SÉANCE DU Ie1' PRAIRIAL AN II (20 MAI 1794) - Nos 45 ET 46 489 Le navire anglais l’Actif, chargé de 120 tonneaux de froment pris par idem. Un navire anglais de 200 tonneaux, chargé de draps et d’habillements faits, pris par la corvette La Fraternité. Cette corvette a fait 7 prises anglaises et espagnoles. Elle en a coulé 2; une de ces prises, qui n’est pas encore annoncée, est chargée de 21.000 cuirs, laines et autres marchandises. Elle a aussi trouvé à son bord 908 piastres et 3 marcs d’or que le capitaine à déposés à la trésorerie de Lorient. [Prises entrées à Brefs] Un bâtiment anglais chargé de charbon de terre et de faïence, pris par la corvette La Musette (1). La séance a été levée à 2 heures et demie (2). Signé, CARNOT, président; PAGANEL, DOR-NIER, N. HAUSSMANN, POCHOLLE, ISORE, BERNARD (de Saintes), secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 45 [La cne J. Corbie, au présid. de la Conv.; 22 flor. II] (3). « Citoyen président, Je t’envoie un ouvrage concernant l’éducation publique; il est fait par le citoyen Corbie, demeurant rue Poultier n° 4 section de la fraternité, et aux Motteaux près Réunion-sur - Ouanne, ci-devant Château-Renard, où il réside présentement. Je te prie, Citoyen président, de vouloir bien m’en accuser la réception, étant très intéressant pour moi de savoir cet ouvrage entre tes mains. S. et F.» Renvoyé au Comité d’instruction publique (4) . 46 [Recueil des actions héroïques et civiques des Républicains français , n° IV] (5) . I. [18 pluv. II] : Jean Gai, soldat dans le 4e bataillon du département du Gard, en faction près d’une redoute, dans la fameuse affaire de Puygoriot, aux Pyrénées-Orientales, reçoit un coup de canon qui lui emporte le bras. Au lieu de se retirer du combat, Gai contemple (1) Mon., XX, 519; Bin, 1er prair. (2) P.V., XXXVIII, 11. (3) F17 1318, doss. 7, p. 3067. (4) Mention marginale datée du 1er prair. et signée Rudel. (5) Débats, nos 608, p. 8, 609, p. 27, 610, p. 39. le feu que font les pièces dont il étoit le gardien, et à mesure qu’il leur voit abattre des soldats espagnols : Bon, s’écrie-t-il, bon, je ne sens plus mon mal. Il ne cesse pendant toute l’action d’encourager ses frères d’armes qui le pressoient en vain d’aller recevoir les secours nécessaires à son état. Le général, témoin de sa bravoure, le fait conduire à l’hôpital où l’on panse sa blessure; mais une nouvelle action s’étant engagée le lendemain, Gai s’échappe de l’hôpital, vole à son bataillon, et se jette dans la mêlée où il se distingue par de nouveaux prodiges de valeur. Les efforts qu’il fait dans l’action ayant dérangé l’appareil mis sur ses blessures, le sang coule et l’entrépide Gai est enlevé de nouveau du champ de bataille par ses frères d’armes qui le forcent de rester à l’hôpital.. II. [3 vent. II] : Chéret, né à Paris, canonnier depuis 11 ans au 2e régiment, eut la mâchoire inférieure emportée par un boulet, tandis qu’il étoit occupé à pointer un canon à l’attaque du 13 septembre dernier, sur la digue de l’île du fort Vauban. Avant d’être guéri de cette blessure, il sollicite la permission de retourner au combat : « Ai-je donc besoin, dit-il, de mâchoire pour combattre nos ennemis, j’ai mes deux bras, j’ai la vue bonne, c’est autant qu’il en faut pour pointer une pièce de canon et abattre plus d’une mâchoire ennemie ». La société de Lure, département de la Haute-Saône, a adopté Chéret, lui a fait faire une mâchoire artificielle et pourvoit à ses besoins. III. [4 frim. II] :Un représentant du peuple, en présentant à la Convention national le recueil des actes de valeur et d’héroïsme qu’a produit le siège de Granville, s’exprime ainsi : «Vous verrez, citoyens représentants, un magistrat tomber la main sur son écharpe, au pied des canons où il portoit la mèche...; des canonniers tirer à boulets rouges sur leurs propres maisons pour y étouffer les brigands; des femmes crier tranquillement au milieu des flammes : qu’on tue l’ennemi, le feu s’éteindra après; des enfants, ramasser et se disputer entre eux des boulets encore chauds qu’ils réservent pour leurs jeux; des vieillards rajeunis, remercier le ciel d’avoir prolongé leur vie jusqu’au moment où ils vont vaincre ou mourir pour la liberté; des soldats emportés mourans, dire à leurs camarades : il y a des places vacantes là-bas, allez-y; d’autres désirer de se priver d’étancher leur soif dans les paniers qui contenoient l’eau précieuse destiné à éteindre l’incendie; ceux-ci lancer gaiment la mort sur les rebelles, en répondant par des saillies à leurs cris royalistes; ceux-là faits prisonniers, expirer en souriant à la liberté, dont le nom leur coûte la vie, et tous enfin combattre avec le même courage, terrasser ou glacer d’effroi les féroces ennemis de la patrie et de l’humanité. » IV. [11 septembre 1972 (s.u.)] : Des commissaires de la Section du Luxembourg et de celle du Panthéon-Français, se transportent chez un contre-révolutionnaire, agent de la cour. Ils saisissent dans sa chambre une somme considérable des papiers intéressans. Voulant continuer leurs recherches dans le reste de la maison, ils laissent l’homme suspect à la garde d’un caporal de l’âge de 17 à 18 ans. SÉANCE DU Ie1' PRAIRIAL AN II (20 MAI 1794) - Nos 45 ET 46 489 Le navire anglais l’Actif, chargé de 120 tonneaux de froment pris par idem. Un navire anglais de 200 tonneaux, chargé de draps et d’habillements faits, pris par la corvette La Fraternité. Cette corvette a fait 7 prises anglaises et espagnoles. Elle en a coulé 2; une de ces prises, qui n’est pas encore annoncée, est chargée de 21.000 cuirs, laines et autres marchandises. Elle a aussi trouvé à son bord 908 piastres et 3 marcs d’or que le capitaine à déposés à la trésorerie de Lorient. [Prises entrées à Brefs] Un bâtiment anglais chargé de charbon de terre et de faïence, pris par la corvette La Musette (1). La séance a été levée à 2 heures et demie (2). Signé, CARNOT, président; PAGANEL, DOR-NIER, N. HAUSSMANN, POCHOLLE, ISORE, BERNARD (de Saintes), secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 45 [La cne J. Corbie, au présid. de la Conv.; 22 flor. II] (3). « Citoyen président, Je t’envoie un ouvrage concernant l’éducation publique; il est fait par le citoyen Corbie, demeurant rue Poultier n° 4 section de la fraternité, et aux Motteaux près Réunion-sur - Ouanne, ci-devant Château-Renard, où il réside présentement. Je te prie, Citoyen président, de vouloir bien m’en accuser la réception, étant très intéressant pour moi de savoir cet ouvrage entre tes mains. S. et F.» Renvoyé au Comité d’instruction publique (4) . 