300 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Premier décret. «L’Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission faim le 2 septembre dernier, par la municipalité de Ville-du-Bert, canton de Tresbes, district de Carcassonne, département de l’Aude, en exécution de la délibération, prise par le conseil général de la commune dudit lieu, le 5 août précédent, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l’état est annexé à la minute du pro' ès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l’instruction décrétée le 31 mai dernier; «Déclare vendre à la municipalité de Vide-du-Bert, district de Carcassonne, département de l’Aude, les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées au décret du 14 mai dernier, et pour le prix de 29,706 livres 12 sous, payable de la manière déterminée par le même décret. » Deuxième décret. «L’Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 12 septembre dernier par la municipalité de Valenciennes, district dudit Valenciennes, département du Nord, en exécution de la délibération, prise par le conseil général de la commune de cette ville, le 17 juin précédent, pour, en conséquence du décret du 17 mars 1790, acquérir entre autres biens nationaux ceux doull’état estaunexé àla minute du procès-verbal dece jour, ensemble les estimations et évaluations faites desdits biens, en conformité de l’instruction décrétée le 31 du mois de mai aussi dernier; « Déclare vendre à la municipalité de Valenciennes les bienscomprisdans leditétat, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 dudit mois de mai, et ce, pour le prix de 209,744 livres 1 sou 1 denier 3 quarts, payable de la manière déterminée par le même decret. » M. l’abbé Gouttes propose, au nom du comité de liquidation, le projet de décret dont voici la substance : 1° le comité de liquidation sera chargé de vérifier et de liquider les créances sur le clergé; 2° celles de ces créances qui sont sous signatures privées seront déposées au comité, qui en dé ivrera au porteur une expédition qui sera soumise à l’examen des directoires de départements, qui donneront leur avis ; 3° les propriétaires des dîmes inféodées présenteront au comité de liquidation leurs titres, qui seront liquidés sur l’avis des départements. M. d’André. Le comité de liquidation est établi pour la liquidation de l’arriéré ; je m’étonne qu’il demande une nouvelle attribution. En multipliant ses travaux manuels, ses travaux de calculs, nous perpétuerons aussi notre existence. Je demande donc qu’il soit établi pour la liquidation de la dette un bureau particulier; nousavons un modèle dans l’excellente organisation de la caisse de l’extraordinaire. [7 décembre 1790.] quatre notaires de Paris seraient plus propres à liquider des charges que tous les comités possibles. Vous ne devez pas administrer, mais contrôler les administrateurs; car si vous administrez, qui nous contrôlera ? Tous les créanciers de l’Etat attendent la liquidation de leurs titres pour acheter des biens nationaux, et depuis la création de votre comité de liquidation il n’y a pas encore un titre de liquidé. Je demande que vos comités vous présentent un mode d’organisation d’un bureau de finances, et qu’il soit fait avec la même perfection que le decret que vous avez rendu hier sur l’organisation delà caisse de l’extraordinaire, décret qui vo -s a acquis de nouveaux droits à la reconnaissance de la nation. M d’André. Voici un projet de décret que je propose de substituer à celui du comité : « L’Assemblée nationale décrète que deux commissaires de chacun des comités des finances, de judicature, de pensions et de liquidation, auxquels seront adjoints les commissaires déjà nommés parle décret du 23 septembre 1790, s'assembleront jeudi prochain au comité des finances, et lui présenteront, sous huitaine, l’organisation des bureaux nécessaires pour faire toutes les operations de finances dérivant de l’exécution des divers décrets de l’Assemblée nationale. » Divers membres demandent la priorité pour ce projet de décret, qui est mis aux voix et adopté. M. l’abbé Gouttes représente de nouveau que si les créanciers du ci-devant clergé n’ont que des titres sous signatures privées, et s’ils sont obligés de les envoyer dans les differents départements pour arriver, à leur liquidation, ils sont exposés à les perdre.En conséquence, il demande qu’ils soient autorisés à en faire le dépôt entre les mains d’un officier et à n’envoyer que de simples copies collationnées. M. Prieur observe