SÉANCE DU 16 FRUCTIDOR AN II (2 SEPTEMBRE 1794) - N“ 39 193 38 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Législation et des Secours publics, décrète que sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale payera au citoyen Jérôme Micas, capitaine des grenadiers du neuvième bataillon du Bec-d’Ambès, une somme de 400 L, à titre de secours provisoire. Le présent décret ne sera point imprimé; il sera inséré au bulletin de correspondance (66). 39 Un membre demande que ce soir, au renouvellement du bureau, on élise, deux autres membres à la place de Le Cointre et Guffroy, pour remplir les fonctions de secrétaires. Plusieurs membres appuyent cette proposition; beaucoup d’autres s’y opposent. Un membre : Je suis étonné qu’on n’ait mis encore, ni dans le Bulletin, ni dans le feuilleton, le décret qui déclare calomnieuses les accusations de Le Cointre. Je voudrais bien savoir si l’on prétend influencer les papiers de la Convention. BERNARD (de Saintes) : Ce n’est pas la première fois que la malveillance a empêché la publication des décrets de la Convention. J’en suis moins surpris aujourd’hui que je vois au bureau des hommes... (77 s’élève des murmures). La vérité est à l’ordre du jour. Je m’étonne de ces interruptions : ne vois-je pas au bureau Le Cointre, qui a calomnié nos collègues, et Guffroy, son complice ? Je déclare que je rougis de les y voir, après ce qu’ils ont fait. Si l’on n’a pas adopté la motion de les en faire retirer, c’est parce qu’on croyait que, le bureau se renouvelant deux jours après, Guffroy et Le Cointre en sortiraient; mais ils ne sont pas dans le cas du renouvellement. Ainsi pendant quinze jours qu’ils y resteront, s’il arrive des pièces qui dévoilent cette intrigue, pouvons-nous croire qu’elles vous seront lues et présentées fidèlement. On a dit que, si on les chassait du bureau, il fallait les chasser de la Convention; il y a pourtant ici une grande différence : un député est nommé par le peuple, il faut un décret pour l’expulser de la Convention; au lieu qu’un secrétaire étant nommé par la Convention, elle peut le changer, parce que c’est une affaire de police. Je demande qu’en renouvelant ce soir le bureau on remplace Le Cointre et Guffroy. COLLOMBEL : Si le décret n’a pas encore été inséré au Bulletin et au feuilleton, c’est parce qu’avant d’en présenter la rédaction à l’Assemblée je n’ai pas voulu m’en rapporter à moi-même, j’ai consulté mes collègues. Je vais la lire (67). (66) P.-V., XLV, 9-10. Bull., 16 fruct (suppl.). C 318, pl. 1282, p. 21, rapporteur Merlin (de Douai). Décret n° 10 681. (67) Moniteur, XXI, 663. Débats, n? 713, 286-287. [Collombel dit qu’il ne faut imputer qu’à lui la négligence dont on se plaint; que sa santé ne lui a pas permis de se rendre à la séance d’hier. Ce n’est pas toi qu’on accuse, lui crient plusieurs membres (68)]. On demande l’ordre du jour sur la proposition de Bernard. [SECOND ?] : On veut jeter des pommes de discorde parmi nous. Jusqu’à ce qu’ils soient flétris et qu’il y ait des preuves contre eux, ils doivent rester au bureau. Je demande l’ordre du jour. FAYAU : Il me semble que ce n’est pas ici une pomme de discorde, comme l’a prétendu le préopinant. Il est bien étonnant qu’un membre qui a voté pour déclarer Le Cointre un calomniateur veuille le conserver au bureau. Il n’est pas sans exemple qu’on en ait chassé un membre. Dans l’Assemblée Législative, Laf-fon-Ladebat défendait les intérêts de la cour, et l’énergie des députés le fît descendre du fauteuil. BERNARD : Personne ne peut se dissimuler que c’est la dénonciation de Le Cointre et de Guffroy qui était une pomme de discorde. La discorde n’existe point dans la Convention, puisque, toutes les fois qu’il s’agit des principes, vous votez à l’unanimité. Il n’y a pas longtemps que vous avez fait sortir du comité de Sûreté générale nos collègues Jagot et Jean De Bry, et vous ne les avez pas fait sortir de la Convention. Pour la confiance publique, vous ne pouvez conserver ces deux secrétaires. Un membre: J’ai demandé la parole pour rappeler à la Convention que, lorsque Robespierre et ses complices présentèrent l’infâme loi du 22 prairial, Le Cointre demanda deux fois l’ajournement ou la mort. LEVASSEUR (de la Sarthe) : Je demande la mention honorable. OUDOT : La motion de Bernard est contraire aux principes de l’égalité qui doit régner entre nous. Elle tendrait à faire croire qu’un membre est plus que ses collègues parce qu’il est au bureau. Le Cointre a été jugé, nous devons en rester là; je demande l’ordre du jour. DUHEM : Après neuf heures de discussion, Le Cointre a été déclaré infâme calomniateur (On murmure). Lorsqu’une dénonciation est déclarée fausse et calomnieuse, c’est bien déclarer que l’auteur est un infâme calomniateur. Si donc Le Cointre est un calomniateur infâme, quelle confiance voulez-vous que la Convention, que le peuple français, que l’Europe entière ait dans un pareil secrétaire de la Convention nationale ? Oui, il est contre la dignité de la Convention de le laisser plus longtemps au bureau. Faut-il des exemples ? L’Assemblée Constituante, telle qu’elle était, a cependant culbuté du fauteuil l’infâme Virieu. Nous avons culbuté de même dans l’Assemblée Législative des présidents qui trahissaient la patrie. Dire que c’est blesser la loi de l’égalité, c’est prétendre qu’on la blesse aussi en chassant les (68) D’apèrs Débats, n° 713, 287. 13