46 [Recueil des actions héroïques et civiques des Républicains français , n° IV] (5) . I. [18 pluv. II] : Jean Gai, soldat dans le 4e bataillon du département du Gard, en faction près d’une redoute, dans la fameuse affaire de Puygoriot, aux Pyrénées-Orientales, reçoit un coup de canon qui lui emporte le bras. Au lieu de se retirer du combat, Gai contemple (1) Mon., XX, 519; Bin, 1er prair. (2) P.V., XXXVIII, 11. (3) F17 1318, doss. 7, p. 3067. (4) Mention marginale datée du 1er prair. et signée Rudel. (5) Débats, nos 608, p. 8, 609, p. 27, 610, p. 39. le feu que font les pièces dont il étoit le gardien, et à mesure qu’il leur voit abattre des soldats espagnols : Bon, s’écrie-t-il, bon, je ne sens plus mon mal. Il ne cesse pendant toute l’action d’encourager ses frères d’armes qui le pressoient en vain d’aller recevoir les secours nécessaires à son état. Le général, témoin de sa bravoure, le fait conduire à l’hôpital où l’on panse sa blessure; mais une nouvelle action s’étant engagée le lendemain, Gai s’échappe de l’hôpital, vole à son bataillon, et se jette dans la mêlée où il se distingue par de nouveaux prodiges de valeur. Les efforts qu’il fait dans l’action ayant dérangé l’appareil mis sur ses blessures, le sang coule et l’entrépide Gai est enlevé de nouveau du champ de bataille par ses frères d’armes qui le forcent de rester à l’hôpital.. II. [3 vent. II] : Chéret, né à Paris, canonnier depuis 11 ans au 2e régiment, eut la mâchoire inférieure emportée par un boulet, tandis qu’il étoit occupé à pointer un canon à l’attaque du 13 septembre dernier, sur la digue de l’île du fort Vauban. Avant d’être guéri de cette blessure, il sollicite la permission de retourner au combat : « Ai-je donc besoin, dit-il, de mâchoire pour combattre nos ennemis, j’ai mes deux bras, j’ai la vue bonne, c’est autant qu’il en faut pour pointer une pièce de canon et abattre plus d’une mâchoire ennemie ». La société de Lure, département de la Haute-Saône, a adopté Chéret, lui a fait faire une mâchoire artificielle et pourvoit à ses besoins. III. [4 frim. II] :Un représentant du peuple, en présentant à la Convention national le recueil des actes de valeur et d’héroïsme qu’a produit le siège de Granville, s’exprime ainsi : «Vous verrez, citoyens représentants, un magistrat tomber la main sur son écharpe, au pied des canons où il portoit la mèche...; des canonniers tirer à boulets rouges sur leurs propres maisons pour y étouffer les brigands; des femmes crier tranquillement au milieu des flammes : qu’on tue l’ennemi, le feu s’éteindra après; des enfants, ramasser et se disputer entre eux des boulets encore chauds qu’ils réservent pour leurs jeux; des vieillards rajeunis, remercier le ciel d’avoir prolongé leur vie jusqu’au moment où ils vont vaincre ou mourir pour la liberté; des soldats emportés mourans, dire à leurs camarades : il y a des places vacantes là-bas, allez-y; d’autres désirer de se priver d’étancher leur soif dans les paniers qui contenoient l’eau précieuse destiné à éteindre l’incendie; ceux-ci lancer gaiment la mort sur les rebelles, en répondant par des saillies à leurs cris royalistes; ceux-là faits prisonniers, expirer en souriant à la liberté, dont le nom leur coûte la vie, et tous enfin combattre avec le même courage, terrasser ou glacer d’effroi les féroces ennemis de la patrie et de l’humanité. » IV. [11 septembre 1972 (s.u.)] : Des commissaires de la Section du Luxembourg et de celle du Panthéon-Français, se transportent chez un contre-révolutionnaire, agent de la cour. Ils saisissent dans sa chambre une somme considérable des papiers intéressans. Voulant continuer leurs recherches dans le reste de la maison, ils laissent l’homme suspect à la garde d’un caporal de l’âge de 17 à 18 ans. 490 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Lorsqu’ils furent seuls, l’agent de la cour présente au jeune homme un papier qu’il venoit de tirer de sa poche et lui dit : « Si vous permettez que je substitue le papier que voici à l’un de ceux qui sont sur cette table, j’ai encore une somme considérable en or qui n’est pas connue des commissaires, je vous la remets à l’instant ». Le jeune caporal, qui sent sa fierté blessée d’une telle proposition, présente sa baïonnette au contre-révolutionnaire, en lui défendant de faire le plus léger mouvement pour s’approcher de la table. «Il ne nous faut, à nous autres sans-culottes, que du pain et du fer pour faire la guerre aux aristocrates, et la République nous fournit l’un et l’autre ». Le billet étoit intéressant, car il dévoilait les complots de Monsieur. Le jeune caporal est un garçon menuisier, nommé Ducharre, qui est parti le lendemain pour les frontières. V. [25 niv. Il] : Deux bâtiments anglais paraissent à Dune-Libre. Jancen, enseigne, est envoyé pour les reconnoitre avec un bateau, 20 hommes et 4 pierriers; en s’approchant de l’un des bâtimens, il voit que c’est un vaisseau à trois mâts, armé de 8 canons de six, de 6 pierriers, et monté d’un fort équipage. Sans consulter le danger, il veut monter à l’abordage, il tombe à la mer; un de ses compagnons l’en retire : il recommence sa manœuvre et s’empare du vaisseau. Sans perdre de temps, il court sur le second bâtiment, l’atteint, monte à l’abordage, s’en rend maître avec une égale promptitude, et amène ses deux prises dans le port, aux acclamations d’un peuple inmense témoin de ses dangers et de son courage. VI. [13 mess. I] ; Le président de la Convention nationale écrit au citoyen Rouvert, lieutenant dans le régiment ci-devant Bourgogne, cavalerie : « Citoyen, les représentans du peuple près l’armée du Nord ont vu qu’à la glorieuse affaire d’Arlon, 400 cavaliers républicains (et vous étiez du nombre) ont chargé trois fois un bataillon quarré composé de plus de 1500 de nos ennemis, et qu’ils l’ont taillé en pièces. Ils ont vu que dans cette affaire vous avez reçu 26 blessures sur la tête et sur les bras : la patrie les a comptées. La Convention nationale a contemplé avec attendrissement un républicain ayant toutes les veines coupées et conservant toujours une âme forte, un courage inaltérable et le sentiment de la liberté dans toute sa vigueur; elle m’a chargé, comme président, de vous témoigner la satisfaction que cette magnanimité lui a fait éprouver; je m’en acquitte avec joie. Apprenez-lui bientôt, brave citoyen, que vos blessures sont guéries et que les forces du corps secondent l’énergie de votre âme républicaine. » VII. [ Brum . An II] : De jeunes enfans, écrit un représentant du peuple, ont prêté entre mes mains, le ton simple et naïf de la touchante vérité, le serment d’imiter leurs pères et de servir la patrie. Tous m’ont témoigné leur joie de se voir formés en bataillon et comptés pour quelque chose désormais dans la classe des gardes nationales, défenseurs de la république. Un de ces braves enfans est venu me prier de le faire pour Rennes. « Tu seras ici, lui ai-je dit, » dans le même bataillon que tes camarades; » tu porteras les armes avec nous ». Oui, a-t-il répondu; mais l’ennemi marche à Rennes, et c’est à Rennes que je brûle d’aller. O génération future, que ne promets-tu pas à la patrie ! VIII. [er avril 1793 (u.s.)] : Vers les 11 heures du soir, 4 hommes tombent suiloqués par la vapeur méphitique d'une fosse d'aisance : il est trop tard pour obtenir de prompts secours. Les asphixiés aiioient périr, sans Louise Vas-sen, âgée de 17 ans. Elle demande à descendre dans la fosse; elle y descend jusqu’à 7 fois. Elle parvient d'abord à sauver deux de ces hommes; mais, en attachant le 3e à la corde qu’on lui avoit tendue, elle-même se sent défaillir. Elle conserve cependant assez de présence d’esprit et de force pour nouer ses cheveux à la corde. Qu’on juge de la surprise et de la douleur de ceux qui tiroient la corde, lorsqu’ils voient à côté d’un moribond la jeune fille expirante, attachée par les cheveux. A peine Louise Vas-sen a-t-elle repris l’usage de ses sens, qu’elle exige, avec l’accent de l’humanité, qu’on la redescende pour voler au secours de l’infortuné resté dans la fosse, mais il étoit mort. IX. [12 germ. I] : Le capitaine Mordeille était parti de Marseille sur le vaisseau la République française, le 17 pluviôse de l’an I. A cette époque, la guerre n’étant pas encore déclarée entre la France et l’Espagne, il laissoit passer librement les vaisseaux espagnols, lorsqu’il fut attaqué par l’un d’eux, tellement supérieur en force que malgré la résistance