que, d’après les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, chaque créancier du ci-devant clergé peut faire liquider sa créance par le directoire du district de son domicile. (M. l’abbé Gouttes retire sa motion.) M. Brostaret, député de Nerac , demande et obtient un congé d’un mois pour affaires pressantes. M. Pétion, président , quitte la salle pour se rendre chez le roi. M. Treilhard, ex-président , occupe le fauteuil. L’ordre du jour est un second rapport du comité de l'imposition sur la contribution mobilière. M. Dcfermon, rapporteur , monte à la tribune et s'exprime en ces termes: Messieurs, vous avez reconnu la nécessité de deux contributions : l’une foncière, l’autre que nous appelerons mobilière. Vous vous rappelez, sans doute, que vous n’avez M. Duquesnoy. Si vous aviez confié la liquidation au pouvoir exécutif, elle serait déjà faite; (1) Ce rapport est incomplet au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 décembre 1790.] 30] admis ces deux contributions qu’à raison des besoins publics, et afin de faire contribuer également tous les revenus et tous les citoyens à la dépense de la protection commune. La contribution foncière ne présente que des idées claires, qu’un mécanisme simple. Toute propriété foncière doit contribuer en raison de son revenu net. Cette propriété ne peut être cachée; les fruits qu’elle produit sont visibles; le revenu est facile à calculer et à imposer. Il n’en est pas de même pour la contribution mobilière, elle doit porter sur tous les autres revenus qui n’ont pas contribué, et ces revenus sont tous ceux qui ne viennent pas de propriétés foncières, ce sont les rentes des capitaux placés dans les fonds publics, dans les entreprises industrielles de tout genre, et même dans les salaires de toute espèce de travaux qui, exigeant une intelligence exercée et une habileté perfectionnée, suppose des apprentissagesdont les frais peuvent être considérés comme un capital que l’on a placé sur soi-même, et dont on doit tirer un revenu proportionnel. Tous ceux qui jouissent de semblables revenus n’en jouissent que sous la protection publiques, comme les propriétaires fonciers jouissent de leurs propriétés sous la même protection, et les uns doivent contribuer comme les autres. Mais les mêmes motifs qui vous ont portés à ne taxer à la contribution foncière que les trois quarts du rev< nu des maisons, et à accorder différentes déductions dans d’autres cas, exigent qu’en taxant les revenus mobiliaires, vous veuillez considérer les risques auxquels ces revenus sont exposés, l’incertitude d’un produit constant et uniforme, la difficulté de les reconnaître et de les évaluer à leur véritable taux. Ces considérations doivent, Messieurs, vous déterminer à taxer avec modération les revenus mobiliaires. Nous vous avions proposé de les taxer à 12 deniers pour livre lorsque nous vous présentâmes l’article 8 du titre 2 de la contribution personnelle. On demanda que vous eussiez porté leur taxation plus haut; vous vous bornâtes à décréter qu’ils seraient taxés par denier pour livre sur leur montant présumé d'après les loyers d'habitation. Vous reconnûtes la justice, la nécessité même de les faire contribuer, et d’avoir une base commune d’évaluation. Votre ajournement sur la quotité ne fut déterminé que parce que vous n’aviez pas encore aperçu l’étendue et les bornes de vos besoins. Nous avions fait imprimer et distribuer des projets de tarifs d’évaluation; on alléguait qu’ils étaient inadmissibles, que leur résultat produirait des sommes trop considérables. Nous n’avions pas eu cette intention, puisqu’au contraire nous avions déclaré que la contribution personnelle ne devait s’élever que de 60 à 100 millions au plus; puisque nous vous avons fait décréter que, d’après la fixation, on ne pourra exiger de chaque municipalité que la somme qui lui sera attribuée. Aussi nous vous demandâmes d’ajourner la discussion sur les projets de tarifs, et nous invitâmes nos collègues à venir nous communiquer leurs réflexions sur ce point. Quelques-uns, mais en très petit nombre, se sont rendus à cette invitation. MM. les députés de Paris et le conseil général de la commune de la même ville nous ont communiqué leurs observations par des mémoires qui vous ont été distribués. Nous allons fixer votre attention sur ces observations et sur l<-s autres objections qui nous ont été proposées, ou qui ont été rendues publiques. Tout le monde convient qu’il faut une contribution mobilière; et, quoi qu’on en dise, il est juste que cette contribution ne porte pas sur les revenus fonciers, qui en acquittent une plus forte : autrement ce serait s’écarter de vos vues, qui ont été d’atteindre les revenus qui ne proviennent pas de propriétés foncières. Quant au moue de la contribution mobilière, nous sommes encore convaincus que de toutes les bases qui peuvent servir à en faire l’assiette, les loyers sont préférables : c’est un signe commun à tous les habitants de la France, c’est le signe le plus sensible de la dépense annuelle de chaque citoyen. 