[14 février 1791. J [Assemblée nationale.) tances, adhéritauces, et autres atiribués par les anciennes lois au ministère exclusif des officiers seigneuriaux, qui dans l’intervalle de la publication des décrets du 4 août 1789, à celle du décret des 17 et 19 septembre 1790, auront été faits en présence des officiers des nouvelles municipalités, auront le même effet que s’ils l’avaient été en présence des anciens échevins ou autres officiers des justices seigneuriales. Art. 18. « Sont abolies sans indemnité, sauf en cas où il serait prouvé, de la manière énoncée dans l’article 11 ci-dessus, qu’elles ont eu pour cause des concessions de fonds ou de mises de droits déclarés rachetables, les redevances connues sous le nom de blairie, et généralement toutes celles que les ci-devant seigneurs jusiiciers se faisaient payer pour raison de la vaine pâture, ensemble le droit qu’ils s’étaient attribué en certains lieux d’admettre les forains à la jouissance de ladite vaine pâture dans l’étenlue de leur justice. Art. 19. « Les redevances connues sous le nom de mes-serie, ou sous tous autres, que les ci-devant seigneurs justiciers exigeaient en certains lieux pour la faculté par eux accordée aux habitants de faire garder les fruits de leurs terres, sont également abolies, sans indemnité. » M. Merlin. Je demande la permission d’annoncer à l’Assemblée que tous les professeurs du collège de Bergues, dans la Flandre maritime, ont prêté le serment prescrit par la loi du 26 décembre, ainsi que les curés et vicaires de la ville de Bourbourg et du bourg de Watten dans le département du Nord. Mais en même temps, je vous annonce avec une vive douleur que tout ce pays est dans ce moment dans la plus grande agitation par l’effet des manœuvres de M. l'évêque d’Ypres. Je demande que l’Assemblée renvoie aux comités ecclésiastique et diplomatique réunis, l’examen et la proposition des mesures propres à empêcher les actes de juridiction que cet évêque prétend exercer dans la ci-devant partie française de son diocèse. (Ce renvoi est décrété.) M. Lebrun, au nom du comité des finances , reprend le projet de décret qu’il avait présenté au début de la séance et dont la délibération avait été reportée au cours de cette séance (1). Ce projet de décret est adopté dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que la caisse de l’extraordinaire versera au Trésor public la somme de 72 millions pour le service du mois courant. » L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le tabac. M. Rœderer, rapporteur du comité des contributions publiques. Messieurs, l’article 4, où nous nous sommes arrêtés, r. mplilunedes vues du commerce que l’on a regardée hier comme très importante à remplir, celle défavoriser le commerce d’entrepôt. Il est ainsi conçu : < Art. 4. Le tabac en feuilles, provenant 173 de l’étranger, pourra êire mis en entrepôt dans les magasins de la régie, qui seront destinés à cet usage, et réexporté à l’étranger, sans payer aucun droit. » M. Nairac. Je demande que l’on fixe à une année le délai d’entrepôt; on pourrait donc dire : « ... pourra être mis en entrepôt pendant un an, dans les magasins de la régie. . . ». M. Rœderer, rapporteur. J’adopte l’amendement. L’article 4 est mis aux voix et décrété dans les tern es suivants : Art. 4. « Le tabac en feuilles, provenant de l’étranger, pourra être mis en entrepôt pendaat un an, dans les magasins de la régie, qui seront destinés à cet mage, et réexporté à l’étranger, sans payer aucun droit. » M. Rœderer, rapporteur. L’article 5 est ainsi conçu : « Nul ne pourra fabriquer ou débiter du tabac dans le royaume, s’il n’a acquitté la taxe qui f era réglée et s’il n’en peut produire la quittance. » M. Populus. Je vous prie de vouloir bien considérer si votre article ne conduira pas à des perquisitions et à des visites domiciliaires. On a fait un sacrifice pour la liberté publique ; mais si, après avoir fait ce sacrifice, il nous restait encore des vestiges d’inquisition fiscale, j’auraisbeaucoup de peine à y plier mon opinion. Je crois qœ*, pour