la plus courageuse, il fut amené à Alicante et enfermé avec ses compagnons d’armes dans le château de cette ville. Là Mordeille conçoit le projet de recouvrer la liberté. Ceux des siens qui la regrettent le plus s’associent à son entreprise. Sans autres instrumens que quelques couteaux, ils parviennent à détacher les barreaux de fer d’une fênetre par laquelle ils sortent, au nombre de 20, à la faveur de la nuit. Arrivés sur le quai, ils s’embarquent dans un canot et rament vers un bâtiment de la rade, gardé par 9 hommes. Au mouvement qu’il font en l’abordant, 5 Espagnols se jettent à la mer et gagnent la terre à la nage, les 4 autres sont prisonniers. Les français, bravant de nouveaux dangers, mettent à la voile et regagnent heureusement les côtes de France. X. [15 août 1793 (u.s.)] : Planon et Hilaire, frères, commandoient à l’Echarpe un détachement de 40 hommes : 200 Espagnols viennent la nuit bivouaquer près d’eux et les attaquent à la pointe du jour. Planon et Hilaire s’avancent avec 10 hommes, soutiennent leur feu et les chassent. Les Espagnols, honteux, reviennent avec de plus grandes forces. Les Français avoient gagné une hauteur d’où ils chargent l’ennemi : et après avoir reçu un petit renfort, ils le poursuivent jusque sur son territoire. Planon, resté au poste avec 2 hommes, voit venir 2 ennemis, les laisse passer, ensuite, courant seul après eux, leur crie qui vive et leur demande s’ils veulent se rendre. A leur refus, fondre sur l’un d’eux, qui étoit un officier, lui aracher son épée, le prendre au collet, présenter le pistolet à l’autre et les mener tous deux ainsi à l’Echarpe, ne furent que l’affaire d’un seul instant. 490 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Lorsqu’ils furent seuls, l’agent de la cour présente au jeune homme un papier qu’il venoit de tirer de sa poche et lui dit : « Si vous permettez que je substitue le papier que voici à l’un de ceux qui sont sur cette table, j’ai encore une somme considérable en or qui n’est pas connue des commissaires, je vous la remets à l’instant ». Le jeune caporal, qui sent sa fierté blessée d’une telle proposition, présente sa baïonnette au contre-révolutionnaire, en lui défendant de faire le plus léger mouvement pour s’approcher de la table. «Il ne nous faut, à nous autres sans-culottes, que du pain et du fer pour faire la guerre aux aristocrates, et la République nous fournit l’un et l’autre ». Le billet étoit intéressant, car il dévoilait les complots de Monsieur. Le jeune caporal est un garçon menuisier, nommé Ducharre, qui est parti le lendemain pour les frontières. V. [25 niv. Il] : Deux bâtiments anglais paraissent à Dune-Libre. Jancen, enseigne, est envoyé pour les reconnoitre avec un bateau, 20 hommes et 4 pierriers; en s’approchant de l’un des bâtimens, il voit que c’est un vaisseau à trois mâts, armé de 8 canons de six, de 6 pierriers, et monté d’un fort équipage. Sans consulter le danger, il veut monter à l’abordage, il tombe à la mer; un de ses compagnons l’en retire : il recommence sa manœuvre et s’empare du vaisseau. Sans perdre de temps, il court sur le second bâtiment, l’atteint, monte à l’abordage, s’en rend maître avec une égale promptitude, et amène ses deux prises dans le port, aux acclamations d’un peuple inmense témoin de ses dangers et de son courage. VI. [13 mess. I] ; Le président de la Convention nationale écrit au citoyen Rouvert, lieutenant dans le régiment ci-devant Bourgogne, cavalerie : « Citoyen, les représentans du peuple près l’armée du Nord ont vu qu’à la glorieuse affaire d’Arlon, 400 cavaliers républicains (et vous étiez du nombre) ont chargé trois fois un bataillon quarré composé de plus de 1500 de nos ennemis, et qu’ils l’ont taillé en pièces. Ils ont vu que dans cette affaire vous avez reçu 26 blessures sur la tête et sur les bras : la patrie les a comptées. La Convention nationale a contemplé avec attendrissement un républicain ayant toutes les veines coupées et conservant toujours une âme forte, un courage inaltérable et le sentiment de la liberté dans toute sa vigueur; elle m’a chargé, comme président, de vous témoigner la satisfaction que cette magnanimité lui a fait éprouver; je m’en acquitte avec joie. Apprenez-lui bientôt, brave citoyen, que vos blessures sont guéries et que les forces du corps secondent l’énergie de votre âme républicaine. » VII. [ Brum . An II] : De jeunes enfans, écrit un représentant du peuple, ont prêté entre mes mains, le ton simple et naïf de la touchante vérité, le serment d’imiter leurs pères et de servir la patrie. Tous m’ont témoigné leur joie de se voir formés en bataillon et comptés pour quelque chose désormais dans la classe des gardes nationales, défenseurs de la république. Un de ces braves enfans est venu me prier de le faire pour Rennes. « Tu seras ici, lui ai-je dit, » dans le même bataillon que tes camarades; » tu porteras les armes avec nous ». Oui, a-t-il répondu; mais l’ennemi marche à Rennes, et c’est à Rennes que je brûle d’aller. O génération future, que ne promets-tu pas à la patrie ! VIII. [er avril 1793 (u.s.)] : Vers les 11 heures du soir, 4 hommes tombent suiloqués par la vapeur méphitique d'une fosse d'aisance : il est trop tard pour obtenir de prompts secours. Les asphixiés aiioient périr, sans Louise Vas-sen, âgée de 17 ans. Elle demande à descendre dans la fosse; elle y descend jusqu’à 7 fois. Elle parvient d'abord à sauver deux de ces hommes; mais, en attachant le 3e à la corde qu’on lui avoit tendue, elle-même se sent défaillir. Elle conserve cependant assez de présence d’esprit et de force pour nouer ses cheveux à la corde. Qu’on juge de la surprise et de la douleur de ceux qui tiroient la corde, lorsqu’ils voient à côté d’un moribond la jeune fille expirante, attachée par les cheveux. A peine Louise Vas-sen a-t-elle repris l’usage de ses sens, qu’elle exige, avec l’accent de l’humanité, qu’on la redescende pour voler au secours de l’infortuné resté dans la fosse, mais il étoit mort. IX. [12 germ. I] : Le capitaine Mordeille était parti de Marseille sur le vaisseau la République française, le 17 pluviôse de l’an I. A cette époque, la guerre n’étant pas encore déclarée entre la France et l’Espagne, il laissoit passer librement les vaisseaux espagnols, lorsqu’il fut attaqué par l’un d’eux, tellement supérieur en force que malgré la résistance la plus courageuse, il fut amené à Alicante et enfermé avec ses compagnons d’armes dans le château de cette ville. Là Mordeille conçoit le projet de recouvrer la liberté. Ceux des siens qui la regrettent le plus s’associent à son entreprise. Sans autres instrumens que quelques couteaux, ils parviennent à détacher les barreaux de fer d’une fênetre par laquelle ils sortent, au nombre de 20, à la faveur de la nuit. Arrivés sur le quai, ils s’embarquent dans un canot et rament vers un bâtiment de la rade, gardé par 9 hommes. Au mouvement qu’il font en l’abordant, 5 Espagnols se jettent à la mer et gagnent la terre à la nage, les 4 autres sont prisonniers. Les français, bravant de nouveaux dangers, mettent à la voile et regagnent heureusement les côtes de France. X. [15 août 1793 (u.s.)] : Planon et Hilaire, frères, commandoient à l’Echarpe un détachement de 40 hommes : 200 Espagnols viennent la nuit bivouaquer près d’eux et les attaquent à la pointe du jour. Planon et Hilaire s’avancent avec 10 hommes, soutiennent leur feu et les chassent. Les Espagnols, honteux, reviennent avec de plus grandes forces. Les Français avoient gagné une hauteur d’où ils chargent l’ennemi : et après avoir reçu un petit renfort, ils le poursuivent jusque sur son territoire. Planon, resté au poste avec 2 hommes, voit venir 2 ennemis, les laisse passer, ensuite, courant seul après eux, leur crie qui vive et leur demande s’ils veulent se rendre. A leur refus, fondre sur l’un d’eux, qui étoit un officier, lui aracher son épée, le prendre au collet, présenter le pistolet à l’autre et les mener tous deux ainsi à l’Echarpe, ne furent que l’affaire d’un seul instant. 491 SÉANCE DU 1er PRAIRIAL AN II (20 MAI 1794) - N° 46 XI. [8 brum. II] : Bourré, sergent au 25e régiment d’infanterie, pendant l’amputation d’un de ses membres, ne fit entendre d’autre cri que celui de : vive la République ! XII. [Même époque] : Pascal, au moment où le canon ennemi venoit de lui emporter un bras, s’étoit encore placé dans les rangs et sur l’étonnement que lui en témoignoit un de ses camarades, il lui répondit : Notre capitaine ne vient-il pas de dire, à vos rangs ! Eh bien, j’y suis, et il me reste encore un bras pour servir ma patrie ! XIII. [24 du 1er mois de la 2° année ] : Le brave Georges, du 26e régiment, qui a le bras emporté par un boulet, crie : Vive la République ! il m’en reste encore un pour venger la patrie ! XIV. [même époque] : Un jeune homme de 15 ans, défiguré par un biscaïen, dit à son camarade qui veut l’aider à se conduire : Je peux marcher seul, reste avec nos frères et combat nos ennemis. XV. [1er mars 1793 (v.s.)] : Frix Cabanes, grenadier au 3e bataillon du Gers, atteint d’une balle à la cuisse, au camp de Sarre, brûle 20 cartouches et soutient le choc de la cavalerie ennemie qu’il contribue à repousser. Rendu à l’hôpital, il arrache la balle avec son tire-bouchon, et ne guérit qu’après avoir perdu un os. Le 23 juillet, il reçoit près d’Andaye un coup de balle sur le derrière de la tête, brûle 200 cartouches, et tue successivement 6 Catalans à l’arme blanche. Le 13 août, un boulet de canon tombe à ses genoux, au moment qu’il fait feu au premier rang, et le couvre de terre, tandis qu’un autre boulet lui emporte la moitié de la giberne; au même instant une balle empoisonnée traversant son chapeau lui crève l’œil droit. Transporté à l’hôpital, il tombe dans un état d’asphyxie qui le fait regarder comme mort. On se dispose à l’enterrer lorsque soudain il s’écrie : Malheureux, vous voudriez m’enterrer vivant, j’ai encore du sang à verser pour ma patrie. Guéri de la gangrène survenue à sa blessure, on l’a contraint de recevoir son congé absolu; mais il brûle de vaincre et se dispose à retourner au milieu des combats. XVI. [15 pluv. II] : Mongia, par une contenance non moins valeureuse qu’intelligente, soutient lui cinquième, pendant près de 2 heures, les assauts d’un nombreux détachement ennemi, il le suit dans ses mouvements et parvient à le forcer à la retraite. Cette conduite savante et vigoureuse donne le temps à une compagnie de chasseurs, engagée trop avant, de se retirer avec honneur, et de sauver plusieurs villages de l’incursion des ennemis. Mongia a été fait officier sur le champ de bataille. XVII. [15 brum. II] : Geneviève Laruelle, de la commune de Verten, voyant partir ses compagnes pour le marché de Montagne, et fâchée de n’avoir aucune denrée à y porter, s’avise d’un nouveau genre d’approvisionnement dont la révolution seule pouvoit faire naître l’idée à une républicaine. Elle prend 5 boulets de canon que son père conservoit depuis de longues années comme monument de son courage, les charge sur ses épauies, et malgré leur poids, les porte gai-ment au marché éloigné de trois lieues, en chantant l’hymne des Marseillais. Introduite à la séance de l'administration, elle dit : J'ai apporté ces boulets pour etrennes à ces méchans Anglais, et pour la gloire de notre République. XVIII. [4 vent. II] : Pendant notre séjour à Sainte -Ménehouid, disent les représentans du peuple, visitant les maiades et les blessés pour la cause de la liberté, Louis-Pierre Dubois, jeune volontaire, âgé de 23 ans, chasseur de la compagnie libre de Lorient, à qui nous demandons quelle est sa blessure, nous répond : J’ai perdu un bras dans l’affaire du 20 mai; mais j’en ai encore un au service de la patrie. XIX. [18 vend. II] : On voit paroitre à la barre un jeune chasseur du Cantal, âgé de 19 ans, couvert d’honorables blessures. Dans la guerre contre les brigands de la Vendée, ce républicain a montré un courage peu ordinaire : après avoir reçu 17 blessures, il est poursuivi par 8 cavaliers des rebelles qui le somment de crier : Vive le roi ! Il s’expose à une mort certaine, plutôt que d’être infidèle à son serment, et il ne répond que par des cris de Vive la République ! Les cavaliers l’atteignent et lui portent 2 coups de sabre qui le renversent; le croyant mort, les ennemis l’abandonnent. Un moment après, quelques-uns de nos soldats l’ayant reconnu sur le champ de bataille, baigné dans son sang, le portèrent à l’hôpital le plus voisin. A peine a-t-il été guéri, qu’il a retourné reprendre son poste. XX. [1er brum. II] : Le nommé Jolibois, vétéran à l’armée française, apprend que son fils a déserté le 1er bataillon de Paris : il arrive de grand matin le jour où s’est donnée la bataille de Jemmappes; il prend la place de son fils, et, à chaque coup de fusil qu’il tire sur l’ennemi, il s’écrie : O mon dieu ! faut-il que le souvenir douloureux de l’infame conduite de mon fils empoisonne des momens aussi glorieux ! XXI. [8 germ. II] : Nous n’avons perdu, écrit un représentant du peuple près l’armée du Nord, qu’un dragon du 13e régiment, et nous n’avons eu de blessé qu’un maréchal des logis du 6e régiment des hussards; un gendarme, qui a eu le bras emporté et qui, au moment où il reçut le coup, dit à ses camarades : J’ai un bras de moins mes amis, mais ce n’est rien : vive la République !, et un maréchal des logis du 9e régiment des hussards, qui a reçu 12 coups de sabre. Ce dernier s’est conduit avec la plus grande valeur : ses frères d’armes qui étoient à côté de lui disent lui avoir vu tuer 3 hussards. J’étois à cette affaire, qui a eu lieu près les communes d’Aniche, Auperchicourt et Aimer chicourt; j’ai parcouru tous les rangs, j’ai été au milieu de nos tirailleurs : il n’est point d’expressions assez énergiques pour vous dépeindre le courage de nos défenseurs. XXII. Si l’infâme guerre de la Vendée, en ouvrant la carrière à la licence la plus éffrénée, en mettant en jeu les passions les plus scélérates, a présenté le spectacle affreux de tous les vices et de tous les crimes, elle a dû en même temps, en plaçant continuellement les Républicains en 491 SÉANCE DU 1er PRAIRIAL AN II (20 MAI 1794) - N° 46 XI. [8 brum. II] : Bourré, sergent au 25e régiment d’infanterie, pendant l’amputation d’un de ses membres, ne fit entendre d’autre cri que celui de : vive la République ! XII. [Même époque] : Pascal, au moment où le canon ennemi venoit de lui emporter un bras, s’étoit encore placé dans les rangs et sur l’étonnement que lui en témoignoit un de ses camarades, il lui répondit : Notre capitaine ne vient-il pas de dire, à vos rangs ! Eh bien, j’y suis, et il me reste encore un bras pour servir ma patrie ! XIII. [24 du 1er mois de la 2° année ] : Le brave Georges, du 26e régiment, qui a le bras emporté par un boulet, crie : Vive la République ! il m’en reste encore un pour venger la patrie ! XIV. [même époque] : Un jeune homme de 15 ans, défiguré par un biscaïen, dit à son camarade qui veut l’aider à se conduire : Je peux marcher seul, reste avec nos