11 peut, comme toutes les présomptions, donner lieu à des erreurs, à des inégalités; mais de toutes les présomptions, il est la moins fautive, la moins arbitraire. Nous avons vu avec étonnement, dans le mémoire de MM. les députés de Paris, deux propositions sur ce point, diamétralement opposées. On y lit, page 20, « qu’on peut taxer a raison * du loyer; que c’était la base de la capitation à « Paris; que la somme à taxer peut se graduer, « parce qu’il est évident que celui qui fait une « dépense plus forte pour son loyer, doit prélever « une somme plus forte pour les dépenses de # l’Etat. » C’est ainsi qne MM. les députés de Paris conviennent que la capitation ne pouvait avoir de meilleure base que le loyer, et que la présomption, assise sur cette base, leur paraît juste et raison-ble, en ce qu’elle permet la gradation de la taxe. Cependant ils oublient bientôt ces vérités, et quelques lignes plus loin ils allèguent, « que la < base uniforme, que la régularité des calculs « disparaissent lorsque, ne procédant plus d’après « un fait reconnu ou prouvé, le payement de tant « pour le loyer, on veut lever une imposition sur « les facultés présumées d’aprèt le loyer ». Ce raisonnement les conduit à des conséquences contraires aux principes et au plan du comité; il les conduit à des suppositions inexactes et à la confusion d’idées qu’il était le plus important de distinguer. En effet, si toute homme qui avait un loyer, pouvait être taxé à raison de ce loyer, ce ne devrai! être que parla présomption que payant tant de loyer, il avait tant de richesses; par exemple, on présumait que celui qui payait 200 livres de loyer, pouvait faire une dépense annuelle de 1,000 livres, qui était le produit, soit de propriétés foncières, soit de capitaux placés, soit de son industrie. Le logement n’est pas le premier besoin : il faut la nourriture, les vêtements ; et quand on a plusieurs besoins à satisfaire, on partage ses revenus entre ses besoins. Ainsi c’était toujours en supposantqu’un homme qui avait tant de loyer, restait encore avec une quotité de revenussur lequelsil pouvaitfaire quelque économie, qu’on le taxait à raison de son loyer. Il nous paraît impossible de contester ces vérités : or, comment les concilier avec l’allégation de MM. les députés de Paris, qu’il n’y a plus ni uniformité, ni régularité, lorsqu’on veut lever une imposition sur les facultés présumées d’après le loyer? 302 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Si la taxe des revenus [nobiliaires D’est pas demandée sous le nom décapitation, ce n’en est pas moins une partie du revenu du citoyen qu’on lui demande pour le lise ; et comme c’est toujours d’après le fait reconnu ou prouvé qu’il paie tant de loyer , qu'on lui demande tant de contribution mobilière, on ne peut pas raisonnablement contester que cette base, bonne jusqu’ici, et employée avec succès, le sera de même pour l’avenir. Le conseil général de la commune a répété, avec les députés, que la base présumée est inadmissible pour cette capitale, et qu’il en résulterait une foule d’inconvénients. Nous croyons, Messieurs, qu’ilnaîtdesinconvé-niens des lois lesplus sages ; et nous ne vous avons jamais dissimulé qu’en adoptant la présomption résultante des loyers, il pourrait en naître des erreurs et des inégalités; mais nous sommes loin d’admettre la conséquence qu’on en tire. Dans l’impossibilité reconnue d’atieindre à la perfection, il rie faut pas abandonner une chose utile et nécessaire, il faut seulement l’employer avec les ménagements convenables. La contribution mobilière est utile et nécessaire : les besoins du Trésor public la rendent indispensable ; la justice veut qu’elle ait lieu sur une même base, pour faire contribuer à la dépense commune tous les revenus et tous les citoyens. Vous n’aviez, pour asseoir cette contribution, que le choix des présomptions : vous avez choisi celle des loyers, comme la moins fautive ; et lorsque vous l’avez choisie, on vous avait présenté