ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.) [États gén. 1789. Cahiers.] de rivière souffrent le même dommage que les prés. Art. 13. Que les justiciables soient rapprochés, de leurs justices; que celles seigneuriales soient supprimées ; qu’il en soit créé de royales qui jugeront en dernier ressort jusqu’à une certaine somme. Que les frais et les longueurs des procédures soient réduits ; qu’il soit fait un code tant civil que criminel pour exécuter l’une et l’autre de ces matières, et qu’il soit nommé par la municipalité de chaque paroisse, de l’avis des curés, un commissaire de police pour l’exécution des règlements et maintenir le bon ordre. Art. 14. Qu’il n’y ait plus aucun ordre mendiant, c’est-à-dire que ceux qui sont dans ce cas soient mis en état de vivre sur ce qui pourra être pris sur les bénédictins, bernardins et autres de cette espèce, dont les revenus sont trop considérables, ce qui ne les met cependant pas à l’abri de contracter des dettes. Art. 15. Qu’il soit pris sur les gros'bénéfices, et notamment sur les simples non à charge d’âmes, Un fonds pour établir un bureau de charité dans chaque paroisse pour éteindre la mendicité. Art. 16. Qu’il en soit de même de l’éducation de la jeunesse; qu’il soit pris sur les mêmes biens Un fonds servant à payer les maîtres d’école; que ceux qui exerceront ces fonctions soient âgés au moins de vingt-cinq ans, qu’ils soient de bonne vie et mœurs, et qu’ils ne puissent être reçus qu’après avoir travaillé dans les maisons qu’il serait bon aussi d’établir pour faire des élèves, et avec un certificat des supérieurs. Art. 17. Que les ponts et chaussées soient réformés et que les chemins soient faits et entretenus par les commissions intermédiaires et départis aux municipalités. Art. 18. Que toute exportation de grains soit pour toujours interdite, afin d’éviter les rechutes d’un pareil malheur que celui que la France ressent présentement, et qu’il soit avisé un prompt moyen pour Je diminuer, la campagne manquant de cette denrée de première nécessité. Toutes ces choses arrivant, le bon ordre rétabli, les abus supprimés, les propriétés respectées et la liberté individuelle accordée, le bonheur des Français ne peut manquer de s’opérer, et leur reconnaissance pour leur monarque, ainsi que pour son sage, éclairé et zélé coopérateur, ne peut s’éteindre ; c’est dans ces vues de confiance et conformes au vœu de la nation entière, que les habitants de Chavenay ont donné le présent cahier et ont signé. Signé Poiffait ; Gilles Légat ; Jacques Fleury ; H. Fleury; Lebel; Pierre Agoumo; Jacques Fleury; Jacque Renould; Pierre Berric; Bon; JDeschamps; Laurandaval ; Jean Guyard ; Goddet, curé de Chavenay , et F. Fleury, syndic. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances du bourg et paroisse de Chelles , en exécution de Varticle 24 du règlement donné par le Roi le 29 janvier 1789, pour la convocation des Etats généraux (1). CHAPITRE PREMIER. Des impositions et charges publiques. Art. 1er. La taille, ses accessoires, la capitation •et les deux vingtièmes sont ici à un taux exorbitant., parce qu’il est.de notoriété publique : 1° Que dans les terres labourables, il y en a le tiers qui n’est propres qu’à produire du seigle même en petite quantité. Que les deux autres tiers où l’on peut semer du blé n’en produisent que peu et de la dernière qualité, et que la culture dans les terres ingrates est beaucoup plus coûteuse que dans les terres fertiles; il y faut plus de fumier, plus de labour et souvent même plus de semence, et toujours trois chevaux, tandis que dans Rs bonnes terres on n’en emploie communément que deux; 2° Que les vignes chargées, outre la taille et les vingtièmes, comme les autres biens, du droit de gros, y sont d’un très-mince produit, et que le vin n’a pas de qualité, en sorte que cette nature de biens, toute ingratequ’elleest,pave annuellement plus de 40 livres par arpent; 3° Que ce léger produit des terres et vignes est exposé, d’un côté, à la voracité du gibier, parce que toutes les vignes et une grande partie des terres sont situées, le long de bois qui sont en capitaineries, et de l’autre, ce produit est exposé à de fréquentes inondations de la rivière de Marne, qui, quand elles arrivent, ne privent pas seulement du produit des terres étant dans le plat pays, mais font perdre absolument tous les frais de culture ; 4° Que les prés, faute de pouvoir être arrosés, par leur situation dans des plaines où l’on ne peut faire aller l’eau pour les arroser, ne produisent pas, année commune, seulement trois quarterons de foin de la dernière qualité, comme trop court et surchargé de mauvaises herbes ; 5° Qu’une partie des bois est d’assez bonne qualité, mais qu’il y en a beaucoup de mauvaise qualité et de rabougris, parce que les pousses des jeunes taillis sont presque toujours rongées en hiver, surtout lorsqu’il y a beaucoup de neige, par la bête fauve, le lièvre et le lapin. Art. 2. Le territoire de la paroisse ne contient que 4,276 arpents 29 perches, à la mesure de 18 pieds par perche et 100 perches par arpent ; et la paroisse est imposée comme tenant 4,900 arpents, ce qui, depuis l’année 1777, lui occasionne unesurcharged’un septième de toutes impositions en sus de ce qu’elle devrait supporter en raison de l’étendue de son sol. Depuis plus d’un an, la paroisse, pour ramener ses impositions à un taux proportionné à l’étendue et à. la qualité de son sol, a demandé à l’administration provinciale d etre autorisée à faire borner à ses frais son territoire et à fournir une déclaration exacte de son contenu par désignation de nature, quantité et qualité des héritages qui la composent, et à faire un nouveau classement, celui qui existe depuis 1777 n’étant pas exact. Mais elle n’a pu jusqu’à présent l’obtenir. Art. 3. Ce bornage, ce mesurage, ce nouveau classement sont d’autant plus nécessaires, que, d’un côté, il paraît convenu que le clergé et la noblesse vont à l'avenir contribuer au payement des impositions publiques en raison de leurs possessions comme le tiers-état, et de l’autre, que les municipalités de chaque paroisse doivent, aux termes de la déclaration du Roi du 13 novembre dernier, régistrée à la cour des aides, faire les rôles des impositions. Si on ne prenait pas les mesures convenables pour donner une base certaine à l’imposition de chaque contribuable, il y aurait lieu de craindre que les municipalités, composées pour le plus grand nombre de personnes du tiers-état, ne portassent les cotes des deux premiers ordres au delà de leurs possessions et de la qualité de leurs héritages. (1) Archives de l’Empire . 419 [États gen. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] Art. 4. Les maisons de campagne, appartenantes aux personnes du tiers-état et qui jouissent de l’exemption des impositions, doivent être à l’avenir comprises dans les rôles des paroisses où elles sont situées, et doivent être cotisées suivant le classement de ladite paroisse, parce qu’il ne serait pas juste que le tiers-état conservât quelques privilèges, lorsque les deux premiers ordres viennent de renoncer à ceux dont ils jouissent depuis les premiers temps de la monarchie. Art. 5. La classe la plus opulente du tiers-état, dont la fortune est dans le commerce, dans un portefeuille, dans le produit des charges qu’elle occupe, dans celui des professions qu’elle exerce ou des emplois quelle remplit, et dans des rentes constituées ou viagères sur le Roi, sur les princes du sang, sur les hôtels de ville, sur le clergé, sur les Etats des provinces, et sur des communautés laïques ou religieuses, ne payent seulement pas la trentième partie de ce que payent ceux dont la fortune consiste dans des biens réels, etil convient, pour pouvoir alléger le fardeau des hiens-fonds, d’aviser aux moyens de faire contribuer cette classe du tiers-état, en raison de son aisance. On pense que les députés aux Etats trouveront plus d’un moyen pour faire contribuer cette classe. Art. 6. La corvée, qu’on a fait faire en nature jusqu’à présent par la classe la plus malheureuse du tiers-état (les cultivateurs), venant d’être convertie en argent et imposée en proportion de la taille, doit être supportée par tout le monde indistinctement, même par les habitants des villes, non taillables, puisque le produit de cette nouvelle imposition est totalement destiné à la confection ou entretien des routes, ponts et chaussées, bien plus utiles aux habitants des villes pour leurs voyages, pour le transport de ce qui leur est nécessaire, qu’à ceux de la campagne, dont partie y marche pieds nus très-souvent. Art. 7. Il y a une imposition sur une denrée de première nécessité (le sel), d’autant plus onéreuse qu’elle est au moins de 10 sous par livre pesant, et le malheureux ouvrier delà campagne, qui souvent n’a pour son repas que du pain très-bis avec quelques oignons ou radis qu’il mange avec du sel, la supporte comme le riche qui a vingt mets sur sa table. Le prix excessif de cette denrée qui, prise sur les marais salins, vaut au plus 6 deniers la livre pesant, coûterait ici environ 3 sous, à cause des irais de transport. 11 y a donc, comme on l’a dit, 10 sous d’imposition sur une livre pesant de sel, puisque le malheureux forcé de le prendre au regrat, livre à livre, le paye 14 sous la livre. L’énormité du prix d’une denrée, si peu chère par sa nature, n’est pas seulement nuisible aux malheureux, elle est à charge à tout le monde et porte un grand préjudice à l’agriculture, parce que les cultivateurs n’en peuvent donner aux moutons et aux bêtes à cornes, qu’il contribue à engraisser en leur excitant l’appétit, même à les conserver, les préservant de beaucoup de maladies. Il est donc important à tous égards de supprimer cet impôt ou au moins de le réduire de plus de moitié ; et en ce dernier cas, on perdrait peu par cette diminution. On en serait en partie dédommagé par la plus grande consommation qu’en feraient les cultivateurs en grand. Art. 8. Outre les 40 livres dont nous avons dit, article 1er, que chaque arpent de vigne est chargé, il y a encore un droit appelé le gros manquant, souvent kès-arbitraire et très-injuste, qui est à la charge du vigneron ; celui qui débite le vin pave pour ce débit une pistole par pièce, et s’il tient cabaret toute l’année, il paye encore un droit qu’on appelle annuel; en sorte que tous ces droits réunis sur une substance au moins de seconde nécessité en doublent et au delà son prix intrinsèque. Art. 9. Ce n’est pas sans motif que cette paroisse met au rang des charges publiques le payement de la dîme, puisque, dans toutes les paroisses, elle se perçoit sur tous les propriétaires nobles ou rQturiers, même sur les ecclésiastiques qui ne sont pas décimateurs du lieu. Cette charge est d’autant plus onéreuse, qu’en ne la perçevant qu’à la treizième, comme dans cette paroisse (il y en a beaucoup dans le royaume où elle se perçoit à la dixième, et de là son nom de dîme), elle emporte plus du quart du produit net de l’héritage qui la paye, parce qu’elle se perçoit exempte de tous frais de culture, de semences, de moissons, même des impositions royales; par conséquent elle coûte plus du double de toutes les impositions établies pour subvenir aux besoins de l’Etat. Cette charge grève tous les propriétaires indistinctement, soit qu’ils fassent valoir leurs biens, soit qu’ils les afferment, parce qu’en ce dernier cas le fermier paye d’autant moins de prix de ferme. Le produit de la dîme n’a eu, dans son principe, d’autre destination que la nourriture et l’entretien des ministres de l’Eglise, avec le soulagement des pauvres des paroisses où elle se perçoit. D’abord elle ne fut, de la part des premiers lidèles, qu’une offrande volontaire; elle est devenue dans la suite exigible; elle a ensuite, par un abus que le temps n’a pu légitimer, passé pour la plus grande partie dans la main de personnes qui ne rendent aucuns services aux églises des paroisses où elle se perçoit, et qui, loin d’en soulager les pauvres, la perçoivent sur les portioncules d’héritages que les pauvres cultivent en propre ou à loyer, quoiqu’ils ne soient pas dans le cas de produire seulement le quart de leur subsistance. Tous les ordres de l’Etat propriétaires de fonds, singulièrement la noblesse et le tiers-état, ont le plus grand intérêt à faire cesser cet abus et à demander que dans chaque paroisse la dîme soit convertie en argent, imposée comme les charges de l’Etat, mais seulement en proportion de ce qui sera nécessaire pour l’honoraire des prêtres servant les paroisses, avec un tiers en sus pour les pauvres, lequel tiers sera annuellement distribué par les municipalités dont le seigneur et le curé doivent être toujours membres. Il y a des paroisses où la dîme vaut plus que 12,000 livres, sur lesquelles le curé a une modique portion congrue de 800 livres, les pauvres rien, et les 11,200 livres d’excédant vont à des personnes au moins inutiles à la paroisse. En donnant 1,500 livres au curé, 800 livres ou même 1,000 livres aux pauvres, on remplirait le vœu de l’établissement de la dîme, et la paroisse profiterait de plus de 9,000 livres qui payeraient la majeure partie de ses impositions. CHAPITRE II. Des assemblées provinciales. Art. 1er. Les règlements donnés pour la formation de ces assemblées, établies pour remplacer M. l’intendant dans quelques-unes de ses fonctions seulement, notamment dans sa surveillance à la répartition et au recouvrement des impositions publiques sur environ deux mille quatre cents pa- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 420 [États gén. 1789. Cahiers.] roissesdont est composée la généralité, dans l’administration