436 [Convention nationale. \ ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g nS�Sbre vm III. Garnier de Saintes, représentant du peuple près Varmée des Côtes de Cherbourg, au comité de Salut public (1). « Coutances, ce 31 du 1er mois (2) (sic) de l’an II de la République française. « Je me rendais à Granville pour y opérer les changements que commande le salut public, lorsque dans ma route j’ai appris, par une lettre du citoyen Pocholle, mon collègue, que les re¬ belles delà Vendée s’approchaient des murs de Rennes, et qu’il réclamait de prompts secours. Je me rendis hier, aussitôt à Coutances, et, de concert avec les autorités constituées, que j’as¬ semblai, nous prîmes les premières mesures que réclamaient les circonstances. « Je fis, aussitôt mon arrivée, battre la géné¬ rale, pour connaître par moi-même l’énergie et la volonté du peuple. Vieillards, hommes et jeunesse, tout se rangea sous le drapeau de la liberté, demandant impatiemment à marcher, et j’éprouvai une douce satisfaction au cri una¬ nime de l’enthousiasme républicain; il fut promptement affaibli par la douleur de voir 6 ou 7,000 hommes ne pouvant compter 200 fusils entre eux tous. Nous envoyâmes à Caen pour solliciter des secours et particulièrement en mu¬ nitions et en armes. Là nous y devons trouver des fusils plus qu’il suffit si le désarmement s’est opéré dans la ville de Caen, et sitôt que ce ren¬ fort nous aura été envoyé, nous ferons partir les hommes les plus propres à voler au secours de Rennes, et particulièrement un bataillon du contingent, bien habillé, et n’attendant que des armes pour voler à l’ennemi. « Nous aurions bien quelques forces dispo¬ nibles dans l’étendue du département, mais j’ai senti tout le danger d’aller démunir des côtes qui ne sont même pas assez garnies et qui, en présence des îles anglaises, peuvent être atta¬ quées d’un jour à l’autre. « Sitôt que nos secours nous seront arrivés, je vous ferai connaître les dispositions que nous aurons concertées, et les renforts que nous au¬ rons fait marcher vers Rennes. « Pour connaître plus la situation de Rennes et des mouvements de l’ennemi, j’ai fait partir un commissaire pour nous rendre compte de tout ce qui se passe, et j’ai arrêté que jusqu’à nouvel ordre il y aurait, de trois lieues en trois lieues, des volontaires en réquisition pour me transmettre les nouvelles et me mettre en me¬ sure d’agir suivant les dispositions qu’elles nécessiteront. « Je vais requérir tous les citoyens armés de l’intérieur des campagnes qui ne sont pas em¬ ployés au service journalier des côtes. « Salut et fraternité. « Garnier de Saintes. » (1) Archives du ministère de la guerre, armée des Côtes de Cherbourg, carton 5/17, liasse 2. (2) Il y a là une erreur évidente. Le mois révolu¬ tionnaire ne comptant que trente jours, il faut lire le l«r jour du 2® mois. IV. Jean-Baptiste Le Carpentier, représentant du peuple dans le département de la Manche, au comité de Salut public (1). « Valognes, le 3e jour de la lre décade du se¬ cond mois, dë l’an II de la République, à minuit. « En passant ici pour me rendre à Cherbourg, je reçois une dépêche du procureur général syn¬ dic du département de la Manche, qui me trans¬ met plusieurs pièces, entre autres copie d’une lettre du général Vergnes au général Peyre, en date du 2 du second mois, dont je vous envoie duplicata. Vous serez convaincus de plus en plus de l’urgente nécessité qu’il y avait d’en¬ voyer dans l’Ille-et-Vilaine des forces aussi promptes que bien organisées. « Tout est ici fort tranquille. Je me rends à Cherbourg. J’attends de mon collègue Garnier, des nouvelles ultérieures de Rennes. « Le Carpentier. « P. -S. Je vais mettre en état de réquisition tous les chevaux de luxe, et tirer des contin¬ gents les hommes les plus propres à monter à cheval. Nous avons assez d’infanterie, et nous ne pouvons avoir trop de cavaliers. » Copie de copie (2). Vergnes, général de brigade et chef de V état-major de Varmée, au général divisionnaire Peyre, à Coutances. « Au quartier général de Rennes, le 2 du 2e mois de l’an II de la République fran¬ çaise, une et indivisible. « Vous désirez sans doute, mon général, savoir la suite des mouvements de nos ennemis. J’ai appris cette nuit qu’ils avaient abandonné leurs desseins sur Châteaubriant et qu’ils s’étaient portés sur Château-Gontier. L’adjoint Letour-nons m’écrit de Laval que Château-Gontier est pris, et qu’il s’est porté lui-même avec 15 cava¬ liers jusqu’à une lieue de Château-Gontier, où il a eu une petite affaire avec l’avant-garde des rebelles. Il m’assure qu’ils ont 10,000 hommes d’infanterie et 500 de cavalerie : on peut se fier à son rapport. Il craint pour Laval où il est avec 300 hommes seulement. Le département de la Mayenne l’a requis de se replier, s’il y est forcé, sur Mayenne, où il n’y a aucune force et où il serait loin de tout secours. Je lui dépêche un courrier pour lui ordonner de se replierj sur Vitré, qui peut se défendre, et où je dirige le peu de forces que j’ai ici. Vous voyez, mon gé¬ néral, que la marche des secours qui nous vien¬ nent de la Manche ne doit pas être retardée. Je pense seulement qu’il serait bien intéressant qu’un général expérimenté les dirigeât, les réu¬ nît et les opposât à la marche progressive des (1) Archives du ministère de la guerre, armée des Côtes de Cherbourg, carton 5/17, liasse 2. (2) Archives du ministère de la guerre, armée des Côtes de Cherbourg, carton 5/17, liasse 2. [Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | im 437 rebelles. Il me semble que Fougères devrait être le point sur lequel il conviendrait de les porter. « Signé : Vergnes. « P.