une petite recette qui parviendrait au Trésor public, l’on n’est pas dans le cas de transiger avec les principes. Si votre intention est d’établir les visites domiciliaires, je vous prie de l’exposer à l’Assemblée, parce que pour lors je demanderais la question préalable sur l’article proposé. M. Rœderer, rapporteur. L’Assemblée nationale a déjà décrété des moyens par lesquels il sera possible d’assurer le produit d’un droit de licence. Un moyen décrété par l’Assemblée se trouve dans le décret qui lui a été présenté par le comité d’agriculture et de commerce, concernant les inventions nouvelles, projet que l’Assemblée a adopté. U est évident que la nation ayant voulu, par le décret dont j’ai parlé, assurer aux auteurs d’une découverte importante le produit de leur invention, elle a dû donner des moyens pour le succès de cette vue; et c’est en conséquence qu’elle a décrété que lorsqu’un inventeur, porteur de patentes, ce qui est précisément notre cas, pourra prouver qu’une personne s’est emparée du privilège qui lui aura été accordé, il le fera poursuivre. On ouvre donc une action par les voies ordinaires de la justice, en produisant les preuves qui sont suffisantes dans toutes les actions judiciaires-Cela ne conduit, comme le voit le préopinant, à aucune espèce de visites domiciliaires ; et, en un mot, puisque l’Assemblée a jugé cetle mesure propre pour assurer te privilège exclusif des découvertes mécaniques, elle doit êire bonne pour assurer le succès des découvertes d’uu autre genre. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (i) Voyez ci-dcssus, même séance, pages 169 ci 170. | M. Le Chapelier. J’observe qu’il n’y a rien 474 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [44 février 4791.] qui ressemble moins au privilège accordé, ou plutôt à la propriété conservée aux inventeurs de découvertes, que le droit qu’on nous propose généralement; je crois, comme le comité, qu’il est possible de tirer quelque faible revenu des droits de licence sur la vente et la fabrication de certaines marchandises. En général, ces droits sont très mauvais, car c’est un droit sur l’industrie, et les droits sur le travail sont à éviter, autant qu’il est possible; cependant, si notre Trésor a besoin d’un pareille précaution qui ne produira jamais beaucoup, je demande au moins que l’article soit ajourné au moment où on nous présentera le code qui établira le droit de licence et les moyens doDt on se servira. M. de lia Rochefoucauld. Le comité adopte l’ajournement et fera, quand vous voudrez, son rapport sur les patentes. (L’Assemblée ajourne l’art. 5). M. Rœderer, rapporteur. Nous passons à l’article 6 qui est ainsi conçu : « Une régie nationale fera fabriquer et vendre du labac au profit du Trésor public, et les tabacs en feuilles qu’elle jugera à propos de tirer de l’étranger, seront exempts de droits. » M. Populus. Je demande aussi l’ajournement de cet article. M. Rœderer, rapporteur. Plusieurs objections ont été faites sur cet article; on a demandé s’il était de la dignité de la nation de se conserver le privilège exclusif de la vente du tabac. Nous avons en France plusieurs exemples de cette espèce de dérogeance, et nous l’avons dans les décrets que vous avez rendus vous-mêmes récemment. L’Etat est marchand de poudre à canon, l’Etat est marchand de papier timbré, donc l’Etat peut être marchand de tabac, si parle tabac il retire un revenu profitable au Trésor public, et si par là il dispense d’une imposition plus onéreuse. Rien ne ce qui est utile ne doit être dérogeant, pas plus pour l’Etat que pour des particuliers. Une autre objection s’est élevée contre cet article : on trouve qu’il est injuste d’accorder à cette régie nationale la faculté exclusive de tirer, en franchise des droits établis par l’article 3, les tabacs en feuilles qui seront nécessaires pour la fabrication. Messieurs, ici l’intention du comité n’est pas de dissimuler que l’on veut donner, non pas un privilège exclusif à la régie nationale, mais une faveur qui rende le produit profitable au Trésor