670 [Convention nationale.] de Carlin, de son sang-froid et surtout excités par la confiance que le soldat lui témoignait, se déterminèrent à lui confier provisoire¬ ment le commandement en ehef de l’armée, en attendant que le conseil exécutif ou le comité de Salut public enverrait un général. La malheu¬ reuse journée du 13 est arrivée. Les lignes de la Loutre ont été rompues. Wissembourg et Lauterbourg ont été pris. Les malveillants de l’armée composée principalement des créatures d % (Justine, de Beauharnais et de Landremont ont attribué cet échec à Carlin et, même à mes col¬ lègues Ruamps, Borie, Niou. Une foule de dé¬ nonciations est tombée sur eux. Saint-Just et Le Bas se sont entourés de leurs ennemis. Le premier résultat est l’arrestation du pauvre Car¬ lin et sa conduite à l’abbaye. Il monte en voi¬ ture dans ce moment. Il a pour lui sa propre conduite, il n’a accepté le généralat en chef que malgré lui. Des circonstances impérieuses l’ont forcé, ainsi que mes collègues à se mettre provisoirement à la tête de l’armée. Il a fait humainement tout ce qu’il était possible pour sauver l’armée de la déroute, il s’est porté partout où sa présence l’exigeait, si l’armée a fait une bonne retraite, si elle occupe encore une belle position, c’est à lui qu’on doit attri¬ buer principalement cet état de choses, et le voilà constitué prisonnier à l’abbaye dans un moment où l’armée du Rhin est dans la plus grande pénurie de généraux proche de l’en¬ nemi et se bat chaque jour. Nous vous faisons part, mes chers collègues, de cette circons¬ tance, veuillez bien interposer vos bons offices pour remédier à ces désordres, veuillez bien aussi voir Carlin à l’abbaye, Colombel le con¬ naît, qu’il l’entende et vous serez convaincus de la mauvaise opération. « Nous nous rendons tout à l’heure à Nancy, à Metz, pour tâcher d’obtenir le plus d’hommes qu’il sera possible et conserver la position et les gorges de Saverne. Nous resterons quelques jours à Metz. Faites-nous le plaisir de nous répondre. « Salut et fraternité. « Mallarmé; J. -B. Lacoste. « L’on nous a dit, chers collègues, qu’il avait été fait à Sarrebourg de grandes dénoncia¬ tions contre nos autres collègues. A ce sujet il est bon de vous prévenir que les traîtres Custine, Houchard et Landremont étaient de ce district, qu’ils y ont leurs créatures en très grand nombre qui affectent le patriotisme le plus ardent et que ce sont ces êtres dange¬ reux qui ont ourdi cette nouvelle trame pour jeter une grande défaveur sur les Monta¬ gnards, les perdre, s’il est possible, et par eux la chose publique. Rien n’est donc plus urgent que d’arrêter dans sa source cet horrible com¬ plot. » J. Les représentants à l'armée du Rhin au comité de Salut public (1). « Strasbourg, 13 brumaire an IL « Le Bas et Saint-Just donnent des détails sur la position de notre armée et celle de l’en-(1) Archives nationales, carton AFn 247 (Ana¬ lyse). Aulard j Recueil des actes et de la correspon¬ dance du comité de Salut public, t. 8, p. 216. 19 brumaire an II 9 novembre 1793 nemi. Ils exposent que les 100,000 hommes dont ils parlent sont répartis depuis Huningue jusqu’à Landau; qu’il y a de fortes garnisons dans Landau et Fort-Vauban, que d’ailleurs l’ennemi a fait des prisonniers dans la déroute infâme qu’il semble pardonner. Ils ont déjà fait juger trois ou quatre chefs de brigade, dont l’un doit être fusillé aujourd’hui� Ils ont pris toutes les précautions possibles afin d’empêcher qu’on ne s’introduise dans la ville. L’arrêté en consé¬ quence est ci-joint (1); enfin toutes les mesures concernant la sûreté intérieure et extérieure de la place dont cinq arrêtés relatifs sont ci-joints. On assure qu’il y a 50,000 hommes devant eux. Ils invitent le comité à former promptement un rassemblement à Bouquenom et à le faire mar¬ cher sur Bitche et Wissembourg, à envoyer les 12 bataillons qu’il leur a promis à Saverne, les 2,000 hommes de