-S. Lamarche des rebelles est sans doute la suite de la reprise d’Ancenis par l’armée de l’Ouest. « Certifié conforme : « Signé : Lafosse. « Certifié conforme à l'expédition à nous adressée par le département de la Manche, « Le Carpentier. » V. Jean-Baptiste Le Carpentier, représentant du peuple dans le département de la Manche, au Président de la Convention nationale (1). « Carentan, le 3e jour de la lre décade du 2e mois de l’an II de la République. « Citoyen Président, « Maintenant que des mesures aussi sages que rapides sont prises pour assurer la défense de nos côtes et faire face à un parti de rebelles qui s’est porté, par un mouvement inopiné, dans le département d’Ille-et-Vilaine, je puis mieux vous instruire que notre collègue Pocholle, re¬ présentant du peuple à Rennes, par une dépêche en date du 19 octobre, nous annonça que les rebelles de la Vendée étaient presque aux portes de cette ville, et demandait de prompts ren¬ forts, tant aux représentants du peuple dans le Calvados, qu’au général Peyre et à nous. Mon collègue Garnier était alors en route pour se rendre à Granville; je me trouvais à Valognes. Je fis sur-le-champ la proclamation que je vous adresse, avec un arrêté à la suite. La garde na¬ tionale de cette ville remit aussitôt ses fusils au bataillon du contingent, et ce corps fut armé spontanément. Deux bataillons qui venaient de quitter Cherbourg et les côtes, par ordre du ministre de la guerre, le 6e de la Côte-d’Or et celui de la Réunion, se trouvant à ma disposi¬ tion par le plus heureux hasard, furent aussitôt destinés à marcher vers Rennes, d’autant plus qu’ils avaient été remplacés à Cherbourg par le 68 bataillon de la Manche, et, au fort de la Hougue, un de la Somme. Ensuite, d’après l’offre du district, le 18e bataillon des chasseurs à pied qui devait être remplacé dans le service de la même garnison par les 3 bataillons bien armés de la garde nationale, fut ajouté aux deux premires bataillons, et tous reçurent ordre de se rendre à Avranches pour, avec un détache¬ ment des hussards du 8e régiment, et le nombre des gardes nationales des districts d’ Avranches et de Mortain qui serait jugé nécessaire, être organisés en corps d’armée, et fondre avec ordre et rapidité sur les rebelles qui infestent le dé¬ partement d’Ille-et-Vilaine. (1) Archives du ministère de la guerre, armée des Côtes de Cherbourg, carton 5/17, liasse 2. « Ces dispositions faites, je me suis rendu à Coutances auprès de mon collègue Garnier, nous avons concerté nos mesures ensemble : il va se charger de l’ organisation de l’armée, et moi je retourne à Cherbourg afin de nous mettre en mesure de tous côtés. « Cet événement, comme tous les autres, tour¬ nera encore au profit de la République; il en. résulte déjà de grands avantages, la remise de»* fusils des gardes nationales résidentes aux ba¬ taillons des contingents, et un plus grand appro¬ visionnement pour les magasins militaires. Des fusils nous ont été envoyés, avec des pièces de campagne, par nos collègues à Caen, et le con¬ tingent du district de Coutances va venir ren¬ forcer encore la garnison de Cherbourg. « A ce moyen, citoyen Président, nous allons à la fois porter des coups sûrs aux restes de la Vendée qui se sont réfugiés dans l’Ille-et-Vilaine, et mettre nos côtes à l’abri de toute insulte. « Le comité de Salut public, auquel j’ai rendu compte de toutes mes opérations, aussitôt qu’elles ont été faites, vous aura sans doute pré¬ venu de ces dispositions, ainsi que de la prise d’une de nos frégates par l’Anglais, à la vue de Cherbourg. « Il ne me reste à ajouter qu’un mot qui vous donnera une juste idée du courage des citoyens de ces contrées, c’est qu’ après la prise de cette frégate, les bords de la mer étaient couverts au loin d’une immense quantité d’hommes armés, et que si, comme on me l’a rapporté à Valognes où j’opérais alors, la mer eût été de glace, Londres appartiendrait à présent à la Répu¬ blique française. « J’ai écrit au comité de Salut public pour lui rendre compte de cet événement : il est néces¬ saire que le ministre de la marine nous envoie d’autres frégates. « Cet excès d’audace de la part de l’Anglais nous tient dans une surveillance continuelle, et cette surveillance, jointe à notre force, doit ôter tout sujet d’inquiétude à la Convention natio¬ nale. Comme la République entière, le départe¬ ment de la Manche saura exterminer d’un bras l’ennemi intérieur, et de l’autre anéantir le des¬ potisme et ses satellites. « Le Carpentier. « P.-S. Des prêtres émigrés sont arrêtés presque tous les jours dans ce département : la guillotine en fait une justice aussi prompte que fréquente; deux vont encore tomber sous le glaive de la loi à Coutances, et nous faisons la chasse aux autres sans interruption. « Si les prêtres viennent se jeter ici sous la guillotine, les nobles émigrés ne sont pas si hardis. Dernièrement un ancien officier, nommé Dagobert, rentré d’Angleterre c-n France, a été pris dans un grenier et s’est fait sauter la cer¬ velle pour n’avoir pas le col coupé. Je poursuis ceux où il avait trouvé asile et ils seront aus¬ sitôt traduits au tribunal révolutionnaire s’il y a lieu. « Mon collègue Garnier vous donnera des nou¬ velles du département de l’Ille-et-Vilaine, vu sa proximité et l’activité de communications qui sont établies. »