474 [Assemblée nationale.] Il vous l’a accordée purement et simplement ainsi que vous l’avez désiré; et c’est tout ce qu’il nous était possible de proposer à Sa Majesté, puisque votre demande était bornée à cette acceptation. Le décret stir la gabelle a été sanctionné purement et simplement et dans son entier ; mais le premier ministre des finances a cru devoir proposer d’v annexer un règlement dont l’objet est de prescrire les moyens d’exécution de votre décret. Par exemple, il fallait bien, après avoir ordonné que le sel serait désormais débité au poids et non à la mesure, déterminer le temps indispensable pour garnir les greniers des ustensiles nécessaires à la pesée, et fixer l’époque où le sel devra être débité au poids. C’est ainsi que dans le même règlement, le Roi se réserve de faire incessamment les dispositions convenables pour la suppression des commissions de Valence, Saümur et Reims. Cette suppression devait être opérée par des lettres patentes adressées aux cours des aides, et c’est ce qui a été exécuté. Je crois. Messieurs, vous avoir donné les éclaircissements que vous attendiez de moi, et surtout vous avoir prouvé de plus en plus la pureté des sentiments des ministres du Roi. Vous l’avez proclamé le restaurateur de la liberté française à l’instant même où vous daigniez le remercier du choix de ses nouveaux conseils. Il le sera, n*en doutez pas, Messieurs, pourvu qu’il ne rencontre pas après nous des ministres qui osent à la fois tromper le meilleur des rois, et ne pas respecter les droit? sacrés des peuples. M. le Président. L’Assemblée nationale prendra en considération les éclaircissements que vous venez de lui soumettre. M. le garde des sceaux se retire. M. Target, membre du comité de Constitution, fait lecture du projet de loi contre les attroupements , tel qu’il vient d’être rédigé par le comité. M. de la Galissonnière propose de mander tous les ministres pour leur ordonner d’empêcher, par les mesures les plus efficaces, les accaparements dans les provinces, les exportations, et de favoriser la circulation intérieure. Il pense qu’il faut aussi mander MM. Bailly et de Lafayette, et leur enjoindre de se servir de tous leurs moyens pour réprimer les désordres de la capitale. M. Ricard de Séalt. La loi martiale demandée ne sera pas suffisante; les gens puissants trouveront moyeu d’y échapper. Saisissez ce moment prour créer un tribunal qui jugera les crimes de lèse-nation; mais il faut qu’il soit nouveau pour inspirer le respect nécessaire à la tranquillité de ses fonctions, qu’il soit pris dans votre sein, et composé d’un membre de chaque généralité; il aura un président, deux procureurs généraux; jugera en dernier ressort, et ses arrêts seront signés par le Roi. M. Glezen. La motion de M. Rarnave est susceptible d’un amendement. Il faut dire qu’il est enjoint au comité de police de se concerter avec le comité des recherches, et non au comité des recherches de se concerter avec le comité de police. M. Pétîon de Villeneuve. Quelque affligés que nous soyons de l’état de la capitale, nous de-[21 octobre 1789.] vons l’être aussi denotre position. On nous engage à veiller aux subsistances de Paris; nos seuls moyens consistent à rendre les décrets nécessaires. On a rendu le comité de subsistances inutile ; nos décrets n’ont pas été exécutés. Il serait dangereux que le peuple crût que nous pouvons exercer une surveillance qui est hors de nos fonctions; bientôt il nous rendrait responsables des événements. Faisons-lui connaître que nous avons rendu les décrets qui dépendaient de nous, et que c’est au pouvoir exécutif de veillera leur exécution. J’adopte la motion de M. Rarnave amendée par M. Gle-zen. M. Buzot. Il ne suffit pas d’effrayer le peuple par des lois sévères, il faut encore le calmer. Gréons le tribunal demandé; annonçons qu’ainsi que ses ennemis, des citoyens seront punis. Des promesses vaines aigrissent le peuple; la loi martiale seule pourrait exciter une sédition. Ce tribunal augmentera nos forces et le zèle des bons Français à nous offrir les renseignements nécessaires à leur vengeance. Je demande que le comité de Constitution présente lundi un projet sur la formation de ce tribunal. M. Duport propose, afin d’allier la tranquillité avec la liberté, et de prévenir la nécessité de ces mesures terribles, d’ajouter un autre article qu’il