151 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 1790.] l'administration, à ce centre du mouyementgêné-ral; ne fût-ce enfin que pour vous indiquer les rapports continuels de certaines parties de vos délibérations avec la situation présente des affaires. Une seule idée , une st3Ule décision générale ne peuvent suffire pour nous affranchir des grandes difficultés de cette année; il faut donc ue vous soyez informés presque journellement es différentes déviations, des différents changements de route que l’inconstance du crédit et la succession des événements pourront rendre nécessaires. Ces assujettissements dans la suite n’existeront plus, il faut du moins l'espérer : un ordre constant et durable rendra l’administration simple et facile; mais il faut jusque-là adapter vos dispositions aux choses présentes, en même temps Jue vous préparerez celles qui suffiront à l’avenir. e ne connais rien de plus propre à ranimer la confiance, que l’établissement d’un bureau de trésorerie essentiellement composé de députés à l’Assemblée nationale; il sera considéré comme le point de réunion entre l’administration et la législation des finances, et un tel accord est si nécessaire, que dans les pays étrangers on s’étonne qu’à la suite de nos événements, la machine des finances puisse marcher encore, lorsque son administration est absolument séparée de l’Assemblée où l’on fixe, où l’on détermine toutes les délibérations qui l'intéressent. Et l’on comprendra plus difficilement encore, comment le ministre qui régit la finance est celui qui, pour le bien public, sollicite l’abdication d’une partie essentielle de son pouvoir, et la perte de la considération qui s’y réunit, tandis que l’Assemblée nationale refuserait de participer à cette concession par l’admission de ses députés dans le bureau de trésorerie. On oppose un de vos décrets précédents à l’établissement de ce bureau, aux conditions que j’ai désignées; mais ce décret est votre propre ouvrage, il était applicable à d’autres circonstances, à d’autres idées ; ainsi vous ne devez vous faire aucun scrupule d’y apporter une modification, lorsque vous y serez conduits par le môme motif qui doit être le principe de toutes les lois, le désir véritable du bien de l’Etat. C’est pour mettre les députés à l’Assemblée nationale à l’abri de toute séduction, de tout ascendant de la part du gouvernement, que vous les avez astreints à n’accepter aucune place à sa nomination; mais je l'ai déjà fait remarquer dans mon dernier mémoire, le bureau de trésorerie dont il est question, n’offre qu’une commission difficile, qu’une charge pénible. J’ajouterai qu’on pourrait, si on le jugeait convenable, n’y attribuer pour un temps aucun appointement; on pourrait encore, mais toujours selon moi, par un esprit de défiance, dénué de fondement, on pourrait exiger que pendant la durée de la présente session, aucun membre du bureau de trésorerie n’accepterait de place dans le conseil du roi. Il vous est donc aisé, Messieurs, de calmer vos inquiétudes, et il me semble qu’indéçendamment des sentiments de confiance que méritent de vous les ministres actuels, vous pourriez encore être tranquilles en remarquant simplement les bornes étroites de leur influence. Par quelle singularité donc continueriez-vous à les considérer comme des séducteurs dont on ne peut s’approcher sans péril ? Eh 1 quoi, tout est changé, et vous partiriez encore des anciennes idées! 11 n’y a plus de danger pour la vertu civique que dans ses applications exagérées; la juste mesure des idées sera toujours le véritable soutien des sentiments honnêtes, puisqu’ils ont besoin de cette association pour paraître réels, et pour recevoir la récompense d’opinion qui leur sert d’encouragement. Vous ne négligerez donc pas le bien de l’Etal et ce qu’il exige, pour une simple renommée de sacrifices qui n’ont plus d'existence, et sûrement vous n’imiterez jamais ce petit nombre de personnes qui prononcent encore les mots imposants de despotisme ministériel, pour se ménager l’honneur apparent de le braver; un courage, si à J’abri de toute espèce d’inconvénients, ne serait pas digne de vous. C’est bien plutôt à seconder franchement les mesures sages du gouvernement qu’il y a du mérite et de l’honneur, puisqu’on risque encore de perdre quelque chose par cet exercice d’une vertu simple mais réelle. Je reviens à l’élablisement d’un bureau de trésorerie; ma santé qui s’affaiblit, me fait sentir de plus en plus qu'un homme seul ne peut répondre à une administration sur laquelle le crédit repose en partie. 