cavalerie à Strasbourg; tandis qu’il (sic) prendra à dos l’ennemi vers Bitche, on le prendra en flanc à Saverne et en tête à Strasbourg. Et alors, ils auront retrouvé les 100,000 hommes qui sont nuis maintenant par la bassesse de ceux qui ont si mal régi les affaires. » K. Les représentants à l'armée du Rhin au comité de Salut public (2). « Strasbourg, 5e jour du 2e mois de l’an II (26 octobre 1793, reçu le 30 octobre). « Citoyens nos collègues, « Nous avons adressé un courrier à nos col¬ lègues près l’armée de la Moselle pour être ins¬ truits de la position de cette armée dont les mouvements doivent être combinés désormais avec celle du Rhin. Nous leur avons demandé 6 bataillons pour les porter sur les gorges à Sa¬ verne, poste important qui décidera du sort de la campagne vers le Rhin. Si nous le conservons et que l’armée de la Moselle puisse avancer, l’en¬ nemi fuira bientôt. Si nous perdions ce poste, l’ennemi serait maître cet hiver d’établir ses quartiers dans le Haut-Rhin. « Hâtez les renforts que nous vous avons demandés. Vous avez délivré 8,000 prisonniers à la Vendée, vous avez vaincu partout, toute votre énergie doit se porter maintenant sur le Rhin. « L’ennemi dirige sur Saverne ses efforts. Il y a perdu 3 hommes il y a quelques jours. Hier, on s’est battu toute la journée au bois de Reichs-tett; nous avons chassé l’ennemi de ce bois avec perte de son côté. Nous avons perdu quelques hommes à Wantzenau, près de là. « Pichegru n’est pas encore arrivé, nous lui avons dépêché ce matin un courrier. « Nous avons visité l’avant-garde et tous les postes; l’armée est bonne; elle n’a besoin que d’un chef entreprenant; elle n’a qu’un cri contre la bassesse de tous ceux qui la commandaient avant la prise des lignes, à l’exception de deux (1) Cette pièce manque. (2) Archives nationales, carton AFii 249. Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 8, p. 31. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ( [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J�embre m” B7l ou trois officiers généraux. Nous allons l’épurer, nous allons discipliner les chefs; ils en ont plus besoin que le soldat. « Nous attendons les secours que nous vous avons demandés. Comptez sur notre zèle à remplir vos vues. Nous espérons que l’armée du Rhin ne restera point en retard et que] la Répu¬ blique ne verra autour d’elle que des victoires. « Les représentants du peuple près V armée du Rhin, « Saint-Just; Le Bas. « P.-S. Envoyez-nous ce que nous vous avons demandé, et nous serons bientôt à Landau. « Pichegru arrive à l’instant; c’est un homme résolu, nous allons l’installer et frapper. » L. Les représentants à V armée du Rhin au comité de Salut public (1). « Strasbourg, 9e jour du 2e mois de l’an II (30 octobre 1793, reçu le 12 novembre). « Citoyens nos collègues, « Nous avons déjà fait connaître le mauvais esprit qui règne à Strasbourg et nous avons fait part des mesures que nous avons prises pour en arrêter la maudite influence. Nous nous plai¬ gnions tous les jours de la faiblesse avec laquelle elles sont exécutées par les autorités constituées ou révolutionnaires, que nous avons créées ou régénérées. Nous comptions que 10,000 citoyens dangereux, suspects ou inutiles sortiraient dans la huitaine de ses murs, et à peine 1,200 per¬ sonnes ont-elles été congédiées. Nous ne pou¬ vons encore exécuter nous-mêmes ce que nous nous proposons, parce que la force nous manque ; il n’y a que 3 à 4,000 hommes de garnison, et la garde nationale, sur laquelle il est impossible de compter, est de 6,000 hommes, « Cependant, les malveillants conspirent; la proximité de l’armée ennemie les enhardit et favorise leurs complots. Nous venons d’en dé¬ couvrir la trace dans une lettre qu’un officier de l’avant-garde a ramassée tombant de la poche d’un émissaire qui cherchait à éviter nos avant-postes pour l’apporter ici. Vous verrez quelles intelligences nos ennemis entretiennent