tous les inconvénients qu’on rappelle. Deux grands motifs vous déterminèrent dans le choix que vous fîtes; l’un, qu’aucune autre base n’etait aussi générale et moins fautive que celle desloyers, et quedéjà admise pour la capitation de Paris, on en avait reconnu futilité; l’autre, que cette base avait le grand avantage de pouvoir servir de régulateur pour la contribution mobilière dans tout le royaume. Ce n’est donc qu’en s’arrêtant aux inconvénients sans en considérer les avantages qu’on peut réclamer contre votre plan. Mais vous avez décrété, et sans doute vous maintiendrez cette disposition constitutionnelle, que toutes les contributions seraient communes et égales. Vous ne voulez plus que le royaume présente une foule de petits Etats isolés et divisés d’intérêts; il faut une seule loi, et la capitale ne regrettera pas d’y être assujettie comme les provinces, lorsqu’elle considérera que tous les Français sontfrères et ont les mêmes droits. A combien de conséquences lâcheuses ne conduirait pas l’adoption de la pétition du conseil général de la commune de Paris? Chaque ville, chaque district, chaque département ne tarderaient pas à demander, à raison de convenances locales ou autres, des exceptions à la loi générale ; ils voudraient des abonnements; ils voudraient s’imposer comme il leur plairait, et bientôt les vues pleines de sagesse qui ont déterminé vos décrets seraient anéanties. Déjà plusieurs députés avaient proposé de laisser aux municipalités le soin de s’imposer et de répartir comme elles le désiraient; vous n’avez pas cru devoir accueillir ces propositions : la municipalité de Paris pourrait-elle prétendre à un privilège particulier? Les députés de Paris prétendent qu’il est physiquement impossible d’établir un tarif équitable si on n’a aucune connaissance de la somme à laquelle ou veut arriver ; iis demandent, en consé-[7 décembre 1790. J quence, que vous fixiez quelle somme Paris aura à payer, et que vous laissiez à cette ville le soin de dresser scs tarifs d’après les règles qu’elle vous aura proposées, et que vous aurez jugé devoir adopter : le conseil général de la commune de Paris répète les mêmes demandes. Nous ne pouvons croireà l’impossibilité alléguée, ni accéder à la demande qu’on vous fait. Les tarifs ne sont qu’une préparation à la perception; leur objet principal est de servir à évaluer les facultés des citoyens, et cela est très possible et même très facile, sans qu’on ait fixé la somme que chaque département aura à payer. Par exemple, qu’au lieu de supposer, comme dans l’ancien régime de la capitation de Paris, que le loyer était le dixième du revenu du citoyen, on admette qu’il est le cinquième ou le sixième, le tarif ne présentera d’autre résultat, si ce n’est que celui qui a 100 livres de loyer est présumé dépenser un revenu de 5 à 600 livres ; celui qui a 300 livres de loyer, un revenu de 15 à 1,800 livres; c lui qui a 1000 livres de loyer, un revenu de 5 à 6,000 livres, etc. Ces tarifs peuvent être indépendants delà quotité de la contribution qui sera toujours une partie aliquote des revenus présumés, et plus ou moins forte, suivant que la contribution mobilière sera plus ou moins considérable. Il faut doue suivre la même marche que pour la contribution foncière; il faut convenir d’un tarif ou d’un mode commun, propre à évaluer les revenus mobiliaires ; comme on est convenu d’un mo ie propre à évaluer les revenus fonciers ; et on pourra, après être convenu de ce mode, fixer la quotité générale de contribution mobilière, et celle affectée à chaque département, comme on s’est réservé de fixer la quotité générale de la contribution foncière, et celle de chaque département. Nous regrettons que le conseil général de la commune de Paris se soit borné à demander qu’on renvoie à ses administrateurs la formation de son tarif ; il eût été plus satisfaisant pour nous qu’elle eût fait connaître quelles sont ses vues et quel est le tarif qu’elle désirerait : nous eu eussions fait profiter tout le royaume, si nous eu avions reconnu l’avantage. Les mémoires publiés contiennent des suppositions entièrement contraires à notre plan. On suppose que nous cherchons à établir une contribution énorme et désastreuse par ses conséquences ; Que nous ferions reverser sur les non-propriétaires les cotes des propriétaires, et que la contribution tomberait tout entière sur le commerce et l’industrie ; Que deux loyers égaux seraient toujours imposés à une taxe égale, malgré la différence certaine des revenus de