187 (Assemblée nationale. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 février 1791.] les officiers des maîtrises, chacun pour ce qui le concerne, comme si ladite aliénation n’était pas intervenue. «Au surplus, l’Assemblée nationale décrète que la liquidation de l’indemnité du droit de huitain dépendant du fief de Puy-Paulin, à Ua somme de 800,000 livres, par là décision du 8 janvier 1786, est et demeure pareillement nulle et révoquée ; en conséquence que le contrôleur des restes se pourvoira contre M. de Polignac en répétition de ladite somme de 800,000 livres, ou de telle partie de ladite somme qui lui aurait été payée, sous l’imputation et compensation de la finance de l’engagement dudit droit de huitain, suivant qu’elle sera justifiée. » Plusieurs membres ; Aux voix! M. le Président. Personne ne demande la parole ?... (Quelques minutes se passent dans le silence). M. de Foucault de Lardimalie, s’avançant précipitamment vers la tribune. {Applaudissements à gauche.) Messieurs , après les applaudissements que je viens de recevoir dans cette Assemblée, pour la première fois. ( Applaudissements ), c’est avec la connaissance de la défaveur la plus insigne, que je prends la parole. Mais je m’en réfère aux propres paroles souvent répétées du rapporteur. Je jetterai un voile très religieux sur les faits consignés dans le Livre rouge, et qu’on nous a rapportés ; mais il me semble que si nous commençons à le feuilleter, nous devons le finir. Plusieurs voix : Oui ! oui 1 M. de Foucault de Fardimalie. Je regarde, comme a fait le rapporteur, l’engagement du domaine de Fénétranges comme une libéralité, une générosité déplacée ; mais qui n’a pas reconnu, jusqu’au 1er de mai 1789, que les rois avaient le droit d’user de la libéralité de la munificence ? {Murmures.) Plusieurs voix : Jamais I M. de Foucault de Fardimalic. Je me suis servi jusqu’à présent du mot de générosité et de munificence, parce qu’il a été le plus familier au rapporteur ; mais si je considère l’engagement dont il est question, sous le rapport de vente, je vois que cette vente a été payée par un bon du roi. Or, n’avait -on pas le droit de faire des marchés et de payer avec des bous du roi, quoiqu'ils provinssent de la générosité et de la munificence du monarque? Si vous adoptez le projet de décret de votre comité, je demande si nous ne devons pas remonter au moment où les bons du roi ont commencé à être en usage et revenir sur tous les marchés q i ont été faits jusqu’à ce jour. Mais les rois n’ont-ils pas toujours eu le droit d’être libéraux? {Murmures.) Plusieurs voix : Non ! non ! M. de Foucanlt de Fardimalie. S’il est vrai qu’à titre de vente ils aient le droit d’engager leurs domaines... {Murmures.) Plusieurs voix : Non ! non ! jamais 1 M. de Foucault de Lardimalle. Ab ! c’est différent! En ce cas-là, s’ils n’avaieDt pas ce droit, il me paraît extraordinaire que le comité soit allé prendre pour exemple une vente faite avec des bons du roi, qui jusqu’ici avaient été regardés comme monnaie courante. Je m’étonne qu’il ne vous ait pas demandé ce dont nous étions tous chargés, c’est-à-dire que le roi rentrât dans tous les domaines engagés à vil prix. C'est à cet effet que vous avez particulièrement institué votre comité des domaines, pour revenir sur les marchés dans lesquels le roi avait été lésé sans le savoir. Ici je vois un domaine payé en bons du roi, que je regarde comme monnaie courante. Les rois ont toujours eu, et auront toujours, je l’espère, le droit de récompenser... Plusieurs membres : Aux voix ! M. de Foucault de Fardimalie. Je me résume. {Exclamations.) Sous le titre de vente, je vois que le comté de Fénétranges a été vendu. Sous le titre de libéralité , je vois que le roi avait le droit de donner un bon de 1,200,000 livres. Je ne vois pas comment on peut revendiquer ce domaine. — Le comité ne s’est pas encore acquitté de son emploi , depuis 21 mois. Il aurait dû chercher, dans le dédale des domaines, ceux qui ont été vendus sans que ce fût une libéralité. {Murmures.) Un membre à droite : On commence par là. M. de Foucault de Fardimalie. Je dis que le choix qu’il a fait de son rapport est une injustice {Exclamations.)