738 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 février 1791.] corps administratif. Les écoliers, par des instigations pernicieuses et faciles à pénétrer, ont reçu la municipalité avec des huées, des acclamations injurieuses ; et après avoir commis des désordres dans le collège, se sont répandus dans la ville, où ils ont excité la même insubordination. Les choses en cet état, le département a pris un arrêté par lequel il a ordonné que les portes du collège seraient ouvertes aux professeurs, a ordonné aux écoliers de les reconnaître, et a fait défense à tous autres de s’immiscer dans l’administration de ce collège. Les professeurs nommés par l’Université ont résisté à cet arrêté ; le principal est toujours resté dans le collège, et a constamment refusé d’en ouvrir les portes ; de sorte que le collège est actuellement vacant. Dans ces circonstances, les trois administrations se sont adressées à vous, Messieurs, vous ont porté leur plainte, et vous ont demandé de vouloir bien autoriser la nomination provisoire des professeurs faite par elle. Quel parti devez-vous prendre, Messieurs?... Voix nombreuses : Assez ! assez ! (L’Assemblée ferme la discussion et décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande d’ajournement.) M. luuijuinais. Je demande, par amendement, que le tribunal de l’Université soit supprimé. M. Damonchel. Si vous supprimez ce tribunal, à qui s’adressera-t-on désormais pour terminer les différends qui pourront s’élever par la suite? 4 (L’Assemblée rejette l’amendement par la question préalable.) (Le projet de décret est adopté.) M. l’abbé Maury. Messieurs, je demande par amendement que l’Assemblée ajoute à son décret ces mots : « Qu’elle ne l’a adopté que parce que l’abbé Maury l’a combattu. » M. Babey. Je demande que M. l’abbé Maury soit rappelé à l’ordre et envoyé à l’Abbaye pour avoir insulté l’Assemblée. M. le Président annonce l’ordre du jour de demain et lève la séance à neuf heures trois quarts. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MIRABEAU. Séance du vendredi 4 février 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir, qui est adopté. M. Bouche. Le patriotisme et le zèle pour le bien public sont la cause du mal dont je viens me plaindre à vous en ce moment. Plus vos décrets se multiplient, plus on désire de les connaître et de les répandre dans les divers départements du royaume ; mais l’empressement qu’on témoigne à les répandre nuit plus à la chose publique que quoi que ce puisse être. Voici ce dont il s’agit : Des membres de l’Assemblée nationale, des étrangers même, craignant de ne pas avoir une expédition assez prompte des décrets que vous rendez, les copient dans les journaux qui ne les rendent pas toujours très exactement; ensuite ils les présentent ou les font présenter pour la signature à M. le Président et à MM. les secrétaires. Celte manière de présenter des pièces à signer est sujette aux plus grands inconvénients : il arrive fréquemment que ces extraits de procès-verbaux ou ces décrets, comparés à ceux qui sont envoyés officiellement dans les départements, se trouvent absolument différents. Cette différence jette du trouble dans les esprits, arrête la marche de vos travaux, sert de prétexte aux ennemis du bien public et compromet réellement le président et les secrétaires qui ont signé des envois manuscrits; elle peut en outre occasionner de très grands désordres. Pour remédier à un pareil inconvénient, nous avons imaginé un moyen que je vous prie de vouloir bien décréter ; le voici : « L’Assemblée nationale décrète que son président et ses secrétaires ne signeront désormais d’autres expéditions collationnées manuscrites des décrets, que celles qui leur seront présentées par les secrétaires-commis au bureau des procès-verbaux, ou au comité des décrets, et sur le haut de la première page desquelles on lira ces mots imprimés : Extrait du procès-verbal de l'Assemblée nationale , séance du ..... . avec le fleuron de l’Assemblée nationale. » (Cette motion est décrétée.) M. Mercier. Messieurs, un professeur de philosophie au collège de Saintes, c’est-à-dire dans une ville où le patriotisme est travaillé dans tous les sens par l’erreur, le fanatisme et la malveillance, M. Le Tournan, a eu le courage, quoique très jeune, de donner le premier l’exemple de la soumission à la loi, en prêtant son serment civique, par l’organe du directoire du département de la Charente-Inférieure. Il a fait aussi un travail sur cette matière, travail très fort en principes, en raisonnements et en citations, dont il fait hommage à l’Assemblée. Je demande, Messieurs, que pour stimuler et récompenser l’émulation de ce jeune citoyen, vous daigniez ordonner qu’il sera fait mention honorable dans le procès-verbal dudit ouvrage ainsi que de l’adresse du directoire du département de la Charente-Inférieure, qui l’accompagne. (Cette motion est adoptée.) M. Chabroud. J’ai l’honneur d’informer l’Assemblée que les six curés de la ville de Vienne, leurs vicaires, le principal, sous-principal, et les huit professeurs ecclésiastiques du collège, ont prêté le serment décrété le 27 novembre dernier. Après cela je vous prierai de renvoyer à votre comité de jurisprudence criminelle la difficulté dont je vais vous faire part. Vous avez chargé provisoirement les juges des tribunaux de district de juger les affaires criminelles qui se trouvaient alors arriérées. Dans Je (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 739 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [4 février 1791.] greffe du tribunal de la ville de Vienne, il y a 1,000 à 1,100 procédures arriérées; pour