174 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Bréard a annoncé les prises suivantes : Courrier du 10 fructidor Prises entrées à Lorient Un navire chargé de lin, allant en Portugal, pris par la frégate La Résolue. Un navire anglais de 250 tonneaux, chargé de diverses marchandises pour la traite des noirs, pris par la frégate La Fraternité. Idem à Brest. Un navire anglais de 180 tonneaux chargé de sucre, coton et rhum, pris par la frégate La Dryade. Prise faite par la frégate l’Agricole. Un bâtiment anglais chargé de charbon de terre, cuivre, peaux, saumons et autres marchandises. Courrier du 11 fructidor Prises entrées à Brest. Un brick anglais de 180 tonneaux chargé de cables, toile et chandelles, pris par le cutter Les Trois Couleurs. Un brick de 100 tonneaux chargé de chanvre, allant au Portugal, pris par le même. Un bâtiment de 95 tonneaux, chargé de blé pour Barcelonne, pris par le même. Un dit de 150 tonneaux chargé de fer et planches, allant au Portugal, pris par le même. Courrier du 13 fructidor Prises entrées à Lorient. Un brick anglais de 100 tonneaux, chargé d’eau-de-vie et de vin. Un brick de 180 tonneaux, chargé d’huile d’olive; ces deux bâtiments pris par La Surveillante. Un navire de 150 tonneaux, chargé de brai et goudron pour l’Espagne, pris par le cutter Le Courier. Idem, à Rochefort. Un bâtiment anglais de 400 tonneaux, chargé de tabac, pris par la frégate La Concorde. Un bâtiment de 78 tonneaux, chargé de saumons salés, 150 caisses de fer blanc, fayence et charbon de terre, pris par l’aviso L’Eveillé. Idem, à Port-Malo. Un navire anglais de 500 tonneaux, chargé de bled et de farine, pris par la corvette La Surprise (41). 23 La Convention nationale, sur le rapport du comité de Salut public, et après avoir entendu la lecture de Padresse présentée par les soldats et officiers de l’armée de la Moselle, décrète que cette adresse sera im-(41) Bull., 15 fruct.; Débats, n° 713, 285-286; M. U., XLII, 158-159; J. Mont., n° 127; C. Eg., n° 745; J. S.-Culottes, n° 564; Ann. Patr., n° 609; Rép., n° 256; J. Fr., n° 707; F. de la Républ., n° 425; Gazette Fr., n° 975; J. Univ., n° 1743. primée, insérée au bulletin, et envoyée à toutes les armées de la République (42). [Les soldats de l’armée de Moselle à la Convention nationale] (43). Représentans du Peuple, Qu’elle est belle la victoire que vous avez remportée dans la journée du 9 au 10 thermidor ! Encore une fois le peuple a donc été sauvé par votre courage, par votre constante énergie. Quoi ! Jusques dans le sénat, un tyran osa paroître et menacer la liberté ! Il n’est plus, ses complices ont disparu avec lui : périsse ainsi quiconque tentera de toucher à l’indépendance nationale, et d’usurper le pouvoir qui n’appartient qu’au peuple ! Poursuivez sans relâche les successeurs, les apologistes, les imitateurs de ces nouveaux tyrans; vous ne cesserez de bien mériter de la patrie; nous disons plus, vous mériterez bien du monde entier. Quand à nous, citoyens législateurs, nous vous déclarons que nous sommes décidés à combattre, jusqu’à la mort, les ennemis extérieurs. Nous ne servirons que la liberté et l’égalité; nous ne reconnoîtrons, pour première autorité, que la Convention nationale; nous n’aurons qu’elle pour ralliement, et les lois de la République une et indivisible, sont les seules auxquelles nous voulons obéir. Voilà nos vœux, voilà nos sermens. Suivent les signatures. Cette adresse est vivement applaudie. 24 Un membre du comité de Salut public fait, au nom de ce comité et de celui de Sûreté générale, un rapport sur l’événement de l’explosion de la poudrerie de Grenelle. TREILHARD : Un jour de deuil vient se mêler à nos jours de triomphe : l’instant où nous apprenons que le sol de la République est purgé des hordes ennemies éclaire un grand désastre, l’explosion de la poudrerie de Grenelle. Faut-il attribuer cet événement à l’imprudence ? Est-il l’effet du plus horrible des complots ? Si, d’un côté, les accidents trop communs dans les ateliers où se prépare la poudre, l’immensité de l’établissement que nous regrettons, la grande quantité d’ouvriers qui y sont employés, semblent nous permettrent d’accuser le sort de ce malheur, d’un autre côté, l’active perfidie qui nous poursuit et qui nous enveloppe nous donne le droit de tout craindre et de tout soupçonner. Les comités, dont je suis l’organe, veillent sans cesse pour percer ce terrible mystère. Ils écoutent avec une attention sévère tout ce qui (42) P.