SÉANCE DU 4 VENDÉMIAIRE AN III (25 SEPTEMBRE 1794) - N° 63 67 commerciales, alimentaires et industrielles, ainsi que celui des approvisionnements des armées de terre et de mer de la République. IL - Ce tableau sera suivi de l’exposé des moyens propres à revivifier le commerce et l’industrie, soit en accordant des primes de fabrication, soit en créant des bureaux ou banques de secours pour le commerce, soit en procurant de toute autre manière des fonds aux propriétaires ou aux locataires des ateliers des manufactures qui sont momentanément abandonnées ou paralysées. III. - Cette commission examinera quelle doit être la mesure des réquisitions jugées nécessaires et indispensables pour les approvisionnements des armées de terre et de mer de la République et des grandes communes ; quelle doit en être l’application, l’usage et la durée, et on cherchera à préparer l’équilibre du prix des denrées et comestibles, sur la quantité des valeurs en émission. IV. - On réglera le mouvement et le service des transports, soit par eau, soit par terre, de tous les approvisionnemnts et marchandises de la République et de ses armées de terre et de mer. V. - On indiquera quels sont les secours qui peuvent être accordés à l’agriculture, et les moyens les plus propres à rétablir promptement les haras. On pourvoira aux réparations des grandes routes et chemins vicinaux, et l’on examinera si les prisonniers de guerre peuvent être employés à ces travaux sans inconvénient. VI. - Ce travail général sera présenté à la discussion de l’Assemblée par la commission chargée de la rédiger, et cette discussion sera maintenue à l’ordre du jour, jusqu’à ce que tous les articles jugés nécessaires aient été décrétés. VII. - Il sera fait une adresse au peuple par les comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation réunis, pour l’instruire des moyens que la Convention prend pour consolider le gouvernement, ramener l’abondance des choses nécessaires à la vie et créer le bonheur public formé sur les principes de la liberté et de l’égalité. La Convention ordonne l’impression et l’ajournement (101). 63 MERLIN (de Douai) au nom du comité de Salut public : Vos comités de Sûreté générale, de Salut public et de Législation, consultés par plusieurs comités révolutionnaires de Paris, sur quelques difficultés résultantes de la loi du troisième jour des sans-culottides, se sont concertés pour les examiner et en préparer la solution. Elles se sont toutes réduites à cette question principale : les personnes arrivées depuis la pu-(101) Moniteur, XXII, 80-83. Le Moniteur situe cette intervention au 5 vendémiaire. Mention dans Débats, n" 734, 50 ; Ann. R. F., n 4; C. Eg., n° 768; J. Paris, n° 5; Mess. Soir., n° 768. blication de la loi sont-elles sujettes à ses dispositions ? Le texte de la loi est muet à cet égard, mais son esprit n’a paru à vos comités ni obscur, ni équivoque. Une foule extraordinaire d’individus, partis de tous les points de la République, s’était agglomérée à Paris, et y prenait chaque jour de nouveaux accroissements. Ce rassemblement était évidemment combiné avec les mouvements pratiqués en d’autres communes pour diviser les citoyens et les armer les uns contre les autres ; il a dû à ce seul titre exciter votre sollicitude ; et par votre décret du troisième jour des sans-culottides vous avez pris les mesures nécessaires pour le dissiper. Mais ces mesures, de quelle efficacité seraient-elles, si les individus arrivés à Paris depuis la publication de la loi pouvaient y rester, s’y réunir, s’y concerter, comme si la loi n’existait pas? Vous ne pouvez pas ignorer qu’à l’instant où vous rendiez votre décret, une infinité de personnes étaient en route pour venir à Paris grossir le rassemblement que votre sagesse et votre fermeté ont fait évanouir. Eh bien, que ces personnes arrivent, qu’elles aient la faculté de séjourner à Paris, et qu’elles soient suivies par d’autres animées du même esprit ! ne voilà-t-il pas le rassemblement recréé, la tranquillité publique une seconde fois compromise, la liberté menacée de nouveaux dangers, votre loi enfin éludée, avilie, et manquant totalement son but ? Assurément ce n’est point là ce que vous avez voulu; en faisant une loi salutaire, votre intention a été qu’elle fût exécutée ; et puisqu’elle ne peut l’être sans comprendre dans sa disposition les personnes arrivées à Paris depuis qu’elle est publiée, il est clair qu’en effet ces personnes y sont virtuellement comprises. C’est aussi ce que vos comités vous proposent de déclarer par un décret formel; et que la malveillance ne vienne pas saisir ce prétexte pour inquiéter les citoyens de Paris, en leur présentant des mesures momentanées de sûreté générale comme des moyens employés pour dépeupler cette grande commune et la priver de ses principales ressources. Les citoyens de Paris ne donneront pas dans un piège aussi grossier. Plus l’aristocratie emploie d’astuce pour les tromper plus ils déploient de lumières pour déjouer ses manœuvres ; et ils savent bien que dans toutes les circonstances la Convention nationale a exprimé fortement le vœu du peuple français pour faire de la commune centrale de la République le séjour des sciences, des arts, de l’industrie, par conséquent pour y réunir, pour y fixer à jamais tout ce qui peut rendre agréable et commode la vie d’un peuple libre, probe et laborieux. Ce vœu, n’en doutons pas, sera rempli : il le sera