des routes et travaux publics, et dans l’inspection des affaires des municipalités, ont exigé qu’on nomme trois cent trente-six personnes des plus notables des trois ordres, qui doivent s’assembler une fois par an; ont établi treize secrétaires-greffiers, qui sont obligés d’avoir nombre de commis en sous-ordre, occupent pendant le cours de l’année quatre-vingt-douze personnes des trois cent trente-six avec leurs secrétaires et commis, et pour remplacer le tiers de ces trois cent trente-six personnes qui se retirera annuellement, ces règlements en obligent au moins douze mille à quitter leurs affaires et leurs maisons, pour aller procéder à la nomination des cent douze qui devront remplacer les cent douze qui se retirent. Art. 2. Ces règlements ont créé treize assemblées au lieu d’une, dont douze nommées assemblées de département, quoique composées de personnes de même rang que la treizième appel-lée assemblée provinciale; elles n’ont, pour ainsi dire, d’autre mission que celle de la simple correspondance entre les municipalités et l’as-blée provinciale. Art. 3. A son tour, l’assemblée provinciale ne peut presque rien décider sans le concours de M. l’intendant qui, même dans certaines' affaires, est établi juge, sauf l’appel au conseil, entre l’assemblée provinciale et les particuliers qui auront des discussions avec elles relativement aux travaux publics; en sorte qu’on ne peut pas dire avoir changé le régime de M. l'intendant, mais seulement lui avoir donné grand nombre de coopérateurs importants auxquels même on a interdit la faculté de rien changer dans la forme de son administration, quelque vicieuse qu’elle puisse paraître. Art. 4. Ces règlements ont chargé ces assemblées provinciales de tant de formes inutiles, de tant de détails minutieux, que, malgré le zèle et la vigilance de leurs membres qui composent les commissions intermédiaires, les affaires les plus urgentes des municipalités en souffrent infiniment, puisque souvent on ne parvient pas même en six mois à obtenir ce qu’on obtiendrait en six jours, si la formation de ces assemblées était mieux organisée et si leurs fonctions avaient été plus sagement réglées. Il convient de changer eur formation et leurs règlements. Art. 5. Pour mettre ces assemblées à l’abri de toute animadversion de la part des ministres des finances, si elles se refusaient à quelques demandes de sa part, et de la part des grands auxquels elles refuseraient des abonnements ou des cotes d’office sur leurs impositions, il faut, par le règlement qui leur sera donné, les mettre dans l’impuissance tant d’accepter aucuneespèce d’augmentation sur les impositions, que de former aucune cote d’office, ni faire aucun abonnement avec qui que ce soit ; c’est le seul moyen de les garantir de demandes injustes ou importunes, parce qu’on ne leur demandera rien quand on saura qu’elles ne peuvent rien accorder. CHAPITRE III. De Vagriculture. Art. 1er. La prohibition portée par l’article 23 du titre XXX de l’ordonnance de 1669 , de faire faucher avant la Saint-Jean-Baptiste les prairies tant naturelles qu’artificielles, situées dans les capitaineries, fait un préjudice énorme $ux cultivateurs, tant en les empêchant de profiter des jours favorables pour la fauche et fenaison, qui précèdent celui de la Saint-Jean-Baptiste, qu’en laissant venir souvent les foins, bourgogne, trèfles, luzernes en une trop grande maturité qui, non-seulement diminue leur qualité, mais même, en retardant la reproduction pour la seconde coupe, en diminue la quantité, souvent même la fait perdre en totalité, en mettant dans la nécessité de ne le faire qu’au commencement de l’automne, presque toujours pluvieux. L’usage du ban de vendange et le droit que se sont arrogé sans titre le plus grand nombre des seigneurs, d’empêcher que les particuliers vendangent pendant les deux premiers jours des vendanges, portent un très-grand préjudice à ceux qui cultivent des vignes, en ce que, d’un côté, les unes ayant une maturité plus active que les autres, le retard apporté à la vendange de la vigne qui est mûre, diminue la quantité du vin, et influe souvent sur sa qualité, y ayant des vins qu’il faut faire un peu verts pour les conserver, et de l’autre, en ce que souvent on est privé des jours les plus propres à la vendange. Il convient de laisser à chacun {e droit de vendanger quand il le croira convenable à ses intérêts, comme il a le droit de recueillir les fruits de ses autres héritages quand bon lui semble. Art. 2. La bête fauve, le lapin, le daim, le faisan, sont les espèces d’animaux giboyeux qui ravagent le plus les récoltes. Les indemnités, qu’on n’obtient que très-rarement et même avec les plus grandes difficultés, ne réparent jamais la dixième partie du préjudice que ces animauxcausent.il convient de supplier le Roi de faire diminuer la quantité des faisans et d’ordonner la destruction ou au moins la clôture des trois autres espèces d’animaux, de manière qu’ils ne puissent s’échapper dans les campagnes, dévaster les récoltes, et, dans les hivers rigoureux, faire périr partie des vignes, des jeunes arbres tant à fruits qu’autres, et des jeunes ‘taillis, en les rongeant pour se nourrir. Art. 3. La coutume de Paris est absolument muette sur l’usage des pâtures communes; elle ne dit pas quand les prés doivent être en défense; elle ne règle rien sur le nombre des bêtes que chaque habitant peut mettre dans les pâtures communes, et de ce silence il résulte plusieurs abus dans cette paroisse et dans beaucoup d’autres du ressort, savoir : 1° que des particuliers, qui ne possèdent rien absolument et ne font valoir aucuns biens, prennent en pension des chevaux qu’ils nourrissent aux dépens de la commune; 2° d’autres, à peu près de la même classe, élèvent des bestiaux ou en achètent dont ils font commerce et les font vivre sur les pâturages communs, même sur les prés dans les premiers temps de la végétation, ce qui les rend stériles, nuit aux propriétaires ou à leurs fermiers, qui ne peuvent avoir pour leur culture autant de bêtes qu’il leur en faudrait pour la rendre utile. Il convient de provoquer une loi qui fixe l’époque à laquelle Jes prés seront en défense, qui règle le nombre des bêtes de toute espèce que chaque habitant pourra faire pâturer en été dans les pâtures communes au même nombre qu’il aura nourri, l’hiver, du produit de sa récolte, faite sur son propre ou sur des héritages loués. Ce que nous proposons à ce sujet est conforme à l’équité, aux dispositions littérales de plusieurs coutumes, à l’esprit de nombre d’autres, notammerit de celles delà marche d’Auvergne, de Melun, de Montar-gis, etc., et à la jurisprudence des cours souveraines. