57 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 août 1791.] Après quelques observations, le projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale a chargé son comité de Constitution de lui présenter, sous huit jours au plus tard, un projet de loi sur la manière d’admettre auprès des tribunaux de justice les avoués et les huissiers, et de s’assurer, avant leur admission, de leurs bonnes vie, mœurs et capacité, et de mettre fin aux abus qui se commettent dans la signification des actes et exploits que les huissiers sont chargés de faire, et dont les parties se plaignent que des supercheries coupables leur enlèvent journellement la connaissance. » (Ce décret est adopté.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 28 août, qui est adopté. M. Camus, au nom du comité des pensions. Messieurs, le comité des pensions a examiné la pétition faite en faveur de Lou s Gillet, maréchal des logis. Vous vous rappelez, Messieurs, que ce citoyen a sauvé une jeune villageoise des mains de brigands. Le comité a reconnu, comme tout le monde, que cet intrépide vieillard avait bien mérité de la patrie; mais je dois vous annoncer que ce brave homme ne désire rien autre chose que la continuation des sommes qui lui ont été accordées. Son traitement, comme maréchal des logis, à sa sortie de l’hôtel des Invalides, serait de 422 livres, et la pension qu’il a obtenue pour sa bonne action est de 200 livres, ce qui forme au total une somme de 622 livres. Le comité des pensions, informé que Louis Gillet préfère ce traitement annuel à la somme de 5,000 livres qu’on avait demandé d’y substituer, vous propose de décréter que le Trésor public continuera de lui payer annuellement la somme de 622 livres; il pense cependant que cette pension pourrait être portée à 700 livres par an. ( Assentiment .) Je dois également vous entretenir du canonnier Lucot; je n’ai qu’à vous lire la lettre que le ministre lui a écrite et ensuite je vous dirai ce que le comité a pensé devoir faire à son égard. Voici la lettre du ministre : <« J’ai lu avec beaucoup d’intérêt, brave Lucot, les détails de l’action dans laquelle vous avez signalé votre courage au combat de la frégate « V Amazone contre la frégate anglaise la Marguerite. » « J’ai particulièrement remarqué qu’ayant reçu un grand nombre de blessures aux bras, à votre poste de canonnier, et le commandant du bâtiment vous pressant à plusieurs reprises de vous retirer, un boulet de canon vous emporta le bras droit; que le commandant vous réitérant l’ordre d’aller vous faire panser, vous répondîtes que tant qu’il vous resterait un bras, vous l’emploieriez pour le service de votre patrie. Aussitôt vous vous plaçâtes près de votre pièce en affût. Une balle vous fracassa la mâchoire inférieure et ce fut la dix-septième blessure que vous reçûtes dans cette journée. « Sur le compte que j’en ai rendu au roi, Sa Majesté voulant ajouter aux grâces pécuniaires qu’elle vous a accordées, qui sont d’un louis par mois, une marque honorable, vous a fait don d’une médaille d’or. » Le comité, Messieurs, a vu ce brave homme; il est encore jeune et n’a plus qu’un bras : cependant tout son désir serait, dit-il, de se sacrifier au service de la patrie. ( Applaudissements .) Le comité des pensions vous propose d’ac corder à ce bon citoyen la même pension que vous accordez aux officiers de fortune, c’est-à-dire 600 livres. ( Assentiment .) Quand on reçoit dix-sept blessures dans un combat, que l’on ne se retire qu’après avoir perdu le bras et la mâchoire, je crois qu'il est impossible de r-fuser une pension. (Applaudissements.) Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, prenant en considération les belles actions de Louis Gillet, maréchal des logis, et de Simon Lucot, canonnier, et attendu que Louis Gillet a déclaré ne plus vouloir demeurer à l’hôtel des Invalides, décrète qu’il sera payé par le Trésor public, et la manière ci-devant réglée pour le payement des pensions, à Louis Gillet, la somme de 700 livres de pension annuelle, à compter du jour qu’il quit ; tera l’hôtel des Invalides; au moyen de laquelle pension de 700 livres, le traitement de maréchal des logis qui lui aurait appartenu, lors de sa retraite de l’hôtel, sur la caisse des Invalides, n’aura pas lieu ; et qu’il sera pareillement payé à Simon Lucot la somme de 600 livres de pension annuelle, à compter du premier janvier 1790; déduction faite de ce qu’il a pu recevoir sur la pension dont il jouissait. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Camus, au nom du comité de liquidation. Messieurs, je suis chargé de vous présenter un projet de décret interprétatif de celui que vous avez rendu le 27 décembre dernier concernant le remboursement des offices de la ci-devant compagnie des gardes de la porte. Voici ce projet de décret : « L’Assemblée nationale, interprétant en tant que de besoin son décret du 27 décembre 1790, décrète que les officiers de la ci-devant compagnie des gardes de la porte, supprimée par ordonnance de 1787, seront remboursés comme les autres offices de la maison du roi et de la reine, supprimés par édit de 1788 et 1789, en prenant pour base de la liquidation la somme totale portée au compte du mois de mai 1789, et en remboursant seulement, quant à présent, les 3 cinquièmes du total, le quatrième cinquième n’étant payable qu’en 1792, et le dernier en 1793. « Décrète, en outre, que pour parvenir audit remboursement, il sera remis au liquidateur du Trésor public, par la ci-devant compagnie des gardes de la porte, un état de répartition, entre les différentes personnes qui la composaient, de la masse totale du remboursement, portée au compte de 1789; et que chacune desdites personnes, en recevant son remboursement, sera tenue de fournir une quittance finale portant renonciation à toute autre prétention pour remboursement ou indemnité, sous quelque prétexte que ce soit. « Décrète que les hôtels ci-devant occupés, à Versailles et à Fontainebleau, par ladite compagnie, sont compris au nombre des domaines nationaux ; et décrète qu’ils seront vendus comme tels, suivant les formes précédemment décrétées pour l’aliénation des domaines nationaux. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) Un membre du comité des finances propose un projet de décret concernant le sieur Perronet , premier ingénieur des ponts et chaussées. §$ [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS RaRLËMËRTAÏRëS. [30 août 1791.] Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que M. Per-ronet, premier ingénieur des ponts et chaussées, auquel l’Assemblée a décrété pour traitement tout ce dont il jouissait à différents titres, touchera pour 1790 la totalité d’une pension de 5,000 livres, et que son traitement actuel sera compté à partir du Ie* janvier 1791. » (Ce décret est adopté.) M. de Wiinpfen. Messieurs, le 21 de ce mois, M. l’abbé Fauchet a été dénoncé à l’Assemblée nationale, après l’avoir été au tribunal de district de Bayeux, pour des imprimés et des discours qü’il avait avancés; mais, le jour même où l’As emblée a prononcé le décret* il y avait déjà à Bayeux des commissaires du département pour concilier le différend. Hier, en rentrant chez moi, j’ai trouvé une lettr e et un arrêté de la municipalité. L’arrêté est fort long, mais il peut se résumer ; il résulte de ce document que la municipalité et un membre du Directoire ayant eu une entrevue avec M. Fauchet, ce dernier est convenu qu’il avait quelques torts; mais il s’est plaint qu’on lui imputait des imprimés qui n’étaient pas de lui. La municipalité désirerait que, puür le rétablissement de la paix dans ce département, l'Assemblée nationale voulût bien su-pendre l’exécution de son décret : j’appuie cette demande. Plusieurs membres : Non ! cela ne se peut pas ! M. liavie. Le résultat de la procédure commencée au tribunal de Bayeux peut seul prouver si, en effet, M. Fauchet est innocent des faits qui lui ont été imputés; et s’il n’est pas coupable, il sera innocemé par le jugement. Je demande donc que l’Assemblée passe à l’ordre du jour. Plusieurs membres : Oui ! oui ! l’ordre du jour 1 (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. d’André, au nom du comité diplomatique. Messieurs, je n’ai d’autre rapport à faire à l’Assemblée que de lui