216 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Département de la Sarthe. A la municipalité de Montabon, nour la somme de .................... 50,057 1. 15 s. 6 d. A celle de Château-du-Loir, même département. 298,710 4 1 A celle de Ghéné, même département ........... 119,151 » » « Le tout ainsi qu’il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d’estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » (Ce décret est adopté.) M. Barrère - Vieuzac. Messieurs, vous avez renvoyé sagement à l’autre législature le projet de loi sur les successions, en ce qui regarde les effets et les limites des dispositions de l’homme. Cette résolution était nécessaire à l’achèvement de la Constitution ; elle peut provoquer les méditations de nos successeurs, éclairer les citoyens, et former l’opinion publique dans les divers départements du royaume, surtout dans ceux où les lois romaines ont donné une si grande latitude aux volontés arbitraires des mourants. Mais, au milieu même de ces dispositions du projet de loi présenté par les comités de Constitution et d’aliénation, les amis de la Révolution et de la justice ont remarqué l’article 32, qui peut être facilement séparé des autres dispositions présentées par les comités. Cet article regarde, comme non écrite, « toute clause impérative ou prohibitive qui serait contraire aux lois ou aux bonnes mœurs; qui porterait atteinte à la liberté re'igieuse du donataire, héritier ou légataire; qui gênerait la liberté qu’il a soit de se marier avec telle personne , soit d’embrasser tel état, emploi ou profession, ou qui tendrait à le détourner de remplir les devoirs imposés et d’exercer les fonctions déférées par la Constitution aux citoyens actifs et éligibles ». Voilà une disposition que la variété de la jurisprudence, la différence des lois suivies dans les pays de coutume et dans les pays de droit écrit, rend nécessaire autant que la disposition actuelle des esprits. Ce n’est pas moi, Messieurs, qui réclame l’adoption de cet article seulement, c’est la Constitution elle-même, c’est la nécessité d’assurer ses maximes et d’affermir son esprit. C’est le besoin de poser de justes bornes aux préjugés et au despotisme de quelques citoyens qui, ne pouvant se plier aux principes de l’égalité politique et de la tolérance religieuse, proscrivent d’avance, par des actes protégés par la loi, l’exercice des fonctions publiques, l’union de leurs enfants avec des femmes qu’ils appelaient roturières, ou avec des personnes qui exercent un autre culte religieux, ou qui ont une autre opinion politique. On voit, tous les jours, faire des testaments par lesquels des pères, en instituant des héritiers ou en faisant des legs, leur imposent des conditions contraires à la liberté civile, à la toléra ce religieuse ou à l’égalité constitutionnelle. C’est ainsi qu’ils écrivent la défense ou la condition de se marier à telle ou telle personne, à une femme d’une telle ou telle classe, d’une telle ou tebe religion, etc. On voit que ce n’est là qu’un moyen donné par la loi civile et ancienne, pour échapper à l’empire de la loi politique et moderne ; que ce n’est là qu’une subversion des maximes de la [5 septembre 1791.) Constitution par des testaments ou donations; car ces bienfaits mêmes sont empoisonnés par le souffle intolérant et aristocratique. Craignez que du sein de cette Révolution même la loi prête son secours aux opinions ennemies de l’égalité et de la liberié que vous avez établies ; craignez que le père fanatique, le testateur intolérant, le donateur ennemi de la Constitution frappent, à leur gré, d’exhérédation des enfants, des légataires que la nature et la reconnaissance appellent aux successions; craignez que les testateurs et les donataires chargent de conditions impératives ou prohibitives des droits et des dons que la loi doit rendre libres, qu’elle doit dégager des vieux préjugés et ravir à l’empire avilissant des passions. Autrement les lois de la nature et de la Constitution seront violées impunément; la haine de la Révolution se cachera sous les formes respectables de la volonté des mourants, ou de la générosité des donateurs; des mariages seront empêchés; les mœurs seront altérées; des legs seront interceptés; des hérédités même seront chargées de conditions