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 421 Art. 4. Les moutons causent aux prairies artificiel les etnaturei les un tel préjudice, que le parlement ayant senti la nécessitéde réprimer cetabus, a rendu en divers temps trois arrêts dérèglement pour défendre de les faire pâturer en aucun temps de l’année dans les prairies naturelles; mais d’un côté, le parlement ne tient pas assez la main à l’exécution de ces arrêts, de l’autre, il n’a rien statué sur les prairies artificielles. Il conviendra, par la loi qui prononcera sur l’usage des pâturages communs, faire prononcer cet objet. La coutume de Paris, ni presque aucune autre, n’ont parlé du glanage; le zèle du parlement à veiller à l’ordre public lui a fait donner des règlements portant qu’on ne pourra faire entrer aucune bête dans l’héritage moissonné que trois 'ours après l’enlèvement de la récolte, pour que es pauvres aient le temps de ramasser ce qui a pu en rester; que les glaneurs ne pourront glaner qu’après l’entier enlèvement des fruits récoltés, et qu’il n’y aura que les pauvres hors d’état de travailler par âge ou par infirmité, tels que les vieillards ou les enfants, qui pourront glaner, et non les personnes aisées et en état de travailler; mais que, faute par les juges des seigneurs de tenir la main à l’exécution de ces règlements, on fait dévorer par les animaux ce qui doit être réservé pour les pauvres, et on souffre que des gens, aisés et en état de travailler, enlèvent aux vrais pauvres cette légère ressource. Il faut obliger les seigneurs à faire exécuter par leurs officiers de justice les règlements du parlement. Art. 5. M. le prévôt des marchands de Paris, sous prétexte de la provision de cette ville dont la population excède celle d’une vaste province, a, en divers temps, sollicité et obtenu au conseil du Roi divers arrêts, notamment un le 3 mars 1787, revêtu de lettres patentes registrées au parlement par provision seulement, qui permettent à des voituriers tbierachiens, connus sous le nom de hourriats, de faire pâturer leurs chevaux dans les pâtures des lieux où ils se trouveraient, et ces voituriers thierachiens, connus sous le nom de hourriats , abusent tellement de cette permission, que dans tout le ressort du châtelet de Paris, on peut, sans les injurier, les traiter comme de vrais pirates, qui, pendant qu’ils font dévaster par leurs chevaux, durant la nuit, les prairies tarit naturelles qu’artificielles, même les terres non moissonnées, pillent eux-mêmes les fruits et les vignes ; et si l’on va pour les surprendre, ce n’est qu’avec le plus grand risque d’y perdre la vie ; il y a une multitude d’exemples de leur férocité contre ceux qui ont essayé de garantir leurs possessions de leur pillage. " 1° Cette autorisation est contraire au droitsacré de la propriété, puisqu’elle accorde l’usage de la propriété d'autrui àgens qui n’y ont aucun droit; 2° Elle est sans objet légitime, puisqu’en payant des voitures ordinaires ce qu’il convient, on ri’en manquera jamais, ni les marchandises n’en seront pas plus chères, étant bien notoire que les marchands qui emploient d’autres voituriers que ceux-là, ne vendent pas à plus haut prix que ceux qui s’en servent. Ce n’est donc que pour faire le bénéfice de quelques marchands qu’on a sollicité et surpris au Roi une pareille autorisation ; mais pour enrichir ces particuliers, personne n’a pouvoir de mettre la propriété d’autrui à contribution. Toutes les paroisses, tous les propriétaires du ressort du châtelet ont le plus grand intérêt à demander la révocation de tout arrêt du conseil qui permet à ces voituriers de mettre leurs chevaux dans les pâtures, et à obtenir des défenses à ces particuliers de continuer sous, peine d'être poursuivis extraordinairement comme voleurs. Art. 6. Le plus important objet de l’agriculture est bien de tirer de la terre les grains nécessaires à la vie de l’homme; mais le pain ne fait qu’une partie de sa subsistance; les animaux de différentes espèces fournissent tout le reste. Il est donc bien important de veiller à ce que ces animaux se multiplient pour obtenir la diminution de la viande, du beurre, du fromage, de la chandelle, etc., et cette multiplication d’animaux ne viendra qu’en rendant une loi qui conserve à chaque propriétaire ou à son fermier tout l’usage de ses prairies tant naturelles qu’artificielles, en l’interdisant à tout autre ; c’est même le seul moyen de rendre les récoltes plus abondantes, parce que, plus le cultivateur a d’animaux, plus il fertilise ses terres. Art. 7. L’usage de rendre les prairies communes, immédiatement après la coupe des foins, ne nuit pas seulement à l’agriculture, en ne laissant pas à l’agriculteur la faculté de faire une seconde coupe dans son pré, s’il en est susceptible , ou d’en conserver la seconde herbe pour y faire engraisser telles bêtes qu’il voudrait. Cet usage attaque directement la propriété, il la restreint à environ quatre mois de l’année, pendant lesquels le foin croît et se recueille, et pendant les huit autres mois cette propriété s’évanouit. Cependant le propriétaire en paye toutes les charges, quand même il affermerait, parce que le fermier, qui sait qu’il les acquittera, loue en conséquence : il n’y a pas d’usage plus injuste. Mais, dira-t-on, cet usage introduit par la nécessité doilêtre maintenu par la possibilité de le révoquer, parce qu’il est impossible que, dans un contenant de prairies naturelles d’environ 200 ou 300 arpents possédés par vingt ou trente propriétaires qui ont les uns 5 à 6 pièces, les autres 2 ou 3, d’autres une seule, et toutes contiguës, sans séparations par routes ou chemins, qui conduisent d’une pièce à l’autre, chacun puisse jouir séparément de ce qui lui appartient. On répond : l°que même, dans l’hypothèse de l’objection , cet usage ne devrait être qu’entre les propriétaires ou leurs fermiers, qui possèdent dans ce contenant de prairies de 200 à 300 arpents, et que chacun d’eux n’en devrait user que dans la proportion de sa possession. On répond en second lieu qu’en permettant les échanges des biens ruraux, même avec les gens de mainmorte, sans aucun frais de contrôle, de centième denier et de droit d’échange, les propriétaires s’arrangeraient de manière que celui qui avait 4 ou 5 pièces, n’en aura bientôt plus qu’une ou deux, et l’avantage qu’ils trouveront à user chacun comme il jugera à propos de sa propriété, les portera bien vite à se former des passages pour aller chacun sur son. héritage. La liberté des échanges sans frais procurera à l’agriculture les plus grand s avantages, en rendant l’exploitation plus facile et moins onéreuse. Mais, en parlant de passages, il règne sur cela une impolice qui fait le plus grand préjudice à l’agriculture; voici comment: pour ne pas faire 5 à 6 toises de chemin de plus, ou pour éviter un chemin un peu désagréable, on passe sur l’héritage à côté, quoique ensemencé , à pied, à cheval et avec des voitures, et on y fait des chemins