rédige ainsi : « Au premier attroupement apparent il sera, par les officiers municipaux, demandé aux personnes attroupées la cause de leur réunion et le grief dont elles demandent le redressement; elles seront autorisées à nommer six personnes pour exposer leur réclamation et présenter leur pétition. Après cette nomination, les personnes attroupées seront tenues de se séparer sur-le-champ, et de se retirer paisiblement. » M. Robespierre. Ne serait-il donc question dans cette discussion que d’un fait isolé, que d’une seule loi?.... Si nous n’embrassons pas à la fois toutes les mesures, c’en est fait de la liberté; les députés de la commune vous ont fait un récit affligeant; ils ont demandé du pain et des soldats. Ceux qui ont suivi la Révolution ont prévu le point où vous êtes : ils ont prévu que les subsistances manqueraient; qu’on vous montrerait au peuple comme sa seule ressource : ils ont prévu que des situations terribles engageraient à vous demander des mesures violentes, alin d’immoler à la fois, et vous et la liberté. On demande du pain et des soldats, c’est dire : le peuple attroupé veut du pain ; donnez-nous des soldats pour immoler le peuple. On vous dit que les soldats refusent de marcher... ehl peuvent-ils se jeter sur un peuple malheureux dont ils partagent le malheur? Ce ne sont donc pas des mesures violentes qu’il faut prendre, mais des décrets sages, pour découvrir la source de nos maux, pour déconcerter la conspiration qui peut-être dans le moment où je parle ne nous laisse plus d’autres ressources qu’un dévouement illustre. Il faut nommer un tribunal vraiment national. Nous sommes tombés dans une grande erreur, en croyant que les représentants de la nation ne peuvent juger les crimes commis envers la nation. Ges crimes, au contraire, ne peuvent être jugés que par la nation, ou par ses représentants, ou par des membres pris dans votre sein. Qu’on. ne parle pas de. Constitution quand tout se réunit pour l’écraser dans son berceau. Des mandements incendiaires sont publiés, les provinces s’agitent, archives parlementaires. 475 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 octobre 1789.] les gouverneurs favorisent l’exportation sur les frontières... Il faut entendre le comité des rapports; il faut entendre le comité des recherches, découvrir la conspiration, étouffer la conspiration. . . Alors nous ferons une Constitution digne de nous et de la nation qui l’attend. M. de Cazalès. Je demande que le préopinant donne les notions qu’il a sur la Constitution; sinon il est criminel envers le public et l’Assemblée. M. le comte de Mirabeau. On demande une loi martiale et un tribunal. Ces deux choses sont nécessaires; mais sont-elles les premières déterminations à prendre? Je ne sais rien de plus effrayant que des motions occasionnées par la disette; tout se tait et tout doit se taire, tout succombe et doit succomber contre un peuple qui a faim ; que serait alors une loi martiale, si le peuple attroupé s’écrie : Il n'y a pas de pain chez le boulanger? Quel monstre lui répondra par des coups de fusil? Un tribunal national connaîtrait sans doute de l’état du moment et des délits qui l’ont occasionné ; mais il n’existe pas ; mais il faut du temps pour l’établir ; mais le glaive irrésistible de la nécessité est prêt à fondre sur vos têtes. La première mesure n’est donc, ni une loi martiale, ni un tribunal. J’en connais une. Le pouvoir exécutif se prévaut de sa propre annihilation; demandons-lui qu’il dise de la manière la plus déterminée quels moyens, quelles ressources il lui faut pour assurer les subsistances de la capitale ; donnons-lui ces moyens, et qu’à l’instant il en soit responsable. M. Duport. Le tribunal ne peut être composé de membres de cette Assemblée; vous l’avez décidé, vous ne pouvez le former à demeure que quand vous aurez créé tous les tribunaux. Chargez provisoirement le Châtelet de juger les crimes de jèse-nation, avec les adjoints qui lui ont été donnés. Ce tribunal a déjà toute la dignité de la vertu, toute la force que donne la confiance du peuple. La loi martiale, publiée dans les provinces, influera sur les subsistances. Faites sanctionner ce soir et celte loi et l'attribution au Châtelet. M. le duc de la Rochefoucauld. J’adopte la loi martiale et la proposition de M. de Mirabeau. Je ne pense pas que les crimes de lèse-nation