procéder à l’instruction de ces affaires, il faut que les juges ne perdent pas un instant, d’une part ; mais il faut, d’autre part, qu’ils aient des coopérateurs. Le greffier nommé de ce tribunal a pris en conséquence 7 ou 8 commis, dont les uns soi t constamment occupés à travailler auxdites procédures et les autres constamment occupés à faire copier des procédures qui doivent être délivrées à l’accusé. Cependant, Messieurs, vous n’avez nullement statué sur les moyens de dédommager de ces frais extraordinaires les greffiers de district; vous sentez, Messieurs, qu’avec des appointements de 600 livres, il est impossible qu'un greffier ait 5 ou 6 commis et qu’il suffise à la suite des expéditions criminelles. Dans cet état, Messieurs, je propose à l’Assemblée nationale de renvoyer la difficulté à son comité de jurisprudence criminelle qui lui proposera une disposition pour subvenir à cet inconvénient. (Cette motion est décrétée.) M. le Président. Si nous ne sommes pas en nombre légal à dix heures et demie, je lèverai la séance. M. d’André. Il me semble, Monsieur le Président, qu’il serait nécessaire de faire la même observation à deux heures. M. Gossin, au nom du comité de Constitution , propose le projet de décret suivant ; « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des directoires des départements de Rhône-et-Loire, de la Côte-d’Or, du Var, du Finistère, de la Seine-Inférieure, de la Haute-Loire, de Seine-et-Marne, de Saône-et-Loire et de la Haute-Garonne, décrète ce qui suit : « La ville de Saint-Etienne aura deux juges de paix, outre celui déjà nommé pour le canton; les limites de leurs juridictions seront celles indiquées par le procès-verbal de la municipalité de la ville de Saint-Etienne, du 14 décembre dernier. « Il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes de Dijon, Beaune, Toulon, Grasse, Antibes, Saint-Tropez, Morlaix, Eu et Tréport, Brioude et Montereau ; celui d’Eu et Tréport sera séant à Eu. « Les juridictions consulaires actuellement existantes dans quelques-unes de ces villes continueront d’être en activité jusqu’à l’élection et l’installation des nouveaux juges, qui seront faites dans la forme établie par la lof sur l’organisation judiciaire. « La commune de Rathnel fait partie du district de Mâcon. « Celle de Passavant est distraite du département des Vosges, pour être unie à celui de la Haute-Saône et au district de Jussey. « L’administration de la Haute-Saône proposera la compensation de cette distraction. « Les communes de Marsoulas, Gassaigne, Bel-bèze et Aussain, sont distraites du département de l’Ariègej et du district de Saint-Girons; elles seront incorporées au département de la Haute-Garonne, district de Saint-Gaudens, canton de Salies. » (Ce décret est adopté.) M. Aanjuinais, au nom du comité ecclésiastique. Messieurs, j’ai à vous proposer un projet de décret pour la circonscription des paroisses de la ville de Poitiers. Ce décret ne peut souffrir aucune difficulté; il est adopté par la municipalité, le district et le département. M. l’évêque de Poitiers a été invité à y concourir : on a attendu pendant trois mois; d’abord il n’a pas fait de réponse; enfin il a répondu au mois de janvier par une lettre que j’ai en original et qui porte un refus exprès. Voici le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité ecclésiastique, d’un procès-verbal contenant un projet de réunion et circonscription des paroisses de la ville de Poitiers, arrêté par le directoire du district le 21 novembre dernier, de l’avis et du consentement des commissaires du conseil général de la commune de cette ville, et approuvé par le directoire du département le 16 janvier suivant, ainsi que du refus de concourir à cette opération, manifesté par M. l’évêque de Poitiers dans sa lettre du 11 dudit mois de janvier, en réponse à la réquisition qui lui avait été faite par le directoire du district, décrète ce qui suit : Art. Ie'. « La ville de Poitiers et ses faubourgs seront divisés entre les six paroisses suivantes, savoir : la cathédrale, Sainte-Radégonde, Saint-Porchaire, Notre-Dame, Montierneux et Saint-Hilaire, lesquelles seront limitées ainsi qu’il est exprimé au procès-verbal de réunion et circonscription ci-dessus daté. Art. 2. « Les autres paroisses de la ville et de ses faubourgs, mentionnées au même procès-verbal, sont supprimées. Art. 3. « L’église ci-devant paroissiale de Saint-Saturnin sera conservée comme succursale de la paroisse de Sainte-Radégonde. » (Ce décret est adopté.) M. Despatys de Conrtcilles, au nom du comité ecclésiastique (1). La municipalité de Paris, ayant terminé ses opérations, a fait mettre son travail sous les yeux du comité ecclésiastique; de 51 paroisses qui existaient dans la ville et faubourgs de Paris, 24 seulement sont conservées, et 9 autres sont nouvellement établies ou transférées dans des églises qui sont plus à portée des paroissiens. Votre comité, prenant en considération la population et l’étendue de la capitale, et surtout la suppression d’un grand nombre de communautés religieuses, qui procuraient aux habitants la faculté d’assister au service divin, a cru que le nombre de 33 paroisses, proposé par la municipalité de Paris, n’était pas trop considérable. Votre comité n’a pas cru devoir se livrer à un examen trop sévère pour la circonscription de ces paroisses ; il a senti que l’expérience seule pouvait faire ressortir les avantages et les inconvénients de cette circonscription; il a senti qu’il n’y avait que l’examen d’une administration su-(1) Nous empruntons ce rapport et la discussion qui suit au Journal logographique, t, XXI, p. 88.