si larges que souventun malheureux, quia ensemencé 1 arpent de terre le long d’une route soit publique, soit de traverse, est privé du quart 422 ' [États gén. 1789. Cahiers.] de sa récolte, sans qu’il puisse s’en garantir que par la force qui l’expose à des malheurs, ou par des procédures gui seraient éternelles et lui coûteraient quatre fois, dix fois, peut-être, en sus de la valeur de sa perte. Il fautquelesjustices seigneuriales soient expressément chargées de faire cesser un pareil abus, en poursuivant comme pour fait de police les contrevenants qui payeront les frais et une amende de 10 livres par chaque contravention, avec les dommages-intérêts , à ceux qui eu auront souffert. Art. 8. La voirie a des principes et des règles bien onéreuses relativement aux bâtiments qui sont sur les rues servant de routes, dans les bourgs et les villages, en ce que, sous prétexte de parvenir à l’alignement desdites routes, on ne permet aucun entretien des murs desdits bâtiments donnant sur lesdites rues, ce qui hâte leur ruine; d’où il arrive que, faute de pouvoir faire une modique réparation de 12 livres, on perd des constructions qui ont coûté 1,200 livres et souvent plus, et quand le bâtiment est en ruine, on ne paye que le terrain qu’on prend pour la.route, sans égard à la perte du bâtiment qu’on a nécessité à tomber en ruine. Art. 9. Le pain, qui fait le principal objet de la nourriture des pauvres, éprouve dans le royaume de trop grandes révolutions qui réduisent tour à tour au plus grand besoin le cultivateur qui le fournit et le pauvre qui est obligé de l’acheter pour se nourrir, parce que, lorsque les grains sont à trop bas prix, le cultivateur ne trouve seulement pas dans la vente de ses grains toute la dépense qu’ils lui ont coûtée. Et lorsqu’ils montent à un prix trop haut, l’ouvrier de ville ou de campagne, qui a une femme avec des enfants, ne trouve pas dans sa journée de quoi avoir du pain pour lui et sa famille. Il faudrait aviser aux moyens de prévoir et prévenir par une loi l’un et l’autre de ces inconvénients. Art. 10. En parlant de ce qui nuit à l’agriculture, il nous a échappé de parler des pigeons, qui y portent le plus grand préjudice. Aux termes des articles 69 et 70 de la coutume, il n’y a que les seigneurs hauts justiciers, et les seigneurs de fiefs, possesseurs de 50 arpents et de censives, qui aient droit d’avoir colombier ; et une multitude de particuliers, sous prétexte qu’ils possèdent 50 arpents de terres ou plus, même sans fiefs ni censives, ont des colombiers. Il faut les supprimer et obliger les seigneurs hauts justiciers ou de fiefs avec censives, à tenir leurs colombiers fermés au temps des semailles et de la maturité des grains, étant contre toute équité qu’on ait droit de faire consommer le bien d’autrui, ou de forcer autrui à payer du monde pour s’en garantir. CHAPITRE IV. Des municipalités. Art. 1er. Les règlements donnés pour les assemblées provinciales ont fixé la manière de former, de régénérer les municipalités, et déterminé leurs fonctions. Mais ils n’ont dit mot du droit de chaque habitant dans la chose commune; l’opinion même de l’ancienne administration est que tout habitant y a un droit égal, pourvu qu’il paye taille, ne fut-il pas même propriétaire de la maison qu’il occupe, et ne payât-il que trente sous d’imposition, ce qui blesse ouvertement l’équité et la maxime de droit : Qui fert. commodum etiam in-commodum ferre debet , qui réprouvent toute opinion qui voudrait donner sur les communes, à l’homme qui ne paye dans une paroisse qu’un [Paris hors les murs.] écu de ses charges, le même droit qu’à celui qui en paye cent louis ; il est important qu’il y ail une loi qui fixe ce point de droit. Art. 2. Il y a des municipalités qui ont des revenus communs, qu’elles doivent employer au payement des charges communes et aux choses qui leur sont utiles. Les mineurs émancipés, les communautés régulières et séculières, sont autorisés par la loi à employer tous leurs revenus à leurs besoins, sans être forcés d’en demander la permission à leurs tuteurs ou à leurs supérieurs, et les règlements donnés pour les administrations provinciales ne laissent pas aux municipalités la faculté de disposer d’un sou de leurs revenus, même aux choses les plus urgentes , sans l’autorisation des assemblées de département, de l’assemblée provinciale, souvent même de M. l’intendant, quelquefois celle du conseil du Roi ; et pour parvenir à avoir cette autorisation, il y a une multitude de formes à remplir, toujours onéreuses, tant par les longueurs qu’elles entraînent que par les dépenses qu’elles nécessitent; il convient qu’une loi autorise ces municipalités à employer leurs revenus comme elles jugeront convenable, à leurs besoins, à la charge de ne pouvoir anticiper sur ces revenus, ni contracter aucune dette sans autorisation expresse. CHAPITRE V. De la justice et police. Tant d’habiles jurisconsultes ont traité cette matière, pour faire connaître les vices de notre législation, que cette paroisse se bornera à quelques simples observations, d’autant plus que cette matière exigerait des volumes considérables pour la traiter à fond. Art. 1er. Au moyen de ce que les sujets du Roi lui payent un tribut très-onéreux, ils doivent avoir la justice gratuite, à l’exception de ce qui peut revenir légitimement aux défenseurs que chaque plaideur a choisis, au greffier pour ses expéditions, au juge pour ses vacations, lorsqu'il en emploie hors du siège où il doit prononcer gratis les jugements, quelque forme qu’ait eue l’instruction des affaires. Cependant le Roi, par le timbre du papier, par le contrôle des actes de procédure qui y sont sujets, par les droits de greffe, par celui de scel et par celui du contrôle du montant des dépens, auxquels celui qui perd sa cause est condamné, en perçoit de si exorbitants, que nous pouvons assurer que, quand un plaideur est condamné en 500 livres de dépens, il en paye au Roi plus de 250, tant pour les droits sur sa procédure personnelle, que sur celle faite contre lui, et par conséquent le Roi, qui doit la justice gratuite, la vend à un tel prix, que souvent ce prix excède de beaucoup la valeur de l’objet qui adonné lieu à la contestation. Ces droits, perçus par le Roi sur l’exercice de la justice, sont "d’autant plus odieux que les ministres de ses prédécesseurs, qui les ont établis, n’ont pas réfléchi que c’est une vraie imposition sur la misère humaine, puisqu’il est certain qu’un malheureux qui ne peut pas se libérer de 1,200 livres qu’il doit et auquel on fait pour 600 livres de frais pour l’y contraindre, en paye souvent plus de 200 livres au Roi; il faut supplier le souverain de supprimer tous les droits qu’il perçoit sur l’exercice de la justice. Art. 2. Depuis longtemps, les juges, principalement ceux des tribunaux souverains, sous