puissent être jugés par le Châtelet, à raison de son organisation. Le comité de Constitution rendra compte incessamment de son travail sur le tribunal demandé. M. Milseent. Avant de venger le peuple, il faut le faire subsister. Mandez tous les ministres pour qu’ils rendent compte de ce qu’ils ont fait pour prévenir la détresse de la capitale. M. le Président. Voici, Messieurs, un fait relatif à l’opinion de M. Milseent. Informé des inquiétudes de tous les citoyens, je me suis rendu chez M. Necker, et j’ai appris que le comité de police des représentants de la commune avait cessé toute communication avec le ministère. M. le Président met aux voix les articles. Voici le texte adopté : « L’Assemblée nationale, considérant que la liberté affermit-les empires, mais que la licence les détruit; que, loin d’être le droit de tout faire, la liberté n’existe que par l’obéissance aüx lois ; que si, dans les temps calmes* Gette obéissance est suffisamment assurée par l’autorité publique ordinaire, il peut survenir des époques difficiles, où les peuples, agités par des causes souvent criminelles, deviennent l’instrument d’intrigues qu’ils ignorent ; que ces temps de crise nécessitent momentanément des moyens extraordinaires pour maintenir la tranquillité publique et conserver les droits de tous, a décrété la présente loi martiale • « Art. 1er. Dans le cas où la tranquillité publique sera en péril, les officiers municipaux des lieux seront tenus, en vertu du pouvoir qu’ils ont reçu de la commune, de déclarer que la force militaire doit être déployée à l’instant, pour rétablir l’ordre public, à peine d’en répondre personnellement. « Art. 2. Gette déclaration se fera en exposant à la principale fenêtre de la Maison-de-Ville, et en portant dans toutes les rues et carrefours un drapeau rouge ; et en même temps les officiers municipaux requerront les chefs des gardes nationales, des troupes réglées et des maréchaussées, de prêter main-forte. « Art. 3. Au signal seul du drapeau, tous attroupements, avec ou sans armes, deviendront criminels, et devront être dissipés par la force. « Art. 4. Les gardes nationales, troupes réglées et maréchaussées requises par les officiers municipaux, seront tenues de marcher sur-le-champ, commandées par leurs officiers, précédées d’un drapeau rouge, et accompagnées d’un officier municipal au moins. « Art. 5. Il sera demandé par un des officiers municipaux aux personnes attroupées, quelle est la cause de leur réunion et le grief dont elles demandent le redressement; elles seront autorisées à nommer six d’entre elles pour exposer leur réclamation et présenter leur pétition, et tenues de se séparer sur-le-champ et de se retirer paisiblement. «Art. 6. Faute par les personnes attroupées de se retirer en ce momënt, il leur sera fait, à haute voix, par les officiers municipaux, ou l’Un d’eux, trois sommations de se retirer tranquillement dans leurs domiciles. La première sommation sera exprimée en ces termes : Avis est donné que la loi martiale est proclamée, que tous attroupements sont criminels ; on va faire feu : que les bons citoyens se retirent. A la deuxième et troisième sommation, il suffira de répéter ces mots : On va faire feu : que les bons citoyens se retirent. L’officier municipal annoncera à chaque sommation que c’est la première, la seconde ou la dernière. « Art. 7. Dans le cas où, soit avant, soit pendant le prononcé des sommations, l’attroupement commettrait quelques violences ; et pareillement, dans le cas où, après les sommations faites, les personnes ne se retireraient pas paisiblement, la force des armes sera à l’instant déployée contre les séditieux, sans que personne soit responsable des événements qui pourront en résulter. « Art. 8. Dans le cas où le peuple attroupé, n’avant fait aucune violence, se retirerait paisiblement, soit avant, soit immédiatement après la dernière sommation, les moteurs et instigateurs de la sédition, s'ils sont connus, pourront seuls être poursuivis extraordinairement, et condamnés, savoir : à une prison de trois ans, si l’attroupement n’était pas armé, et à la peine de mort, si l’attroupement était en armes. 11 ne sera fait aucune poursuite contre les autres. « Art. 9. Dans le cas où le peuple attroüpé ferait quelques violences, et ne se retirerait pas après la dernière sommation, ceux qui échapperont aux