SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - N° 58 525 jugement... Ce que vous demande le peuple de ce département ne souffre point de délai. » Dans une autre Adresse à la Convention elle disait : « Le mécontentement des départements qui nous environnent se prononce fortement. Ils prennent une attitude inquiétante : nous les inviterons, nous les engagerons de tout notre pouvoir à sacrifier leurs plaintes au salut public; nous ne sommes pas sans espérances de les voir bientôt, ainsi que nous, se rallier à la Convention nationale et adopter l’unité et l’indivisibilité de la République; mais c’est notre droit et notre devoir de mettre encore sous vos yeux les griefs qu’ils articulent, de vous en demander, en leur nom comme au nôtre, le redressement immédiat. » Et ces griefs, citoyens, se dirigeaient essentiellement contre les journées des 31 mai et 2 juin; car on demandait des peines contre les auteurs de l’insurrection. Voilà cependant des actes qui, loin de paraître à Dario des productions du fédéralisme, lui présentent tous les caractères d’une adhésion intime à la Convention. S’il faut l’en croire, l’assemblée de laquelle ils ont émané doit être rangée dans la classe des assemblées conservatrices de l’unité de la république. Elle refusa, dit-il, d’entrer dans le plan de la Gironde : c’est par sa résistance aux insinuations perfides dont elle était circonvenue qu’elle a déconcerté les vastes complots des ennemis de l’intérieur. Il vous devient facile d’apprécier de tels moyens d’après les résultats que vous connaissez. Certes, et à moins de vouloir que nul ne soit fédéraliste s’il n’a soutenu des sièges ou emporté des places, il n’exista jamais de fédéralisme mieux caractérisé que celui d’une assemblée qui a méconnu tous les principes, qui a défendu des contre-révolutionnaires, qui n’a point improuvé les actes oppressifs dirigés sur les patriotes, qui a pris des arrêtés liberticides, qui a osé s’isoler de l’unique centre de l’autorité nationale, qui a calomnié la révolution du 31 mai, et qui, pour tout dire, a tâché d’opérer une commotion violente, et dont les effets calculés devaient être de ramener la tyrannie, après nous avoir longtemps et péniblement agités par des divisions domestiques. Dario nous dit encore qu’il n’était pas présent à l’assemblée du 1er juillet, quand on y lut et adopta la rédaction des Adresses; il ajoute ne les avoir point signées. Une pièce précise, remise en nos mains, va nous mettre à portée d’apprécier cette assertion. Cette pièce est l’extrait même du procès-verbal de la séance. Il en résulte qu’avant de commencer la lecture des Adresses l’assemblée arrêta que, pour éviter la perte de temps qu’entraîneraient les signatures, on se bornerait à rapporter en tête du procès-verbal les noms des présents. Or celui de Dario s’y trouve inscrit en toutes lettres : ainsi voilà sa signature; il peut d’autant moins s’en défendre qu’il est prouvé que ces Adresses reçurent l’assentiment unanime de l’assemblée. Elle en ordonna l’impression, de même que l’envoi à la Convention nationale, à tous les départements, et aux communes de la Haute-Garonne. Nous ne supposerons pas, citoyens, que Dario veuille s’élever contre ce procès-verbal. Et en effet, si d’une part il était vrai que Dario n’eût pas assisté à la séance, si d’autre part les déterminations liberticides que l’on y prit avaient répugné à ses principes, ne se serait-il pas empressé de les désavouer ? N’aurait-il pas rendu public ce désaveu ? Eût-il souffert que son nom restât empreint sur des monuments de fédéralisme ? Et ce qui prouve à quel point il y avait concouru, c’est qu’il entreprend de les justifier. Il appelle actuellement en sa faveur quelques considérations particulières. Mais que sont-elles, ces considérations, mises en balance avec la justice et l’intérêt national ? Les fondateurs d’une république ne peuvent céder qu’à l’austérité des principes. Toute transaction avec les droits du peuple devient meurtrière pour la liberté. Eh ! à quel titre Dario pourrait-il réclamer votre