chacun de ces locataires ; Que par une inversion étrange nous appliquons les proportions les plus fortes aux petits logements, en les diminuant progressivement sur les plus forts. Ces suppositions nous autorisent à croire qu’on n’a ni approfondi ni examiné nos principes. Nous avons toujours envisagé dans leur ensemble les contributions publiques, et en distinguant des contributions foncière et mobilière, nous ne les avons pas pour cela regardées comme indépendantes Tune de l’autre. Nous avons sans cesse devant les yeux J’ar-ticle de la déclaration des droits, qui veut que les contributions soient communes et réparties [Assemblée nationale.] également entre tous les citoyens, à raison de leurs facultés. Yoici, d’après ce principe, la base de notre opération. Supposons tous les citoyens appelés à la contribution commune sur le même rôle, sup-posons-Ies tous de bonne foi. Jean est appelé ; on lui demande combien il a de revenu : i! répond 100 livres; et si la contribution commune est du vingtième, on le taxe 5 livres. Pierre vient ensuite, et se trouve taxé de même, à raison du vingtième de son revenu, rien ne serait plus juste. Mais la bonne foi n’est pas un garant sur lequel on doive compter. Beaucoup de contribuables ne déclareraient pas leur fortune. Il faut trouver un moyen de la connaître, qui ne dépende pas d’eux. Dans cette nécessité, un rôle de toutes les terres, une estimation de leur revenu net, mettent en état d’exiger des propriétaires fonciers une contribution commune et égale entre eux. Reste à chercher un moyen de connaître les propriétés mobilières; elles ne sont pas sensibles comme les autres. Vous êtes réduits à une présomption plus sûre, à la vérité, que la déclaration du contribuable, mais cependant sujette à quelques erreurs et à des inégalités. Vous compensez ces inconvénients, en mettant dans la présomption tout en faveur du contribuable; vous n’évaluez ses revenus qu’au plus bas ; vous ne les taxez qu’à un taux bien inférieur de celui des propriétés foncières. Enfin après ces mesures prises, vous commencez vos rôles de contribution. On y porte les propriétés de Jean ; elles sont estimées 100 livres de revenu net, et on le taxe au cinquième, ci ..................... 20 liv . Jean a un loyer qui ne lui suppose que 100 livres de revenu ; sou revenu a payé le cinquième ; il justifie cette vérité, il n’est pas taxé pour revenu mobiliaire. Pierre a un loyer qui fait présumer qu’il a 200 livres de revenu ; ce revenu n’a rien payé ; c’est le produit de ses capitaux et de son industrie ; on ne lui en demande pas le cinquième, parce que ces revenus sont moins certains que ceux des propriétés foncières ; mais on le taxe au vingtième, ci ..................... 10 liv. Voilà, dans toute sa simplicité, le plan de votre comité ; ce plan contre lequel on réclame, et contre lequel on élève tant de suppositions déplacées ; ce plan qu’on a dénaturé jusqu’au poii t de vouloir persuader aux citoyens qu’on irait chez chacun d’eux taxer leurs meubles. Il nous reste à ajouter que les loyers étant communs aux propriétaires fonciers comme aux propriétaires mobiliers, les premiers seraient assujettis à payer deux fois, si lors de la confection des rôles de contribution mobilière ils n'étaient pas autorisés à justitier qu’ils ont des revenus de propriétés foncières qui ont déjà acquitté la contribution commune, et ne doivent pas l’acquitter de nouveau. Enfin les besoins du Trésor public pouvant exiger un produit plus considérable que le cinquième des revenus fonciers et le vingtième des revenus mobiliaires, nous vous avons proposé une cote d’habitation commune à tous les citoyens, et assise comme celle des revenus mobiliaires sur la présomption résultante des loyers ; nous vous avons dit que cette cote devait être commune, parce qu’alors tous les revenus étaient taxés taut au rôle de contribution foncière qu'au rôle 303 de contribution mobilière, et que le supplément nécessaire devait être payé par tous. Maintenant, Messieurs, jugez les objections qu’on nous fait. Est-ce une contribution énorme et désastreuse, quand elle peut être bornée à 60 millions, et qu’elle sera établie en remplacement de 72 à 80 millions, et qu’il ne sera jamais possible de la porter au-dessus de la somme fixée ? Opérera-t-elle un reversement sur les non-propriétaires, et tombera-t-elle tout entière sur ie commerce et l’industrie? lorsqu’il est évident qu’elle sera plus faible des 3/5 que celle des propriétaires fonciers ; lorsqu’aucun salarié public