impolitiques, immorales et intolérantes; enfin, l’aristocrate, l’intolérant et l’ennemi des principes de notre Constitution commanderont encore dans le tombeau. C’est à vous, Messieurs, de faire cesser une contradiction aussi frappante entre les lois politiques et les lois civiles, entre les volontés particulières et la volonté générale ; la Constitution seule doit triompher. Je demande que l’article 32, présenté par les comités, soit décrété tel que le voici rédigé : « Toute clause impérative ou prohibitive, qui serait contraire aux lois ou aux bonnes mœurs ; qui porterait atteinte à la liberté religieuse du donataire, héritier ou légataire; qui gênerait la liberté qu’il a soit de se marier, même avec telle personne , soit d’embrasser tel état, emploi ou profession, ou qui tendrait à le détourner de remplir les devoirs imposés et d’exercer les fonctions déférées par la Constitution aux citoyens actifs et éligibles, sera réputée non écrite. >> M. Martineau. L’objet de l’article proposé par M. Barrère se trouve rempli par les anciennes lois romaines et par la jurisprudence des tribunaux. Une pareille loi tendrait à empêcher un père de punir un fils qui se serait marié avec une prostituée ou qui se laisserait entraîner dans les excès d’une passion violente ou dans une inégalité de condition et d’état peu analogue à l’intérêt de famille. 11 serait à craindre que l’autorité paternelle ne soit affectée et dégradée par un pareil décret qui, selon moi, est dangereux ou inutile. Les magistrats, d’ailleurs, n’ont jamais hésité à regarder comme nulle toute clause qui gênait la liberté civile : pro non scripta ha-benda est , disaient tous les jurisconsultes. Un membre : L’article ne concerne pas seulement la liberté civile, mais les droits politiques. M. Martineau. S’il dit quelque chose de plus, c’est un piège qu’on nous tend. (Murmures.) Je dis qu’il faut bien nous donner garde de rendre des décrets isolément dans une matière aussi importante. Je demande que cet article soit renvoyé à la prochaine législature qui doit s’occuper des lois concernant les testaments. M. Roger. Le cas prévu par les lois romaines n’est pas celui prévu par le décret proposé. M. Martineau est dans l’erreur lorsqu’il parle de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1791.] 2J7 la jurisprudence des tribunaux ; cette jurisprudence est très versatile et, d’un autre côté, la loi romaine suivie dans les pays de droit écrit et qui permet à un testateur d’imposer à celui qui fait l’objet d’un don ou d’un legs la condition de ne pas épouser telle ou telle personne, sous peine d’exhérédation, est impolitique, immorale et propre à éterniser les haines dans les familles. Le décret qui l’abrogera sera reçu avec transport; il est temps enfin d’annuler ces clauses barbares qui violent les lois les plus douces de la nature et d’avoir une loi uniforme et générale pour tout le royaume. La seule modification qui pourrait être apportée dans l’article proposé consisterait dans la substitution du mot « est réputée », au mot : « sera réputée ». M. Martineau. Je demande la parole. Plusieurs membres à droite appuient M. Martineau. M. Ooupillean. Les lois anciennes étaient si obscures, qu’il s’élevait à cet égard une multitude de procès longs et ruineux. C’est pour remédier surtout à ces inconvénients que l’article soumis à votre délibération vous a été présenté. M. Martineau. Je demande au moins que vous ne compreniez pas dans l’article le droit qu’a évidemment un père de défendre à son enfant d’épouser une femme qui pourrait faire son malheur, une femme perdue de mœurs. {Murmures.) Sans cela, vous anéantissez l’autorité paternelle, à laquelle vous avez déjà porté trop d’atteintes. MM. Le Boys-Desguals et Lanjuinais représentent combien l’esprit de la Constitution exige l’adoption delà mesure proposée par M. Bar-rère. M. Loys. La proposition de M. Martineau ne porte aucune atteinte à la liberté civile de l’héritier ou du donataire; car s’il lui était interdit d’épouser une telle, il pourrait trouver, pour satisfaire son goût, d’autres personnes. {Murmures.) Quand un ci-devant noble empêcherait son fils d’épouser une telle roturière, cela ne l’empêcherait pas d’épouser une autre roturière quelconque. Je le demande à tout honnête homme, si un joune� homme de 18 à 20 ans, à cet âge on prend goût à tout, venait au Palais-Royal faire une conquête, ne serait-il pas permis à son père... (Rires et murmures.) Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix! (La discussion est fermée.) L’article proposé par M. Barrère-Vieuzac est mis aux voix, avec l'amendement de M. Roger, dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de Constitution et d’aliénation, décrète que toute clause impérative ou prohibitive qui serait contraire aux lots ou aux bonnes mœurs ; ui porterait atteinte à la liberté religieuse du onataire, héritier ou légataire; qui gênerait ta liberté qu’il a, soit de se marier même avec telle personne, soit d’embrasser tel état, emploi ou profession, ou qui tendrait à le détourner de remplir les devoirs imposés, et d’exercer les fonctions déférées par la Constitution aux citoyens actifs et éligibles, est réputée non écrite. » (Ce décret est adopté après une épreuve douteuse.) M. le Président. La parole est à M. deNoailles, à qui l’Assemblée a décidé samedi dernier qu’elle serait accordée pour énoncer son opinion sur les mesures définitives prises contre les ennemis extérieurs et sur les dispositions des puissances étrangères relatives à la France. M. de Hoailles. La Constitution est achevée ; ses principes doivent désormais diriger nos mouvements sociaux ; il est temps de faire régner une pleine sécurité dans nos villes et dans nos campagnes; il est temps enfin que la volonté nationale, déclarée par ses représentants, ne puisse plus être éludée, et que la force publique puisse, sans se méprendre, réprimer les agitateurs, et protéger ceux qui, sincèrement attachés au régime de la liberté, veulent jouir de ses bienfaits. Mais, pour arriver à ce premier résultat de notre Révolution, nous avons besoin d’être rassurés sur lt s dangers qui menacent nos frontières; nous avons besoin de nous occuper sérieusement des conjurations qui se trament au dehors contre notre liberté; conjurations trop encouragées par l’esprit d'incertitude qui, jusqu’ici, a dirigé nos mesures relativement à nos rapports extérieurs. Quel citoyen réfléchi peut se faire illusion sur la nécessité de nous expliquer enfin d’une manière digne de la nation, avec les puissances qui nous donnent de l’ombrage ? Qui ne voit que le ressort du gouvernement restera faible ou enchaîné, tant que les mécontents pourront espérer que la crainte des puissances étrangères affaiblira notre attachement à la Constitution maintenant décrétée. Non, 1 Etat ne peut plus rester exposé au danger des résolutions faibles, des mesures non exécutées ou suivies avec lenteur; il faut enfin prendre une attitude qui nous fasse connaître tous nos ennemis, qui leur montre que, si nous ne les craignans pas, c’est parce que nous sommes en étal de les combattre. Il est possible que les puissances qui nous menacent n’aient pu encore former le plan de leurs opérations contre nous ; que leurs propres querelles et les intérêts qui les divisent suspendent, encore quelque iernps, le concert dont ils ont besoin pour nous attaquer ; il est possible aussi que plusieurs d’entre elles trouvent plus convenable à leur politique de ne pas entrer en guerre avec une nation qui, ne leur faisant aucun mal, peut leur faire beaucoup de bien; il est possible enfin que toutes craignent les conséquences qu’aurait infailliblement dans leurs propres Etats la guerre qu’elles déclareraient ouvertement à des opinions précieuses pour tous les hommes, à des opinions de nature à se propager avec plus de rapidité par l’effet des obstacles qu’on leur oppose; car il est hors de doute que nos victoires allumeraient des feux de joie chez nos ennemis ; il n’est pas moins certain qu’un deuil effrayant accompagnerait partout nos défaites. Mais ces réflexions ne suffisent pas à notre sûreté; c’est à ces puissances à les faire; c’est à elles à envisager leur entreprise dans tous ses rapports. Notre devoir est de consulter l’expé-rieuce; elle nous apprend que les princes sont, comme tous les hommes, sujets à de grandes erreurs, et souvent entraînés par la passion dans des mesures que la raison et la prudence condamnent. Eloignons donc de notre esprit tout autre motif de sécurité, si ce n’est celui qui doit résulter de