intérêt ? Qu’a-t-il fait contre le fédéralisme ? ou, à mieux dire, que n’a-t-il pas fait pour lui ? Qu’il cesse donc de se parer de dix à douze attestations de Sociétés populaires de son district; il y aurait beaucoup à dire sur la substance de ces Adresses. Mais en observant qu’elle deviennent insuffisantes pour anéantir une série de faits et de circonstances, il faut que l’on sache aussi qu’il en existe en sens contraire. Les Sociétés de Toulouse, Montagne-sur-Garonne, Monrejeau et Castel-Sarrasin se sont prononcées avec énergie contre la conduite de Dario. Nous nous abstiendrons, au reste de vous entretenir de certaines récriminations qu’il a consignées dans un écrit. La récrimination fut presque toujours l’arme favorite du coupable. Quoi qu’il en soit, et en vous désignant quatre ou cinq fonctionnaires comme ayant pris part aux mouvements fédéralistes, il eût dû vous dire que, dès les premiers instants, ils s’élevèrent contre les délibérations de l’assemblée. De l’enchaînement des faits que nous venons de parcourir, il résulte que Dario est convaincu de fédéralisme; c’est ce qui a déterminé sa destitution de la place de juge. Avant de prononcer sur son compte, notre collègue Dartigoyete a épuisé tous les moyens propres à l’éclairer. Il a interrogé Dario en présence d’un peuple immense; il a consulté la voix publique. C’est donc évidemment au cas actuel que doit s’appliquer la mesure établie par la loi du 23 vendémiaire. Vous ne permettrez pas, citoyens, (votre justice nous en est garante), que les fédéralistes aient à s’applaudir d’une victoire qui consternerait les patriotes. C’est à vous de venger la liberté; souvenez-vous que le fédéralisme en avait juré la perte (1). Il [DUBARRAN] propose un projet de décret, qui a été adopté ainsi qu’il suit : « La Convention nationale, après avoir entendu ses comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, » Déclare, par suite des principes qui sont la base de son décret du 23 Vendémiaire, que Dario, ci-devant juge du tribunal de Mont-Unité, département de Haute-Garonne, ne peut être admis dans le sein de la représentation nationale. (1) Mon., XX, 745; Audit, nat., n° 626. SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - N° 58 525 jugement... Ce que vous demande le peuple de ce département ne souffre point de délai. » Dans une autre Adresse à la Convention elle disait : « Le mécontentement des départements qui nous environnent se prononce fortement. Ils prennent une attitude inquiétante : nous les inviterons, nous les engagerons de tout notre pouvoir à sacrifier leurs plaintes au salut public; nous ne sommes pas sans espérances de les voir bientôt, ainsi que nous, se rallier à la Convention nationale et adopter l’unité et l’indivisibilité de la République; mais c’est notre droit et notre devoir de mettre encore sous vos yeux les griefs qu’ils articulent, de vous en demander, en leur nom comme au nôtre, le redressement immédiat. » Et ces griefs, citoyens, se dirigeaient essentiellement contre les journées des 31 mai et 2 juin; car on demandait des peines contre les auteurs de l’insurrection. Voilà cependant des actes qui, loin de paraître à Dario des productions du fédéralisme, lui présentent tous les caractères d’une adhésion intime à la Convention. S’il faut l’en croire, l’assemblée de laquelle ils ont émané doit être rangée dans la classe des assemblées conservatrices de l’unité de la république. Elle refusa, dit-il, d’entrer dans le plan de la Gironde : c’est par sa résistance aux insinuations perfides dont elle était circonvenue qu’elle a déconcerté les vastes complots des ennemis de l’intérieur. Il vous devient facile d’apprécier de tels moyens d’après les résultats que vous connaissez. Certes, et à moins de vouloir que nul ne soit fédéraliste s’il n’a soutenu des sièges ou emporté des places, il n’exista jamais de fédéralisme mieux caractérisé que celui d’une assemblée qui a méconnu tous les principes, qui a défendu des contre-révolutionnaires, qui n’a point improuvé les actes oppressifs dirigés sur