n’en pourra être exempt; lorsqu’elle ne pourra atteindre qu’un vingtième des revenus du commerce et de l’industrie ; lorsque les manouvriers, les artisans, les marchands à boutique ouverte n’en payeront qu’une faible partie, et que l’homme qui ne gagne que le salaire desimpie manœuvre, ne payera rien du tout ? Des loyers égaux, malgré la différence certaine des revenus , donneront-ils lieu à des taxes égales, lorsqu’il est décrété que les seuls revenus certains , savoir ceux des propriétés foncières, ou les salaires, seront toujours taxés à leur entier ? En tin, votre comité est-il tombé dans V inversion étrange d’appliquer des proportions plus fortes aux petits logements qu’aux plus grands, lorsqu’il est constant que le résultat de son projet de tarif était de ne présumer que 500 livres, de revenu à celui qui avait 100 livres de loyer, et 10,000 livres à celui qui avait 1,000 livres de loyer? d’où résultait évidemment que ia progression était toute en faveur des petits foyers, et dans une proportion moitié plus forte sur un loyer de 1,000 livres, que sur celui de 100 livres, comme elle était aussi dans une proportion moitié plus forte sur un loyer de 10,000 livres que sur celui de 1,000 livres. Nous ne devions pas croire que de semblables proportions nous eussent attiré le reproche de négliger les intérêts des pauvres, et sûremeut on ne nous l’a fait que parce qu’on n’avait pas pris la peine d’examiner notre projet. En vain on cherche à faire douter de la possibilité de l’exécution dans les grandes villes, à raison des mutations de loyers et de l’instabilité des fortunes. Les rôles de la capitation se faisaient, et présentaient les mêmes difficultés; il fallait connaître oa estimer les loyers de chaque citoyen, savoir s’il avait ou non des voitures ; il faudra de même connaître les loyers de tous les citoyens, le nombre de leurs domestiques et de leurs che-vaux, et obliger chacun d’eux de justifier ce qu’il paye de contribution foncière. Ces opérations, qui peuvent aisément se faire dans chaque section , suffiront pour faire cou-uaître la masse imposable; et la répartition ne présente plus qu’une opération mécanique. Par exemple, qu’au premier janvier des commissaires dans chaque section procèdent à la confection d’un rôle de tous les habitants de leur section. Leur rôle présentera le nom de t’habitant, s’il est manouvrier ou artisan, s’il a une boutique ou non, s’il est père d’une nombreuse famille ou célibataire, ce qu’il paye de loyer, ce qu’il paye de contribution foncière, et le nombre des domestiques et chevaux. Ce rôle fait, il sera facile de faire le rôle général, la colonnedes citoyens actifs sera faite la première, | ensuite celle des domestiques, puis celle des ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 décembre 1790.] 304 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 décembre 1790.J chevaux. La quatrième colonne sera la taxation des revenus [nobiliaires au vingtième, ou telle autre quotité qui sera décrétée par l’Assemblée; et enfin ce qui restera de la cotisation générale, à répartir après le calcul des quatre colonnes, le sera sur tous les habitants au marc la livre de leurs revenus fonciers ou mobiliaires présumés d’après leurs loyers d’habitation. Il n’est pas à présumer que des citoyens qui ont tant fait pour la liberté, redoutent des opérations nécessaires pour assurer l’égalité de contribution, et pour prévenir les abus d’extension donton a si souvent accusé l’ancien régime. Enfin, Messieurs, les conférences que nous avons eues avec nos collègues, les mémoires qui ont été publiés ne nous ont rien appris qui put vous faire abandonner le système général de la contribution mobilière. Nous nous sommes occupés de l’examen de nos projets de tarifs; nous les avons réduits à un seul, et nous nous sommes bornés à diminuer les évaluations qui ont paru trop fortes. Nous croyons que ce tarif peut et doit être décrété, sans attendre la fixation de la quotité de la contribution personnelle, et que la différence du prix des loyers, à raison de l’importance des villes, sera compensée par les taxes additionnelles à raison des domestiques et des chevaux. Nous vous avions proposé, Messieurs, plusieurs tarifs, combinés d’après la cherté plus ou moins grande des loyers dans les lieux plus ou moins peuplés; cette mesure avait pour objet de rapprocher davantage de la vérité, la présomption des facultés mobilières, tirée de la quotité du loyer; et en même temps nous ne vous avions proposé de taxe fixe