488 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. et de dooner des preuves de leur attachement à la Constitution, et de leur dévouement à la chose publique. Je rappellerai enfin que le 8 juillet, avant que les ordres de l’Assemblée pour l’expulsion des gens sans aveu fussent parvenus dans celte ville, la municipalité avait ordonné à tous les gens sans aveu et vagabonds de se retirer dans les 24 heures ; qu’en exécution de cette ordonnance, un nombre considérable d’étrangers avaient été arrêtés et constitués prisonniers ; que journellement la municipalité renvoie plusieurs de ces vagabonds dans leur pairie, lorsqu’ils sont avoués par les consuls de leur nation, et qu’elle fait poursuivre ceux qui ne sont pas avoués, et qui ont été reconnus suspects, et qu’enfin les tribunaux travaillent sans relâche à ces procédures. D’ailleurs, pour détruire entièrement les calomnies absurdes répandues jusqu’à ce jour, je vais donner lecture à l’Assemblée de la lettre que la députation vient de recevoir en ce moment de la municipalité : « Nous vous avions informé de la demande que nous avaient faite MM. les commissaires médiateurs de la France entre les peuples d’Avignon et du Comtat-Venaissin, de leur fournir un détachement de 300 gardes nationaux de Marseille. Nous nous empressons de vous faire savoir que ce détachement est parti ce matin, 15 juillet, sur les sept heures, avec armes et bagages, deux canons et un chariot couvert. M. Dillers, deuxième chef de l’armée marseillaise, recommandable par son mérite personnel, ayant été élu par acclamation colonel de ce détachement, est parti à la tête de cette petite armée dont il a toute la confiance et dont il est bien vu. Nous avons tout lieu d’espérer que ce détachement se conduira à la satisfaction de MM. les commissaires et soutiendra l’opinion avantageuse que les Français ont du zèle et du patriotisme des Marseillais. « L’anniversaire de la Fédération fut célébrée hier dans notre ville avec toute la solennité possible; le nouveau serment décrété par l’Assemblée a été prêté avec enthousiasme. Le régiment d’Ernest, Suisse, le corps de la marine, les corps administratifs, les patrons pêcheurs et la gendarmerie nationale l’ont également prêté. » Pour donner la plus grande publicité à tous ces faits qui sont plus que suffisants pour détruire entièrement la calomnie contre laquelle je me suis fait un devoir de protester, je prie l’Assemblée d’ordonner qu’il sera fait mention dans le procès-verbal des observations que je viens de présenter et que mention honorable y sera également faite de la conduite de la municipalité de Marseille dans les diverses circonstances que je viens de rappeler. (Cette motion est adoptée.) Le sieur Lagardette, architecte, citoyen et grenadier volontaire de Paris, est admis à la barre et fait hommage à l’Assemblée du dessin d’un cénotaphe à élever en l’honneur de Mirabeau, ouvrage qui a été couronné par l’Académie ; il prononce le discours suivant : « Messieurs, « A l’époque où la France perdit Mirabeau, l’Académie d'architecture proposa à ses élèves, dans l’un de ses concours, le projet d’un cénotaphe à élever en son honneur. « Mes talents, faibles encore, mais animés, sans doute, par la reconnaissance que tout 121 juillet 1791.] Français doit à ce grand homme, parurent en ce moment s’élever à la hauteur du sujet, et l’Académie me décerna le prix. « Tout ce qui tend à honorer la mémoire du rare génie qui déploya ses talents au milieu de vous, doit espérer d’en être favorablement accueilli. « Pénétré de ce sentiment, je viens, Messieurs, vous présenter un dessin de mon projet. Agréez mon nommage ; et le prix que j’ai reçu m’en deviendra plus honorable: déjà même il m’est précieux, puisqu’il me fournit l’occasion de renouveler devant vous le serment de vivre et mourir pour le maintien de la Constitution. » (Applaudissements.) M. le Président répond en ces termes : « L’Assemblée nationale se fait un devoir d’encourager les arts. Ceux qui se distinguent dans cette carrière méritent d’être particulièrement honorés lorsqu’ils emploient leurs talents à perpétuer la mémoire des hommes chers à la patrie. Le professeur célèbre qui a conçu l’idée de proposer pour sujet de concours un