les patriotes, qui a pris des arrêtés liberticides, qui a osé s’isoler de l’unique centre de l’autorité nationale, qui a calomnié la révolution du 31 mai, et qui, pour tout dire, a tâché d’opérer une commotion violente, et dont les effets calculés devaient être de ramener la tyrannie, après nous avoir longtemps et péniblement agités par des divisions domestiques. Dario nous dit encore qu’il n’était pas présent à l’assemblée du 1er juillet, quand on y lut et adopta la rédaction des Adresses; il ajoute ne les avoir point signées. Une pièce précise, remise en nos mains, va nous mettre à portée d’apprécier cette assertion. Cette pièce est l’extrait même du procès-verbal de la séance. Il en résulte qu’avant de commencer la lecture des Adresses l’assemblée arrêta que, pour éviter la perte de temps qu’entraîneraient les signatures, on se bornerait à rapporter en tête du procès-verbal les noms des présents. Or celui de Dario s’y trouve inscrit en toutes lettres : ainsi voilà sa signature; il peut d’autant moins s’en défendre qu’il est prouvé que ces Adresses reçurent l’assentiment unanime de l’assemblée. Elle en ordonna l’impression, de même que l’envoi à la Convention nationale, à tous les départements, et aux communes de la Haute-Garonne. Nous ne supposerons pas, citoyens, que Dario veuille s’élever contre ce procès-verbal. Et en effet, si d’une part il était vrai que Dario n’eût pas assisté à la séance, si d’autre part les déterminations liberticides que l’on y prit avaient répugné à ses principes, ne se serait-il pas empressé de les désavouer ? N’aurait-il pas rendu public ce désaveu ? Eût-il souffert que son nom restât empreint sur des monuments de fédéralisme ? Et ce qui prouve à quel point il y avait concouru, c’est qu’il entreprend de les justifier. Il appelle actuellement en sa faveur quelques considérations particulières. Mais que sont-elles, ces considérations, mises en balance avec la justice et l’intérêt national ? Les fondateurs d’une république ne peuvent céder qu’à l’austérité des principes. Toute transaction avec les droits du peuple devient meurtrière pour la liberté. Eh ! à quel titre Dario pourrait-il réclamer votre intérêt ? Qu’a-t-il fait contre le fédéralisme ? ou, à mieux dire, que n’a-t-il pas fait pour lui ? Qu’il cesse donc de se parer de dix à douze attestations de Sociétés populaires de son district; il y aurait beaucoup à dire sur la substance de ces Adresses. Mais en observant qu’elle deviennent insuffisantes pour anéantir une série de faits et de circonstances, il faut que l’on sache aussi qu’il en existe en sens contraire. Les Sociétés de Toulouse, Montagne-sur-Garonne, Monrejeau et Castel-Sarrasin se sont prononcées avec énergie contre la conduite de Dario. Nous nous abstiendrons, au reste de vous entretenir de certaines récriminations qu’il a consignées dans un écrit. La récrimination fut presque toujours l’arme favorite du coupable. Quoi qu’il en soit, et en vous désignant quatre ou cinq fonctionnaires comme ayant pris part aux mouvements fédéralistes, il eût dû vous dire que, dès les premiers instants, ils s’élevèrent contre les délibérations de l’assemblée. De l’enchaînement des faits que nous venons de parcourir, il résulte que Dario est convaincu de fédéralisme; c’est ce qui a déterminé sa destitution de la place de juge. Avant de prononcer sur son compte, notre collègue Dartigoyete a épuisé tous les moyens propres à l’éclairer. Il a interrogé Dario en présence d’un peuple immense; il a consulté la voix publique. C’est donc évidemment au cas actuel que doit s’appliquer la mesure établie par la loi du 23 vendémiaire. Vous ne permettrez pas, citoyens, (votre justice nous en est garante), que les fédéralistes aient à s’applaudir d’une victoire qui consternerait les patriotes. C’est à vous de venger la liberté; souvenez-vous que le fédéralisme en avait juré la perte (1). Il [DUBARRAN] propose un projet de décret, qui a été adopté ainsi qu’il suit : « La Convention nationale, après avoir entendu ses comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, » Déclare, par suite des principes qui sont la base de son décret du 23 Vendémiaire, que Dario, ci-devant juge du tribunal de Mont-Unité, département de Haute-Garonne, ne peut être admis dans le sein de la représentation nationale. (1) Mon., XX, 745; Audit, nat., n° 626. 