que pour les domestiques mâles, mais vous avez décrété que les domestiques des deux sexes seraient taxés, et dans la fixaiion de ces taxes, vous avez réglé des proportions plus fortes que celles que nous vous avions proposées; de sorte que dès lors celui quia une fortune plus considérable et un plus nombreux domestique, contribue nécessairement davantage. Dans cet état de choses, si l’on suppose deux citoyens domiciliés dans deux villes différentes, où les loyers soient dans un rapport inégal avec la forlune, il est évident que celui qui a un loyer de 600 livres dans une ville où les loyers sont très chers, n’aura pas le même domestique que celui qui a un loyer du même prix dans une ville où les loyers sont peu chers. Ainsi, vous pouvez n’adopter qu’un seul tarif uniforme, à raison du loyer, puisqu’au moyen des taxes additionnelles vous atteignez la différence des fortunes. Nous avons à joindre, au nouveau projet de tarif, quelques articles ajournés ou additionnels, qui ne présentent que des conséquences des décrets que vous avez rendus et qui rempliront le but de demandes qu’on nous a faites. On nous rend la justice de croire à la pureté de nos intentions. Nous n’en avons d’autres que de convaincre nos concitoyens de la justice des lois gué nous vous proposons de décréter, et vous jugerez, Messieurs, si nous ne nous sommes pas écarté de ce but. Signé : La Rochefoucauld, Oauchy, Dupont (de Nemours ), Rqederer, Defermon. Plusieurs membres demandent et l’Assemblée ordonne l’impression du rapport fait par le comité de l’imposition. (La discussion est renvoyée au lendemain du jour où la distribution aura été faite.) M. Regnaud , député de Saint-Jean-d1 An-gély. Vous avez nommé un comité central, et vous l’avez chargé de vous présenter dans huitaine le tableau de ce que vous aviez fait et de ce qui vous restait à faire. Plus d’un mois s’est écoulé, et vous n’avez point encore entendu parler de son travail. Je demande quel peut être le motif de son retard? M. d’André. Le comité central n’a rien fait ; il est de notoriété publique que, depuis qu’il est créé, il ne s’est assemblé que deux fois ; encore ne s’est-il trouvé que trois membres à ses séances. Le mal vient de ce qu’il est mal organisé. Chaque comité y a envoyé celui de ses membres qui travaille le plus et dont la présence lui est la plus utile. De deux choses l’une : il faut ou que le comité central ne s’assemble pas, ou que les autres comités ne fassent rien lorsque ce comité est assemblé. Je demande donc qu’au sortir de la séance on se retire dans les bureaux pour y nommer six membres, lesquels formeront un comité qui ira dans les autres prendre l’état de ce qu’ils ont fait et de ce qu’il leur reste à faire pour en faire son rapport dans la huitaine. Cette motion est adoptée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera nommé, à l’issue de la séance, six commissaires pris dans l’Assemblée, lesquels se rendront aux comités de l’ Assemblée pour s’y faire remettre l’état des travaux faits et de ceux qui restent à faire, et en rendront compte dans huitaine à l’Assemblée. » M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité militaire sur V avancement du corps du génie (1). M. Alexandre de Reauharnais, député de Loir-et-Cher, rapporteur. Messieurs, lorsque votre comité militaire réclame votre attention pour le corps du génie, lorsqu’il me charge de vous présenter le mode d’avancement qu’il vous propose d’adopter pour ce corps distingué, il n’a à vous soumettre que des conséquences de vos propres principes. Ce sont les décrets que vous avez déjà rendus pour les officiers de l’armée, que je suis chargé de vous rappeler, et, en les appliquant aux officiers du génie, ils n’éprouvent que de légères modifications : ces légers changements sont commandés par la nature même de leur service et la nécessité de conserver à la patrie des talents préparés par de longues études, par une épreuve sévère, et développés par l’expérience. Il est superflu de vous présenter combien le corps du génie est précieux à l’armée, à la France, au succès de ses armes ; combien est utile cet art savant qui sait perfectionner les avantages des sites, qui sait suppléer à leurs défauts, qui sait multiplier la résistance qu’un petit nombre d’hommes oppose à des forces supérieures; combien sont utiles ceux qui exercent cet art avec des connaissances qui ont obtenu au corps du génie une réputation si grande et si méritée ! (1) Le rapport de M. de Beauharnais présente une lacune au Moniteur.