11 faut toujours sans doute conserver l’unité d’action ; mais il faut y réunir cette permanence, cette invariabilité dont un bureau de trésorerie, composé de plusieurs personnes, peut seul être le garant. Aujourd’hui l’on voit tout le contraire, car à toutes les incertitudes de durée qui accompagnent l’administration d’un seul vous avez encore joint une diversité d’action, par l’établissement de plusieurs comités qui ont chacun leur système, leurs idées et leurs opinions. On dit qu’un de vos motifs d’éloignement pour l’établissement d’un bureau de trésorerie, c’eat que vous préférez, comme plus simple, une responsabilité individuelle, à une responsabilité collective; mais une telle responsabilité n’a pas été instituée pour en faire un objet de prise, et pour se ménager le plaisir d’exercer un droit de vindicte; elle a pour unique principe, l’utilité d’une garantie contre les abus : mais si toutes les garanties de ce genre, une administration collective est la meilleure, ce qu’une telle administration offre d’un peu plus composé pour l’application des lois de responsabilité, serait plus que compensé par la certitude morale de n’avoir jamais besoin d’une pareille caution. Je dépose donc ici de nouveau mon opinion sur l’importance, en tous temps, sur la nécessité absolue en ces circonstances, de l’établissement d’un bureau de trésorerie, aux conditions que j'ai désignées. Vous allez décider ou d’un très grand bien, ou d’un très grand mal; et si je pouvais mêler un vœu particulier à l’intérêt public qui m’occupe essentiellement, ce serait que vous voulussiez bien vous souvenir en tous les temps de l’ardeur soutenue que j’ai mise à ma sollicitation. 11 est peu de dispositions dans les affaires publiques qui satisfassent à tout sans inconvénients ; mais si vous adoptez celle dont je vous entretiens ; si, considérant les commissaires du bureau de trésorerie, non pas comme vos rivaux, mais comme vos alliés, vous les écoutez avec intérêt, avec confiance, et les assistez de vos forces, toutes les personnes qui réfléchissent et qui voient encore au delà des idées qu’on se permet de présenter, applaudiront à votre détermination, et en augmentant de reconnaissance envers le roi, elles acquerront chaque jour un nouveau degré d’espérance. (La lecture du mémoire de M. Neckerne donne lieu à aucune discussion.) M. Goupil de Préfeln. J’ai à faire une motion qui a pour but d'augmenter le produit de la contribution patriotique. Je propose ae charger le 152 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. )13 mare 1790.] comité des finances de nous présenter promptement un décret pour convertir ia contribution patriotique en un dixième patriotique. M. Regnaud (de Saint-Jean d'Angély ). L’Assemblée, dans son décret sur la contribution, a eu en vue de ménager les petits propriétaires, et d’atteindre les capitalistes et l’industrie : la pro-fiosition de M. Goupil manquerait ces deux objets. e propose de charger le comité des finances de rechercher les moyens de faire parvenir la contribution patriotique au point où elle doit arriver, d’après les ressources de la France et le patriotisme de ses habitants. M. Delley d’Agler. Je propose d’ordonner que, dans toutes les municipalités, on lira, dans une assemblée générale des citoyens actifs, la liste des déclarations qui pourront encore, à cette époque, être changées; chaque déclarateur sera tenu de se lever, et de déclarer qu’il a dit la vérité. Tout autre moyen serait tyrannique. M. I�e Chapelier. Nous devons laisser le fond du décret tel qu’il est ; mais il a des i ncon vénients. Il faut charger le comité des finances de proposer les moyens de parer à ces inconvénients sans toucher aux éléments de la contribution, sans alarmer les citoyens, et sans porter préjudice aux fortunes. M. Démeunier. Je demande que le comité indique jeudi prochain les moyens dont se serviront les municipalités pour faire payer exactement la contribution patriotique; qu’il examine celui que propose M. Delley d’Àgier; qu’il considère si l’on peut accorder un nouveau délai, passé lequel ceux qui n’auront pas fait de déclaration seront taxés d’oflice... ( Une partie de L'Assemblée s’agite et murmure.) 