ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 13 mars 1791.] 644 [Assemblée nationale.) M. Bouche. Ce compte n’a point été rendu comme le décret l’ordonne; il a été rendu par aperçu, puisqu’aperçu il y a. M. Lebrun . Non pas par aperçu, mais par un compte exact. M. Dupont (de Bigorre). C’est moi qui ai fai t le rapport à la tribune ; j’ai donné l’état en entier, et non pas un aperçu. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Camus, au nom des comités des -pensions et de liquidation . Messieurs , vos commissaires à la liquidation ont recherché les causes du retard qu’elle éprouvait; ils ont trouvé extraordinaire que, dans un Etat obéré de dettes, il n’y ait pas de créanciers prêts à être payés. Déjà nous avons proposé plusieurs décrets tendant à accélérer la liquidation : cette raison d'accélération vous a fait demander un commissaire du roi dans cette partie, qui vous présentait en outre une responsabilité. Cependant la liquidation n’avançait pas autant que vous et la nation le décriez ; nous en avons recherché les causes, et nous nous sommes aperçus que le retard venait de ce que les rapports à faire par le directeur de la liquidation, se trouvaient divisés en une multitude de comités, parmi lesquels il s’élevait quelquefois des dilficuités de compétence. Pour prévenir ces retards, voici le projet de décret que nous avons l’honneur de vous présenter : « L’Assemblée nationale décrète qu’à compter de ce jour, le directeur général de la liquidation portera tous les rapports relatifs à la liquidation des différentes parties de la dette publique remboursable, pensions, brevets de retenue, décomptes des pensions et autres objets compris dans les différents décrets précédemment rendus sur la liquidation de la dette remboarsable, au comité central de la direction de liquidation; que, sur ces rapports, le comité central rendra compte à l’Assemblée de tous les objets qu’il jugeia n’être susceptibles d’aucunes dilficuités ; qu’à l’égard de ceux qui seront jugés susceptibles de difficultés, le comité central les renverra aux comités respectifs qu’ils regardent, pour y être examinés et et ensuite portés à l’Assemblée. » Un membre demande l’ajournement de ce projet de décret. (L’ajournement est rejeté par la question préalable.) M. d’SSstourmel. J’observe que le comité de liquidation devait statuer, il y a 15 jours ..... , Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. d’Estourmel . . . sur une difficulté qui s’est élevée pour la liquidation de l’arriéré du département de la maison du roi. Je puis en parler d’autant plus savamment, qu êtant dans le cas de faire liquider un arriéré dù à la succession de mon beau-père, je n’ai du obtenir de décision. Je demande le renvoi de ma demande au comité de liquidation. (L’Assemblée ordonne ce renvoi et adopte le projet de décret du comité.) M. Despatys de Courteilles. Messieurs, les électeurs nu département de Sein e-et-Marne ont procédé à l’élection du nouvel évêque de ce dt - (1) Voyez le rapport de M. Dupont (de Bigorre), Archives parlementaires , tome XII, page 63. parlement, en remplacement du ci-devant évêque de Meaux, qui a refusé de souscrire à la loi du 26 décembre sur le serment civique. L-ur choix s’est porté sur un respectable pasteur qui depuis 35 ans remplit son saint ministère à l’édification de tout son canton ; il appartient à la classe si intéressante et si précieuse des cultivateurs, et se nomme M. Thuin, curé de Danemary, enCler-montois. ( Applaudissements .) M. le Président. J’ai reçu la lettre suivante : « Monsieur le Président, les députés des hommes de couleur, libres, des Antilles, de [Saint-Domingue, privés, contre le terme des décrets, du droit le plus précieux pour tous les hommes, supplient l’Assemblée nationale de vouloir bien les admettre à la barre afin d’y ex poser leurs griefs; ils espèrent cette justice d’une Assemblée qui leur a déjà assuré que jamais aucun opprimé ne réclamerait vainement son secours. « Nous sommes, avec un profond respect, Monsieur le Président, etc. . . » M. d’André. Il