bientôt; et certes ce n’est pas l’éluder, ce n’est pas diminuer dans les citoyens de Paris la juste certitude qu’ils ont de le voir réaliser, que de les soustraire, et avec eux toute la France, à la guerre civile, aux malheurs, aux pillages, dont l’infâme Pitt avait préparé ici le foyer. Au surplus, vos comités ont pensé qu’après avoir éloigné de Paris, par votre premier dé- 68 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cret, la grande masse des individus qui s’y étaient réunis subitement, vous pouviez vous montrer moins sévères à l’égard de ceux qui y viendraient à l’avenir. Quand le péril est imminent, le devoir du législateur est de tout faire pour le conjurer; et il faut alors que les mesures de police s’étendent même sur les hommes dont les intentions ne sont pas suspectes, parce que les recherches et les formes indispensables pour en constater la droiture consumeraient le temps nécessaire pour écarter les hommes dangereux. Mais, quand il ne s’agit que de précautions à prendre pour l’avenir, l’on peut et l’on doit y mettre toute la réserve qu’exige la justice, et que réclament les intérêts du corps social. Guidés par ce principe, nous avons cru qu’en maintenant quatre exceptions, renfermées dans vos décrets des troisième et quatrième jours des sans-culottides, il n’y aurait nul inconvénient de leur donner toute l’extension que pourraient permettre les circonstances et les individualités. Et comme il est impossible de faire une bonne loi sur un objet qui, par sa nature, est soumis à tant de variations, il nous a paru que le seul moyen de la régulariser était de le soumettre au jury politique qui existe auprès de vous, c’est-à-dire à votre comité de Sûreté générale. Ainsi, quand il se présentera à Paris des citoyens qui paraîtront évidemment n’y venir que dans de bonnes intentions, votre comité de Sûreté générale les autorisera à y rester pendant tout le temps que leur présence y sera nécessaire. Par là vous concilierez ce que vous devez à la tranquillité publique avec ce que vous ne pouvez refuser à la justice distributive, et vous comprimerez la malveillance sans violer les droits des individus (102). Il est fait, au nom des comités de Salut public et de Sûreté générale, un rapport énonciatif de plusieurs questions à résoudre, et auxquelles la loi, qui oblige les étrangers de sortir de Paris, a donné lieu; le rapporteur propose quelques articles additionnels à cette loi; ils sont décrétés comme il suit : La Convention nationale, après avoir entendu ses comités de Sûreté générale, de Salut public et de Législation, décrète : Article premier. - Ceux qui n’étant pas résidans à Paris à l’époque du premier messidor, y sont arrivés postérieurement à la publication de la loi du troisième jour des Sans-Culottides, seront tenus d’en sortir le troisième jour qui suivra la publication du présent décret. Art. IL - Seront également tenus de sortir de Paris, trois jours après leur arrivée, ceux qui s’y rendront à l’avenir, et ce, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. (102) Moniteur, XXII, 69-70. Bull., 4 vend. ; Débats, n° 734, 50-52; Mess. Soir, n” 769. Art. III. - Sont exceptés des dispositions des deux articles précédents, ceux qui sont compris dans les exceptions portées par les lois des troisième et quatrième jours des Sans-Culottides. Art. IV. - Le comité de Sûreté générale est autorisé à donner des permissions pour rester à Paris, à ceux qui y viendraient pour des causes d’une utilité ou justice reconnues, non comprises dans lesdites exceptions. Art. V. - L’insertion du présent décret au bulletin de correspondance, tiendra lieu de publication (103). La séance est levée à quatre heures. Signé, A. DUMONT, président ; LAPORTE, CORDIER, BORIE, L. LOUCHET, PELET, LOZEAU, secrétaires (104). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 64 Motion d’ordre faite par Marc-François Bon-guyod, sur le commerce, dans la séance du 4 vendémiaire, et dont l’impression a été décrétée (105). La Convention nationale a appelé tous ses membres à lui indiquer les moyens propres à régénérer le commerce. Je sens qu’il est difficile de bien répondre à cet appel : le désir de coopérer à cette œuvre m’a déterminé à lui adresser quelques réflexions. De tous les états qui ont existé, deux seuls sont véritablement utiles, l’agriculture et l’in-dutrie : l’une nourrit l’homme; l’autre lui procure le vêtement et les autres choses nécessaires à son existence. C’est vers ces deux objets que doivent tourner les regards et la sollicitude du gouvernement républicain. Améliorer l’un, activer l’autre, est son devoir : telle doit être son unique occupation. Le comité d’ Agriculture a présenté un projet dont l’exécution élèvera cet état au degré de perfection qu’il doit atteindre pour dispenser la République de demander des blés à ses voisins. Il faut élever l’industrie au même degré. Il faut mettre la France dans le cas, non seulement de rivaliser avec les nations voisines, mais encore de les rendre tributaires de nos manufactures. (103) P.-V., XLVI, 97-98. C 320, pl. 1328, p. 14, minute de la main de Merlin (de Douai), rapporteur. Moniteur, XXII, 70; Bull., 4 vend.; Débats, n° 734, 52; (104) P.-V., XLVI, 98. (105) Les journaux placent cette intervention après le discours de Legendre (de la Nièvre). Moniteur, XXII, 92-93. Mention dans Débats, n° 734, 50; Ann. R. F., n° 4; C. Eg., n" 768; J. Paris, n° 5 ; Mess. Soir., n° 768.