84 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juillet 1791.] [Assemblée nationale.) pension des droits ; et cette suspension ne pourra être que provisoire : la séquestration des revenus n’est qu’un acte de prudence que l’on se permet contre les ennemis de la patrie pour les empêcher de nuire. Prenez donc des mesures que l’état de la France vous présente comme nécessaires ; séquestrez les revenus de ces émigrants, et frap-pez-les d’un triple impôt. Appelés par vos destinées à l’honorable fonction de briser les fers de votre patrie, à établir au sein de l’Europe les droits de l'homme, et à naturaliser la liberté chez un peuple qui, par ses longs et pénibles efforts, semblait né pour elle, vous vous empresserez de calmer les inquiétudes sur des émigrations qui avaient alarmé tant de citoyens ; vous rappellerez des hommes égarés par les passions, au milieu de frères, ou bien vous les frapperez du sceau de la réprobation civique ; c’est avec cette sévérité politique que vous renverserez l’exécrable maxime des égoïstes et des cosmopolites ; et vous accoutumerez tous les Français à sentir ce qu’ils doivent à la patrie. Je conclus à ce qu’on aille aux voix sur le projet de décret du comité ( Applaudissements à l'extrémité gauche .) avec quelques amendements que je me réserve de proposer. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de M. Barrère.) M. le Président. J’ai reçu tme lettre de M. de Cazalès , ainsi conçue ; « Monsieur le Président, « Je vous prie de vouloir bien prévenir l’Assemblée que je donne ma démission. « Je suis avec respect, etc. « Signé : CAZALÈS. » J’ai reçu également une lettre de M. de Montbois-sier , député du département du Puy-du-Dôme , qui vu son grand âge et l’affaiblissement de sa santé envoie sa démission de député. La discussion du projet de décret sur les émigrants est reprise. Plusieurs membres : La discussion est fermée ! M. de Tonlongeon. L’usage étant d’entendre le rapporteur avant de fermer la discussion, on ne peut la fermer après une opinion semblable à celle du comité. (L’Assemblée, consultée, décide à une très grande majorité que la discussion est fermée.) M. de Croix. Il a été fait une motion d’ajournement ; je l’appuie jusqu’à ce que la tranquillité et la sûreté des personnes soient rétablies dans le royaume. Plusieurs membres : La question préalable ! M. Malouet. La motion de l’ajournement ne me paraît pas bonne pour éclaircir la discussion d’un projet aussi tyrannique que celui qui vous est présenté ; mais je crois devoir, en qualité... A gauche ..... de protestant. M. Malouet ..... de représentant de la nation, de marquer publiquement mon opposition à ce décret. M. Fréteau-Saint-Just. Messieurs, j’ai à vous faire une observation qui rendra à mon sens l’ajournement d’une nécessité indispensable, en le fixant toutefois à un terme très prochain. Il y a dans le projet de décret un article qui porte que les corps administratifs, les municipalités, etc., seront tenus de veiller aux propriétés des émigrants, lesquelles propriétés sont sous la sauvegarde de la force publique : il faut donc que vous ayez établi le mode suivant lequel on pourra requérir et faire appliquer la force publique à la défense d’un citoyen attaqué, soit dans sa personne, soit dans ses propriétés. Le comité de Constitution est prêt à vous proposer ce mode. Je crois conforme à votre dignité et à la raison de statuer avant tout sur le projet de décret relatif à l’action de la force publique, puisque la protection de la force publique est nulle si son action n’est déterminée. On peut mettre ce rapport à l’ordre du jour pour lundi prochain. Je regrette d’autre part qu’on n’ait pas pris les mesures propres à satisfaire les justes désirs du peuple. Je regrette qu’on n’ait pas pris des mesures pour qu’il soit rendu plainte contre les auteurs de l’enlèvement du roi, et du projet qui avait pour but de mettre une armée entre la Constitution et la conscience du roi. Je regrette qu’on n’ait pas encore pris des mesures pour détruire tous les obstacles qui ont été apportés sans cesse à l’action des pouvoirs et à l’activité des corps administratifs par les sous-ordres des ministres. Je demande donc que le projet de décret proposé ne soit pas mis en délibération avant que l’Assemblée ait rendu un décret sur Faction de la force publique, et entendu le rapport des sept comités sur l’enlèvement du roi... A gauche : Cela n’a pas de rapport ! M. Fréteau-Saint -Just ..... afin que, justice étant une fois faite, le peuple n’ait plus de motif de se plaindre. Ce sont ces mesures qui établiront la ligne de démarcation entre les français émigrés, les français rebelles, et les français timides qui désirent rentrer dans leur patrie. En conséquence, ma proposition est l’ajournement à lundi prochain du projet de décret du comité sur l’action delà force publique, du rapport des sept comités sur l’enlèvement du roi, et nous pourrons reprendre ensuite les mesures relatives aux émigrants. M. Bouehotte. Il est peut-être intéressant de se demander quelles seront les conséquences de l’ajournement qui vous est proposé. A mon sens, il sera ou funeste ou inutile : funeste, si vous laissez grossir le nombre des mécontents ; inutile, car en rendant aujourd’hui la loi qu’on vous propose, on pourra toujours mettre à l’ordre du jour de lundi ce que M. Fréteau demande, c’est-à-dire le décret sur l’action de la force publique, et ce dernier décret sera porté assez tôt. Si au moyen de l’ajournement on veut attendre que la Constitution soit entièrement finie, on veut donc nous conduire, comme on l’a fait depuis trois mois, d’ajournement en ajournement. Il faut que ies émigrants sachent le plus promptement possible les mesures qui seront prises contre eux. J’opine par conséquent pour que l’ajournement soit rejeté. ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !