[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1S juillet 1790.] Des salves d’artillerie répétées ont annoncé l’arrivée de l’armée et de l'Assemblée nationale au pont sur bateaux, construit en face du Champ-de-Mars. Au bruit de ces salves et aux acclamations d’un peuple immense, l’Assemblée nationale a traversé le Champ-de-Mars pour aller occuper les places qui lui étaient destinées. Un escalier, construit en face de l’Autel de la patrie, a conduit à ces places. Elles étaient. en amphithéâtre sous une galerie adossée aux bâtiments de l’Ecole militaire. Au milieu de cette galerie, on avait établi une plate-forme sur laquelle était placé au milieu, pour le roi, le fauteuil du trône, couvert de velours violet, semé de fleurs de lis d’or, avec un carreau pareil. Pour M. le Président de l’Assemblée nationale à la même hauteur, sur la même ligne et à trois pieds à la droite du roi, un autre fauteuil couvert de velours bleu azur, semé aussi de fleurs de lis d’or, avec un carreau semblable. A la gauche de Sa Majesté, à pareille distance, sur la même hauteur, et sur la même ligne, étaient des tabourets qui joignaient les banquettes dressées pour les députés. Ces tabourets ont été occupés par les secrétaires et autres membres de l’Assemblée nationale, de manière que le roi était placé au milieu d’eux tous , sans aucun intermédiaire, et sous le même pavillon. Derrière le Président étaient quatre huissiers de l’Assemblée nationale, revêtus de leurs décorations, et les quatre autres étaient en avant sur les premières marches. Le roi avait seulement avec lui deux huissiers de sa chambre avec leurs masses, placés devant avec les huissiers de l’Assemblée, et quelques autres officiers de sa maison, debout sur les premières marches, ou derrière Sa Majesté. Un balcon, placé en arrière du roi et de l’Assemblée nationale, était occupé par la reine, M. le dauphin et la famille royale. Les troupes des fédérés des départements et les troupes de ligne se sont rangées sous les bannières qui leur avaient été données par la municipalité de Paris. A trois heures, lorsqu’elles ont été placées, le roi est arrivé par l’intérieur de l’Ecole militaire, et s’est placé au bruit des salves d’artillerie, des cris répétés de Vive le roi ! et des plus touchants témoignages d’amour. Les bannières des départements et celles des troupes de ligne ont été portées autour de l’Autel de la patrie, où M. l’évêque d’Autun, officiant, les a bénitës, après avoir célébré la messe. Elles ont été rapportées ensuite au centre de chaque division des fédérés et des troupes de ligne, à qui elles étaient destinées. Alors M. de La Fayette étant venu prendre les ordres du roi, et Sa Majesté lui ayant remis la formule du serment décrété par l’Xssemblée nationale pour les troupes de la fédération, il s’est rendu à l’Autel de la patrie, et a prononcé, au nom de tous les fédérés qui ont joint leurs voix à la sienne, leurs promesses à ses promesses, le serment qui unit les Français entre eux et les Français à leur roi pour défendre la liberté, la Constitution et les lois, en ces termes : « Nous jurons d’être à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi ; « De maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par le roi; « De protéger, conformément aux lois, la sûreté des personnes et des propriétés ; « La circulation des grains et subsistances dans l’intérieur du royaume; « La perception des contributions publiques sous quelques formes qu’elles existent; « De demeurer unis à tous les Français, par les liens indissolubles déjà fraternité. » Des salves nouvelles d’artillerie et les cris répétés de Vive le roi! Vive la nation! le cliquetis des armes, les fanfares de la musique guerrière ont annoncé ce moment ; et le peuple nombreux, témoin de l’engagement pris par les fédérés, s’est uni à eux par ses acclamations. M. de La Fayette est remonté auprès du roi et de M. le Président; et il a été convenu qu’on ferait indiquer par un signal parti de l’Autel de la patrie, et qui pût être vu également des batteries de canon et de l’Assemblée nationale, le moment du serment qu’elle devait prononcer. A l’instant du signal, M. le Président de l’Assemblée nationale debout, ainsi que tous les représentants de la nation, a prononcé le serment décrété, le 4 février dernier, en ces termes : « Je jure d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et*de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi. » Le bruit du canon et les mêmes acclamations ont accompagné ce second serment. Enfin, le roi s’est levé et a prononcé, debout et à très haute voix, le serment décrété par l’Assemblée nationale et accepté par lui, en ces termes : « Moi, roi des Français, je jure d’employer tout le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’Etat, à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi, et à faire exécuter les lois. » C’est au milieu d’un silence profond et religieux que l’Assemblée nationale et le peuple français ont reçu le serment de leur roi. Quand Sa Majesté en a eu prononcé les derniers mots, des acclamations universelles ont éclaté ; les cris de Vive le roi! répétés d’un bout du Champ-de-Mars à l’autre, par l’Assemblée nationale, par les fédérés et par le peuple, ont ratifié l’auguste et sainte alliance qui venait de se former. On a chanté ensuite le Te Deum au bruit de la musique et de l’artillerie ; et lorsqu’il a été fini, le roi s’est retiré au milieu des mêmes acclamations qui avaient accompagné son entrée. L’Assemblée nationale, dans le même ordre et au milieu du même cortège qui l’avait accompagnée en venant, est retournée au lieu ordinaire de ses séances où elle s’est séparée. Signé : G. F. de Bonnay, président ; Pierre de Delley, Popülus, Robespierre, Dupont (de Nemours), Garai aîné, Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély), secrétaires. ASSEMBLÉE NATIONALE. présidence de m. c.-f. de bonnay. Séance du jeudi 15 juillet 1790, au matin (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M . le Président, en ouvrant cette séance, se (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 36 [Assemblée nationale;] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1790.] trouve avoif à sa droite un drapeau qu’un guerrier tient déployé et que gardent encore deux autres guerriers. Sur le drapeau on lit, d’un côté : Confédération nationale , à Paris , du 14 juillet 1790; ët, de l’autre : Constitution , armée française. M. ie Président; Un de MM; les secrétaires va donner iectüre à l’Assemblée d’un procès-verbal qui lui apprendra comment ce drapeau se trouve transporté datls la salle de l’Assemblée nationale» PROCÈS-VERBAL. fe Le quatorze juillet mil sept cerit qüâtrë-vingt-dix, après la cérémonie de la fédération, M. de LaFayette à proposé à plusieurs ofticierset soldats vétérans députés de l’armée à ladite fédération, qui entouraient l’oriflamme, d’aller diiier au château de là Muette, et d’y déposer* pendant ce temps, l’oriflamme qui devait être ensuite rapportée à Paris ; les officiers et soldats Vétérans se sont conformés ponctuellement à cet ordre. Ils ont déposé, pendant le dîner, l'oriflamme dans un appariement du château de la Muette, qu’on leur a dit être la chambre du roi. « Après le dîner, ils se sont réunis au nombre de vingt-neuf, savoir : MM. üupeyrat, capitaine-commandant du régiment de Gonti-infanterie; Le Bas, capitaine de grenadiers au régiment de garnison du roi; Nivelon, capitaine audit régiment; Constantin, capitaine en second au régiment de Boulonnais; Denis, lieutenant en premier au régiment de Saintonge ; Ghapelelle, commandant au régiment d’Angoumois; Laverand, lieutenant de grenadiers au régiment de Rohan ; Pausat, lieutenant de grenadiers au régiment royal Comtois ; Maquin, lieutenant de chasseurs au régiment des Trois-Evêchés ; de Chambruu, lieutenant dés grenadiers royaux; Desauders, sergent; Lorin, caporal; Michel, caporal au régiment de Saintonge ; Leroy, sergent au régiment de Beaujolais; Béquin, sergent-major au régiment de Chartres ; Beauséjour, appointé; Bessan, appointé au régiment d’Angoumois ; Belleroze, caporal de grenadiers ; La Roze, caporal au régiment de