494 [Assemblée nationale.] res des cours souveraines, chancelleries et bureaux des finances des pays d’élection, pays conquis et pays d’Etats. Ce payement, pour être fait avec régularité, exige dans les agents que l’administrateur y emploiera, une connaissance déjàacquise des formes de payement et de comptabilité particulière à ce genre de créances. Le seul parti à prendre pour s’assurer de la régularité de ces payements, c’est d’en charger, pour ce qui regarde les provinces, les anciens commis aux recettes générales, qui en faisaient le service. Les receveurs généraux des pays d’Elats étant encore en exercice, ne feront, sans doute, aucune difficulté de faire faire le payement par leurs commis qui sont encore eux-mêmes appointés. Mais ceux des pays d’élection et pays conquis ayant fini leurs exercices, leurs commis dans les provinces étant sans traitement, on ne peut leur proposer ce service particulier, sans leur attribuer une indemnité convenable. Il leur a déjà été écrit pour les disposer à s’en charger; on attend leur réponse. Le commissaire du roi de la caisse ne peut leur faire aucune proposition intéressée, à moins qu’il n’y soit spécialement autorisé. Votre comité des finances me charge en conséquence de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que la caisse de l’extraordinaire étant chargée, aux termes de la loi particulière du premier de ce mois, et autres lois générales antérieures, d’acquitter les gages arriérés des ci-devant cours souveraines, chancelleries et bureaux des finances des pays d’élection et pays conquis, décrète que le commissaire du roi, administrateur de cette caisse, sera autorisé à employer à ce payement, dans les ci-devant provinces, les anciens commis aux recettes générales, et à leur passer en compte, à titre d’indemnité, une taxation d’un denier pour livre du montant de leurs payements effectifs, dont le minimum sera néanmoins fixé à 200 livres. « Les anciens syndics ou receveurs des compagnies supprimées, qui ont des gages communs à toucher, sont autorisés à toucher ces gages sur leurs quittances, et avec l’obligation de justifier de l’emploi par-devant les directoires des départements dans trois mois du jour où ils auront reçu. « Dans le cas où ces syndics ou receveurs seraient absents ou morts, autorise les départements à leur nommer un suppléant. « Charge les directoires de département et de district de veiller à l’emploi de ces gages communs, pour l’acquittement des rentiers privilégiés sur ces gages. » (Ce décret est adopté.) M. Louis ilflonncron. Messieurs, il y aura demain 15 jours que vous avez rendu votre décret accordant les droits de citoyens actifs aux gens de couleur libres, propriétaires et contribuables, nés de père et mère libres. Le département de la Gironde, qui fait à lui seul la moitié du commerce des colonies, vous en a témoigné sa reconnaissance, et son adresse, résumée par le vœu réfléchi des directoires du département et districts, de la municipalité et de la Chambre de commerce de Bordeaux, contribue efficacement à fixer l’opinion publique ; mais, Messieurs, la retraite inopinée des députés de vos colonies [27 mai 1791.] occidentales, et les clameurs d’un grand nombre d’Américains, actuellement en France, pourraient, par des insinuations perfides, et par des interprétations fausses de ce décret, occasionner des troubles; ils ont donc cru qu’il était de la sagesse et de la prudence de suspendre le départ des vaisseaux prêts à faire voile pour les colonies, et ils vous prient de prendre les mesures les plus promptes pour l’exécution de ce décret. Je pense donc qu’il est instant que vous adoptiez l’adresse qui vous a été présentée par M. Dupont de Nemours (1), avec l’instruction que doivent rédiger vos comités réunis; mais cette instruction n’est pas encore rédigée : elle sera soumise à la discussion de l’Assemblée pendant plusieurs séances, et il est probable qu’il faudra la réimprimer; d’où il résulte qu’il s’écoulera plusieurs semaines avant qu’elle puisse être expédiée. Cependant, Messieurs, de cela dépend la tranquillité et le salut de vos colonies. Je demande donc que vous adoptiez immédiatement, sauf rédaction, l’instruction de M. Dupont. M. de Folleville. Je demande ce que c’est que d’adopter sauf rédaction, une instruction : c’est donner un commentaire à une loi, au moment même où elle vient d’être faite. Ainsi je pense que l’Assemblée, dont les bonnes intentions sont connues, doit, par respect pour ces intentions, ne pas les exprimer autrement que par ces décrets et je maintiens, Messieurs, que l’instruction proposée par M. Dupont, bien loin d’affaiblir les prétendus effets de votre décret, augmentera encore la défiance; d’abord parce qu’un décret qui exige un commentaire inspire par lui-même la défiance, et, en second lieu, parce que la formule même de l’instruction est faite pour inspirer de la défiance, surtout sur l’article convenu unanimement ici, qui est qu’il ne sera porté aucune décision sur l’existence des gens de couleur non libres, que d’après le vœu spontané des colonies; et j’ose dire que l’instruction de M. Dupont n’est que du miel délayé dans de l’absinthe. M. Kegnaud [de Saint-Jean d’Angély). M. Mon-neron ne réclame que l’exécution d’un décret de la dernière importance. Vous aviez chargé plusieurs comités de ce travail. Je ne sais pourquoi ils restent dans une complète inaction, malgré les circonstances qui devraient les faire hâter. Je ne vois pas pourquoi une mesure, dont vous avez reconnu le succès et l'utilité dans l’enceinte même du royaume, ne serait pas adoptée pour les colonies. Vous savez, Messieurs, que les instructions que vous avez adressées à tous les citoyens de l'Empire français ont calmé souvent l’effervescence qu’on cherchait à faire naître. Et s’il était nécessaire d’expliquer vos intentions, d’éclairer ceux qu’on voulait abuser autour de vous-mêmes, croyez-vous qu’il ne soit pas aussi utile de le faire dans les régions lointaines, où les événements n’arrivent que dénaturés, même lorsque l’on a de bonnes intentions, où ils sont pervertis, corrompus, altérés par toutes les passions haineuses et méprisables, lorsqu’on peut avoir intérêt de les altérer? On s’est empressé d’écrire dans les colonies, et les mêmes personnes qui voulaient égarer la capitale sur vos intentions, infecteront aussi les colonies de leur poison. Pour répondre à l’observation ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Voy. ci-dessus, séance du 21 mai 1791, page 263