dans la place, comme ils sont sûrs de la majorité des habitants et par quels moyens ils les ont ga¬ gnés et cherchent à augmenter le nombre de leurs partisans. « Nous avons pris sur-le-champ de nouvelles mesures pour surveiller les habitants et les étrangers qui entrent à la ville. Pour décou¬ vrir les correspondants qui agissent et qui sont chargés de diriger la trahison, nous avons or¬ donné des visites domiciliaires qui doivent avoir lieu cette nuit. C’est surtout sur la place d’ Armes où la lettre était adressée que l’on va faire les (1) Archives nationales AFii 151. Aulard i Recueil des actes el de la correspondance du comilé de Salul public, t. 8, p. 133. perquisitions les plus exactes. Il faut que nous trouvions l’agent, le trésorier et les deux per¬ sonnes nommées dans la lettre. On fera main basse sur tous les prêtres que l’on rencontrera; on arrêtera tout financier connu' pour avoir des relations à l’étranger; on saisira leurs trésors et leurs papiers. Nous vous faisons passer les arrê¬ tés que nous avons pris sur tous ces objets. « Si les premières recherches ne suffisent pas, nous les renouvellerons tous les jours et nous ne donnerons aucune relâche à ces scélérats qui veulent trahir la patrie. C’est à ce moment que nous regrettons de n’avoir pas 10,000 sans-culottes à mettre à la poursuite des traîtres; mais ils sont lâches, ici comme partout ailleurs ; si nous ne les saisissons pas, du moins nous les ferons trembler. 4 « Nous cherchons à découvrir cet intrigant sur lequel on compte pour entraîner la société à de fausses mesures, et par malheur trop de gens portent la figure et tiennent le langage qui lui conviennent. « Le tribunal révolutionnaire est en activité depuis quelques jours; c’est surtout contre les marchands avides qu’il agit; déjà plusieurs ont été condamnés à des amendes et à des peines afflictives pour avoir continué de faire deux prix et refusé de se conformer à la taxe, ou qui ont fermé leur boutique. « Nous sommes instruits que quelques com¬ munes ‘des environs favorisent aussi les projets de l’ennemi; elles font des amas d’armes et de subsistances et recèlent des lâches et des traîtres. Milhaud part demain à la tête de 100 hommes d’infanterie, 50 cavaliers et 2 pièces de campagne pour faire une ronde révolution¬ naire. « L’armée tient les lignes : il y a deux jours, l’ennemi attaqua notre droite qui fut obligée d’abandonner le village de la Wantzenau, mais ce poste fut, comme la grande redoute de Wis-sembourg, vendu à l’ennemi, puisque quatre déserteurs du 8e régiment emportèrent avec eux le mot d’ordre, revinrent à la tête des hussards ennemis et surprirent ainsi tout le poste. Sur le bord du Rhin, notre avant-garde, au con¬ traire, repoussa l’ennemi, le chassa de deux vil¬ lages et d’un bois dont nous sommes tou¬ jours maîtres et dans lequel un grand nombre d’Autrichiens ont perdu la vie. Du côté de Saverne, il y�a souvent de petites affaires dans lesquelles nous avons l’avantage, « On assure qu’il est arrivé dans cette partie des hussards et des carabiniers. Si cela est, nous ne tarderons pas à repousser l’ennemi, d’autant que l’on dit qu’il a été obligé de faire passer des troupes au revers des Vosges, où l’armée de la Moselle a bloqué un corps de Prussiens qui, si cela est vrai, seront sûrement taillés en pièces avant l’arrivée de ce secours. « On nous fait espérer 15 à 20,000 hommes venant de Ville-Affranchie; il serait bien utile qu’ils arrivassent promptement. Avec ce ren¬ fort, en trois jours notre armée pourrait être sous les murs de Landau et, certes, les Autri¬ chiens et les émigrés ne feraient pas cette route sans laisser des semelles et des havres acs en arrière. « Le général en chef Pichegru paraît avoir à cœur de réparer promptement les revers que nous avons éprouvés. Il est actif, surveillant et ferme; il parait que l’année prend confiance en lui; il s’attache à maintenir la discipline et