monument à la gloire de Mirabeau, et l’artiste dont le plan a mérité le prix au jugement de l’Académie, ont des droits à la reconnaissance de la nation. « L’Assemblée nationale vous offre les honneurs de la séauce. » M. Defermon, président , prend place au fauteuil. Une députation de la société des amis de la Constitution de Sedan est introduite à la barre. L’orateur de la députation s’exprime ainsi : « Augustes représentants, « Le bruit des derniers troubles qui ont agité la capitale s’est fait entendre jusque dans nos forêts. Les habitants des Ardennes sont indignés de la fureur des factieux qui veulent égarer le peuple ; et, loin de se livrer à ces manœuvres coupables, les amis de la Constitution de Sedan nous envoient déposer dans votre sein paternel l’expression des sentiments de concorde dont ils sont pénétrés. Les administrateurs du district, ainsi que les officiers municipaux, ont adhéré avec empressement à la mission qui nous avait été donnée par les membres d’une société dont ils estiment les principes et le patriotisme, et dans lesquels ils ont toujours reconnu la soumission ta plus entière à la loi, et un respect absolu pour les principes établis par la Constitution. « L’union entre tous les citoyens de notre ville, et le calme intérieur dont nous jouissons, ne suffisent pas à nos vœux; les vrais amis delà liberté seraient répréhensibles s’ils gardaient le silence sur quelques précautions à prendre contre les dangers qui les environnent. Nos frun-tières sont menacées ; et si les frontières fléchissent, la France serait peut-être bientôt forcée de tomber aux pieds des tyrans. « Mais ne croyez pas, Messieurs, que les observations importantes et détaillées dont nous demandons le renvoi au comité militaire, soient produites par ces vaines terreurs qui affectent les esprits faibles, et leur font paraître les plus petits objets comme d’effrayants fantômes : jamais ces mouvements pusillanimes n’ont agité nos âmes ; et toutes les fois qu’on a sonné l’alarme, on nous a vus courir aux postes les plus périlleux. « Nous ne demandons point, Messieurs, les précautions qui remplacent le courage, mais seu- [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |21 juillet 1791. J 489 lement celles qui aident ses efforts, et assurent ses succès. Nous vous offrons des milliers de bras pour défendre la patrie, et pour maintenir cette Constitution admirable, qui est l’espoir des peuples et l’effroi des tyrans. Nous voulions une Constitution libre : vous nous l’avez donnée; et nous la défendrons. « L’esprit public a fait autant de progrès sur nos montagnes arides, que dans les plus fertiles campagnes. Villageois, citadins, nous sommes tous armés pour la liberté ; mais nous ne pouvons plus être commandés par des traîtres : la dernière trahison a développé dans tous les cœurs le germe de la méfiance. Vous pouvez, Messieurs, dans le département seul des Ardennes, disposer d’une quantité innombrable de citoyens courageux; mais ils vous demandent des chefs vraiment patriotes ; et tel est notre respect pour la loi, telle est notre confiance en voue profonde sagesse, que, soumis d’avance aux généraux que nous attendons, nous jurons de repousser victorieusement les incursions des rebelles, ou de nous immoler plutôt que de parjurer ce serment cher à nos cœurs, et qui sera désormais le signal des combats : Vivre libre ou mourir. » (Applaudissements.) M. le Président répond : « Messieurs : « Déjà les commissaires de l’Assemblée nationale lui avaient rapporté qu’elle devait tout attendre du patriotisme de vos concitoyens, et du zèle des corps administratifs : vous venez de lui en donner une nouvelle preuve ; vous ne pouvez douter de l’intérêt qu’elle prendra à votre pétition. L’Assemblée nationale ne cessera de s’occuper de la sûreté, comme du bonheur de toutes les parties du royaume; elle vous invite à assistera sa séance. » ( Applaudissements .) M. d’Estagniol. Je demande le renvoi au comité militaire. (L’Assemblée ordonne le renvoi de la pétition de la société de Sedan à son comité militaire.