frères et combat nos ennemis. XV. [1er mars 1793 (v.s.)] : Frix Cabanes, grenadier au 3e bataillon du Gers, atteint d’une balle à la cuisse, au camp de Sarre, brûle 20 cartouches et soutient le choc de la cavalerie ennemie qu’il contribue à repousser. Rendu à l’hôpital, il arrache la balle avec son tire-bouchon, et ne guérit qu’après avoir perdu un os. Le 23 juillet, il reçoit près d’Andaye un coup de balle sur le derrière de la tête, brûle 200 cartouches, et tue successivement 6 Catalans à l’arme blanche. Le 13 août, un boulet de canon tombe à ses genoux, au moment qu’il fait feu au premier rang, et le couvre de terre, tandis qu’un autre boulet lui emporte la moitié de la giberne; au même instant une balle empoisonnée traversant son chapeau lui crève l’œil droit. Transporté à l’hôpital, il tombe dans un état d’asphyxie qui le fait regarder comme mort. On se dispose à l’enterrer lorsque soudain il s’écrie : Malheureux, vous voudriez m’enterrer vivant, j’ai encore du sang à verser pour ma patrie. Guéri de la gangrène survenue à sa blessure, on l’a contraint de recevoir son congé absolu; mais il brûle de vaincre et se dispose à retourner au milieu des combats. XVI. [15 pluv. II] : Mongia, par une contenance non moins valeureuse qu’intelligente, soutient lui cinquième, pendant près de 2 heures, les assauts d’un nombreux détachement ennemi, il le suit dans ses mouvements et parvient à le forcer à la retraite. Cette conduite savante et vigoureuse donne le temps à une compagnie de chasseurs, engagée trop avant, de se retirer avec honneur, et de sauver plusieurs villages de l’incursion des ennemis. Mongia a été fait officier sur le champ de bataille. XVII. [15 brum. II] : Geneviève Laruelle, de la commune de Verten, voyant partir ses compagnes pour le marché de Montagne, et fâchée de n’avoir aucune denrée à y porter, s’avise d’un nouveau genre d’approvisionnement dont la révolution seule pouvoit faire naître l’idée à une républicaine. Elle prend 5 boulets de canon que son père conservoit depuis de longues années comme monument de son courage, les charge sur ses épauies, et malgré leur poids, les porte gai-ment au marché éloigné de trois lieues, en chantant l’hymne des Marseillais. Introduite à la séance de l'administration, elle dit : J'ai apporté ces boulets pour etrennes à ces méchans Anglais, et pour la gloire de notre République. XVIII. [4 vent. II] : Pendant notre séjour à Sainte -Ménehouid, disent les représentans du peuple, visitant les maiades et les blessés pour la cause de la liberté, Louis-Pierre Dubois, jeune volontaire, âgé de 23 ans, chasseur de la compagnie libre de Lorient, à qui nous demandons quelle est sa blessure, nous répond : J’ai perdu un bras dans l’affaire du 20 mai; mais j’en ai encore un au service de la patrie. XIX. [18 vend. II] : On voit paroitre à la barre un jeune chasseur du Cantal, âgé de 19 ans, couvert d’honorables blessures. Dans la guerre contre les brigands de la Vendée, ce républicain a montré un courage peu ordinaire : après avoir reçu 17 blessures, il est poursuivi par 8 cavaliers des rebelles qui le somment de crier : Vive le roi ! Il s’expose à une mort certaine, plutôt que d’être infidèle à son serment, et il ne répond que par des cris de Vive la République ! Les cavaliers l’atteignent et lui portent 2 coups de sabre qui le renversent; le croyant mort, les ennemis l’abandonnent. Un moment après, quelques-uns de nos soldats l’ayant reconnu sur le champ de bataille, baigné dans son sang, le portèrent à l’hôpital le plus voisin. A peine a-t-il été guéri, qu’il a retourné reprendre son poste. XX. [1er brum. II] : Le nommé Jolibois, vétéran à l’armée française, apprend que son fils a déserté le 1er bataillon de Paris : il arrive de grand matin le jour où s’est donnée la bataille de Jemmappes; il prend la place de son fils, et, à chaque coup de fusil qu’il tire sur l’ennemi, il s’écrie : O mon dieu ! faut-il que le souvenir douloureux de l’infame conduite de mon fils empoisonne des momens aussi glorieux ! XXI. [8 germ. II] : Nous n’avons perdu, écrit un représentant du peuple près l’armée du Nord, qu’un dragon du 13e régiment, et nous n’avons eu de blessé qu’un maréchal des logis du 6e régiment des hussards; un gendarme, qui a eu le bras emporté et qui, au moment où il reçut le coup, dit à ses camarades : J’ai un bras de moins mes amis, mais ce n’est rien : vive la République !, et un maréchal des logis du 9e régiment des hussards, qui a reçu 12 coups de sabre. Ce dernier s’est conduit avec la plus grande valeur : ses frères d’armes qui étoient à côté de lui disent lui avoir vu tuer 3 hussards. J’étois à cette affaire, qui a eu lieu près les communes d’Aniche, Auperchicourt et Aimer chicourt; j’ai parcouru tous les rangs, j’ai été au milieu de nos tirailleurs : il n’est point d’expressions assez énergiques pour vous dépeindre le courage de nos défenseurs. XXII. Si l’infâme guerre de la Vendée, en ouvrant la carrière à la licence la plus éffrénée, en mettant en jeu les passions les plus scélérates, a présenté le spectacle affreux de tous les vices et de tous les crimes, elle a dû en même temps, en plaçant continuellement les Républicains en 492 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE opposition directe avec des fanatiques et des émigrés, les mettre à même de déployer une énergie plus sublime, et de consoler l’humanité par le tableau de toutes les vertus. [26 vent. II] : Daguero, secrétaire de l’administration du district de Rochefort, tombe entre les mains des brigands, il refuse avec fermeté de souiller ses lèvres du cri infâme qui leur sert de ralliement : les mauvais traitements qu’on lui fait essuyer semblent redoubler son courage. Il fait retentir les airs du cri de Vive la République ! La rage s’empare des brigands, ils présentent la cocarde blanche à Daguéro : La cocarde blanche ou la mort... « Je prends la mort, dit l’homme du peuple, et je foule aux pieds ces emblèmes de l’esclavage ». Il tombe percé de mille coups. [9 niv. II] : A la nouvelle que les brigands mar choient contre Laval, Ménage, procureur de la commune d’Ernée, âgé de plus de 60 ans, se dispose à aller les combattre. En vain on lui représente son âge et ses infirmités : On est jeune, on se porte bien, quand c’est la patrie qui nous appelle. Il arrive au champ d’honneur, l’action s’engage, et nos républicains font des prodiges de valeur; mais il faut céder au nombre. Le bataillon d’Ernée est mis en déroute; ferme à son poste, Ménage brûle toutes ses cartouches et ne pense à sa sûreté personnelle que lorsqu’il manque de munitions, et qu’il ne peut plus rien pour la défense de la cause commune. Atteint dans sa retraite par les brigands qui le poursuivent. Ils veulent le forcer de crier Vive le roi ! Depuis que je suis un homme, répond Ménage, j’ai les rois en horreur. Vive la République ! On le mène en prison, où il est retenu 3 jours pendant lesquels on le sollicite pour lui faire proclamer ce qu’il abhorre. Ne pouvant y réussir, on le conduit sur une place, où des bourreaux attendoient leur victime. H voit sans émotion l’appareil de son supplice, et une cohorte de vils scélérats prête à exécuter des ordres barbares. Cependant on lui offre encore la vie. Ménage crie de toutes ses forces Vive la Révublique une et indivisible ! A l’instant il est fusillé. XXIII. La citoyenne Peigné, pendant 17 ans de suite, a prodigué ses soins à une mère attaquée d’une maladie rebutante et s’est livrée toute entière aux soins pénibles de garde-malade. Cet