lire les diverses pièces qui nous ont été remises par le ministre des affaires étrangères. Voici d’abord la lettre du ministre : « Paris, le 24 août 1791. « En conséquence du décret de l’Assamblée nationale, Messieurs, j’ai prescrit au sieur Bâcher, chargé de nos affaires en Suisse, de se rendre auprès du prince-évêque de Bâle. Ce chargé d’affaires n'a pas différé à se transporter à Porentruy, et il vient de me rendre compte de sa mission et de m’adresser la réponse dü prince-évêque. Je joins ici copie de ces pièces ; je vous prie, Messieurs, de vouloir bien les mettre sous les yeux de l’Assemblée nation Hé. « Signé : DÊ MONTMORIN. « Voici la lettre de M. le princè-évêquè de Pâle à M. de Montmorin. « A Porentruy, le 12 août 1791. « Monsieur, « J’ai reçu la lettre qüè Votre Excellence m’a fait l’honnéür dé m’écrire, le 4 de ce mois courant, et M. Bâcher, qui me l’a remise, m’eu a expliqué plus particulièrement le motif et le but. « Je ne saurais trop exprimer à Votre Excellence l’étonnement et la douleur que m’a causés le doute qui a été manifesté sur mes véritables dispositions à l’égard de la France, et je me félicite de me trouver en mesure de les détruire. « Je Vous prie instamment, Monsieur, d’assurer l’Assemblée nationale que mon attachement pour la nation française comme pour le roi est invsb riable, que les liens qui Subsistent entre la France et ma principauté me sont infiniment précieux, que je rngar e comme sacrées les obligations qu’ils m’impusent, et que je m’empresserai. dans toutes les occasions, de prouver ma fidélité à lès remplir. Tels sent. Messieurs, mes véritables sentiments. Ils sont invariables, et je prie Votre Excellence d’en être l’interprète, tant auprès de l’Assemblée nationale qu’auprès de Sa Majesté. « Mon ministre à Paris ne m’â pas laissé ignorer les différentes motions qui ont été faites, nommément celle d’occuper, dès à présent, les gorges des montagnes qui sont dans ma principauté. Si Vous Voulez bien? Monsieur, vous donner la peine de relire le traité sur lequel on a appuyé celte étrange motion, vo is VOUS convaincrez quelle porte entièrement à faux. Les obligations qui me sont imposées supposent que la France a des ennemis ou dés adversaires à combattre. Or, il n’en existe pas dans ma principauté, et je ne Vois aücüne disposition â portée de moi qui en indique. S’il eu est d’intemiotl, cette intention simplement présumée né suffit pas pour établir le casus fcèdéris. Dès que ce cas existera, le moment ne remplir mes engagements existera pareillement, ét, je le répète, je serai fidèle à les remplir. « Gcs réflexions, Monsieur, auraient été plus décentes de la part de M. l’évêque de Lydda, que le rôle de délateur dont il a cru devoir se charger. J’avoue que les inculpations qü’il s’est permises m’ont d’autant plus affecté* que je devais lui supposer d’autres sentiments pour moi, que ceux qu’il a manifestés. Il a dû son existence à mes prédécesseurs et il a joui pendant 7 à 8 années des mes bienfaits et de ma confiance ; mais il me paraît que M. l'évêque de Lydda a cru devoir briser des lieos qui* sans doute, le gênaient depuis longtemps, c’est vraisemblablement par le même motif qu’il a tâché de rendre suspecte la cour de Vienne, dont il a de tous les temps été le protégé. « Je vous demandé pardon, Monsieur, de cet épisode ; je l’aurais épargné à Votre Excellence, si je n’avais jugé devoir faire connaître l’homme qui s’est constitué mon accusateur, qui me calomnie, et qui, oubliant le caractère dont il est revêtu, n’a pas rougi de surprendre la religion de l’Assemblée nationale. « J’ai l’honneur d’être, etc... « Signé : Le prince-évêque de Bâlé.» Voici maintenant la relation de la mission de M. Bâcher près le prince-évêque de Bâle. « Pour se conformer à la dépêche du ministre du 4 août 179 î, le chargé des affaires de France un Suisse s’est rendu à Porentruy le 11 de ce mois. Le prince-évêque de Bâle lui envoya aus-Lôt M. de BiliieUx, conseiller aulique, pour lui faire compliment sur son arrivée, et lui offrir un équipage et un lôgement âu château, où il fut reçu, aü bas de l’escalier, par M. le baron de Roggen-