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. du Chaila, lieutenant de vaisseau, électeur du canton et district de Marvejols, département de la Lozère , qui, regrettant d’être privé de l’avantage de repousser personnellement l’ennemi hors de nos frontières , s’engage de payer au Trésor public, pendant tout le temps 'de la guerre, la solde d’un de ses braves volontaires qui se dévouent si généreusemeni à la défense de la patrie. M. Chateauneuf-Itandon. Je demande qu’il soit fait mention de cette lettre au procès-verbal. (Cette motion est adoptée). M. Prieur, au nom des comités de l'extinction de la mendicité , d'aliénation , des finances et de Constitution , réunis , fait un rapport sur l’institution des sourds-muets et s’exprime ainsi : Messieurs les sourds-muets ont présenté à l’Assemblée nationale une adresse par laquelle ils l'ont priée de prendre en considération l’établissement d’une école destinée à leur éducation. Dans tous les temps, il y a eu des sourds-muets, et dans tous les temps ils ont inspiré aux amis de l’humanité le désir d’adoucir leur position, en établissant entre eux et les autres hommes quelques relations propres à la communication mutuelle de leurs idées. L’Espagne, l’Allemagne, l’Angleterre ont eu, en différents temps, des philosophes qui ont fait ces tentatives; mais aucune d’elles n’a eu assez de succès pour survivre à son auteur ; il ne reste aucune trace des méthodes qui furent employées à ces différentes époques. L’heureuse découverte dont vous vous occupez aujourd’hui était réservée à un de ces hommes que la nature accorde quelquefois en réparation de ses torts, et qui, joignant la vertu au génie, la patience au courage, conçut et exécuta le projet de rendre aux sourds-muets une existence morale, dont ils semblaient privés pour toujours.il n’est personne qui, à ces traits, ne reconnaisse le célèbre abbé de L’Epée. Un ecclésiastique du département de la Haute-Garonne, ci-devant chanoine de Bordeaux , M. Sicard, a achevé la course commencée par l’abbé de L’Epée, dont il était l’élève, et, d’après un concours fait devant l’ancien garde des sceaux, en présence de plusieurs membres de différentes académies de Paris et de la municipalité, il a été jugé digne de succéder à l’inventeur. Tout ce qu’on peut espérer de cet art précieux, il l’a déjà obtenu. Un de ses élèves, après 4 ans de leçons, a été mis en état de comprendre toutes nos idées, et d'exprimer toutes celles qu’il conçoit lui-même. Toutes les difficultés de la grammaire, et même de la métaphysique, lui sont parfaitement connues. Les règles du calcul, de la sphère et de la géographie, lui sont familières. Il connaît la religion depuis les premiers âges du monde, jusqu’à l’époque de la mort du fondateur de cette même religion. Il connaît aussi les principes de la Constitution, et son âme les a saisis avec une avidité d’autant plus grande, qu’elle n’avait jamaisété flétrie par aucun de nos anciens préjugés. Il répond par écrit à toutes les questions qu’on peut lui faire sur les objets qui lui sont connus ; il en fait lui-même; il analyse les phrases les plus composées ; enfin, c’est un sourd-muet qui cesse d’être sourd avec ceux qui lui écrivent, et qui n’est plus muet avec ceux qui savent lire. Beaucoup d’autres élèves marchent sur ces traces et donnent les plus grandes espérances. Indépendamment de l’avantage de connaître par écrit les idées des autres hommes, et de leur transmettre les leurs, les sourds-muets ont encore celui d'une langue par signes, qui peut être considérée comme une des plus heureuses découvertes de l’esprit humain. Elle remplace parfaitement, et avec la plus grande rapidité pour les personnes auxquelles elle est connue, l’organe de la parole. Elle ne consiste pas uniquement dans des signes froids et de pure convention; elle peint les affections les plus secrètes de l’âme, qui, par le jeu des organes, et particulièrement des yeux, entrent pour beaucoup dans ses éléments. Si le projet tant de fois désiré d’une langue universelle pouvait se réaliser, celle-ci serait peut-être celle qui mériterait la préférence; au moins est-elle la plus ancienne de toutes. Enfin, l’éducation des sourds-muets ne se borne pas à ces avantages; elle procure encore à ceux qui doivent vivre de leur ti avait les moyens de sub-ister. Une foule d’ateliers sunt prêts à s’établir dans cette institution; et déjà il y existe, en