iü28 JAssemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. £n février 1791. M. Roederer. Le comité a prévu cette question et l’a résolue. Vous avez pour base de la contribution mobilière, non pas la totalité du loyer, mais seulement la partie de l’habitation du particulier qui sert à son logement et qui est l’indice de sa richesse. Mais ici on vous propose un impôt de consommation ; il est juste et nécessaire d’établir une égalité proportionnelle pour cet impôt comme pour les autres. Il suit de là que l’évaluation doit toujours se faire en raison de la valeur locative de tout le logement qu’occupe l’artisan ou le fabricant ; sans quoi, l’homme qui n’a qu’une simple, boutique payerait autant pour son droit que celui qui a une grande étendue de logement pour son état, ce qui serait souverainement injuste, en mettaut le riche débitant à portée de vendre à beaucoup meilleur marché que le débitant d’une fortune médiocre, qui doit retirer de son débit les avances qu’il a faites pour son droit de patente. Il résulterait de là une grande inégalité dans la manière de payer l’impôt. Il a donc fallu, pour prévenir ces deux inconvénients, régler le prix des patentes. D’après ces explications, je crois que l’article 11, quoique décrété hier, est susceptible d’amendement et qu’il faut ôter le mot habitation qui ne désigne que la partie du logement. Je propose de mettre : à raison du prix du loyer et de la valeur locative de la maison. M. Moreau. Je propose d’ajouter ensuite les mots : boutiques , magasins et ateliers. M. Roederer. On pourrait dire que le droit de patente sera perçu à raison de la valeur locative des bâtiments, boutiques, magasins et ateliers, et non seulement à raison de son habitation. » (Cette addition de l’article 11 est décrétée.) M. Pierre de Delley. Dans toute la France et surtout dans Paris et Versailles, il existe des personnes qui font le commerce du vin, soit dans les maisons royales, soit dans des maisons particulières, et qui ne sont pas censées payer de loyrr. Vous sentez quel tort cela pourrait faire aux autres aubergistes et marchands de vins, qui réellement payent l’impôt. Je demande que le prix de leur loyer soit estimé par comparaison. J’insiste sur le premier amendement que j’ai proposé, de doubler le minimum des patentes des cabaretiers, car j’observe qu’il est très rare que le cultivateur envoie chercher le vin chez le ca-barelier du coin; et de le porter à 30 livres. (Cet amendement est adopté.) M. Gaultier-Rlauiat. Messieurs, vous venez de décréter que le minimum du droit pour les cabaretiers sera de 30 livres ; par conséquent, vous avez dit que ceux qui auraient un loyer au-dessous de 200 livres payeraient cependant 30 livres. Je propose que le décret soit conçu de manière que les contribuables payent : 3 s. 6 d. pour livre du prix du loyer depuis 200 livres; 4 sous depuis 400 livres jusqu’à 600 livres; 4 s. 6 d. depuis 600 livres iusqu’à 800 livres; et 5 sous pour les loyers au-dessus de 800 livres. Il ne serait pas juste en effet que vous fissiez payer 30 livres pour un loyer moindre de 200 livres et que vous ne fissiez payer que le même droit pour les loyers au-dessous. (Cet amendement est adopté.) M. Moreau. Messieurs, il y aura de ces droits de patente qui seront très considérables; si vous décrétez que les particuliers qui seront soumis à prendre des patentes, eu fassent le déboursé avant que la patente soit délivrée, vous mettez dès ce moment-ci la plupart des particuliers sans pain. Je dis, Messieurs, qu’il est absolument indispensable que les patentes, lorsqu’elles excéderont une certaine somme, soient payées par portions, soit d’un sixième ou d’un huitième. M. Pierre de Delley. Monsieur le Président, l’observation est juste; mais elle ne peut empêcher de décréter l’article, parce que la manière dont on payera, sera l’objet d’un rapport particulier. Il est certain qu’on ne peut pas exiger 4,000 livres dans