[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1789.] les tutelles, soit par les inventaires, enfin par tous les actes d’une justice locale. M. le comte de Dortan représente qu’en abolissant les justices seigneuriales on donne une grande liberté aux gens de la campagne pour toutes sortes de dévastations, que les forêts étaient déjà dévastées, et qu’ainsi les procédures commencées pour fait de ces délits demeureraient suspendues, et qu’il n’y aura plus de frein à opposer à la licence. M. Lanjnïnais détruit cette assertion en disant que les procédures commencées ne seront pas suspendues, puisque les officiers des justices seigneuriales doivent encore continuer leurs fonctions. M. de Gustine. Votre intention a été, en supprimant les justices seigneuriales, d’améliorer le sort des peuples-, mais votre but ne sera pas rempli, tant que vous laisserez subsister les prévôtés. Je demande que l’article porte : « Que toutes les justices seigneuriales seront supprimées, sous quelque dénomination qu’elles soient. » M. de Turkeim, député de Strasbourg, demande une exception par rapport à l'Alsace, où des princes étrangers possèdent divers droits de féodalité en vertu des traités passés avec nos rois, et dont ils ne manqueront pas de réclamer l’exécution. Il fait le détail de ces droits, et demande qu’ils ne soient pas supprimés sans indemnité. M. Lemoine de Bielle-Isle réclame le remboursement des justices qui ont été données en engagement et par le Roi, et que l’Assemblée autorise les déclarations des députés qui sont gênés par leurs mandats. Un député de la noblesse dit qu’en supprimant les justices seigneuriales, on romprait le lien qui attache le seigneur avec les tenanciers ; que la noblesse ne pouvait mieux faire que d’offrir de faire rendre la justice gratuitement. M. Kesmeuniers propose d’accorder aux municipalités la police des campagnes, et aux notaires royaux la connaissance des tutelles et curatelles. M. PIson du Galland remarque qu’en voulant procurer l’avantage du peuple, l’Assemblée ne faisait que celui des officiers royaux, et il propose d’ajouter par amendement à l’article : « Jusqu’à ce qu’il ait été pourvu à leur remplacement. » Quelques autres membres parlent ensuite et touchent au fond de l’article. . M. le Président observe que la discussion ne doit porter que sur la rédaction. En faisant remarquer que l’article, tel qu’il a été rédigé par le comité, est à peu près le même que celui proposé par M. Pison du Galland, il dit qu'au changement ou amendement proposé, on pourrait substituer celui-ci : « Jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée nationale à un nouvel ordre judiciaire. » Cet amendement est adopté. L’article est mis aux voix et presque unanimement décrété ainsi qu’il suit : « Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans indemnité, et néanmoins les officiers 365 de ces justices continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée nationale à l’établissement d’un nouvel ordre judiciaire. » M. le duc d’ Aiguillon, au nom du comité des finances. Messieurs, le comité des finances s'est occupé, d’après vos ordres, d’examiner l’état actuel des finances du royaume. Il a pris l’aperçu du rapport entre la recette et la dépense, et'il m’a chargé de le placer sous vos yeux, pour vous mettre à portée déjuger de la nécessité de l’emprunt qui vous est proposé. M. d’Aiguillon détaille ensuifeles divers articles de dépense et de recette, et il en résulte que le total de la recette des mois d’août et septembre, ne se porte qu’à 37,200,000 livres, tandis que la dépense doit nécessairement se monter* à 60,000,000. 11 a ensuite proposé des réflexions et quelques changements que le comité a jugés nécessaires dans le préambule et les divers articles du projet présenté par M. Necker, et il lit un projet de décret qui modifie celui du ministre. Le rapport fait, M. le Président pose ainsi qu’il suit les questions qui doivent être l’objet de la délibération : 1° Votera-t-on un emprunt ? 2° Quelle en sera la qualité? 3° Quelle en sera la force? La première est mise d’abord a la discussion. M. le duc de Lévis parle le premier. Nous ne pouvons, dit-il, consentir d’emprunt avant la constitution. Ainsi l’ordonnent nos commettants, qui nous ont liés par nos mandats. Nous l’avons juré, et nous ne pouvons pas transiger avec nos mandats ni avec nos serments.Mais l’Etat est près de sa ruine, le laisserons-nous périr? Non, sans doute; nous avons des fortunes considérables; que nos biens servent de sûreté aux préteurs, et nous aurons ainsi concilié nos mandats et nos serments avec les moyens de sauver l’Etat. M. ISuzot. L’on ne peut transiger avec sa conscience, l’on n’élude pas la sainteté des serments.- voilà ce que j’ai entendu dire bien souvent ici , voilà ce que je répète aujourd’hui. Lorsque les ordres se sont réunis, plusieurs, pressés par le péril de l’Etat, se sont rendus dans cette salle; mais ils ont consulté le vœu de leurs commettants : ne puis-je pas invoquer aujourd’hui cette rigidité de principes que l’on nous imposait dans d’autres temps? Nous sommes entre le danger de forcer une banqueroute, et la crainte de violer nos pouvoirs ; il faut éviter l’un et l’autre malheur. J’observerai que la lecture que l’on nous a faite des détails donnés par le contrôleur général a été très rapide, et plus encore le projet d’emprunt; qu’il serait bon d’examiner individuellement ces differents états puisque nous devons délibérer individuellement. Je pourrais ajouter quele comité des finances ne peut rien examiner en notre nom ; que la puissance qui nous est déléguée, nous ne pouvons la déléguer ; que je suis venu ici pour discuter, pour vérifier les finances, et que je ne puis charger uu autre de l’acquit de ma conscience. Mais rentrons dans la question ; et d’abord je déclare que je lie peux consentir d’emprunt, tant que la constitution ne sera point faite, tant que la dette de l’Etat ne sera point discutée et vérifiée. On dit que l’Etat est en danger; certes la