[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mai 1794.] {{{ qu’elles ont été déjà proposées et même consacrées par les décrets de l’Assemblée nationale. Les 18 articles subséquents de 48 à 66 proposent le mode suivant lequel le Corps législatif Bera tenu de délibérer ou de former ses décrets. S il s’élève sur cette partie de notre travail quelques dissensions graves, nous les livrerons à tous les débats qu’un objet aussi important peut exiger ; je dirai aujourd’hui que nous devons tous nous rallier enfin pour assurer la sagesse et la maturité des actes législatifs. Il y a une distance immense entre la position où s’est trouvé le corps constituant que nous formons, et la manière dont il a opéré pour le salut de la France, et la position où se trouveront les législateurs qui nous succéderont. La constitution d’une Chambre unique est un des grands traits contre la critique. qui la poursuivra longtemps, et contre le danger de la voir se discréditer dans l’opinion publique. Il faut pour cela prémunir la nation contre les législatures, et les législatures elles-mêmes contre les dangers de leur propre précipitation. A ce grand intérêt politique se joint celui d’assurer non seulement à la France une bonne législation mais encore aux bonnes lois la confiance publique par la sage lenteur de leurs délibérations. Nous serons tous d’accord sur les vérités primitives, et. comment alors ne le serions-nous pas bientôt sur les moyens les plus propres à nous conduire à ce but? Les 18 articles de 66 à 84 réunissent toutes les dispositions ultérieures aux décrets qui sont nécessaires pour lui donner le caractère de loi et l’effet exécutoire, tel que la sanction, la promulgation, l’envoi dans les départements, la transcription et la publication. Cette sectiou de notre travail est presque entièrement composée de décrets déjà rendus; nous y avons ajouté quelques articles qui nous ont paru indispensables. Les 9 articles qui suivent, de 84 à 93, établissent les pouvoirs du Corps législatif en matière d’administration et de finances. Ils contiennent, relativement à la liste civile, des dispositions qui n’ont pas encore été décrétées. Enfin, Messieurs, les 7 derniers articles concernent les rapports du Corps législatif avec le roi, revêtu d’un des grands pouvoirs de la nation. Le roi doit, pour l’intérêt public, avoir des rapports constants de concert et d’harmonie avec le Corps législatif. La Constitution doit les établir et les signaler à l’opinion publique. C’est dans cet esprit qu’il ést désirable qu’à l’ouverture ou à la fin de chaque session du Corps législatif la nation puisse voir ses représentants électifs, son représentant héréditaije, réunis solennellement dans l’enceinte consacrée aux méditations et aux actes qui préparent sa prospérité. L’intérêt public exige aussi, malgré la liberté dont la législature doit jouir pour régler la durée de ses séances, que le roi puisse en demander la continuation et que la législature soit tenue de délibérer sur cette proposition dont le roi lui exposera le motif. Voilà, Messieurs, dans l’ensemble de notre projet, 9 divisions bien marquées par la différence des objets qu’elle traite. Je les rappellerai exactement dans la suite de la délioération. Ainsi, en resserrant sur-chacune les objections, les amendements ou les additions que chacun de vous peut désirer, toutes viendront, mais avec ordre, sans leur faire rien perdre de leur efficacité!, sans nous faire perdre beaucoup de temps. Je vais, Messieurs, avoir l’honneur de proposer à votre délibération les 2 articles 6 et 7 réunis et qui sont ainsi conçus: « Art. 6. Aucun état, profession ou fonction publique, n’exclut de l’éligibilité à la législature, les citoyens qui réunissent les conditions prescrites par la Constitution. » « Art. 7. Les membres de la précédente législature pourront être réélus. » Je vais maintenant, sur ces articles, vous exposer les motifs du comité. M. Robespierre. Je demande la parolè pour une motion d’ordre. M. Thouret, rapporteur. Si quelqu’un s’élève contre la proposition que j’ai faite, c’est véritablement là le moment de l’entendre. M. Robespierre. Il m’a paru que la question qui devait être agitée la première dans l'Assemblée était déterminée par la nature même de la