Navarre; Cfépet, appointé ; Bapon, chasseur au régiment de Rohan; L’Orange, caporal de chasseurs au régiment de Conti ; Létoille, sergent ; La Rochelle, caporal; Montalier, musicien au régiment royal Comtois; Brissac, maréchal des logis des Chasseurs de Bretagne ; Le Vasseur, caporal au régiment d’Angoulême; de Bénezet, capitaine au corps du génie ; Antoine Poncet, lieutenant-colonel, aide-maréchal général des logis des armées Françaises. « Ils ont prié qu’on leur ouvrît la chambre dans laquelle était renfermée l’oriflamme, qu’ils ont rapportée à Paris dans le plus grand ordre. « A neuf heures et demie du soir, ils ont rencontré sur la terrasse des Feuillants M. Dubuisson de Blainville, lieutenant-colonel commandant du bataillon de garnison d’Auxerrois, député suppléant à l’Assemblée nationale et député des troupes provinciales à la confédération; ils l’ont engagé à prendre le commandement du détachement, pendant que M. Antoine Poncet, qui avait apporte l’oriflamme de la Muette, est allé chez M. rie La Fayette avec un chasseur de la garde nationale parisienne, pour lui demander un ordre, afin de faire ouvrir la salle de l’Assemblée nationale, et d’y placer l’ofiflamme qtie le détachement se proposait de garder jhsd'u’à ce qd'il eût reçu les ordres de l’Assemblée. « M. de Blainville a accepté cet hohheür aVec là plus vive recoünaissance, et s’est placé, aveô le détachement et l’oriflamme, dans le vestibule de la salle de l’Assemblée nationale, en attendant les ordres que M. Poucet devait apporter dé là part de M. de La Fayette. «.M. Pohcet n’a pas trouvé M. de La Fayette * mais il a rapporté une lettre de M. de La Colombe, aide-major général de la garde natidriale parisienne, qui priait le commandant de la garde de l'Assemblée de faire ouvrir la salle pour ÿ recevoir l’oriflamme et le détachement des officiers et soldats vétérans ; eu conséquence, l’üriflâmrtië a été déposée près le fauteuil de M. le président. « M. dé Blainville, Croyant que dëüfce hotUtues, avec un capitaine, un lieutenant et lui, suffisaient pour Cette garde, a proposé aux dix-sept braves vétérans de se réduire à douze, et atix cinq plus fatigués d’aller se Coucher; aucun d’eux n’y a consenti, et tous üflt Voulu partager l’honneur de garder le dépôt précieux qui était entre leurs mains; « Le 15 juillet, M. de Saint-Priest, porte-Cor-nette blanche de France, qui était revenu à Paris, le 44, après la cérémonie, par Ordre de M; de La Fayette, est arrivé à neuf heures du matin à la salle de l’Assemblée nationale ; l’oriflamme lui a été remise, étant toujours gardée par le même détachement. « Signé : Dupeyrat, capitaine-commandant de Conty ët de la garde hationale de Golombey ; Le Bas, capitaine des grenadiers du régiment de garnison du roi, de garde-oriflamme ; A. Poncet ; Pausât, du régiment royal Comtois, sous-lieutenant de garde-oriflamme ; LâVerand, lieutenant de grenadiers aü régiment de Rohan ; Nivelon, capitaine du régiment de garnison du roi ; Desauders ; Brissac j Létoille; Montay; Dubuisson de Blainville ; Leroy. « A Paris, le 15 juillet 1790. » Plusieurs membres demandent l’impresSion de ce procès-verbal. L’Assemblée décrète qu’il sera inséré en entier dans le procès-verbal de la séance de ce jour. Elle vote ensuite, par acclamation, et les honneurs de la séance, et des remerciements poür le zèle si religieux, si patriotique et si digne du caractère français qu’ont montré, à la garde de ce drapeau, les vingt-neuf guerriers qui y sont nommés. M. le Présidênt. Je prie l’Assemblée de décider en quel lieu doit être déposé le drapeau que les grenadiers qui le gardent ont qualifié d’ori-flamme de l’armée françaïsê. M. de Pitmel-Monségur. L*oriilamme doit être déposée chez le roi; c’est le chef suprême du pouvoir exécutif, et c’est à ce titre que la garde lui en doit être confiée. Plusieurs membres font remarquer que l’Assemblée est encore peu nombreuse et demandent que la discussion sur cet objet soit ajournée à deux heüres. Cette motion est adoptée. M. des Pumel demandé et obtient un congé pour aller aux eaux d’Aix-la-Chapelle.