108 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. cription volontaire de 3,000 citoyens. Ces citoyens s’équiperont à leurs dépens; niais, en temps de guerre, jl s seront indemnisés des frais qu’exige l’activité du service. Ensuite ils prient l'Assemblée de presser l’exécution ponctuelle du décret concernant l’avancement dans les troupes de ligne. L’Assemblée applaudit au zèle patriotique des amis de la Constitution, séant à Versailles, et renvoie leur adresse aux comités militaire et de Constitution. Adresse des administrateurs composant le directoire du département du Pas-de-Calais ; ils envoient à l’Assemblée l’état général des contrôleurs, employés et commis de la régie générale des droits sur l’eau-de-vie en la ci-devant province d’Artois, existant au 20 février 1791. Ils recommandent à l’Assemblée ces hommes, dont le sort leur a paru vraiment digne de commisération. Adresse des marins et matelots de la ville de Dieppe; ils demandent la cessation et l’abandon des travaux commencés pour la confection d’un nouveau port, et ils sollicitent la réparation de leur port actuel. (L’Assemblée renvoie cette adresse au comité d’agriculture et de commerce, pour lui en être fait rapport incessamment.) Un membre annonce que le sieur Mentelle, connu avantageusement par plusieurs ouvrages de géographie, a fait hommage à l’Assemblée des deux cartes, dont l’une, des départements et des districts du royaume, est as-ujettie aux observations astronomiques, l’autre présente la comparaison des anciennes divisions du royaume avec les nouvelles, décrétées par l’Assemblée nationale. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait, dans son procès-verbal, une mention honorable de l’hommage du sieur Mentelle.) M. le Président. Messieurs, vous avez ordonné que le président des catholiques de Nîmes et les signataires des délibérations d'Uzès, mandés à la barrepar les décrets des 17 juin et 23 novembre derniers, , seraient admis aujourd'hui et entendus. Je demande à l’Assemblée si elle exige que je lui donne connaissance, avant de les faire entrer, de ce que je me propose de leur dire. Un grand nombre de membres : Non ! non ! M. le Président. Je vais, en conséquence des ordres de l’Assemblée, les faire introduire. Je demande le plus grand silence et le plus grand ordre. (Les mandés sont introduits à la barre.) M. le Président. Tandis que les représentants du peuple français affermissaient la liberté de leurs concitoyens sur les bases éternelles de la raison, de la justice et du droit naturel, des écrits répandus sous votre nom les représentaient comme des factieux. Tandis que le modèle des rois se montrait digne de régner sur un peuple libre, ces mêmes écrits supposaient que le sceptre échappait de ses mains et qu’au milieu d’un peuple qui le chérit, il ne jouissait pas pour lui-même de la liberté dont il a si solennellement reconnu les droits. C’est ainsi qu’abusant du bienfait de la Constitution, du droit de vous assembler que vous tenez d’elle, vous vous en serviez pour la détruire. L’Assemblée nationale, toujours affligée lorsque sa justice la condamne à être sévère, ne pouvait IIS mars 1791.] ignorer ni souffrir de semblables écarts. La notoriété publique les lui dénonçait; les erreurs d’un bon peuple en ont été la suite; et cependant elle n’a pas voulu se fier à l’évidence ; elle a voulu vous entendre. Par son décret du 17 juin, elle vous a mandés : vous avez méconnu son autorité, ou plutôt celle de la nation qu’elle représente. Les malheurs multipliés de votre patrie sont venus accuser son indulgence. Par son décret du 23 novembre, elle a usé de tous ses droits, non pour vous punir, mais pour vous forcer à venir lui rendre compte de votre conduite. Si vous fûtes abusés, abjurez de funestes erreurs, en voyant un peuple heureux par son roi, et un roi heureux par son peuple. L’Assemblée nationale m’ordonne de vous lire ses décrets des 17 juin et 23 novembre : Décret du 17 juin 1790. « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, au nom de son comité de recherches, de deux délibérations de