... C’en est une, vous ne pouvez en disconvenir. M. le Président. Comme de chaque côté on crie à l’injustice, il ne reste plus qu’à savoir de quel côté elle est. M. de Foucault de Lardimalie. Défaisons-nous de tout esprit de prévention ..... Voici mon amendement : premièrement, la question préalable. {Rires.) S’il arrivait qu’il ne réussît point, je demande que cette affaire soit ajournée. Je demande enfin que le comité des domaines se pénètre bien de l’esprit de la fondation. M. le Président. Est-ce là votre amendement? M. de Foucault de Fardimalie. Qu’il n’intervertisse point l’ordre du jour. Car je vous assure qu’il a été fait une concession beaucoup plus scabreuse et que nous savons encore beaucoup li’affaires qui mériteraient d’avoir la préférence sur celle-ci. Je demande la question préalable et je la motive par des moyens que j’ai déjà employés; c’est que, sous le rapport ue vente, il n’y a rien qui n’ait été fait avec des bons du roi. M. de Custine. L’Assemblée, dans la sévérité de sa justice, va ordonner la restitution d’un don de 1,200,000 livres consigné dans le Livre rouge. Je demande en conséquence que tous les dons faits par le roi et constatés dans le Livre rouge, je veux parler de tout don occulte et caché à la nation, soient remis dans le Trésor public par ceux qui les ont reçus. {Applaudissements.) Plusieurs membres : Aux voix ! M. de Cazalès. Une des plus grandes injus- j88 jAsseœblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 février 1791.] tices dans lesquelles le Corps législatif puisse tomber, est d’invoquer la sévérité des lois pour un temps antérieur à celui auquel elles ont été faites; ainsi l’Assemblée serait beaucoup trop rigoureuse, si elle invoquait la sévérité des lois pour leur donner un effet rétroactif et les appliquer à un temps antérieur à son existence. Certes, même d’après les anciennes lois, les libéralités du monarque devaient avoir une mesure, et je ne m’oppose pas à ce qu’un domaine que vous croyez avoir été illégalement engagé soit réuni au domaine national; je m’abstiens de donner là-dessus mon avis ; mais je ne crois pas que vous puissiez adopter en même temps la mesure rigoureuse de faire poursuivre M. de Polignac pour une somme de 800,000 livres, qu’il a touchée comme une indemnité; ce payement était peut-être injuste; peut-être dans la rigueur du droit devrait-il être en partie restitué; mais il n’est pas de la dignité de la nation d’exercer une justice aussi sévère. (Murmures.) Je dis même à l’Assemblée que l’une des raisons qui peut-être doivent l’en détourner est que M. et Mme Polignac sont dans ce moment absents, sans considération, sans existence; ce n’est pas le moment d'être aussi sévère envers eux. S’ils jouissaient encore de la faveur qui les environnait autrefois, je serais le premier à monter à cette tribune pour les dénoncer; mais il serait aujourd’hui beaucoup trop sévère de les poursuivre pour 800,000 livres qu’ils tiennent de la libéralité du roi. (Murmures.) Libéralité qui leur a été faite dans un moment où, n’ayant qu’une fortune médiocre, ils occupaient une place que les mœurs de la cour rendaient infiniment dispendieuse; et j’observerai que ce serait le comble de l’injustice que d’appliquer à un temps des lois faites pour un autre. J’ajoute que votre décret envahirait toute la fortune de M. Polignac ; et je ne crois pas que l’Assemblée veuille ruiner une famille quelconque. Je persiste donc à croire que si la rentrée de la nation dans la possession du domaine de Féné-tranges est une justice ; que s’il est peut-être même dans l’esprit d’une justice rigoureuse qu’elle se fasse restituer les 800,000 livres, il n’est pas de la géuérosité de l’Assemblée de vouloir ruiner une famille avec tant d’acharnement. (Murmures.) JedemandequeledomainedeFénétranges rentre dans la possession de la nation; mais qu’il ne soit pas ordonné au contrôleur des restes de poursuivre M. Polignac pour une somme de 800,000 livres. Peut-être dans une assemblée où la défaveur que j’éprouve serait moins marquée, parviendrais-je à justifier cette libéralité elle-même. M. Charles de Lameth. Je demande la parole. Plusieurs membres réclament en même temps la parole. M. Rewbell. Je dois l’avoir pour une motion d’ordre. M. le Président. Je vous la donne. M. Charles de Lameth. Monsieur le Président, je cois l’avoir le premier. M. le Président. Monsieur, je suis ici l’homme de tous et non pas l’homme des passions particulières. M. Rewbell. Nous avons actuellement à discuter l’affaire de Fénétranges; c’est sur cette affaire, sur le projet de décret seul qu’on doit proposer des amendements. Je demande qu’il ne soir délibéré sur aucune motion incidente, aucun amendement qui ne se rapporte directement à Ua motion principale, ces motions incidentes paraissant exiger elles-mêmes des rapports très-étendus. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. Charles de Lameth. Monsieur le Président, j’avais la parole sur l’ordre du jour. M. le Président. Attendez, Monsieur, un déni de justice avant de me montrer de la chaleur. On a passé à l’ordre du jour et vous avez la parole. M. Charles de Lameth. L’ordre du jour est le rapport du comité des domaines sur l’aliénation du domaine de Fénétranges, et les di-agressions accordées sur le degré de créance que l’on doit accorder au Livre rouge... (Murmures et interruptions.) Je ne sais pas pourquoi, lorsqu’on a entendu les préopinants avec la plus grande faveur, vous ne voulez pas maintenant entendre un membre de l’Assemblée nationale qui, j’ose le dire, n’a jamais pris la parole que pour l’intérêt public, que pour le renversement de tous les abus. Je ne vous ai jamais parlé de moi, Messieurs... (Murmures prolongés.) M. le Président. Il est cruel de vouloir empêcher un opinant de parler; je ne souffrirai de qui que ce soit que M. de Lameth soit interrompu. M. Charles de Lameth. Je crains que l’amendement de M. de Custine, si vous l’adopiez, ne porte dans plusieurs maisons le chagrin et la désolation; je crains qu’il n’ait nne telle extension, qu’il réduise une quantité de familles au désespoir. Mais, Messieurs, après les libelles, les diffamations plus ou moins circonstanciées, mais que j’ai toujours profondément méprisés, après un système ourdi depuis l’époque de la convocation des Etats généraux, contre moi et contre ma famille, je dois... (Murmures et interruptions). Voix nombreuses : A l’ordre du jour ! M. le Président. J’entends fort bien les sourdes réclamations de l’ordre du jour; mais je déclare que si le nom de M. de Lameth est sur le Livre rouge} je le trouve parfaitement à l’ordre jour. M. Charles de Lameth. Je n’ai pas éludé d’en parler à l’Assemblée nationale et je suis charmé d’en trouver occasion. Je désire que toutes les personnes qui m’écoutent y mettent la même franchise. (Applaudissements.) Oui, Messieurs, mon nom est sur le Livre rouge pour 60,000 livres ; cette gratification accordée à ma mère pouvait être regardée avec raison comme une indemnité qui lui était due à cause des différentes réductions qu’on avait faites à ses pensions dans différentes circonstances, et notamment sous M. l’abbé Terray. Je n’observerai pas à l’Assemblée nationale que ma mère, fille et sœur d’officiers qui avaient été assez heureux pour rendre à la patrie des servi- 189 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 février 1791.] ces importants et décisifs, veuve avec une nombreuse famille et peu de fortune, avait le droit de ne pas être recherchée, déchirée par les ennemis de la chose publique, qui sont devenus les siens et les nôtres. Malgré les distinctions insidieuses que l’on voudrait faire, on ne parviendra jamais à jeter la désunion et l'inimitié dans une famille dont l’amitié et l’union ont toujours fait le bonheur. Ainsi, je m’associerai à ma mère et je la défendrai envers et contre tous. Je dirai qu’il vient d’être fait une motion par M. de Custine ; elle pouvait m’avoir pour objet, si ce n’est dans son intention, au moins dans les applaudissements qu’elle a reçus. Il y a longtemps que je cherchais ardemment l’occasion de pouvoir déclarer ma façon de penser à l’Assemblée nationale. Le jour même où cette gratification, accordée à ma mère, fut connue du public, elle ouvrit la carrière aux libelles et aux diffamations contre nous; et je formai le projet de faire bénéficier l’Etat, de rendre cette somme à la nation, delà manière qu’il me serait possible, sur mon propre bien, quoiqu’il ne soit pas considérable ; je la lui rendrai, soit que l’Assemblée décrète l’amendement que je n’ose appuyer, mais contre lequel je ne m’élèverai pas, soit qu’elle le repousse. Voilà, Messieurs, ce que je voulais dire à l’Assemblée nationale ; j’en prends l’engagement, je le rendrai public ; et les quittances qui me l’auront fait remplir seront des preuves authentiques. (. Applaudissements réitérés de tous les côtés de la salle.) M. le Président fait un résumé de la délibération. M. de Cazalès. J’insiste sur mon amendement qui consiste à ne pas ordonner de poursuites contre M. de Polignac. (L’amendement