le mois de décembre pour donner la liberté de vendre l’année suivante; il faudra nécessairement avoir des échéances. Le comité vous proposera là-dessus ses vues. (La motion de M. Moreau est renvoyée au comité.) M. le Président met aux voix l'article 15, qui est ainsi conçu : Art. 15 (art. 17 du projet.) « Les particuliers qui voudront réunir à leur commerce, métier ou profession, la faculté d’exercer les professions de marchands de vins, brasseurs, limonadiers, distillateurs, vinaigriers, marchands de bière et de cidre, aubergistes, hôteliers donnant à boire et à manger, traiteurs, et restaurateurs ; ceux même qui n’exerceraient que les professions ci-dessus dénommées, acquitteront le prix des patentes sur le pied ci-après ; 30 livres pour ceux dont le loyer sera de 200 livres et au-dessous ; 3 s. 6 d. pour livre du prix du loyer au-dessus de 200 livres jusques et compris 400 livres; 4 sous pour livre du loyer, depuis 400 livres jusques et compris 600 livres; 4 s. 6 d. de 600 livres à 800 livres ; et 5 sous pour les loyers au-dessus de 800 livres. (Cet article est décrété.) M. le Président. Je viens de recevoir la lettre suivante : « Doulens, le 14 février 1791. « Monsieur le président, je m’empresse de vous annoncer que rassemblée électorale du département de l’Ailier vient de nommer pour son évêque M. Laurent, curé d’Huilaux, député à l’Assemblée nationale. « L’Assemblée nationale reconnaîtra, à cechoix, combien ses décrets sont respectés de nous; elle s’applaudira de son ouvrage et d’avoir fait des lois qui produisent de si heureux effets. C’est un nouveau bienfait qui la fera combler de bénédictions universelles. « J’ai l’honneur d’être, etc... « Signé : Le Président de l’assemblée électorale du département de l’Ailier. » La discussion sur les patentes est reprise. M. d’AUarde, rapporteur , donne lecture de l’article 18 du projet. M. Pierre de Delley. Messieurs, autant j’ai insisté pour que l'impôt passât sur les cabaretiers des campagnes, autant je réclame la justice de l’Assemblée pour les pauvres vignerons qui [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 17 février 1791.) gQ9 souvent sont obligés de vendre un seul muid de vin pour payer leurs impositions. Or, si vous assujettissiez le pauvre vigneron, qui vend son muid de vin pour payer ses charges, à prendre un droit de patente, souvent le droit sera équivalent à ce qu'il le vendra. Je demande donc que tout propriétaire cultivateur qui vendra le vin de son cru, soit tenu, avant de vendre, d’avertir la municipalité, et qu’au lieu de payer trois livres par mois, le droit soit mis à deux sous par jour. M. d’André. Je propose par amendement que la faculté de prendre des patentes à terme pour 1, 2, 3 mois, soit exclusivement réservée aux propriétaires pour vendre le vin de leur cru, parce que vous avez des marchands de vin assez habiles pour saisir la saison de l’année où le vin se vend le mieux; ils vendraient pendant 3 ou 4 mois dans l’hiver, quand le vin se vend bien et, dans l’été, ils ne vendraient plus. Je ne peux admettre que l’on donne à un homme la faculté de payer son vin pour un jour ou pour deux; mais je pense que l’Assemblée pourrait réduire le droit à 30 sols pour ceux qui ne demanderaient cette faculté que pour un mois. M. d’Allarde, rapporteur. J’adopte la première partie de l’amendement de M. d’André et je propose la rédaction suivante : Art. 16 (art. 18 du projet). « Il sera délivré des patentes à termes aux propriétaires et cultivateurs pour 1 , 2 ou 3 mois et à ceux qui voudront vendre en détail des boissons de leur crû pendant un temps limité. Le prix desdites patentes sera de 3 livres par mois, elles ne seront délivrées qu’après les formalités prescrites, et que le prix en aura été acquitté entre les mains du préposé au recouvrement des contributions mobilières et d’habitation; mais ces patentes ne pourront être accordées pour plus de six mois dans le cours de