faut savoir si ces Messieurs sont effectivement députés; je demande qu’ils soient tenus de présenter leurs pouvoirs au comité colonial. M. Camus. Il est d’usage que les pouvoirs des députadons soient vérifiés par le Président. (L’Assemblée décrète que la députation sera admise lorsque M. le President aura vérifié ses pouvoirs.) L’ordre du jour est la discussion du projet de décret concernant les dispositions qui doivent compléter l'organisation des corps administratifs (1). M. Désnennier, rapporteur. Messieurs, parmi les dispositions que contient le projet de décret sur le complément de l'organisation des corps administratifs, qui vous a été distribué hier, il en est plusieurs qui sont si simples, si analogues à ce que vous avez décrété, que je ne les crois pas susceptibles d’une longue discussion. Sans doute, on pourra y proposer des modifications et des amendements; mais il me semble qu’on pourrait les mettre aux voix successivement, avant d’arriver à la grande question, la suspension et la dissolution des corps administratifs. M. Robespierre. Le projet qu’on nous propose est de la dernière importance ; il touche à la Constitution entière; il décide de l’influence des corps administratifs sur toute la Constitution et de la destinée des corps administratifs eux-mèraes. Le résultat évident du projet qui vous est présenté est d’annuler les corps administratifs inferieurs, tels que les municipalités et les administrations de districts, pour les mettredans une dépendance purement passive des directoires de départem nt. (. Murmures et applaudissements.) Et on ne met les corps administratifs dans la dépendance des directoires de département que pour remettre ensuite, dans ce même projet, les directoires de département eux-mêmes dans les mains du ministre. Voilà, Messieurs, en deux mots le résultat du projet. ( Murmures et applaudissements.) 11 est bien douloureux pour un membre qui demande à parler sur une matière qui intéresse aussi essen-(1) Voyez ci-dessus, séauce du 2 mars 1791, page 630, le rapport de M. Démeunier et le projet de décret du comité de Constitution. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mars 1791.] 645 tiellement la nation, de se voir interrompu par des murmures tels qu’il lui est impossible de se livrera aucune espèce de discussion. Je me borne donc dans ce moment à demander l’ajournement. ( Les murmures redoublent.) M. d’André. Laissez-le parler. M. Robespierre. Je demande l’ajournement et un délai sut'tisa it pour que tous les membres puissent prendre connaissance de la question ; son extrême importance s’aperçoit, et par la nature de la matière, et par le résultat que je vous ai présenté. Voix diverses : Oui! Non 1 M. Bouche. Je demande le silence ; ce que Monsieur dit est juste. M. Robespierre. La délibération ne peut commencer avant qu’il se soit établi une discussion générale scr l’ensemble et sur les résultats de ce projet. {Murmures.) Ce n’est pas par des cris qu’il convient de repousser les réflexions qu’un membre se croit obligé de présenter sur un décret de cette importance, sur un décret d’où dépend le sort des corps administratifs et de la Constitution. Ce décret u’ayantôté présenté qu’hier, il est impossible d’en faire aujourd’hui l'objet d’une discussion, et bien moins d’une délibération. Une délibération de celte importance proposée du soir au matin, c’est ce qui ne s’est jamais vu. Toujours les questions constitutionnelles ont été discutées. Ici il s’agit d’un décret qui renferme une foule de questions constitutionnelles du plus grand intérêt, et dont la décision peut, ou affermir, ou renverser la C institution. Je n’ai pas besoin d’en dire davantage pour réclamer avec succès, au nom de la liberté, au nom de la nation, un ajournement qui donne à tout le monde le temps de la réflexion. Un membre demande la question préalable sur l’ajournement. M. Rnzot. S’il ne s’agissait dans ce projet de décret que de savoir si les départements doivent avoir une influence quelconque sur les districts et sur les municipalités, et si le