de M. de Gazalès est rejeté par la question préalable. ) M. l’abbé Grégoire. Vous avez entendu que la crédulité du roi a été surprise pour un don de 800,000 livres ; vous avez entendu qu’un ex-ministre prévaricateur, M. de Galonné, a été le principal ouvrier de cet œuvre d’iniquité ; je demande qu’il soit poursuivi comme solidaire du payement. ( Applaudissements .) M. Pison du Galand, rapporteur. Le comité adopte l’amendement de M. l’abbé Grégoire, et voici ses motifs : Lorsque M. de Polignac demandait à être indemnisé de la perte qu’il prétendait avoir faite, quel était le devoir du ministre des flnances?Son devoir était de remettre cette demande sous les yeux du roi, de s’informer à quel prix elle devait s’élever en effet. Point du tout ; au lieu d’instruire le roi de tout ce qu’il était important qu’il apprîtdans cette affaire, il le cache avec adresse ;il parle d’un droit de 48,000 livres, d’un droit à une indemnité d’un million, pour laquelle il prétend avoir fait accepter 800,000 livres. Le ministre a donc nécessairement participé à l’infidélité commise envers le roi. M. Lambert de Fronde ville. Je propose de dénoncer le ministre devant un tribunal. i\l. de Tracy. L’Assemblée est assez instruite pour rendre MM. de Galonné et de Polignac responsables ; mais elle ne l’est pas assez pour stipuler la somme. Je demande l’ajournement et le renvoi de l’amendement de M. l’abbé Grégoire à un nouvel examen du comité. M. Chabroud. Je crois que la responsabilité de M. de Galonné est un point de droit acquis ; mais, malgré cela, je ne crois pas nécessaire de l’énoncer dans le décret. Il suffirait de charger le contrôleur des restes de poursuivre M. de Galonné et M. de Polignac en restitution de la somme due. M. de Folleville. Il faut non un jugement, mais un ordre au contrôleur des restes. (L’Assemblée décrète l’amendement de M. l’abbé Grégoire.) Le projet de décret est adopté comme suit : « L’Assemblée nationale, considérant que l’engagement du domaine de Fénétranges aux sieur et dame ci-devant duc et duchesse de Polignac, a été substitué à des décisions en vertu desquelles ce domaine devait leur être concédé à titre presque entièrement gratuit, et qu’il résulte du registre particulier des décisions de finance, connu sous le nom de Livre rouge, qu’il a été accordé aux sieur et dame de Polignac une ordonnance au porteur du montant de la finance dudit engagement, laquelle est comprise dans le compte de l’arriéré de 1782, en sorte qu’aucune finance effective n’a réellement tourné au profit du Trésor public, décrète: « Que l’arrêt du conseil du 2 juin 1782, portant commission à la chambre des comptes de Lorraine pour l’aliénation dudit domaine, ci-devant baronnie de Fénétranges, aux sieur et dame de Polignac, au prix de 1,200,000 livres, l’ordonnance au porteur du montant de cette finance, énoncée dans le Livre rouge; la quittance de ladite finance, passée par le garde du Trésor royal le 26 du même mois de juin; l’arrêt de la chambre des comptes de Lorraine, du 13 du mois de juillet suivant, portant aliénation et délivrance dudit domaine, et tout ce qui a précédé et suivi, sont et demeurent nuis et révoqués ; en conséquence, que ledit domaine et ses dépendances, sans en rien excepter, sont et demeureront réuni3 au domaine national, pour, à compter du jour de la publication du présent décret, les biens et droits en dépendant être régis, perçus, administrés, et ses produits comptés par les agents et préposés de l’administration des domaines et les officiers des maîtrises, chacun pour ce qui le concerne, comme si ladite aliénation n'était pas intervenue. « Au surplus, l’Assemblée nationale décrète que la liquidation de l’indemnité du droit de huitain, dépendant du fief de Puy-Pauliu, à la somme de 800,000 livres, par la décision du 8 janvier 1786, est et demeure pareillement nulle et révoquée ; en conséquence, que l’agent du Trésor public se pourvoira tant contre M. de Polignac que contre le sieur de Galonné, ci-devant contrôleur général des finances, en répétition solidaire de ladite somme de 800,000 livres, sous l’imputation et compensation de la finance de l’engagement dudit droit de huitain, suivant qu’elle sera justifiée. » Une députation de la municipalité de Paris est in - troduitefl la barre. M. l’abbé Mulot, officier municipal, présente cette députatioii et s’exprime ainsi : « Messieurs, la municipalité de Paris ne pou-