pré» ARCHIVES PARLEMENTAIRES . [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.J 428 texte d’équité et de la maxime : Summum* jus, summa injuria , substituent souvent le code des considérations aux dispositions textuelles des lois; ce qui produit une multitude d'injustices, parce que souvent ils jugent suivant l’opinion que les sollicitations leur ont donnée des plaideurs, au lieu de juger suivant leurs titres et le droit que la loi leur donne ; il l'autdonc qu’une loi interdise aux juges de ne recevoir aucunes espèces de sollicitations, toujours injurieuses pour le sollicité, à peine de privation de leurs charges, et qu’elle leur enjoigne de se conformer, dans tous leurs jug ements, à la disposition des lois, à peine de nullité d’iceux, ainsi qu’il est dit par l’article 8 du titre 1er de l’ordonnance de 1667, et de demeurer garants en leurs noms des suites de jugements par eux rendus contre le titre valable et la disposition des lois. Art. 3 Les affaires languissent au parlement et y prennent une forme d’instruction très-onéreuse au public, parce que la grand’chambre se charge elle seule d’en juger plus des sept huitièmes, tandisque les trois chambres des enquêtes ne sont chargées que tout au plus d’un huitième; cet abus est très-important et très-facile à réformer. Art. 4. Les magistrats autorisent les secrétaires à exiger des plaideurs le payement de leurs extraits ; il n’y a rien qui ait fixé ce qui doit leur être payé, ce qu’on leur paye ne passe même pas en taxe à celui qui l’a pavé, lorsqu’il a gagné son procès; un pareil abus doit être réformé, avec d’autant plus de raison, que le plus grand nombre de ces secrétaires sont depuis longtemps soupçonnés de trop influer sup les jugements par leurs extraits toujours secrets, tandis qu’ils devraient être communiqués aux défenseurs des parties, pour examiner si tous leurs moyens y ont été exactement compris. Art. 5. Presque tout le monde regarde les justices seigneuriales comme abusives, et en demande la suppression ; il est certain que, de la manière dont elles sont exercées, elles sont pour le plus grand nombre très-abusives ; mais en les faisant exercer de la manière dont il convient, ne laissant subsister que les hautes justices, étendant leurs pouvoirs jusqu’à 200 livres et leur donnant une forme de procéder autre que celle établie par l’ordonnance de 1667 , obligeant les seigneurs à avoir des officiers plus instruits que la majeure partie de ceux qu’ils ont, à faire exercer la police avec plus d’exactitude qu’ils ne font, et faisant porter directement à la justice royale* toutes causes au-dessus de 200 livres, les justices seigneuriales seraient de la plus grande utilité aux campagnes. Il serait trop long de détailler ici les raisons qui ont déterminé l’opinion sur cet article, et les moyens à employer pour le mettre à exécution. On les développera, ainsi que lesdites raisons, si l’assemblée juge qu’ils méritent quelque attention. Art. 6. En étendant les pouvoirs des justices seigneuriales, il convient d’étendre le pouvoir des justices royales, au moins jusqu’à 4,000 livres. La faculté qu’ont les plaideurs d’aller de tribunal en tribunal pour de modiques objets , les ruine souvent, même en gagnant leurs procès ; l’usagé de faire passer chaque affaire dans trois degrés de juridiction n’a d’objet que de les éterniser et d’en multiplier les frais ; il convient que chaque affaire soit portée directement au tribunal où elle doit être définitivement jugée. Art. 7. La forme du serment judiciaire est trop négligée ; cet acte, qui souvent libère un débiteur de mauvaise foi, ou procure à autrui ce qui ne lui appartient pas, et expose par le témoignage l’honneur et la vie d’un citoyen, devrait être fait avec un appareil capable d’en imposer, de forcer, pour ainsi dire, l’homme à rendre hommage à la vérité, en lui représentant, avant de prêter serment, ses obligations religieuses, et en le rapprochant de ce dernier moment de la vie, où il n’y a presque pas d’être raisonnable que la crainte de la justice divine ne fasse frémir. Art. 8. Les formes judiciaires, pour parvenir à la vente des biens d’un débiteur, sont trop longues, trop compliquées, trop coûteuses, offrent trop de bénéfice aux officiers qui les provoquent, d’où il arrive souvent que, pendant plusieurs années, on plaide sur le seul point de savoir si ce sera Pierre ou Paul qui fera vendre ; et pendant ces contestations les biens se dégradent, perdent de leur valeur, les intérêts grossissent la dette, et l’homme qui avait 300,000 livres de Mens, et seu-lement 1,000 livres de dettes, est entièrement dépouillé, sans être entièrement libéré. Art. 9. Les receveurs des consignations sont encore une charge bien onéreuse aux débiteurs discutés et à leurs créanciers ; ils perçoivent le sou par livre du prix des biens vendus, les fonds sont chez eux stériles pour les créanciers discutants, quelque temps qu’ils y demeurent; il faut supprimer cet établissement, faire verser le prix des biens vendus dans le trésor public, qui en payera 3 p. 0/0 d’intérêt pendant tout le temps qu’il y restera, en sorte que si ce prix y demeure quatre ou cinq ans, comme il arrive souvent, loin d’avoir diminué d’un vingtième, comme il le fait aux consignations, il se trouvera augmenté déplus d’un septième ou d’un huitième. Art. 10. Les séparations de biens d’entre mari et femme, de gens de commerce, sont presque toutes frauduleuses et au préjudice de leurs créanciers, parce que, dès que les femmes, de concert avec leurs maris, ont clandestinement fait prononcer celte séparation, en vertu de la sentence qui condamne le mari à la restitution de la dot, elles font saisir, à leur requête, les marchandises et meubles de la maison, et font faire un piocès-verbal de vente, lors duquel etles se font tout adjuger ; et quand un créancier se présente pour avoir payement de marchandises étant même dans la boutique, la femme dit qu’elle en est propriétaire, que son mari n’a rien chez elle, et le malheureux créancier, qui voit son bien dans la main de cette femme , est obligé de se retirer sans payement, et sans pouvoir lui rien demander, parce que des formes frauduleuses et injustes lui en ont transmis la propriété; et il est bien important de remédier à un pareil abus. Art. 11. Les demandes en séparation de corps, d’habitation, ont des formes trop compliquées, trop longues , trop coûteuses ; il n’y a que des femmes opulentes ou appartenant à des familles en crédit qui puissent les former ; celles qui ne sont pas dans l’une ou l’autre de ces deux classes sont forcées de gémir, souvent de périr sous la tyrannie d’un mari injuste, et ces demandes, lorsqu’elles sont formées, s’instruisent et se jugent toujours avec un éclat scandaleux ; il convient de rendre cette procédure plus courte, moins coûteuse et