exemple de piété filiale, sublime par la constance avec laquelle il a été donné, reçoit un nouveau lustre par le sacrifice que cette vertueuse fille fait à sa mère d’un établissement avantageux qui l’eût détourné des soins que sa tendresse s’étoit imposée. XXIV. [3 pluv. II] : Charles-Gabriel Legris, âgé de 25 ans, natif de Hahn, soldat au 105e régiment d’infanterie, reçoit, en montant aux redoutes de Keffendorff, près d’Haguenau, un boulet qui lui casse la jambe. Après avoir souffert avec un courage héroïque l’amputation, il demande sa jambe. O ma patrie, s’écrie-t-il, reçois la en sacrifice. XXV. [3 niv. II] : Apprenez à toute l’Europe, disent les représentans du peuple, commissaires lors de la prise de l’infâme Toulon, qu’une infinité de braves défenseurs de la République, criblés de coups, s’écrioient : « Nous sommes blessés, mais nous avons encore du sang à répandre pour la patrie, représentans, ah ! qu’il est doux de mourir pour elle ». Nous arrivons à l’hôpital, quelques-uns de ceux à qui il manque un bras nous présentent celui qui leur reste, en nous disant : « Que les ennemis de la patrie, tremblent, celui-là nous reste pour les anéantir ». XXVI. [6 germ. II] : Jacques Desprès, de Fon-tenai-le-Peuple, et caporal dans l’un des bataillons de la Vendée, a les deux jambes cassées en voulant arracher l’arbre destiné à être planté par la Société populaire de Melle. Il demande, lors des premiers pansemens, s’il peut espérer sa guérison, et sur la réponse affirmative du chirurgien : Mes premiers pas, dit-il aussitôt, seront donc pour aller embrasser l’arbre qu’on va planter, quoiqu’il m’ait cassé les deux jambes. XXVII. [6 vent. II] : Poujot, maréchal des logis dans l’armée du Nord, ayant reçu un coup de carabine qui lui traverse le corps, s’écrie : Courage, camarades, je me sens blessé, mais la victoire est à nous. Malgré sa blessure, dont il meurt 24 heures après, il a le courage de charger de nouveau l’ennemi et fait mordre la poussière à des Autrichiens. XXVIII. [25 vent. II] : Les représentans du peuple à Lille citent le trait de courage du citoyen Heinzelin. Tandis que sa maison, attenant à l’église Saint-Etienne, étoit écrasée par les bombes et les boulets, il ne se livre qu’au soin de sauver, au péril de sa vie, le bonnet de la liberté placé sur le clocher presqu’embrasé, et le rapporte à la maison commune. XXIX [4 pluv. II] : Les soldats du 9e régiment d’infanterie, ci-devant Normandie, en garnison à Belle-Isle-en-Mer, apprennent que leur lre compagnie de grenadiers à l’armée du Rhin manque d’habillemens; ils se hâtent de se dépouiller des leurs pour les vêtir. Puisque nous ne pouvons partager les dangers de nos grenadiers, partageons du moins nos vêtemens avec eux. Aussitôt soldats, officiers, se dépouillent à l’envi. Des habits, des vestes, des culottes partent le même jour de cette ville. Le conseil d’administration n’a pas cru devoir se refuser à ce mouvement sublime. XXX. [16 mess. I] : Dans une colonne d’attaque qui formoit l’avant-garde de l’armée des Pyrénées Orientales, les Français donnent les marques de l’audace la plus valeureuse. Jamais le feu le plus vif de la part de l’ennemi ne peut faire cesser le refrain ça ira. Un grenadier d’An-goumois, ayant eu le bras emporté dans l’action, répond à l’adjudant général qui s’approche pour lui témoigner sa sensibilité : ne me plains pas, j’en avois deux. Un chasseur qui tombe blessé dans la même affaire, dit à l’un de ses frères d’armes qui veut le plaindre : tu te moques, apparemment, est-ce que cela fait du mal ? XXXI [7 flor. II] : Pierre Albine, âgé de 22 ans, attaqué par 3 Autrichiens, tue le premier d’un coup de fusil, écarte le second avec sa baïonnette, et frappé d’un coup mortel par le troisième, il expire en prononçant le doux nom de patrie. XXXII. [24 vent. II] : Les armées de la République attaquent les Autrichiens, les débusquent 492 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE opposition directe avec des fanatiques et des émigrés, les mettre à même de déployer une énergie plus sublime, et de consoler l’humanité par le tableau de toutes les vertus. [26 vent. II] : Daguero, secrétaire de l’administration du district de Rochefort, tombe entre les mains des brigands, il refuse avec fermeté de souiller ses lèvres du cri infâme qui leur sert de ralliement : les mauvais traitements qu’on lui fait essuyer semblent redoubler son courage. Il fait retentir les airs du cri de Vive la République ! La rage s’empare des brigands, ils présentent la cocarde blanche à Daguéro : La cocarde blanche ou la mort... « Je prends la mort, dit l’homme du peuple, et je foule aux pieds ces emblèmes de l’esclavage ». Il tombe percé de mille coups. [9 niv. II] : A la nouvelle que les brigands mar choient contre Laval, Ménage, procureur de la commune d’Ernée, âgé de plus de 60 ans, se dispose à aller les combattre. En vain on lui représente son âge et ses infirmités : On est jeune, on se porte bien, quand c’est la patrie qui nous appelle. Il arrive au champ d’honneur, l’action s’engage, et nos républicains font des prodiges de valeur; mais il faut céder au nombre. Le bataillon d’Ernée est mis en déroute; ferme à son poste, Ménage brûle toutes ses cartouches et ne pense à sa sûreté personnelle que lorsqu’il manque de munitions, et qu’il ne peut plus rien pour la défense de la cause commune. Atteint dans sa retraite par les brigands qui le poursuivent. Ils veulent le forcer de crier Vive le roi ! Depuis que je suis un homme, répond Ménage, j’ai les rois en horreur. Vive la République ! On le mène en prison, où il est retenu 3 jours pendant lesquels on le sollicite pour lui faire proclamer ce qu’il abhorre. Ne pouvant y réussir, on le conduit sur une place, où des bourreaux attendoient leur victime. H voit sans émotion l’appareil de son supplice, et une cohorte de vils scélérats prête à exécuter des ordres barbares. Cependant on lui offre encore la vie. Ménage crie de toutes ses forces Vive la Révublique une et indivisible ! A l’instant il est fusillé. XXIII. La citoyenne Peigné, pendant 17 ans de suite, a prodigué ses soins à une mère attaquée d’une maladie rebutante et s’est livrée toute entière aux soins pénibles de garde-malade. Cet exemple de piété filiale, sublime par la constance avec laquelle il a été donné, reçoit un nouveau lustre par le sacrifice que cette vertueuse fille fait à sa mère d’un établissement avantageux qui l’eût détourné des soins que sa tendresse s’étoit imposée. XXIV. [3 pluv. II] : Charles-Gabriel Legris, âgé de 25 ans, natif de Hahn, soldat au 105e régiment d’infanterie, reçoit, en montant aux redoutes de Keffendorff, près d’Haguenau, un boulet qui lui casse la jambe. Après avoir souffert avec un courage héroïque l’amputation, il demande sa jambe. O ma patrie, s’écrie-t-il, reçois la en sacrifice. XXV. [3 niv. II] : Apprenez à toute l’Europe, disent les représentans du peuple, commissaires lors de la prise de l’infâme Toulon, qu’une infinité de braves défenseurs de la République, criblés de coups, s’écrioient : « Nous sommes blessés, mais nous avons encore du sang à répandre pour la patrie, représentans, ah ! qu’il est doux de mourir pour elle ». Nous arrivons à l’hôpital, quelques-uns de ceux à qui il manque un bras nous présentent celui qui leur reste, en nous disant : « Que les ennemis de la patrie, tremblent, celui-là nous reste pour les anéantir ». XXVI. [6 germ. II] : Jacques Desprès, de Fon-tenai-le-Peuple, et caporal dans l’un des bataillons de la Vendée, a les