526 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE » En conséquence, elle charge le comité des décrets d’appeler incessamment un autre suppléant ». Un membre [BEAUDOT] demande l’impression du rapport qui a précédé le décret porté contre Dario : cette proposition est décrétée (1) . 59 Un membre [BORDAS], au nom du comité de liquidation, fait un rapport à la suite duquel il propose un projet de décret qui a été adopté (2) . BORDAS : Citoyens, Charles Rohan-Soubise fut pourvu, le 6 juillet 1734, de la charge de capitaine-lieutenant de la compagnie des gendarmes de la garde, sur la démission volontaire qu’en fit en sa faveur Rohan-Soubise, son aïeul. Dès le 2 mai précédent, le démissionnaire et son successeur avaient passé entre eux un traité par lequel le premier se réservait, pendant sa vie, les appointements ordinaires et extraordinaires de cette charge et toutes les pensions qui y étaient attachées. Il fut encore convenu que, dans le cas où cette charge sortirait des mains du petit-fils, il serait tenu de payer à son aïeul une pension ou rente viagère de 25,348 1. 13 s. 4 d. Ainsi, sous l’ancien régime, les places que le pouvoir arbitraire distribuait, et qui n’étaient destinées qu’à l’intrigue et à la faveur, devenaient un trafic scandaleux, et qui ne pouvait exister que sous un gouvernement corrompu. Le même jour que Rohan-Soubise, petit-fils, fut pourvu de cette charge éclaira un nouvel abus de l’autorité, un nouveau crime du tyran, que les Soubise partagèrent, et dont leurs héritiers voudraient encore profiter. Louis XV fit à l’aïeul Soubise le don d’un brevet de retenue de 400,000 liv. qui devait être préalablement payé à l’aïeul par celui qui, sur la démission du petit-fils ou autrement, aspirerait à être pourvu de la même place. Il fut ajouté que l’aïeul pourrait disposer de ce don à sa volonté, et qu’à défaut d’une disposition partielle ou intégrale, ce qui resterait de libre de ce don appartiendrait au petit-fils, ou à l’aîné de ses enfants mâles, etc. L’aïeul Soubise mourut en 1749, après avoir disposé d’un don royal de 400,000 liv. en faveur de son petit-fils. Ainsi s’ouvraient les canaux par lesquels s’échappait la fortune publique. Le petit-fils Soubise fit différents emprunts. Il fallait à ses créanciers un hypothèque, et il lui était plus commode de conserver son patrimoine libre de ses dettes. Son brevet de retenue (1) P.V., XXXIX, 216. Minute de la main de Dubarran. Décret n° 9468. Bln, 25 prair.; J. Sablier, n° 1372; J. Mont., n° 46; Mon., XX, 699; J. Fr., n° 625; M.U., XL, 377; Rép., n° 174; Débats, n° 629, p. 342; J. Perlet, n° 627; Mess, soir, n° 662; J. Lois, n° 622; C. XJniv., 24 prair.; C. Eg., n° 662; Audit. nat., n° 626; J. S.-Culottes, n° 482. Voir ci-après annexe n° I. (2) P.V., XXXIX, 216. était toujours offert, et devenait toujours le gage de ses prêteurs. En 1767, Charles Rohan-Soubise se démit de sa charge, à titre de survivance, en faveur de Rohan-Guémenée, son gendre. Il fut convenu qu’à son entrée en exercice, ce dernier paierait à son beau-père, ou à qui de droit, la somme de 400,000 liv. montant du brevet de l’aïeul. Sur cette démission, Rohan-Guémenée obtint en 1767 des provisions en survivance. Mais comme les brevets de retenue étaient pour les favoris des cornes d’abondance, le même jour il obtint, lui aussi, un pareil brevet de retenue de 400,000 liv., qui lui appartiendrait dès l’instant qu’il aurait payé à son beau-père pareille somme, montant du brevet de retenue du 6 juillet 1734. Charles Rohan-Soubise mourut au mois de juillet 1787; Rohan-Guémenée, son gendre, succéda dès ce moment à sa place. Cependant, ni le traité passé le 10 septembre 1767 entre Rohan-Soubise et Rohan-Guéménée, ni le brevet de retenue accordé à Rohan-Guéménée