secrète comme l’instruction criminelle sans même permettre de mémoires imprimés, sauf néanmoins à tout communiquer au mari et à son conseil, pour pouvoir se défendre. Art. 12. Les lois ouvrent à la femme une action pour se soustraire à la férocité d’un mari inhumain, mais elles ne donnent au mari aucune voiq ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] <42-4 [États gën. 1789. Cahiers.] pour se soustraire aux peines que lui causent la méchanceté, le déréglement et l’inconduite d’une femme; elles ne lui laissent que son autorité toujours impuissante vis-à-vis de pareils caractères, et s’il y emploie la force, la raison succombant souvent sous les mouvements violents de la nature, il est journellement exposé à devenir la victime de la rigueur de la justice pour n’avoir pas eu d’autres voies que la force à opposer aux entreprises d’une méchante femme ; il convient de mettre le mari à l’abri de ces dangers. Art. 13. La manière trop légère de faire prêter le serment judiciaire, de laquelle on s’est déjà laint , favorise les banqueroutes frauduleuses. oici comment : Un marchand qui doit 100,000 livres, sur lesquelles il veut obtenir une remise de moitié ou des trois quarts, donne à des personnes à lui affidées des engagements simulés, les porte sur son bilan, comme créanciers légitimes, les appelle à son contrat d’atermoiement; elles adhèrent à ce qu’il demande, font vérifier et affirment en justice la sincérité de cette créance simulée et parvenant à réunir les trois quarts en somme de ce qu’il paraît devoir suivant son bilan, il force, conformément aux dispositions de l’article 7 du titre XI de l’ordonnance du commerce, de légitimes créanciers à perdre la majeure partie de leur dû. Le serment prêté avec un appareil effrayant remédierait en partie à cette fraude ; mais le moyen le plus sûr d’y remédier, c’est de n’admettre aucun marchand à atermoyer ou à faire cession, qu’en se constituant prisonnier, jusqu’après la vérification de ses livres et l’affirmation de ses créances. Art. 14. Les tutelles, les partages, la discussion des biens, doivent être donnés, faits et suivis devant les juges des lieux où les successions seront ouvertes et où les biens seront situés, sauf, s’il s’élève des incidents au-dessus de la compétence du juge des lieux, à les faire juger par les juges auxquels la connaissance en appartiendra suivant la valeur de l’objet contesté. Art. 15. Supplier le Roi de supprimer toutes attributions ou commissions qui dépouillent les juges naturels des parties, singulièrement en matière criminelle. CHAPITRE VI. Sur la tenue des Etats généraux . Art. 1er Supplier le Roi de changer le lieu delà tenue des Etais et d’ordonner qu’ils seront tenus à Paris, la ville de Versailles offrant moins de commodités pour les députés, ou les exposant à beaucoup plus de dépenses. Art. 2. Les habitants de la ville de Paris et ceux qui en sont hors les murs, mais dans l’étendue de la juridiction du châtelet ayant des intérêts opposés, à cause des privilèges de la ville, il convient que le nombre des députés aux Etats généraux, pris hors les murs de la ville, et dans le ressort du châtelet, soit égal en nombre aux députés pris dans la ville; supplier le Roi de l’ordonner ainsi, préalablement à la tenue des Etats. Art. 3. La situation des affaires du royaume exigeant les plus prompts secours, pour connaître l’étendue de ce secours et pour aviser aux moyens les moins onéreux de le fournir, il convient que les premières séances des Etats généraux soient employées ; 1° A avoir un état exact de toutes les dettes et charges annuelles du royaume, avec distinction de celles sujettes à extinction, sans remboursement de principal; 2° À examiner les pensions qui seront au nombre de ces charges, pour en rejeter toutes celles qui n’auront point eu de justes causes, telles que celles des ministres renvoyés et des personnes qui n’ont rendu aucun service à l’Etat, ou qui, en ayant rendu, en ont été largement payées ; 3° A examiner si le clergé, devant contribuer, comme les deux autres ordres, au payement de toutes impositions, suivant ses possessions, il ne serait pas juste de comprendre au rang des dettes de l’Etat les dettes du clergé, qui ont eu pour cause des avances par lui faites à l’Etat; 4° A examiner pareillement si la masse générale des impositions , se répartissant généralement sur toutes les provinces du royaume, sans distinction des pays d’Etats et des pays d’élection, il ne serait pas également juste de mettre au rang des dettes du royaume les dettes des pays d’Etats, qui ont eu pour cause des avances faites au Roi. Lorsqu’on sera parvenu à déterminer la somme des dettes et charges, il conviendra de supplier le Roi de fixer lui-même le montant de la dépense annuelle de sa maison et de la famille royale, afin que, réunissant le montant des charges et dettes à celui de la dépense de la maison royale, on sache d’une manière invariable ce que l’Etat aura à fournir chaque année. Art. 4. Les opérations indiquées en l’article précédent exactement faites, il sera nécessaire : 1° De faire un état fidèle de tous les revenus généralement quelconques du Roi, en y comprenant ceux de son domaine, afin que, comparant la masse de tous ces revenus avec celle de toutes les dettes et charges de l’Etat, on ait une connaissance parfaite du déficit qu’on dit exister depuis longtemps entre le produit des revenus et le montant des charges, mais duquel on n’a jamais eu de connaissance certaine, la voix publique l’ayant porté tantôt à une somme énorme, tantôt à une somme inférieure de plus de moitié; 2° D’examiner si, par des changements dans la, forme actuelle de percevoir les revenus du Roi, il n’y aurait pas un moyen, en diminuant les frais de perception, d’augmenter d’autant le produit; 3° De calculer quelle augmentation pourra donner à la masse des revenus la contribution offerte par la noblesse et le clergé, à raison de leurs possessions, au payement de toutes les impositions et charges publiques; 4° De calculer pareillement l’augmentation que pourra donner la taxe qui doit être imposée sur cette classe opulente du tiers-état, dont la fortune est dans le commerce, dans un portefeuille, dans le produit des charges qu’elle occupe, dans celui des professions qu’elle exerce, ou des emplois qu’elle remplit, et dans des rentes viagères ou constituées, sur lesquelles il ne se fait aucune retenue. Art. 5. Ce n’est qu’après toutes ces opérations qu’on pourra savoir s’il sera nécessaire, pour subvenir aux besoins de l’Etat, de recourir à l’emprunt, ou de quelle somme cet emprunt devra être. Car il ne paraît pas possible de recourir à l’augmentation d’aucune imposition, celles qui existent sur les biens-fonds étant déjà depuis longtemps si onéreuses que les propriétaires de ces fonds succombent sous leur poids. Art. 6. Il paraît très-essentiel de régler la forme de répartir la masse générale des impositions entre toutes les provinces , celle que chaque province observera dans la subdivision qu'elle fera de sa quotité entre ses diverses élections ou bailliages, et celle que chaque élection ou bailliage suivront 425 [[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] dans la répartition qu’ils feront entre toutes les paroisses qui les composent, le tout en ayant égard à la qualité du sol, de ses productions, et aux moyens d’en avoir le débit. 