deux jambes cassées en voulant arracher l’arbre destiné à être planté par la Société populaire de Melle. Il demande, lors des premiers pansemens, s’il peut espérer sa guérison, et sur la réponse affirmative du chirurgien : Mes premiers pas, dit-il aussitôt, seront donc pour aller embrasser l’arbre qu’on va planter, quoiqu’il m’ait cassé les deux jambes. XXVII. [6 vent. II] : Poujot, maréchal des logis dans l’armée du Nord, ayant reçu un coup de carabine qui lui traverse le corps, s’écrie : Courage, camarades, je me sens blessé, mais la victoire est à nous. Malgré sa blessure, dont il meurt 24 heures après, il a le courage de charger de nouveau l’ennemi et fait mordre la poussière à des Autrichiens. XXVIII. [25 vent. II] : Les représentans du peuple à Lille citent le trait de courage du citoyen Heinzelin. Tandis que sa maison, attenant à l’église Saint-Etienne, étoit écrasée par les bombes et les boulets, il ne se livre qu’au soin de sauver, au péril de sa vie, le bonnet de la liberté placé sur le clocher presqu’embrasé, et le rapporte à la maison commune. XXIX [4 pluv. II] : Les soldats du 9e régiment d’infanterie, ci-devant Normandie, en garnison à Belle-Isle-en-Mer, apprennent que leur lre compagnie de grenadiers à l’armée du Rhin manque d’habillemens; ils se hâtent de se dépouiller des leurs pour les vêtir. Puisque nous ne pouvons partager les dangers de nos grenadiers, partageons du moins nos vêtemens avec eux. Aussitôt soldats, officiers, se dépouillent à l’envi. Des habits, des vestes, des culottes partent le même jour de cette ville. Le conseil d’administration n’a pas cru devoir se refuser à ce mouvement sublime. XXX. [16 mess. I] : Dans une colonne d’attaque qui formoit l’avant-garde de l’armée des Pyrénées Orientales, les Français donnent les marques de l’audace la plus valeureuse. Jamais le feu le plus vif de la part de l’ennemi ne peut faire cesser le refrain ça ira. Un grenadier d’An-goumois, ayant eu le bras emporté dans l’action, répond à l’adjudant général qui s’approche pour lui témoigner sa sensibilité : ne me plains pas, j’en avois deux. Un chasseur qui tombe blessé dans la même affaire, dit à l’un de ses frères d’armes qui veut le plaindre : tu te moques, apparemment, est-ce que cela fait du mal ? XXXI [7 flor. II] : Pierre Albine, âgé de 22 ans, attaqué par 3 Autrichiens, tue le premier d’un coup de fusil, écarte le second avec sa baïonnette, et frappé d’un coup mortel par le troisième, il expire en prononçant le doux nom de patrie. XXXII. [24 vent. II] : Les armées de la République attaquent les Autrichiens, les débusquent SÉANCE DU ll!1‘ PRAIRIAL AN II (20 MAI 1794) - Nos 47 ET 48 493 d’un poste, et les forcent à repasser la Sambre, non sans leur avoir tué beaucoup de monde; mais le manque de munitions contraint les Français à la retraite. Alors les Autrichiens reprennent fièrement leur position. Ils faisoient leur entrée triomphante dans Monceaux, en l’honneur d’un succès si nouveau pour eux : un habitant de la campagne se trouve sur leur chemin, il s’en alloit chantant le refrain chéri, marchons, marchons, qu’un sang impur n’abreuve nos sillons. Les vainqueurs voulant terminer honorablement cette journée, tombent en masse sur le chanteur patriote; ils le renversent par terre et le trament au pied de l’arbre de la liberté, où ils l’attachent. Pour célébrer ce nouvel avantage sur les Français, à l’exemple des Hottentots, les soldats de Cobourg dansent autour de la victime et vomissent mille imprécations contre la liberté. Les officiers qui avoient eu part à l’action se mettent de la fête et se distinguent par leurs blasphèmes et par leurs cris de vive notre grand empereur ! Le laboureur, garotté au milieu de ses vainqueurs, continuoit ses couplets, et se reposoit en criant vive la nation ! Les officiers se fâchent sérieusement, ils lui donnent des coups de plat-de -sabre, pour l’engager à chanter un autre cantique. « Soit, dit le joyeux républicain, mais sans vous mettre en colère»; et il commence alors l’air de la dame veto. Une grêle de coups retombent sur lui, il perdoit haleine, il demande grâce, on la lui accorde, pourvu qu’il crie Vive le roi. Le voilà délié, vive la République, s’écrie-t-il. Il eut le temps de répéter ce cri plusieurs fois avant que les Autrichiens, stupéfaits de son inconcevable sang-froid, eussent l’air de l’entendre. Cependant, on tient conseil, on décide que ce laboureur sera assommé et mourra sous les coups. Les officiers exécutoient déjà eux-mêmes cette sentence, et ils y mettoient tant d’attention, qu’ils se laissèrent surprendre par un parti de Français qui culbuta leur troupe, tua les uns, fit les autres prisonniers, et délivra le brave républicain, qui cria plus fort que jamais, malgré ses meurtrissures : vive la République ! XXXIII. [2 frim. II] : Une femme âgée, si pauvre, qu’elle n’avoit pas le moyen de retirer des mains du facteur une lettre qui lui est adressée par son fils, volontaire au 1er bataillon des Hautes-Pyrénées, déploroit sa misère. Bayle, procureur syndic du district de Tarbes, que le hasard instruit de sa peine, s’empresse de payer le prix de la lettre. L’intéressant papier est dans les mains de la bonne mère, qui se trouve dans un autre embarras : elle ne sait pas lire. Bayle vient encore à son aide : le ton simple et mâle avec lequel le jeune républicain décrit les combats, dans lesquels il s’est signalé, l’amour de la liberté qui respire dans chaque ligne, la tendresse filiale qui y est dépeinte comme elle étoit sentie, transportent d’admiration le généreux Bayle. Trop heureuse mère, s’écrie-t-il, en pressant ses mains dans les siennes, soyez aussi ma mère, venez chez moi, nous parlerons souvent ensemble de votre autre enfant, nous lui écrirons et vous attendrez là son retour, dans le sein d’une heureuse médiocrité. Cette tendre mère accepte l’asyle qui lui est offert, elle s’y rend avec Bayle en répétant : Mon Dieu, mon Dieu, que c’est donc une bonne chose que la République ! 47 La Convention a renvoyé au Comité des secours la pétition de la citoyenne Leclerc, laquelle demande un secours et la pension accordée aux Défenseurs morts pour la patrie, son mari ayant été tué d’une chute en travaillant au salpêtre. Cette mère reste veuve avec 3 enfants. C’est le citoyen Léger (1) , acteur et auteur du Théâtre de Vaudevilles qui a lu cette pétition (2) . 48 [Le distr. de Crépy, à la Conv .; 1er prair. II] (3). « Citoyens représentants, Edme Caron, cultivateur de la commune de Béthisy-la-Butte, canton de Verberie, district de Crépy, département d’Oise, vous expose que veuf depuis 3 mois, chargé de 4 enfants, dont un en nourrice, il fait valloir environ 60 arpents de terre, dont une grande partie est en chanvres. Il ne possède que deux chevaux, dont un est de réforme et dans le plus mauvais état, que le second a été mis en réquisition. Ce cheval âgé de 12 ans n’a point la taille requise par la loy. C’est donc arbitrairement qu’il a été choisi; il a même été refusé dans la première réquisition. Il se trouve réduit et dans la nécessité, non seulement d’abandonner la culture de ses terres, mais encore d’abandonner la semence de ses chanvres qui fait la majeure partie de sa culture, ne pouvant la faire avec un mauvais cheval, ce qui occasionnera sa ruine totale et préjudiciera à la fortune publique par ce deffaut d’ensemencement. Le patriotisme du citoyen Caron est connu et c’est en conséquence qu’il s’est déterminé à voler à la deffense de sa patrie; en commettant un chartier pour la