public. Cette fabrique nationale n’aurait aucun avantage, ne serait que d’un produit imperceptible, si l’on ne lui donnait pas le moyen de vendre en concurrence avec le commerce, et au même prix, des tabacs qui lui coûteraient moins. Les fabricants de tabac ou les personnes qui se destinent à en fabriquer dans le royaume, pensent que l’on détruirait leur fabrication ou qu’on l’empêchera de naître, parce que la ferme ou la régie nationale ayant la matière première, c’est-à-dire le tabac en feuilles à plus bas prix que lu commerce, pourra par cette raison vendre du tabac à beaucoup meilleur prix, et par conséquent éloigner les consommateurs des fabriques du commerce libre. C’est là qu’est toute l’erreur du raisonnement. Car ce n’est pas pour vendre à meilleur marché que nous demandons pour la régie nationale le privilège exclusif de la traite, en franchise des droits, de tout le tabac étranger, c’est seulement pour qu’elle puisse vendre avec plus de profit au même prix. C’est un moyeu très innocent de faire valoir les fabriques que nous avons maintenant dans le royaume : elles sont au nombre de 7, elles emploient à peu près 3,000 hommes ; et, quand on devrait un jour faire à la libre fabrication du tabac le sacrifice de ces fabriques, il ne conviendrait pas de le faire aujourd'hui, parce qu’il ne serait ni sage ni prudent de disperser 3 milliers d’hommes qui actuellement n’existent que par le moyen de la fabrication. Tels sont, Messieurs, les motifs qui nous ont déterminés à vous proposer cet article. M. Rewbell. Le préopinant a oublié de vous dire, ou bien il vous a caché que l’exécution de l’article 6 détruisait véritablement le bénéfice des droits de perception établis par les articles précédents. Lorsque nous avons demandé la suppression du privilège exclusif pour la vente du tabac, nous ne consultions que l’intérêt général, et j’en vais donner une preuve. L’article que propose le comité est très avantageux pour la ci-devant province d’Alsace; car nos fabriques sont toutes établies, et il est presque sûr que nous et la régie serions les seuls qui vendrions du tabac. Je ne sais pas si vous avez voulu fonder un commerce entre les mains de régisseurs qui ne sont rien autre chose que les fermiers généraux ; mais, si c’est là votre intention, vous atteindrez parfaitement ce but en décrétant l’article du comilé. M. Le Chapelier. Messieurs, l’article 6 doit être divisé en deux parties: la première, je l’adopte; la seconde, je la rejette. Je crois, comme ie comité, qu’il est nécessaire que nous ayons une régie pour nos fabriques nationales ; mais la dernière partie de l’article est destructive de notre commerce. On veut donner à notre régie nationale un avantage immense sur le commerce ; on veut qu’elle soit exemple de droits sur les tabacs qu’elle achètera : cette mesure fera le plus grand tort à notre commerce, parce que l’exemption de droits place la régie dans une concurrence beaucoup trop avantageuse avec nos négociants, qui ne pourront plus au même prix, au même bénéfice, s’occuper de ce commerce. Voici maintenant la ruine de notre commerce sous une autre espèce. Le commerce ne consiste qu’en objets d’échange et la régie faisant toujours le sien par les moyens les plus expéditifs, achètera des tabacs avec de l’argent, sans s’occuper de donner des marchandises en échange. De là une perte considérable pour nos manufactures. Jedemandedonc, par amendement, que la régie soit conservée pour nos fabriques nationales; mais que cette régie ne puisse acheter de tabacs que dans les ports de France, en payant les droits établis pour le commerce, et qu’il lui soit interdit de contracter des marchés à l’avance avec les maisons étrangères. M. d’André. Je ne vois pas comment la nation peut trouver quelque avantage en exemptant la régie des droits d’entrée. Si nous pouvons fabriquer 100,000 quintaux de tabac et que la régie en achète 50,000, nous perdons 50,000 fois 25 livres. Ce calcul me paraît assez juste et prouve que rien ne nuit plus à l’industrie que les privilèges exclusifs.