-V., XLIV, 276. Décret n° 10 671. Rapporteur : Treilhard. (43) C 318, pl. 1282, p. 10-11, minute signée de Treilhard. Bull., 15 fruct.; Débats, n° 712, 277-278; M. U., XLIII, 252; J. Mont., n° 127; C. Eg., n° 744; Ann. Patr., n° 609; Rép., n° 256; J. Fr., n° 708; F. de la Républ., n° 425. SÉANCE DU 15 FRUCTIDOR AN II (1er SEPTEMBRE 1794) - N08 24 175 peut avoir rapport à cet événement. Ils sondent les plus profonds replis des cœurs et des consciences; mais ils n’ont encore obtenu sur ce point aucun résultat digne d’être mis sous vos yeux; des déclarations leur ont été faites, quelquefois insignifiantes, quelquefois combattues par des déclarations contraires. Le patriotisme inquiet remarque tout, rapproche tout, s’alarme de tout : vos comités sont les dépositaires fidèles de ces précieuses sollicitudes; mais vous avez le droit d’attendre qu’elles seront pesées avec sagesse, et j’ose dire que vos espérances ne seront pas déçues. Dans ce moment, les comités se bornent à vous faire connaître les suites de ce funeste événement, et à vous présenter le tableau rapide de ce qui a été fait, de ce qu’on est prêt à faire pour le réparer. L’explosion a eu lieu à sept heures un quart; on assure qu’elle a commencé dans les grainoirs de la Liberté : c’est ce que semble indiquer la direction des arbres coupés et des bâtiments renversés. Citoyens, vous n’apprendrez pas sans intérêt que, la veille, cinquante milliers de poudre avaient été envoyés aux frontières, que les deux jours précédents il en était sorti cent milliers, et que depuis trois mois il n’avait pas existé moins de poudre dans la poudrerie qu’au moment de l’explosion. Au premier bruit de ce funeste événement, les représentants du peuple se sont élancés à leur poste; plusieurs ont accouru sur le lieu même, pour rassurer, pour secourir leurs frères et pour donner les ordres que comportaient les circonstances. Les secours à donner aux victimes infortunées ont attiré nos premiers soins; des hospices ont été ouverts pour les recevoir, les officiers de santé requis, les transports préparés : à onze heures tous les citoyens blessés avaient déjà reçu, soit au Gros-Caillou, soit à la maison des Invalides où on les avait transportés, les premiers secours et les pansements qu’exigeait leur état. Si notre premier mouvement a été donné à la sensibilité, notre attention s’est bientôt portée sur tout ce qui pouvait intéresser la chose publique. Des ordres ont été donnés au commandant de la garde nationale et au chef des pompiers; l’administration de police a été chargée de surveiller particulièrement les établissements publics et de mettre en activité de fortes patrouilles, et les comités des sections ont été réunis pour la prompte exécution de ces mesures. Plusieurs de nos collègues se sont chargés de la surveillance particulière de l’Arsenal et des maisons de détention; d’autres ont dirigé les secours portés sur le lieu du désastre; ils ont plusieurs fois visité les citoyens blessés, et n’ont négligé aucun des moyens nécessaires pour sauver les poudres, le salpêtre, le souffre, tous les objets enfin qui avaient échappé à l’explosion. Cependant, la Convention était le centre où tout aboutissait; elle écoutait tous les rapports, elle prenait ensuite les grandes mesures qui devaient porter en même temps du soulagement à tous nos maux. A l’instant où elle faisait une proclamation pour calmer, pour rassurer tous les esprits, elle ouvrait tous les trésors de la République pour réparer les pertes particulières : et ceux de nos frères qui ont succombé sous leurs blessures ont du moins emporté l’idée consolante que la patrie les rangeait au nombre de ses défenseurs, et que leurs familles avaient un droit