délibération. Il me semble convenable et utile sous tous les rapports qu’avant de lixer définitivement les fonctions, les pouvoirs de la législature, le mode d’élection qui devait y conduire, il m’a paru, dis-je, très convenable et très utile que le législateur lui-même se désintéressât dans cette grande question. Il m’a paru qu’il était beaucoup plus intéressant que nous délibérassions sur le Corps législatif comme des citoyens qui devraient bientôt rentrer dans la classe commune, plutôt que de délibérer comme des législateurs qui pourraient continuer d’être membres du corps qu’ils allaient organiser. En conséquence, je fais la motion dans ces termes précis : qu’avant de discuter aucune des questions proposées, l’Assemblée décrète que les membres de l’Assemblée actuelle ne pourront être membres de la prochaine législature. (Fi/s applaudissements.) (Un très grand nombre de membres des diverses parties de l’Assemblée se lèvent et demandent à grands cris à aller aux voix.) M. Legrand. Monsieur le Président, je demande la parole. M. Garat l’aïnè. Je ne puis qu’applaudir à la nosition honorable que vient de vous faire obespierre, mais cette proposition n’est pas posée dans les termes où elle doit l’être. On vous présente la question de notre rééligibilité possible, comme une question encore indécise, et vous l’avez déjà constitutionnellement décrétée. (Non! non!) Lorsque dans nos séances à Versailles, après avoir décrété, le 9 septembre 1789, que l’Assemblée nationale serait permanente, le 10 qu’elle ne serait composée que d’une Chambre, le 12 que chaque législature ne serait que de deux ans, nous eûmes encore à délibérer, le 13 et le 14 du même mois, de quelle manière se recomposerait chaque législature. Sur cette dernière question, comme sur les trois autres, les avis lurent à peu près honorablement unanimes. Une première proposition fut faite par l’un des honorables membres de cette Assemblée, ce fut celle de ne renouveler chaque législature qu’à concurrence de deux tiers de ses membres, et d’y faire rester, par la voie du sort ou autrement, le tiers des membres de la législature précé-r dente. Cette-motion, quoique appuyée de toutes les raisons qui pouvaient motiver l’opinion dé M. Fabbé Sieyès, fut rejetée. 112 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mai 1191.] A cette proposition en succéda une autre : ce fut celle de laisser aux assemblées électorales la liberté de porter aux législatures suivantes quelques membres de la précédente, si elles le jugeaient à propos. Nous étions alors tous au-dessus de toute vue ambitieuse... {Murmures.) (La très grande majorité de l’Assemblée se lève à deux reprises différentes et demande à grands .cris à aller aux voix sur la proposition de M. Robespierre.) Un membre : Je demande l’appel nominal ; on connaîtra ainsi ceux qui veulent être réélus. M. Thouret, rapporteur. Je supplie l’Assemblée de vouloir bien écouter cette observation : qu’elle commence la discussion d’une très importante partie de notre travail et qu’il est nécessaire de bien établir l’état et les moyens de la question, afin que l’Assemblée sache positivement ce qu’elle veut adopter. M. Pétîon de 'Villeneuve. Il ne s’agit pas .de savoir si les membres d’une législature pourront être réélus à la suivante. Cette question est décidée ; mais il s’agit de savoir si les membres de l’Assemblée actuelle, si les membres du corps constituant {A droite : Pas de distinction.].... .pourront être nommés à la prochaine législature. Il ne s’agit maintenant que d’une question d’ordre; mais il faut que l’Assemblée délibère sur un point fixe et constant; et comme dans cette Assemblée je sais qu’il y a beaucoup de membres qui pensent que les membres qui composent l’Assemblée nationale actuelle, ne pourront être réélus; mais que, d’un autre côté, beaucoup d'autres pensent que les membres d’une législature pourront être nommés à une autre législature ; il ne faut pas confondre ces deux questions. {Murmures ; applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Voici la motion dans les termes les plus simples, et qui mettra l’Assemblée à portée de juger en connaissance de cause: «Les membres del’As-jsemblée actuelle ne pourront être réélus à la législature prochaine. » {Aux voix ! aux