118 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1789.] ne pourront jamais être révoqués, et leur destitution ne pourra être que la suite d’une forfaiture jugée. Ces deux articles sont décrétés à une très-grande majorité. On demande que le président les présente à l’acceptation du Roi immédiatement après la séance. M. Regnaud de Saint-Jean-d'Àngély. cette présentation doit être faite à l’instant. L’Assemblée se range à cet avis. M. le Président annonce que dans la séance du soir on discutera l’affaire des états provinciaux du Gambrésis et celle des colonies. M. Fréteau, l’un des prédécesseurs du président, remplace ce dernier au fauteuil. L’Assemblée passe à l’ordre du jour de deux heures. M. le marquis de Boutliillicr se présente à la tribune et donne lecture du rapport suivant, au nom du comité militaire, sur la manière de recruter l’armée (1) : Le système politique delà France ne doit point être sans doute de faire des conquêtes; mais entourée de voisins puissants qui entretiennent constamment sur pied des armées si considérables, que la paix ne peut être regardée, pour ansi dire, que comme une suspension d’hostilités, sa prudence et sa sûreté exigent impérieusement, non-seulement qu’elle ait toujours un état de forces suffisantes pour leur en imposer et pour se défendre, mais encore que cette puissance militaire, réduite pendant la paix aux simples besoins du service, puisse être augmentée facilement d’un moment à l’autre dans la proportion nécessaire pour aller au-devant des ennemis, les attaquer dans leur propre pays, et les empêcher, par là, de pénétrer dans nos provinces frontières et de les dévaster en y établissant le théâtre de la guerre. Nous aurons l’honneur de mettre incessamment sous vos yeux, nos réflexions sur la force nécessaire de l’armée active à entretenir en tout temps, sur le pied auquel il faudrait la porter en cas de guerre, et sur la composition de l’armée auxiliaire, inactive pendant la paix, mais toujours prête au premier signal, à fournir les moyens d’augmentation que les circonstances de guerre pourraient rendre indispensable. Ces deux armées vous paraîtront sans doute nécessitées par notre situation politique, par nos rapports avec nos voisins, et par la position même de nos frontières. Mais, avant d’entrer dans ces détails, il est des bases préliminaires à établir, sans lesquelles nous ne pourrions marcher qu’au hasard. La constitution à donner à l’armée, les détails qui en font la suite, et la fixation des dépenses qu’elle doit occasionner, dépendent essentiellement des moyens à employer pour sa formation et pour son entretien : c’est à vous, Messieurs, à prononcer sur ces moyens. Comment l’armée sera-t-elle recrutée? (1) Le Moniteur no donne qu’un sommaire du rapport de M. le marquis de Boulhillier; Voilà la preniière question que nous avons cru devoir soumettre à votre décision. Tout citoyen doit contribuer proportionnellement, et sans exemption, à toutes les charges publiques; c’est pour lui, non-seulement un devoir, mais un droit. Ce principe dicté par la justice, faisant essentiellement la base de tout contrat social, a été consacré par vos décrets. L’entretien dé l’armée est une charge publique; tout citoyen doit donc y concourir de sa personne ou de sa fortune. Ce principe, ainsi posé, établit deux manières de pourvoir à l’entretien de l’armée : la première, par un service personnel, auquel chaque citoyen serait obligé, soit en personne, soit par un représentant avoué et fourni par lui ; la seconde, par des enrôlements volontaires à prix d’argent, au moyen desquels ceux qui voudraient servir, recevant la somme fixée pour leurs enga-ments, sur les fonds des contributions aux charges publiques, fournies proportionnellement par tous les citoyens, acquitteraient ainsi à leur décharge le service personnel réellement dû par chacun. Nous allons mettre successivement sous vos yeux les avantages et les inconvénients de ces deux moyens : ils tiennent trop essentiellement à l’ordre civil, puisqu’ils intéressent la population, pour que nous ne nous permettions pas de vous les présenter avec tous les développements dont il nous ont paru susceptibles. SERVICE PERSONNEL. Le service personnel exigé de tous les citoyens, soit en personne, soit par un représentant avoué' et fourni par eux (car il paraîtrait juste d’accor-corder cette facilité à ceux que leurs affaires, leurs habitudes et leur genre de vie même rendraient peu propres ou peu disposés au métier des armes) réunirait sûrement de très-grands avantages. En fixant, avec toutes les précautions nécessaires, les moyens de l’inscription à faire sur des registres publics, à tenir à cet effet, de tous les citoyens, sans aucune exemption quelconque que celle du monarque et de l’héritier présomptif de sa couronne, en chargeant de ces détails et de leur surveillance les municipalités et les assemblées provinciales, en ordonnantlque ces regristes seraient toujours ténus publiquement pour éviter les abus et ôter toute possibilité de faveur, en déterminant la manière dont chacun serait commandé à son tour; enfin en fixant, par des lois sages, tous les détails qui pourraient y être relatifs, l’exécution d’un pareil système pourrait n’être pas très-difficile. En déterminant à quatre ans la durée du service personnel, il en résulterait une charge bien légère pour chaque individu. D’après les calculs de population du royaume, on ose assurer que, même en supposant dix années de guerre sur les vingt ou vingt-deux ans pendant lesquels chaque individu pourrait être tenu à servir, aucun ne serait dans le cas d’être commandé une seconde fois. Quatre années de service acquitteraient conséquemment la dette de chaque citoyen envers la patrie, et certainement ce sacrifice ne doit pas paraître exorbitant à des cœurs français ; un pareil moyen procurerait sans contredit à l’armée une classe d’hommes meilleure et plus sûre que celle qu’elle obtient du recrutement à prix d’argent, en usage dans le système actuel, puisqu'elle ne serait plus composée que de propriétaires et de domiciliés, ou au moins dè gens