culture de ses terres; c’est un vrai sacrifice qu’il a fait puisqu’il pouvoit rester pour les cultiver lui-même, mais on ne peut se dissimuler qu’il faut qu’il abandonne cette culture s’il est privé de ce cheval. Ce cheval doit être rendu aujourd’hui au dépôt de Versailles. Caron persiste à soutenir que son cheval a été requis contre l’esprit de la loy, de laquelle on ne peut s’écarter, puisqu’il n’a pas la taille requise. Vous pouvés, citoyens représentants ordonner que ce cheval sera de nouveau toisé. Mais quand ce cheval seroit de la taille requise, Caron n’en réclameroit pas moins contre la réquisition parce que vous ne souffrirés pas qu’un citoyen soit ruiné et sa famille. Comment Caron pourra-t-il payer du loyer très cher si il ne peut ensemencer ses chanvreries et faire la récolte de ses autres terres, il espère donc que vous aurés égard à sa malheureuse position. Cy-inclus le certificat de la municipalité de sa commune qui s’est opposée à cet acte arbitraire, mais qui a été forcée de céder à l’injustice du commissaire aux réquisitions ». L’ordre du jour (4). (1) De la section des Tuileries. (2) J. Paris, n° 506; M.XJ., XL, 27; J. Matin, n° 599; Rép., n° 152; J. Sablier, n° 1331. (3) C 306, pl. 1153, p. 13. (4) Mention marginale datée du 1er prair. et signée Paganel. 33 SÉANCE DU ll!1‘ PRAIRIAL AN II (20 MAI 1794) - Nos 47 ET 48 493 d’un poste, et les forcent à repasser la Sambre, non sans leur avoir tué beaucoup de monde; mais le manque de munitions contraint les Français à la retraite. Alors les Autrichiens reprennent fièrement leur position. Ils faisoient leur entrée triomphante dans Monceaux, en l’honneur d’un succès si nouveau pour eux : un habitant de la campagne se trouve sur leur chemin, il s’en alloit chantant le refrain chéri, marchons, marchons, qu’un sang impur n’abreuve nos sillons. Les vainqueurs voulant terminer honorablement cette journée, tombent en masse sur le chanteur patriote; ils le renversent par terre et le trament au pied de l’arbre de la liberté, où ils l’attachent. Pour célébrer ce nouvel avantage sur les Français, à l’exemple des Hottentots, les soldats de Cobourg dansent autour de la victime et vomissent mille imprécations contre la liberté. Les officiers qui avoient eu part à l’action se mettent de la fête et se distinguent par leurs blasphèmes et par leurs cris de vive notre grand empereur ! Le laboureur, garotté au milieu de ses vainqueurs, continuoit ses couplets, et se reposoit en criant vive la nation ! Les officiers se fâchent sérieusement, ils lui donnent des coups de plat-de -sabre, pour l’engager à chanter un autre cantique. « Soit, dit le joyeux républicain, mais sans vous mettre en colère»; et il commence alors l’air de la dame veto. Une grêle de coups retombent sur lui, il perdoit haleine, il demande grâce, on la lui accorde, pourvu qu’il crie Vive le roi. Le voilà délié, vive la République, s’écrie-t-il. Il eut le temps de répéter ce cri plusieurs fois avant que les Autrichiens, stupéfaits de son inconcevable sang-froid, eussent l’air de l’entendre. Cependant, on tient conseil, on décide que ce laboureur sera assommé et mourra sous les coups. Les officiers exécutoient déjà eux-mêmes cette sentence, et ils y mettoient tant d’attention, qu’ils se laissèrent surprendre par un parti de Français qui culbuta leur troupe, tua les uns, fit les autres prisonniers, et délivra le brave républicain, qui cria plus fort que jamais, malgré ses meurtrissures : vive la République ! XXXIII. [2 frim. II] : Une femme âgée, si pauvre, qu’elle n’avoit pas le moyen de retirer des mains du facteur une lettre qui lui est adressée par son fils, volontaire au 1er bataillon des Hautes-Pyrénées, déploroit sa misère. Bayle, procureur syndic du district de Tarbes, que le hasard instruit de sa peine, s’empresse de payer le prix de la lettre. L’intéressant papier est dans les mains de la bonne mère, qui se trouve dans un autre embarras : elle ne sait pas lire. Bayle vient encore à son aide : le ton simple et mâle avec lequel le jeune républicain décrit les combats, dans lesquels il s’est signalé, l’amour de la liberté qui respire dans chaque ligne, la tendresse filiale qui y est dépeinte comme elle étoit sentie, transportent d’admiration le généreux Bayle. Trop heureuse mère, s’écrie-t-il, en pressant ses mains dans les siennes, soyez aussi ma mère, venez chez moi, nous parlerons souvent ensemble de votre autre enfant, nous lui écrirons et vous attendrez là son retour, dans le sein d’une heureuse médiocrité. Cette tendre mère accepte l’asyle qui lui est offert, elle s’y rend avec Bayle en répétant : Mon Dieu, mon Dieu, que c’est donc une bonne chose que la République ! 47 La Convention a renvoyé au Comité des secours la pétition de la citoyenne Leclerc, laquelle demande un secours et la pension accordée aux Défenseurs morts pour la patrie, son mari ayant été tué d’une chute en travaillant au salpêtre. Cette mère reste veuve avec 3 enfants. C’est le citoyen Léger (1) , acteur et auteur du Théâtre de Vaudevilles qui a lu cette pétition (2) . 48 [Le distr. de Crépy, à la Conv .; 1er prair. II] (3). « Citoyens représentants, Edme Caron, cultivateur de la commune de Béthisy-la-Butte, canton de Verberie, district de Crépy, département d’Oise, vous expose que veuf depuis 3 mois, chargé de 4 enfants, dont un en nourrice, il fait valloir environ 60 arpents de terre, dont une grande partie est en chanvres. Il ne possède que deux chevaux, dont un est de réforme et dans le plus mauvais état, que le second a été mis en réquisition. Ce cheval âgé de 12 ans n’a point la taille requise par la loy. C’est donc arbitrairement qu’il a été choisi; il a même été refusé dans la première réquisition. Il se trouve réduit et dans la nécessité, non seulement d’abandonner la culture de ses terres, mais encore d’abandonner la semence de ses chanvres qui fait la majeure partie de sa culture, ne pouvant la faire avec un mauvais cheval, ce qui occasionnera sa ruine totale et préjudiciera à la fortune publique par ce deffaut d’ensemencement. Le patriotisme du citoyen Caron est connu et c’est en conséquence qu’il s’est déterminé à voler à la deffense de sa patrie; en commettant un chartier pour la culture de ses terres; c’est un vrai sacrifice qu’il a fait puisqu’il pouvoit rester pour les cultiver lui-même, mais on ne peut se dissimuler qu’il faut qu’il abandonne cette culture s’il est privé de ce cheval. Ce cheval doit être rendu aujourd’hui au dépôt de Versailles. Caron persiste à soutenir que son cheval a été requis contre l’esprit de la loy, de laquelle on ne peut s’écarter, puisqu’il n’a pas la taille requise. Vous pouvés, citoyens représentants ordonner que ce cheval sera de nouveau toisé. Mais quand ce cheval seroit de la taille requise, Caron n’en réclameroit pas moins contre la réquisition parce que vous ne souffrirés pas qu’un citoyen soit ruiné et sa famille. Comment Caron pourra-t-il payer du loyer très cher si il ne peut ensemencer ses chanvreries et faire la récolte de ses autres terres, il espère donc que vous aurés égard à sa malheureuse position. Cy-inclus le certificat de la municipalité de sa commune qui s’est opposée à cet acte arbitraire, mais qui a été forcée de céder à l’injustice du commissaire aux réquisitions ». L’ordre du jour (4). (1) De la section des Tuileries. (2) J. Paris, n° 506; M.XJ., XL, 27; J. Matin, n° 599; Rép., n° 152; J. Sablier, n° 1331. (3) C 306, pl. 1153, p. 13. (4) Mention marginale datée du 1er prair. et signée Paganel. 33