l’année; au delà de ce terme, elles seront réputées patentes annuelles, et seront payées comme telles. (Cet article est décrété.) M. d’Allarde, rapporteur , donne lecture de l’article 19 du projet. M. Populus. Je désirerais qu’il ne fût pas à la liberté du marchand de ne présenter la patente que quand il en sera requis et que l’article lui imposât l’obligation, avant de pouvoir vendre dans un lieu, de justifier de sa patente aux officiers municipaux. Je demande qu’il soit retranché de l’article ces mots : lorsqu'ils en seront requis. M. d’Allarde, rapporteur. J’adopte l’amendement. M. de Folleville. Ce sont les villes qui veulent se décharger de l’impôt en le faisant porter sur les campagnes. (Murmures.) Je demande qu’on réduise (a taxe des colporteurs dans les campagnes à 20 livres et à 25 livres pour ceux qui ont un cheval. (L’amendement de M. de Folleville est rejeté par la question préalable.) M. Populus. Je demande qu’il soit fait une troisième classe de 80 livres. Tout le monde sait que les colporteurs trompent les gens de campagne, soit sur la qualité, soit sur le prix des marchandises. Il serait préférable qu’ils restassent dans leurs campagnes à cultiver la terre plutôt que d’aller courir avec de très mauvaises marchandises. Je demande donc que les colporteurs qui se servent d’une voiture payent une patente de 80 livres. M. d’Allarde, rapporteur. J’adopte l’amendement. Voici quel serait le texte de l’article : Art. 17 (art. 19 du projet.) « Les particuliers qui exerceront la profession de colporteurs dans les villes, campagnes, foires ou marchés, seront tenus de se pourvoir de patentes, après avoir rempli lesformalités prescrites. Le prix en sera fixé suivant les proportions de l’article 11 ; mais il ne pourra être au-dessous de 10 livres pour les marchands portant la balle, et de 50 livres pour ceux qui emploieront à leur commerce un cheval ou autre bête de somme, et 80 livres pour ceux qui se serviront d’une voiture, quand même le prix du loyer de leur domicile établirait une proportion inférieure. Lesdits colporteurs et marchands forains seront tenus, lorsqu’ils en seront requis, de justifier de leur domicile, et de leurs taxes mobilière et' d’habitation, même de représenter leur patente aux officiers municipaux des lieux où ilsexerceront leur commerce. » (Cet article est décrété.) M. d’Allarde, rapporteur. J’observe à l’Assemblée que les articles 20 et 21 du projet sont inutiles, par suite de l’addition que vous avez faite à l’article 11. Je passe donc aux articles suivants : Art. 18 (art. 22 du projet). « Il sera alloué 2 sous pour livre sur le prix de chaque patente, au profit de la caisse de la commune, laquelle rétribution sera affectée, jusqu’à due concurrence, à l’acquit de ses dépenses particulières. Les officiers municipaux tiendront la main à ce qu’aucun particulier ne s’immisce dans l’exercice des professions assujetties à dès patentes par le présent décret, sans avoir rempli les formalités ci-devaut prescrites, et sans avoir acquitté le droit. » (Adopté.) Art. 19 (art. 23 du projet). « Tout particulier et colporteur qui fera le commerce, ou exercera une profession, art ou métier quelconque, sans avoir rempli les formalités prescrites par les articles précédents, et s’étre pourvu d’une patente, sera condamné en une amende du quadruple du prix fixé pour la patente dont il aurait dû se pourvoir. Lesdites ameudes seront payées entre les mains du receveur de la contribution mobilière, lequel en versera moitié dans la caisse de la commune, pour être appliquée à ses dépenses particulières, et se chargera en recette de l’autre moitié, pour en compter au Trésor public. » (Adopté.) Art. 20 (art. 24 du projet). « L’Assemblée nationale charge son comité des pensions de lui faire un rapport sur les secours à accorder aux différents préposés au recouvrement des impôts indirects qui ne pourront être remplacés dans la nouvelle régie. » (Adopté.)