quelques particuliers se disant les citoyens catholiques de Nîmes, des 20 avril dernier et 1er de ce mois, ainsi que d’une autre délibération de quelques particuliers d’Uzès se disant les citoyens catholiques d’Uzès en adhésion à celle du 20 avril, et en date du 2 mai dernier. « Considérant que lesdites délibérations contiennent des principes dangereux et propres à exciter des troubles et des dissensions dans le royaume, a décrété et décrète que les sieurs La-piërre, Michel, Vigne, FoLcher, Robin, Froment, Velut, François Fauve, Ribens, Melquiou aîné et Fernel, qui ont signé, en qualité de président et de commissaires, la première de ces délibérations ; les sieurs de Gueydon, barou de la Réivanglade et Gaussard, qui ont signé la seconde en qualité de président et de commissaires, ont signé celle des particuliers, se disant les citoyens catholiques d’Uzès, en date du 2 mai, seront mandés à la barre de l’Assemblée, pour y rendre compte de leur conduite, et que provisoirement ils seront privés des droits attachés à la qualité de citoyens actifs. » Décret du 23 novembre 1790. « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le compte que lui a fait rendre son comité des rapports, rie l’adresse du directoire du département du Gard, du 5 de ce mois, relative à la ville d’Uzès; « Décrète : « ..... que le roi sera prié de donner des ordres pour qu’à défaut par les commissaires des soi-disant catholiques de Nîmes et d’Uzès, d’obtempérer, dans le délai de huit jours après la notification du présent décret, à celui du 17 juin dernier qui les mande à la barre, ils y soient conduits par la force publique. » Maintenant, Messieurs, parlez. L'orateur des délégués de Nîmes et d'Uzès. Messieurs, c’est eu exécutioa de vos décrets sanctionnés par le roi, que nous nous présentons aujourd’hui devant vous. La pureté de nos intentions devait nous trau- [15 mars 1791.J [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 109 quilliser; nos démarches, nos paroles, nos actions ont été fondées sur la Constitution. Elle veut que les citoyens puissent se réunir paisiblement et sans armes pour rédiger des adresses, soit au Corps législatif, soit aux corps administratifs, soit au roi. Elle veut encore que nul ne puisse être inquiété pour ses opinions, même religieuses. D’après ces lois, qui sont la sauvegarde de la liberté publique et individuelle, on s’est assemblé à Nîmes et à Uzès paisiblement et sans armes, on a rédigé des pétitions qui manifestent notre haine pour les discordes civiles et notre attachement à la Constitution, qui doit faire le bonheur de tous les Français. Ce sont les propres termes de nos pétitions. Cette démarche légale a néanmoins servi de prétexte pour faire soupçonner nos principes et pour donner quelque espèce de fondement à une inculpation. On a argumenté de la publicité donnée à ces pétitions ; mais c’est précisément la publicité de notre démarche qui en garantit la loyauté, et certes il y a de la franchise à livrer ses opinions à l’approbation ou à la censure publique. Ce n’est pas ainsi que se machinent les complots : lfjs trames s’ourdissent dans le secret et dans les ténèbres. La publicité de nos pétitions leur imprime donc le caractère distinctif de la loyauté française : elles n’ont eu d’autre but, ces pétitions, que d’exprimer notre désir de voir la Constitution s’achever et se consolider sur les bases rte la religion et de la monarchie, et de hâter le moment où la France reconnaissante pourra jouir de tous les bienfaits de l’Assemblée nationale : ce sont encore Jes propres expressions de nos adresses. Loin de nous donc ces inculpations démenties par la procédure que vous avez récemment supprimée. Dans cette procédure dirigée contre nous, et composée de plus de cinq cents témoins, pas un ne donne le plus léger indice d’aucune coalition, d’aucun complot. Nous, des complots 1 ..... ah! Messieurs, au lieu de conspirateurs, vous ne voyez devant vous que des victimes ! Messieurs, nous avons rempli vos ordres. M. le Président. L’Assamblée nationale se fera rendre compte des faits que vous