voix >) M. Boutteville-Dumetï. Monsieur le Président, on ne se joue pas ainsi de la liberté d’une grande nation, tenez bon. M. Thouret, rapporteur (1). Monsieur le Président, je demande la parole. {Murmures prolongés.) Il est infiniment essentiel que l’Assemblée ne décrète dans cette matière qu’avec cette maturité qui lui a tant de fois fait honneur. G’est ici un objet constitutionnel sous deux faces, et voici la série des idées qu’elle ne peut pas perdre de vue. Nous lui présentons l’organisation des Corps législatifs futurs, garantie permanente de la liberté de la nation. Nous lui avons proposé cette question qui concerne les Corps législatifs futurs : « Les membres d’une législature pourront-ils être réélus ? » Nous avons cependant bien présumé que cette question ne pouvait pas être accompagnée de celle-ci : « Les membres du corps constituant actuel pourront-ils être nommés à la première législature '/ » Mais nous avons pensé que celte question ne se discuterait pas seulement pour les législatures futures. On élève la question de la rééligibilité des membres de l’Assemblée actuelle pour la prochaine législature; nous avons réuni sur ces deux points notre travail, et comme sur ces matières tenant à la Constitution, vous avez désiré que les matériaux fussent préparés par une méditation précédente faite dans vos comités, nous nous y sommes livrés. Nous n’avons pas divisé la question que nous nous sommes proposé de vous présenter; mais si l’Assemblée veut décréter, sur ces points, d’une manière véritablement digne d’elle, d’une manière qui assure la confiance au décret qu’elle va rendre, je la supplie d’entendre la discussion. S’il ne s’agissait que de nos idées personnelles, particulières et individuelles, je n’aurais pas la présomption de les opposer au mouvement qu’elle vient de manifester. Cependant l’Assemblée ne tardera pas à sentir que ce n’est pas ainsi qu’elle doit porter un décret sur une question qui divise les opinions, qui divise de très bons esprits. {Non ! non !). M. Durget. Est-ce que vous voulez nous donner une cour plénière? M. Prieur, s'adressant à la droite. Ne gâtez pas cette cause-là. M. Thouret, rapporteur. Je prie l’Assemblée de faire attention que je ne m’oppose pas du tout à la motion de M. Robespierre, en tant qu’elle tend à faire décréter préalablement, et dès aujourd’hui, la question qu’il propose ; au contraire, je lui donne adhésion sur ce point, et cela ne dérange en aucune manière l’ordre du travail que je m’étais proposé ; car je savais parfaitement bien qu’il fallait que cette question fût entendue et qu’elle fût décrétée. Je ne me doutais toutefois pas de la motion incidente que l’on vient de faire ; je ne m’oppose point à ce qu’on la décrète ; mais je m’oppose, autant qu’il est en mon faible pouvoir, à ce que l’Assemblée décrète sans .avoir entendu le comité de Constitution. Je m’oppose à ce que l’Assemblée rende le décret, sans que plusieurs faits soient éclaircis, sans que l’erreur impardonnable de M. Carat soit anéantie, et par quoi? par la lecture du procès-verbal tout simplement. {Rires.) Je m'oppose à ce que les raisons qui n’ont pas été suffisamment éclaircies jusqu’à présent ne le soient pas avant que le décret soit rendu. Je demande de mettre à la discussion les deux premiers articles, dont l’un concerne la rééligibilité des membres d’une législature à l’autre ; et le second la question de savoir si les membres de l’Assemblée actuelle pourront être réélus à la prochaine Assemblée législative; et j’insiste pour que l’Assemblée veuille entendre son comité. M. Rewbell. Moi, je crois très positivement que l’on ne doit point faire la distinction des membres actuels d’avec les membres de3 législatures suivantes. M. Thouret, rapporteur. Ce que vient de dire le préopinant montre de plus en plus la nécessité d’éclairer et d’assurer toutes les idées sur l’ensemble de la matière que nous allons agiter. L’Assemblée ne peut pas refuser, je pense, de vouloir bien entendre le travail sur le plan qui nous a paru le meilleur. {Oui! oui! Parlez ! parlez !) Je traiterai d’abord ce qui concerne les législatures futures et ensuite, par exception, ce qui concerne l’Assemblée actuelle. {Mouvement d'aU iention.) (1) Ce discours est tçès incomplet au Moniteur.