11 s’agit de sa voir si la constitution sera anéantie, et si l'on veut conserver la liberté. On ne peut écarter par des murmures, ou par toute autre méthode, une discussion d’où dépend le salut de la France et la constitution. Le corps législatif ne pourrait-il pas, ne devrait-il pas ordonner une semblable disposition, si 1a chose publique était en danger? Il faut parler avec franchise; il est des villes, il est des cantons, je ne dirai point des classes de citoyens, parce que je ne veux pas établir la division et la discorde dans cette assemblée, il est des cantons où la contribution patriotique n’a rien produit; où l’on voit des agents persuader aux citoyens qu’ils ne doivent pas s’y soumettre. (La partie droite de l'Assemblée témoigne vivement sa désapprobation .) Je demande d’abord qu’on ne délibère pas sur la proposition de M. Goupil : je conclus, en second lieu, en renouvelant la demande quia commencé mon opinion. M. Populus fait lecture d’une lettre qui lui est adressée de Bourg-en-Bresse; cette lettre contient le fait dont voici le récit : M. le comte d’Antraigues, passant à Bourg, a dit à l’aubergiste chez lequel il logeait, et qui lui demandait des nouvelles de l’Assemblée nationale, que l’Assemblée ne savait ce qu’elle faisait; que la banqueroute et la guerre civile étaient inévitables ; qu’il fallait bien se garder de porter de l’argent à la contribution patriotique, et qu’il valait mieux le cacher. M. le comte d’Antraigues, en partant de Bourg, a pris la route de Nantua pour ?e rendre en Suisse. — La lettre est signée Durand. — M. Populus certifie l’écriture, la probité el le patriotisme de ce citoyen, et dépose la lettre sur le bureau. — Je saisis cette occasion, dit-il, d’observer combien on abuse des passeports que l’Assemblée a la faiblesse de donner : on les demande pour aller chez soi, on parcourt le royaume afin de semer la discorde, et l’on va jouir hors de la France du mal qu’on a fait à sa patrie. Je demande qu’il ne soit plus donné de passeports; si quelqu’un de nous est malade, il trouvera des médecins à Paris. M. le Président rappelle que la motion de M. Goupil de Préfeln est l’objet de la discussion. L’Assemblée délibère : elle renvoie au comité des finances toutes les motions relatives à la contribution patriotique. M. le Président. L’Assemblée aura à son ordre du jour de demain, d’abord la discussion du projet de décret pour le remplacement de la gabelle, ensuite la discussion du projet de décret qui vient d’être présenté aujourd’hui par le comité des finances. (La séance est levée à 3 heures et demie.) ASSEMBLEE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTÉSQUIOU. Séance du samedi 13 mars 1790, au matin. M. Guillaume, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture du procès-verbal de la . séance d’hier. Il ne s’élève pas de réclamation. M. le Président. M. Anisson, imprimeur du roi, m’a écrit pour déclarer que la faute qui s’est glissée dans l’adresse aux Français n’est point de lui et que le manuscrit qui lui a été remis porte : malheurs irréparables. M. Delley d’Agier. On vous a dit, sans être contredit, que l’envoi de chacun de yos décrets dans les provinces coûte 100,000 francs. Cet objet est tellement important, que vous devez, sur ce seul soupçon, désirer d’éclaircir ce fait. Je propose de charger les commissaires qui suivent l’envoi des décrets de prendre les informations nécessaires, et de vous proposer une réduction sur cette dépense. M. Bouche demande qu’afin de connaître si l’envoi des décrets a été fait exactement, MM. les commissaires présentent incessamment le tableau des décrets sanctionnés et envoyés jusqu’à ce jour. Ces deux propositions sont décrétées ainsi qu’il suit : L’Assemblée nationale décrète que les commissaires qu’elle a nommés pour surveiller l’expédition et l’envoi de ses décrets, prendront très incessamment connaissance de tous les frais et objets de détail relatifs à cette dépense, et présenteront, sous huit jours, un projet de décret pour sa réduction; « Décrète, de plus, que les mêmes commissaires rendront, dans le même délai, compte de leur mission ».