le 17 septembre 1767, n’ont eu d’exécution, parce que la compagnie des gendarmes de la garde fut réformée le 30 septembre 1787. Par l’ordonnance portant réforme de cette compagnie, Louis XVI se réserva, art. II, de fixer les époques de remboursement de la finance de chaque charge, et arrêta qu’en attendant les intérêts en seraient payés. C’est d’après cette disposition que, par arrêt du conseil d’Etat du 17 juin 1789, il paraît que la charge de capitaine, qui a péri sur la tête de Rohan-Guéménée, a été liquidée à la somme de 666.666 liv., 12 sous 4 den. dont 400.000 liv. pour le brevet de retenue du 6 juillet 1734 et 267.666 liv. 13 s. 4 d. pour indemnité. Le remboursement de cette liquidation, arrêtée sous le règne des dilapidations, a été soumis à l’examen de votre comité de liquidation. Ne connaissant que la justice, il a cru ne devoir aucun égard à un arrêt de faveur, à un arrêt du conseil d’Etat qui partait de la même source que ce don du brevet de retenue, et qui en avait aussi tous les vices. Ne connaissant que la loi, il a cru devoir tout ramener à la loi sous laquelle tout doit plier sous le règne de la liberté. Votre comité, citoyens, a examiné sous ses différents rapports la réclamation des héritiers Soubise, et d’un côté, il a vu que rien ne constatait que l’aïeul Soubise eût versé au trésor public quelques sommes pour être pourvu de la charge de capitaine-lieutenant des gendarmes de la garde; et sous ce premier point de vue, comment aurait-il pu, comment vous-mêmes pourriez-vous soumettre la nation à exécuter ce vol calculé à son préjudice ? car tout remboursement quelconque serait ici un véritable vol dont vous deviendriez les complices. De l’autre, citoyens, votre comité a considéré que le premier décret rendu sur les brevets de retenue, le seul applicable à l’espèce présente, est celui du 24 novembre 1790, qui s’exprime ainsi, article V : « A l’égard des porteurs de brevets, qui les ont obtenus sans avoir payé aucune somme à leurs prédécesseurs; de ceux qui sont porteurs de brevets accordés primitivement, et par pur don, à des personnes dont ils sont héritiers, légataires ou donataires; de ceux enfin qui n’ont 526 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE » En conséquence, elle charge le comité des décrets d’appeler incessamment un autre suppléant ». Un membre [BEAUDOT] demande l’impression du rapport qui a précédé le décret porté contre Dario : cette proposition est décrétée (1) . 59 Un membre [BORDAS], au nom du comité de liquidation, fait un rapport à la suite duquel il propose un projet de décret qui a été adopté (2) . BORDAS : Citoyens, Charles Rohan-Soubise fut pourvu, le 6 juillet 1734, de la charge de capitaine-lieutenant de la compagnie des gendarmes de la garde, sur la démission volontaire qu’en fit en sa faveur Rohan-Soubise, son aïeul. Dès le 2 mai précédent, le démissionnaire et son successeur avaient passé entre eux un traité par lequel le premier se réservait, pendant sa vie, les appointements ordinaires et extraordinaires de cette charge et toutes les pensions qui y étaient attachées. Il fut encore convenu que, dans le cas où cette charge sortirait des mains du petit-fils, il serait tenu de payer à son aïeul une pension ou rente viagère de 25,348 1. 13 s. 4 d. Ainsi, sous l’ancien régime, les places que le pouvoir arbitraire distribuait, et qui n’étaient destinées qu’à l’intrigue et à la faveur, devenaient un trafic scandaleux, et qui ne pouvait exister que sous un gouvernement corrompu. Le même jour que Rohan-Soubise, petit-fils, fut pourvu de cette charge éclaira un nouvel abus de l’autorité, un nouveau crime du tyran, que les Soubise partagèrent, et dont leurs héritiers voudraient encore profiter. Louis XV fit à l’aïeul Soubise le don d’un brevet de retenue de 400,000 liv. qui devait être préalablement payé à l’aïeul par celui qui, sur la démission du petit-fils ou autrement, aspirerait à être pourvu de la même place. Il fut ajouté que l’aïeul pourrait disposer de ce don à sa volonté, et qu’à défaut d’une disposition