acquis aux bienfaits de la République. Vos comités se sont surtout pénétrés de l’esprit qui avait dicté ce décret; ils ont cru remplir vos vœux les plus ardents en pressant son exécution, et dès hier des mesures ont été prises pour que les secours pécuniaires fussent versés à l’instant, et que les maisons endommagées ou détruites fussent promptement relevées. Jusqu’ici je n’ai parlé que de ce qu’avaient fait la Convention, les comités et les représentants du peuple : il est temps de vous faire connaître la conduite des sections de Paris. Une impression générale de peine et de tristesse s’est d’abord manifesté; bientôt un mouvement rapide et unanime a porté tous nos concitoyens au lieu du désastre : jamais le patriotisme et l’humanité ne se manifestèrent par des traits plus touchants; et nous pouvons dire que, si quelques citoyens ont eu le bonheur de se rendre plus utiles, tous étaient accourus avec le même esprit : le seul embarras des représentants du peuple était de contenir le zèle dont l’ardeur aurait pu devenir nuisible; mais la voix de la raison n’a pas un seul instant perdu de son empire, et bientôt un simple cordon a suffi pour défendre l’enceinte qui renfermait les citoyens en activité de service et les objets qu’il fallait surveiller. La force armée a rempli tout ce que vous étiez en droit d’attendre de cette ardeur infatigable qu’elle a tant de fois montrée; les fonctionnaires publics de Paris et des communes voisines se sont tenus dans une continuelle surveillance; les citoyens de toutes les sections portaient ou envoyaient en abondance des secours de toute espèce; et, quoique nous nous soyons interdit de retracer en ce moment les traits particuliers de dévouement, nous ne pouvons cependant résister au désir de vous dire que tous les invalides se sont empressés de céder aux blessés leur asile, leurs matelas, et de porter l’aliment qu’ils allaient prendre à ceux qui étaient en état de le recevoir. C’est à cet heureux concours de volontés et de sentiments que nous devons la conservation d’une partie considérable de poudre actuellement en sécurité à Meudon, ainsi que de tout le souffre et de tout le salpêtre qui étaient dans le magasin de Grenelle. Mais quand je vous parle de ce que nous avons conservé, vos cœurs me demandent compte de ce que nous avons perdu. Citoyens, ce n’est pas lorsqu’on parle à des républicains, lorsqu’on parle au nom de vos comités, qu’on peut chercher à déguiser ou a affaiblir vos pertes; mais vous sentirez facilement que l’espoir fondé de rendre à la société une partie des blessés ne nous permet pas de fixer en cet instant le nombre des victimes; il me 176 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE suffît d’annoncer qu’il est infiniment au-dessous de celui que la malveillance, qui grossit tout, qui empoisonne tout, se plaît à publier. J’ai déjà observé que, depuis trois mois, il n’y avait pas eu moins de poudre dans la poudrerie : la perte dans cette partie est légère; elle n’ôte rien à nos moyens d’attaque contre nos ennemis. Valenciennes et Condé nous en ont fourni dix fois plus que nous n’en avons perdu : aussi n’est-ce pas sur cet objet que pourra s’exercer la malveillance; elle annoncera sans doute avec complaisance que l’établissement perdu ne se réparera jamais, ou du moins qu’il ne se réparera qu’avec une lenteur mortelle. Je pourrais dire que le soldat républicain n’a pas besoin de poudre, quand il a une baïonnette; cent actions l’ont assez prouvé; mais j’annonce hautement que les mesures sont prises pour que la fabrication des poudres ne soit pas ralentie; qu’elle sera distribuée, sur plusieurs points, dans des moulins déjà existants; que de nouvelles fabrications révolutionnaires succéderont aux anciennes dans des lieux éloignés de toute habitation; que de nouveaux mécanismes, qu’on venait de perfectionner, vont économiser l’emploi des hommes, et qu’enfîn, avant huit jours, le produit de la fabrication sera de niveau, peut-être supérieur à celui de la fabrication ancienne. Rois, despostes, aristocrates, fanatiques de toute espèce, apprenez donc enfin à connaître cette nation, dont le courage s’accroît dans le péril, et dont le malheur centuple les ressources. Les sages décrets que la Convention a rendus hier, celui qu’elle vient de rendre sur le rapport du comité des Secours me laissent à proposer, de la part des deux comités, le décret suivant (44). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses deux comités de Sûreté générale et de Salut public, décrète qu’il sera fait mention honorable du zèle que les citoyens de Paris et des communes environnantes ont manifesté dans la journée de l’explosion de la poudrerie de Grenelle. Le présent décret et le rapport qui a précédé seront imprimés, insérés au bulletin, distribués et envoyés aux quarante-huit sections de Paris (45). 25 Plusieurs membres annoncent qu’on va procéder àu renouvellement des membres sortis du comité de Salut public, conformément au décret d’organisation des comités. Avant de procéder à l’appel nominal, les citoyens Billaud-Varenne et Collot d’Her-(44) Moniteur, XXI, 654-655; Débats, n° 712, 278-281, qui signale de fréquents applaudissements à l’écoute de ce rapport. J. Fr., n° 707; F. de la Républ., n° 425; J. Univ., n° 1742; J. Paris, n° 611; M. U., XLIII, 253. C. Eg., n° 744; J. S.-Culottes, n° 564; Ann. R.F., n° 273; Rép., n° 256. (45) P.-V., XLIV, 277. Décret n° 10 670. Rapporteur : Treilhard. Moniteur, XXI, 654-656; Débats, n° 712, 278-282; Ann. Patr., n° 609; Gazette Fr., n° 975. bois, membres de ce comité, annoncent qu’ils ont donné leur démission. Un rapporteur du comité de Salut public annonce que les trois membres désignés par le sort pour être remplacés dans le comité de Salut public, sont Carnot, Lindet, Barère : il leur annonce en même temps que Billaud et Collot ont donné leur démission (46). DUHEM : Je demande que la Convention décrète qu’attendu ces deux démissions on ne remplacera qu’un membre au comité de Salut public. Cette proposition est décrétée. CAMBON : Je crains que, si nous acceptons les démissions qui nous sont proposées, l’aristocratie n’en profite. (Non, non ! s’écrie-t-on). Il ne faut pas seulement que les législateurs soient irréprochables, mais il faut encore que le soupçon ne plane point sur leur tête. Je demande que les démissions soient réfusées (47). (Cambon) pense que, d’après le décret d’avant-hier, qui a déclaré calomnieuses les accusations intentées contre plusieurs membres de l’Assemblée, il seroit à craindre que la malveillance ne profitât de ces démissions pour répandre des nouvelles calomnies et des soupçons, dont l’ombre même ne doit pas planer sur des représentans du peuple (48). On réclame l’ordre du jour. L’Assemblée l’adopte. BILLAUD : Il ne peut y avoir d’équivoque sur les motifs qui ont dicté une démission, quand elle est volontaire. COLLOT; Ce n’est pas d’aujourd’hui que nous avions l’intention de donner notre démission; nous en avions formé le projet dès le moment que la Convention a posé le principe qu’un trop long séjour des mêmes membres dans le même comité pourrait être dangereux pour la liberté publique. Plusieurs de nos collègues étaient instruits de notre résolution (oui, oui ! disent plusieurs membres), et cela ne tient à aucune circonstance (49). (Collot) : ... Le moment nous a paru d’autant plus favorable, que, par les diverses attributions données par l’Assemblée à ses comités dans leur réorganisation, le travail dont nous étions chargés se trouve donc réduit à peu de chose : nous ne serions que d’une foible utilité : au lieu que notre retraite donnera à nos collègues des seconds qui leur seront plus utiles, et les seconderont dans des fonctions auxquels un seul homme ne peut suffire. L’Assemblée applaudit (50). La Convention nationale décrète que les deux membres de ce comité sont censés être sortis par le sort, et en conséquence rend le décret suivant : Deux des membres du comité de Salut public ayant donné leur démission, la (46) Débats, n° 712, 282. (47) Moniteur, XXI, 656. (48) Débats, n° 712, 282. (49) Moniteur, XXI, 656. (50) Débats, n° 712, 282; M. U., XLIII, 253; C. Eg., n° 744; J. Fr., n° 707.