SÉANCE DU 21 VENDÉMIAIRE AN III (12 OCTOBRE 1794) - N° 17 81 Marchand sans jugement ou un rapport préalable du comité de Sûreté générale, ce qui est contraire aux principes de l’égalité. 3°. qu’elle se rendra en masse demain à la Convention nationale pour lui renouveller le dévouement des citoyens de la section, de lui donner connoissance des désavoeux formels énoncés dans le présent arrêté et lui déclarer qu’autant les patriotes véritables amis de la liberté et de l’égalité doivent leur inspirer d’intérêt autant ils doivent redoubler d’énergie et de courage pour anéantir les aristocrates et les conspirateurs quelque soit leur nombre, le cou-rage du républicain le met au-dessus de ce calcul. Quelque soit le repaire où ils se réfugient, il ne doit pas en exister pour eux, quelque soit leur carctère la loi n’en admet aucun pour des coupables. 4°. qu’il sera demandé à la Convention nationale qu’elle décrète que tous les scélérats complices de la conspiration qui a éclaté le neuf thermidor soient promptement arrêtés, jugés et punis suivant les lois révolutionnaires. 5°. que le discours prononcé par le citoyen Cavaignac et le présent arrêté seront envoyés au comité de Sûreté générale. Un citoyen a lu à l’assemblée un projet d’adresse à présenter demain à la Convention nationale, l’assemblée l’a adopté à l’unanimité au milieu d’applaudissements et de cris réitérés de vive la République ! vive la Convention nationale et elle a arrêté qu’il serait envoyé aussi au comité de Sûreté générale. Signé Duperrée, secrétaire greffier, Cavaignac, commissaire. Réponse du Président (45). Le voeu que la section du Mont-Blanc vient d’exprimer est une nouvelle preuve, que si l’on égare quelquefois le peuple, il ne tarde point à se rendre à la voix de la vérité. Les exemples que vous nous rappelez, doivent faire sentir à tous les bons citoyens combien il importe de demeurer religieusement attaché au principe, qui veut qu’aucune réunion particulière soit le peuple, et que ses représentans puissent seuls parler et agir en son nom. La Convention nationale a entendu avec satisfaction l’hommage que vous rendez aux vérités étemelles qu’elle vient de proclamer : je vous admets en son nom aux honneurs de la séance. MERLIN (de Thionville) : Je demande la mention honorable et l’insertion au bulletin de l’adresse qui vient de vous être présentée. Je demande aussi que la Convention examine si ceux-là ne sont pas criminels, qui, usurpant la voix du peuple, viennent ici réclamer la mise en liberté de scélérats. Ce sont les mêmes hommes qui sont venus demander l’élargissement de Clémence et de Marchand, qui, dans la section du Mont-Blanc, ont voté pour (45) Bull., 22 vend. l’adresse de Dijon, et tâché d’étouffer les grandes vérités que l’Adresse de la Convention a mises sous les yeux du peuple (46). [De tels hommes, dit Merlin, si on pouvoit les croire les interprètes des sentimens du peuple, feroient croire qu’il est composé d’anthropophages.] (47) Citoyens, quand le peuple est livré à lui-même et dégagé de la terreur, vous le voyez en masse se presser dans le sein de la représentation nationale et vous faire connaître ses véritables sentiments; au contraire, lorsqu’il est comprimé, cinq ou six individus viennent vous de Sûreté générale porte un oeil sévère sur ces usurpateurs de la souveraineté du peuple (48). [C’est aujourd’hui le moment d’agiter la question, si quelques intrigans ne sont pas coupables, lorsqu’ils usurpent la place du peuple, et viennent présenter un voeu qu’il n’a point exprimé, pour faire croire que le peuple français est un peuple d’égorgeurs. Je demande que le comité de Sûreté générale soit chargé d’examiner s’il ne convient pas de présenter un projet de loi pénale contre ces hommes. ( Applaudi )] (49) CRASSOUS : Je m’oppose à la proposition de Merlin. Toutes les fois que nous marchons d’accord avec les principes, nous sommes bien sûrs d’avoir l’assentiment général. A qui appartient dans les sections la police intérieure? aux sections elles-mêmes. C’est à elles à repousser telle ou telle motion. La section du Mont-Blanc est venue désavouer des opinions qui, à ce qu’il paraît, ne lui conviennent pas. Tout est rempli par là ( On murmure ). Dans les assemblées politiques il n’est pas étonnant de voir adopter partiellement des motions qui sont ensuite réprouvées par l’assemblée entière ; cela est vrai dans l’assemblée représentative comme ailleurs. Il n’y a donc rien à faire à cet égard, à moins que les conséquences de ces motions ne compromissent la sûreté publique; car, en prenant une mesure ultérieure, vous gêneriez la liberté des opinions, qui doit être aussi absolue que la liberté de la presse. THURIOT : Sans doute, citoyens, il faut conserver la liberté des opinions, et c’est précisément à sa conservation que tend la mesure proposée par Merlin. Ceux-là ne sont point amis de la liberté des opinions, qui, le poignard à la main, forcent leurs concitoyens de voter comme eux, sous peine de mort; ceux-là ne sont point amis de la liberté des opinions, qui disent : Encore un moment, et le règne de sang va ressusciter ; [Mouvements d’horreur (50)] ceux-là ne sont point amis de la liberté des opinions, qui, avec une bande d’assassins, se rassemblent dans les sections, aux heures où les bons ci-(46) Moniteur, XXII, 220. (47) Débats, n° 750, 322. (48) Moniteur, XXII, 220. (49) M.U., XLIV, 333. (50) Gazette Fr., n" 1015. 