partielle ou intégrale, ce qui resterait de libre de ce don appartiendrait au petit-fils, ou à l’aîné de ses enfants mâles, etc. L’aïeul Soubise mourut en 1749, après avoir disposé d’un don royal de 400,000 liv. en faveur de son petit-fils. Ainsi s’ouvraient les canaux par lesquels s’échappait la fortune publique. Le petit-fils Soubise fit différents emprunts. Il fallait à ses créanciers un hypothèque, et il lui était plus commode de conserver son patrimoine libre de ses dettes. Son brevet de retenue (1) P.V., XXXIX, 216. Minute de la main de Dubarran. Décret n° 9468. Bln, 25 prair.; J. Sablier, n° 1372; J. Mont., n° 46; Mon., XX, 699; J. Fr., n° 625; M.U., XL, 377; Rép., n° 174; Débats, n° 629, p. 342; J. Perlet, n° 627; Mess, soir, n° 662; J. Lois, n° 622; C. XJniv., 24 prair.; C. Eg., n° 662; Audit. nat., n° 626; J. S.-Culottes, n° 482. Voir ci-après annexe n° I. (2) P.V., XXXIX, 216. était toujours offert, et devenait toujours le gage de ses prêteurs. En 1767, Charles Rohan-Soubise se démit de sa charge, à titre de survivance, en faveur de Rohan-Guémenée, son gendre. Il fut convenu qu’à son entrée en exercice, ce dernier paierait à son beau-père, ou à qui de droit, la somme de 400,000 liv. montant du brevet de l’aïeul. Sur cette démission, Rohan-Guémenée obtint en 1767 des provisions en survivance. Mais comme les brevets de retenue étaient pour les favoris des cornes d’abondance, le même jour il obtint, lui aussi, un pareil brevet de retenue de 400,000 liv., qui lui appartiendrait dès l’instant qu’il aurait payé à son beau-père pareille somme, montant du brevet de retenue du 6 juillet 1734. Charles Rohan-Soubise mourut au mois de juillet 1787; Rohan-Guémenée, son gendre, succéda dès ce moment à sa place. Cependant, ni le traité passé le 10 septembre 1767 entre Rohan-Soubise et Rohan-Guéménée, ni le brevet de retenue accordé à Rohan-Guéménée le 17 septembre 1767, n’ont eu d’exécution, parce que la compagnie des gendarmes de la garde fut réformée le 30 septembre 1787. Par l’ordonnance portant réforme de cette compagnie, Louis XVI se réserva, art. II, de fixer les époques de remboursement de la finance de chaque charge, et arrêta qu’en attendant les intérêts en seraient payés. C’est d’après cette disposition que, par arrêt du conseil d’Etat du 17 juin 1789, il paraît que la charge de capitaine, qui a péri sur la tête de Rohan-Guéménée, a été liquidée à la somme de 666.666 liv., 12 sous 4 den. dont 400.000 liv. pour le brevet de retenue du 6 juillet 1734 et 267.666 liv. 13 s. 4 d. pour indemnité. Le remboursement de cette liquidation, arrêtée sous le règne des dilapidations, a été soumis à l’examen de votre comité de liquidation. Ne connaissant que la justice, il a cru ne devoir aucun égard à un arrêt de faveur, à un arrêt du conseil d’Etat qui partait de la même source que ce don du brevet de retenue, et qui en avait aussi tous les vices. Ne connaissant que la loi, il a cru devoir tout ramener à la loi sous laquelle tout doit plier sous le règne de la liberté. Votre comité, citoyens, a examiné sous ses différents rapports la réclamation des héritiers Soubise, et d’un côté, il a vu que rien ne constatait que l’aïeul Soubise eût versé au trésor public quelques sommes pour être pourvu de la charge de capitaine-lieutenant des gendarmes de la garde; et sous ce premier point de vue, comment aurait-il pu, comment vous-mêmes pourriez-vous soumettre la nation à exécuter ce vol calculé à son préjudice ? car tout remboursement quelconque serait ici un véritable vol dont vous deviendriez les complices. De l’autre, citoyens, votre comité a considéré que le premier décret rendu sur les brevets de retenue, le seul applicable à l’espèce présente, est celui du 24 novembre 1790, qui s’exprime ainsi, article V : « A l’égard des porteurs de brevets, qui les ont obtenus sans avoir payé aucune somme à leurs prédécesseurs; de ceux qui sont porteurs de brevets accordés primitivement, et par pur don, à des personnes dont ils sont héritiers, légataires ou donataires; de ceux enfin qui n’ont