avez allégués pour votre justification. Vous pouvez vous retirer. Un membre demande que le discoms prononcé à sa barre parles particuliers de Nîmes et d’Uzès, soit renvoyé aux comités des recherches et des rapports, réunis. (Ce renvoi est décrété.) M. Dufraisse-Duchey. Je demande que le rapport des comités soit fait dans trois jours ; on ne peut retenir plus longtemps éloignés de leurs affaires des citoyens que l’on en a séparés. Plusieurs membres : L’ordre du jour! (L’Assemblée décrète l’ordre du jour sur la motion de M. Dufraisse-Duchey.) L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l'affaire du Clermontois (1). M. de Vismes, au nom du comité des domaines. (1) Voyez ci-dessus séance du 10 mars 1791, page 22, le rapport de M. Geoffroy sur cet objet, et séance du 12 mars 1791, page 54, le commencement delà discussion de ce rapport. Messieurs, rien ne peut mieux manifester la sagesse et l’impartialité de l’Assemblée nationale, que la solennité de cette discussion. Plus le citoyen, que son décret intéresse, se trouve, vis-à-vis d’elle, dans une position extraordinaire, plus elle a senti qu’elle ne devait se rendre qu’à une démonstration complète. En remplissant la mission rigoureuse que vous lui avez imposée relativement à l’affaire du Clermontois, votre comité des domaines a toujours eu sous les yeux cette importante considération. Il n’a rien épargné pour justifier votre confiance; et l’avis sévère que Jui commandaient les principes à la garde desquels vous l’avez établi, est le résultat d’un long et religieux examen. Son opinion, Messieurs, n’a point été ébranlée par l’argumentation plus ingénieuse que solide des défenseurs deM. de Coudé ; argumentation dont tout l’art consiste à vouloir faire dégénérer en une controverse diplomatique ce qui doit se réduire à une pure question de domanialité. Je vais m’appliquer à ramener cette grande cause au point de simplicité dont elle est susceptible. Je ne négligerai néanmoins aucun des développements qui me paraîtront les plus propres à éclairer votre justice, je répondrai même à des difficultés qui n’ont pas été faites dans cette tribune. Car, puisque votre devoir est de ne prononcer qu’en parfaite connaissance de cause, le nôtre est de ne vous laisser rien ignorer. Deux actes, Messieurs, sont soumis à votre examen : la donation faite au Grand Coudé en 1648, et le contrat passé en forme d’échange, entre le roi et M. de Condé, en 1784. L’ordre naturel des choses semble vouloir que l’on s’occupe d’abord de la donation de 1648 : mais l’examen de l’acte de 1784 tient à des principes et à des faits si simples, son sort est même si indépendant de celui de la donation, que je n’ai vu que de l’avantage à suivre une méthode contraire. J’aime à écarter d’abord ce qui s’expédie facilement, alin de fixer ensuiie l’attention tout entière sur ce qui en exige le plus. Si les défenseurs de M. de Condé font tous leurs efforts pour éloigner la décision de cette partie de l’affaire, vous ne prendrez point le change sur les motifs et le but de leur marche. Convaincus que les objections delà maison de Condé ne sont pas mêmes spécieuses, ils aiment mieux éluder le combat, qu’avouer leur défaite. PREMIÈRE PARTIE. Echange de 1784. L’acte de 1784 est qualifié d'échange : les défenseurs de M. de Condé disent que c’est une vente ; il est juste de leur accorder ce point. Aliéner une chose moyennant une somme qui devient le principal d’une rente co sthuée, ce n’est pas échanger, c’est vendre. Mais en vain changerons-nous la dénomination du contrat de 1784 : le résultat sera toujours le même. Il sera toujours vrai de dire que M. de Condé a vendu ce qu’il possédait illégitimement, ce qui ne pouvait appartenir qu’à l’Etal, ce dont, par conséquent, on pouvait et l’on devait Je dépouiller sans lui en payer la valeur ; car on ne doit pas payer le prix de sa propre chose, et, lorsqu’on l’a fait par erreur, la loi en accorde la répétition. Ce que M. de Condé a vendu au roi, en 1784, appartenait à l’Etat par deux raisons : parce que c’eiaient des droi's régaliens , ei ensuite parce