gouvernement lui-même doit avoir sur les corps administratifs une influence, salutaire à mon avis, il n’y aurait pas besoin de discussion ; car ces questions sont décidées; mais il s’agit de fixer les limites de cette influence, le mode de son exercice; il s’agit de la voûte de l’édifice de l’administration. Un rapport de cette importance, qui n’a été distribué qu’hier au soir, ne peut être discuté ce matin. J’appuie 1 ajournement et je propose que la discussion soit placée à jour fixe, à lundi. M. Le Chapelier. En général tous les moyens qui peuvent éclaircir une discussion doivent être adoptés; on ne saurait examiner avec trop d’attention des questions constitutionnelles. Cependant je ne suis pas d’avis de l’ajournement. Depuis deux ans que nous nous occupons d’objets constitutionnels, que nous travaillons sur les corps administratifs et que nos idées ont été naturellement appelées à examiner ce qui peut convenir à ces différents corps pour les faire aller d’une manière plus rapide et plus sûre, il est certain que presque toutes les idées sont faites sur la matière qui nous est soumise et que tout le monde convient qu’il faut attacher ces corps d’une manière quelconque au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif, pour qu’ils ne menacent pas le pouvoir que la Constitution délègue à l’un et à l’autre. Ainsi je ne vois pas la moindre difficulté à discuter le projet; allons doucement dans la délibération; qu’il s’établisse une espèce de discussion entre le rapporteur et chacun de nous. Si j’insiste sur ce que vous n’ajourniez pas, c’est que je vois que vous n’avez pas de travail constitutionnel prêt à être discuté; c’est que vous allez être pendant plusieurs jours à vous affliger de l’espèce d’inaction dans laquelle vous serez. Or, ne vaut-il pas mieux nous occuper de cette manière que d’être à ne rien faire? Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. Pétion de Villeneuve. Ce n’est pas assez de hâter nos travaux, il faut qu’ils soient médités. Quel membre de l’Assemblée a assez approfondi les questions importantes qui, dès le deuxième article du décret, se présentent à votre délibération? {Murmures.) Le plan du comité tend à asservir entièrement les municipalités et les districts, il demande donc un sérieux examen ; il faut en discuter les principes généraux et je demande un ajournement, quelque prochain qu’il soit. M. d’André. On nous dit que, depuis le temps que nous sommes occupés de tout ce qui concerne les corps administratifs, nos idées doivent être très présentes sur cet objet. Assurément, Messieurs, vous n’aviez jamais vu un travail semblable à celui qu’on vous nropose et vous n’aviez certainement jamais réfléchi à une pareille liaison, à une pareille connexité entre les corps administratifs, qu’on enchaîne les uns aux autres, de manière à les mettre entre les mains du ministère dans l’asservissement et dans l’esclavage le plus absolu. {Murmures et applaudissements.) Je demande donc l’ajournement à un terme prochain. M. Démetinier , rapporteur. Messieurs, les premiers articles ne préjugent pas du tout les questions importantes, par exemple ce qui regarde la suspension et la dissolution des corps administratifs. Gela est si clair que si vous voulez discuter successivement ces articles, sauf à vous arrêter lorsque l’Assemblée l’ordonnera, vous verrez qu’il ne s’y trouve pas le moindre rapport. Je provoque moi-même la discussion la plus étendue, non seulement sur les premiers articles, mais sur tous ceux qui paraîtront susceptibles de grandes difficultés. J’ajouterai que, dans le département de M. Pétion, on a intitulé décrets les délibérations du directoire; l’Assemblée le lui a défendu et il est nécessaire de statuer sur cet objet. M. l»a Poule. La plupart des députés sont trop occupés dans les comités pour pouvoir examiner aussi rapidement des projets d’une telle importance sur des parties de la Constitution. J’insiste pour l'ajournement. (L’Assemblée, consultée, repousse l’ajournement.) (La discussion est ouverte sur le projet de décret du comité.)