82 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE toyens, les pères de famille en sont sortis, et font prendre des arrêtés contre la représentation nationale; ceux-là ne sont point amis de la liberté des opinions, qui veillent sans cesse déshonorer et assassiner la France, qui parlent de vertu pour commettre le crime avec plus d’impunité {On applaudit) (51). [Ceux-là sont les véritables ennemis du peuple, qui ont l’audace de menacer de l’échafaud ceux de leurs concitoyens qui ne pensent pas comme eux ; ceux-là qui, réunis à une bande d’assassins, combinent, arrêtent et rédigent des adresses dont le but est évidemment d’avilir la représentation nationale et d’enchaîner l’action de la loi, de manière que la répubique qui de-vroit présenter le spectacle majestueux d’un grand peuple réuni autour des principes, ne présente plus que le tableau hideux de l’anarchie.] (52) Peut-être sera-t-il nécessaire de ne pas donner un effet rétroactif à cette mesure, qui sera très-salutaire pour l’avenir. Un système s’est établi depuis huit à dix jours : c’est de prolonger les assemblées de sections, afin de s’emparer du local ; alors sept à huit hommes prennent des arrêtés attentatoires au respect des lois et à l’amour de l’ordre (53). [Ces hommes outragent leurs concitoyens, auxquels ils prêtent leurs voeux sanguinaires. Vous voyez que le peuple aime essentiellement la justice et qu’il n’a point d’autre but.] (54) Citoyens, il y a une grande solidarité entre tous les bons citoyens de la nation française. En faisant une Adresse qui contient et rappelle les vrais principes, vous avez donné à la république une grande preuve de vos sentiments. Vous avez prouvé aux nations étrangères qu’elles comptent en vain sur l’activité du crime, et qu’il n’y aura désormais à l’ordre du jour que la justice et la vertu {On applaudit). J’appuie donc la proposition de Merlin ; et, afin que nous ne voyions plus ces tableaux qui nous ont fait verser tant de larmes, afin que le père de famille soit sûr que ses enfants recueilleront les fruits de ses longs sacrifices, afin de prouver que la liberté des opinions ne sera plus comprimée, je demande qu’il soit fait une loi contre ceux qui s’assemblent clandestinement, et qui ont l’audace de prendre des arrêtés qui ne sont que le voeu de quelques individus, et qu’ils viennent présenter comme le voeu de la section. Cette proposition sera envoyée aux trois comités pour présenter une mesure sans délai (55). [Ce discours a été interrompu par de vifs ap-plaudissemens. - Aux voix! aux voix! s’écrie-t-on de toutes parts. Les propositions de Thuriot sont adoptées. - On applaudit .] (56) (51) Moniteur, XXII, 220. (52) Débats, n° 750, 322. (53) Moniteur, XXII, 220. (54) M.U., XLIV, 334. (55) Moniteur, XXII, 220; Ann. Patr., n” 650; Ann. R.F., n“ 21; C. Eg., n° 785; F. de la Républ., n" 21; J. Fr., n° 747; J. Mont., n° 1, 2; J. Paris, n“ 22; J. Perlet, n 749; Mess. Soir, n° 785; M.U., XLIV, 333-334. Voir plus bas n° 30. (56) Débats, n” 750, 322. C [La section Poissonnière à la Convention nationale, le 20 vendémiaire an HT] (57) La section Poissonnière a entendu dans son assemblée générale d’hyer, la lecture de l’adresse de la Convention nationale du 18 de ce mois; après l’avoir applaudi avec enthousiasme, elle a arrêté qu’elle viendroit aujourd’hui en masse, l’en féliciter; ce nouveau flambeau de la vérité va anéantir toutes les factions, et produire dans l’intérieur de la république, cette union si nécessaire, pour consolider le règne de la liberté et de l’égalité; les citoyens de la section Poissonnière ont juré, que toujours leur respect pour les loix sera sans borne, ainsi que leur dévouement pour la Convention nationale, à laquelle ils se rallieront constamment, comme étant le seul centre du pouvoir, et celui de réunion de tous les républicains français. Charvin, président. d [La section de la Fraternité à la Convention nationale ] (58) Représentans du Peuple, La vertu des hommes libres consiste à aimer les loix et la patrie ; « cet amour, dit un auteur célèbre, est singulièrement affecté aux démocraties ; exigeant une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre, il donne toutes les vertus particulières »! mais qui peut alimenter dans le coeur des français le feu de cet amour si pur, sinon la justice et l’humanité? Vous avez été pénétrés de cette vérité fondamentale ; l’ennemie jurée de la liberté, l’arme meurtrière de la tyrannie, la terreur est à jamais bannie de la france. Son sceptre de fer est brisé. En vain l’intrigue dirigée par l’intérêt personnel s’agite et voudroit nous agiter en tous sens pour rappeler au milieu de nous ce monstrueux système. Un peuple éclairé par ses malheurs scait que l’on peut être énergique sans être barbare; il ne reconnoit plus d’autre empire que celui de la raison, de la justice des loix. Voilà nos principes : voilà les principes de tous les vrais républicains. En connoissant leurs droits, ils commissent aussi leurs devoirs; ils savent que la liberté doit être appuyée sur la justice et la raison ; ils savent que l’homme libre est esclave de la loy. (57) C 322, pl. 1353, p. 38. Débats, n” 750, 329; Bull., 21 vend, (suppl. 2); Ann. Patr., n“ 650 ; Ann. R.F., n” 21; C. Eg., n° 785; F. de la Républ., n 21; J. Fr., n 747; J. Mont., n” 1; J. Paris, n' 22 ; Mess. Soir, n" 785. (58) C 322, pl. 1353, p. 23.