g|0 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 novembre 1790.] La pensée qui m’occupe en les quittant, n’est ni moins grave ni moins imposante : non, quelque sentiment qu’on ait de son zèle, on n’est pas maître de s’acquitter envers sa patrie quand elle a fait autant pour vous. Obtenir l’honneurd’un tel choix, c’est contracter l’engagement de dévouer sa vie entière à le justifier-, et malheur à celui qui n’emporterait pas dans son cœur, avec le souvenir d’une époque aussi glorieuse, l’orgueil civique qui doit conserver la pureté de son zèle et élever ses pensées au-dessus de tous les calculs et de toutes les ambitions! » M. Chasset prend ensuite le fauteuil et parle en ces termes : « Messieurs, vous m’avez élevé à la plus belle dignité de l’Empire; je suis infiniment sensible à cette marque de bienveillance : cependant je ne me dissimule pas l’étendue des devoirs que vous m’avez imposés. S’il ne fallait que du zèle, del’ac-tivité et du travail, je pourrais me flatter d’atteindre le but marqué au bout de ma carrière; mais je n’ignore pas qu’il faut encore des talents au-dessus des miens, pour être l’organe de cette auguste Assemblée. L’honorable représentant dont je prends la place, l’a remplie de manière à ne pas me laisser l’espérance de l’imiter. U nous a prouvé que, avec les grâces de la jeunesse et la sagesse de l’âge mûr, il était dans cet emploi aussi supérieur qu’à la tribune. Ce serait une témérité d’oser lui succéder, si, dans un tableau, les ombres n’avaient pas toujours un mérite. Cette idée me rassure donc; je marcherai même avec une pleine sécurité, persuadé que vous aurez de l’indulgence pour votre ouvrage et que vous m’accorderez tout votre appui. » (L’Assemblée vote des remerciements à M. Bar-nave.) Quelques membres demandent la parole sur la lettre du sieur Guignard; d’autres veulent que la discussion soit remise à deux heures. L’Assemblée passe à l’ordre du jour. M. le Président annonce qu’avant l’ordre du jour, on demande, au nom de quelques comités, à faire quelques observations à l’Assemblée. M. Eanjufnaîs s'y opDose et demande que, dorénavant, on ne puisse s’écarter de l’ordre qui a été prescrit et annoncé la veille. L’Assemblée, décrète de nouveau, qu’on passera immédiatement à l’ordre du jour. M. le Président. Le comité des domaines a la parole pour un rapport sur la léqislation domaniale (1). M. Enjubault de Ea Roche,1 rapporteur. Messieurs, c’est un principe de droit public qui ne peut plus être contesté, que ces immenses et riches possessions, dont nos rous disposaient comme de leurs domaines et dont ils n’étaient que les administrateurs, ont de tout temps formé le véritable patrimoine de la nation ; mais ce principe lumineux et simple a longtemps été méconnu : de là toutes les variations, ies incertitudes, les contradictions mêmes que j résenient nos lois et notre histoire sur cette matière importante. Votre comité des domaines, pour simplifier son travail et assurer sa marche, a consacré ses premiers travaux à réu-(1) Le rapport de M. Enjubault de La Roche est incomplet au Moniteur. ni r, sous le même point de vue, les principes élémentaires de cette partie essentielle de notre législation. Dès l’année dernière, il vous en présenta l’aperçu dans uu premier rapport, qui fut bientôt suivi d’un projet de décret que des circonstances particulières l’ont empêché jusqu’ici de soumettre à votre délibération. Depuis ce temps, vous avez décrété successivement et d’une manière isolée plusieurs articles essentiels détachés de ce premier projet; de ce nombre sont ceux qui consacrent les grands principes de la réunion domaniale; ceux qui soumettent à des règles fixes l’aliénabilité des biens nationaux; ceux enfin qui déterminent la nature des apanages. Votre comité n’a cependant pas cru devoir les retrancher de la nouvelle rédaction qu’il vous propose, et que divers changements ont rendus nécessaires ; il se flatte que vous ne désapprouverez pas les motifs qui l’ont déterminé à les y conserver. Il est, dans toutes les parties de la législation, des principes généraux, des maximes fondamentales d’où découlent, comme autant de conséquences plus ou moins directes, toutes les lois dont les dispositions descendent aux détails. Ces principes et leurs corollaires forment un ensemble dont toutes les parties liées les unes aux autres n�ont de force que par leur enchaînement. Vos occupations, toujours trop urgentes, vous ont souvent forcés de rompre cette série, de couper votre travail, de prendre et de quitter successivement la même matière pour la reprendre ensuite, et la quitter encore souvent à de grands intervalles. Par cette forme de procéder, vos lois se trouvent éparses et partiellement isolées dans le grand code universel, dont l’Assemblée nationale va donner le premier exemple. Cette espèce d’incohérence physique, causée par des circonstances impérieuses, sera corrigée. Un ordre plus méthodique, dont plusieurs comités ont déjà essayé de se rapprocher, achèvera de perfectionner votre ouvrage. C’est à ce but désirable que vos commissaires ont désiré d’atteind re ; c’est pour y parvenir plus promptement que l’Assemblée nationale vient d’établir un comité central. Au reste, la simple lecture d’un article déjà décrété ne prendra rien sur vos moments, puisqu’il ne sera pas permis de le discuter de nouveau. Ce rapprochement pourra accélérer le travail, en faisant apercevoir des rapports nécessaires entre ies dispositions déjà érigées en loi, et celles qui nous seront présentées de nouveau. En proposant des lois sur le domaine, voire comité a cru devoir commencer par le définir. Comme cette expression a une grande latitude, et qu’elle se trouve employée par les auteurs, et même dans le texte des lois, sous des acceptions différentes, il n’a pu se dispenser de déterminer la nature de l’objet dont il voulait fixer les principes. Un autre motif encore lui a fait regarder cette précaution comme nécessaire. L’ordonnance de 1566 et celle de 1667 ont défini le domaine celui qui est expressément consacré , uni et incorporé à la couronne , ou qui a été régi et administré pendant dix ans par les receveurs et officiers du domaine , et est entré en ligne de compte. Gette définition ne nous a pas paru présenter toute la clarté et la précision désirables. Elle pourrait même donner lieu à quelques conséquences dangereuses, ea ce qu’elle sembleexiger uaeunion et une incorporation expresse, ou bien une jouissance confuse pendant un laps de temps déterminé, tandis que dans la pureté des maximes cette union s’opère de plein droit, et à l’instant même, sans terme ni délai. Votre comité a cru devoir prévenir les abus