet de décret que vous présente votre comité des monnaies : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des monnaies, tant sur les moyens d’exécution de son décret du 26 mai, sur l’emploi en monnaie du métal des cloches, que sur le résultat des expériences faites sür le départ de cette matière, décrète ce qui suit s Art. 1er. « La fabrication d’une menue monnaie avec le métal des cloches aura lieu, Bans délai, dans tous les hôtels des monnaies du royaume. Art. 2. « Le métal des cloches sera allié à une portion égale de cuivre pur, et les flaons qui en proviendront seront frappés. Art. 3. « Gètte monnaie sera divisée eü pièces de 2 sols à la taille de 10 au marc; eü pièces d’un sol, à celle de 20 au marc ; et en pièces de demi-sol, à celle de 40 au marc. Art, 4. * Les poinçons et matrices pour la fabrication des pièces d’un sol pourront être fournis par le sieur Duvivier, suivant ses offres, et il sera tenu compte à cet artiste de sês fournitures, au prix qui sera fixé par l’administration des monnaies, Art, 5, « Les directoires des départements tiendront à la disposition du ministre des contributions publiques les cloches des églises supprimées dans leur arrondissement. Art. 6. « Le ministre des contributions prendra les mesures convenables poür procurer incessamment aux divers hôtels des monnaies le cuivre nécessaire, soit par le départ d’une partie du métal des cloches, soit en truitâfit avec les manufactures; et il rendra compte chaque semaine à l’Assemblée nationale de l’état de la fabrication.