11 y a des moyens certains de parvenir à une juste répartition entre ces différentes classes, mais il serait trop long de les indiquer ici. Art. 7. Une grande partie des dettes de l’Etat ayant pour cause des rentes viagères qui s’éteignent de jour à autre, il doit être arrêté qu’à chaque tenue des Etats, la masse des impositions diminuera en proportion de ce que la dette aura diminué; et ce qui se trouvera de deniers non employés, pendant l’intervalle, à l’acquit des rentes éteintes, sera employé au remboursement, par la voie du sort, du principal des rentes constituées, à commencer par les moindres. Art. 8. Les Etats généraux tiendront tous les quatre ans, ou au moins tous les cinq ans, et il sera nommé, pendant leur intervalle, une commission intermédiaire qui surveillera les opérations des ministres et pourvoira, par provision, aux besoins urgents, sans néanmoins pouvoir accorder aucune augmentation d’impôts, sauf en cas de guerre, et seulement par provision, en attendant la prochaine tenue des Etats généraux. Art. 9. Le Roi nommera, comme à l’ordinaire, tous les ministres et toutes les personnes qui doivent contribuer à la gestion publique. Mais chacun de ces ministres et de ces personnes seront comptables aux Etats généraux de leur gestion, et en cas d’incapacité, de mauvaise administration, l’incapable ou le mauvais administrateur, sur la représentation des Etats généraux ou de la commission intermédiaire, sera renvoyé et le Roi supplié d’en nommer un autre. Art. 10. Il y aura deux trésors, savoir :l’un des sommes destinées au soutien de la famille royale et de l’éclat du trône; l’autre, des sommes destinées aux besoins de l’Etat, et le Roi en nommera, comme ci-devant, les trésoriers, lesquels compteront, savoir : les trésoriers des sommes destinées pour la famille royale, au Roi ou aux personnes qu’il lui plaira commettre ; les trésoriers de la chose publique, aux Etats généraux ; et il sera rejeté de leur compte toutes sommes par eux données ou payées, sur quelque mandat que ce puisse être, pour autre chose que pour les det-, tes ou charges de l’Etat. Art. 11. Les dettes que le garde du trésor destiné à la famille royale et au soutien de l’éclat du trône pourra contracter, ne seront point regardées comme dettes de l’Etat, ni acquittées par l’Etat, que lorsque les Etats généraux auront jugé que les causes en ont été légitimes. Art. 12. Toutes lois données par le Roi, sur la représentation et projets des Etats généraux, pour pouvoir être exécutées, seront préalablement registres comme ci-devant dans les parlements et autres cours souveraines ayant droit d’enregistrement, lesquelles cours pourront faire telles observations et remontrances que leur amour pour le bien public leur suggérera ; mais toujours les lois seront, nonobstant toutes remontrances, provisoirement exécutées, jusqu’à la tenue des prochains Etats qui jugeront, sur lesdites remontrances, ce qu’ils croiront le plus convenable au bien public. Arrêté en l’assemblée de ce jour 14 avril 1789. Signé Dorlhac ; Duportail ; de La Motte ; Blondeau ; Claude Lenoir ; Dardrou ; Bresset ; Guérin ; Bonamy ; Lenoir; Lopin; Guillard; Lepage, Remy; Ducasse ; Huisset; Oudet; Duhamel; Lenoir ; Guillard ; Laudon ; Drouet ; Gerba ; A. Robert ; Pierre Coquet ; Barry ; Ridev ; de Thuillier; Massiot; Parisis; Loué; Frontaîn ; Dumont, et Louis. CAHIER Des doléances de la paroisse de Chennevières-les-Louvres , remis à ses députés , pour être présenté à l'assemblée qui sera tenue le 18 avril 1789 (1). Nous, syndic et habitants, composant la municipalité de la paroisse de Chennevières-les-Lou-vres, avons délibéré et arrêté ce qui suit : Les députés feront insérer dans le cahier général du châtelet de Paris de très-sincères re-mercîments à Sa Majesté de ses bienveillantes intentions, et feront déclarer : Art. 1er. Que l’impôt soit également et généra-ment réparti sur tous les individus des trois ordres. Art. 2. Que tout privilège soit supprimé en France. Art. 3. Que tout droit de propriété soit inviolable; que tout individu ne puisse en être privé que pour la seule raison de l’intérêt public, et que, dans ce cas, il en soit fait un dédommagement sans délai. Art. 4. Que les journaliers et plus pauvres habitants, ne possédant aucuns biens-fonds, soient exempts, s’il est possible, de tous impôts. Art. 5. Que l’on s’occupe également de la réforme du régime vexatoire et abusif des milices. Art. 6. Que les capitaineries formant une juridiction étrangère aux lois du royaume, étant une vexation manifeste du droit sacré de la propriété, et plusieurs personnes usant de ce droit usurpé d’une manière oppressive et cruelle, les Etats généraux prononcent le plus tôt possible leur destruction. Art. 7. Que les archevêques, évêques et abbés, résident dans leurs diocèses et abbayes. Art. 8. Que l’on porte les portions congrues des curés à 1,500 livres, et celles des vicaires à 800. Art. 9. Que l’on supprime tout casuel dans l’église, tant pour les baptêmes, mariages et sépultures, qui avilit le ministère et la religion aux yeux du peuple et même des grands ; qu’il y ait un rite fixe pour les inhumations ordinaires, et, dans le cas où les parents du défunt voudraient faire des funérailles distinguées, qu’ils soient tenus de payer l’excédant qu’ils auront demandé, tant pour les ornements qu’ofiice solennel, cloches et chantres. Art. 10. Que la pluralité des bénéfices simples soit proscrite, et qu’en conséquence, un abbé ne puisse conserver qu’une seule abbaye et soit obligé d’abandonner ses autres bénéfices, qui serviraient à améliorer le sort des pasteurs et des vicaires à portions congrues. Art. 11. Que les prieurés et autres bénéfices simples soient convertis et affectés pour le soulagement des pauvres malades et infirmes des paroisses de campagne, où il n’y a pas de biens-fonds pour les soulager dans leurs besoins extrêmes. Art. 12. Que les paroisses de campagne aient un vicaire pour procurer aux habitants la facilité d’aller à la messe, et que les gros décimateurs soient tenus de payer l'honoraire dudit vicaire, et dans le cas d’insuffisance des grosses dîmes, que l’on affecte à ce payement une portion de ces riches abbayes qui ont des biens-fonds dans les paroisses, où les avoisinent. (1) Archives de l’Empire.