[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. du jugement, ef à l’auditeur d’y produire ses témoins, et d’y faire amener l’accusé ou les accusés. La cour martiale se tiendra toujours le matin, et dans le lieu où la première instruction aura été faite, s’il n’y a pas d'empêchement. « Art. 48. L’ordonnance du grand juge sera communiquée au commandant militaire par le commissaire-auditeur, et notifiée, à sa diligence, tant à l’accusé qu’aux témoins. « Art. 49. Les témoins qui ne comparaîtront pas au jour indiqué, et qui ne feront pas proposer d’excusn légitime, seront cités une seconde fois à leurs frais ; et s’il ne comparaissent pas cette seconde fois, ils seront, en vertu de l’ordonnance du grand juge militaire, appréhendés au corps, amenés et condamnés aux frais de leur arrestation et conduite, ainsi qu’à une amende qui ne pourra pas être moindre de la valeur d’une demi-once, ni plus forte que la valeur d’un marc d’argent. « Art. 50. Au jour et à l’heure indiqués par l’ordonnance du grand juge militaire, lui et ses deux assesseurs, le commissaire-auditeur, le greffier et toutes les personnes désignées pour le juré du jugement, se rendront dans une des salles de la maison commune du lieu où se tiendra la cour martiale, les portes ouvertes, en présence de tous ceux qui voudront y assister, « Art. 51. Le grand juge prendra sa place à l’extr'mité de la table disposée à cet effet; ses assesseurs seront à ses côtés: près d’eux, sur la gauche, le commissaire-auditeur, ayant à côté de lui le greftier. Les personnes désignées pour le juré se rangeront à droite. « Art. 52. Le grand juge annoncera l’objet de la tenue de celte cour martiale, pour juger l’accusation portée contre tel ou tels à qui on impute tel délit. Il ordonnera de suite que l’auditeur produise ses témoins : ils seront appelés, et se rangeront sur la gauche, à la suite du greftier; après quoi, le juge ordonnerad’amener l’accusé ou les accusé-, qui se placeront, avec leurs conseils, à l'extrémité de la table, faisant face au grand juge et à ses assesseurs : tous pourront s’asseoir lorsqu’ils ne parleront pas. «Art. 53. Le grand juge nommera les personnes désignées parle juré du jugement, et avertira les accusés du droit qu’ils ont d’en récuser un certain nombre, sans être obligés, sans pouvoir même motiver leurs récusations ; de l’ordre à tenir en les proposant, et qu’il y sera suppléé par la voie du sort, dans le cas où les accusés refuseraient de le faire eux-mêmes: les accusés pourront s’expliquer à cet égard par leur propre bouche ou par l’organe de leurs conseils; mais ils devront du moins exprimer qu’ils adoptent ce qui sera proposé en leur nom par leurs conseils. «Art. 54. Le greftier fera mention, sur son procès-verbal, des récusations. Le juré étant réduit au nombre compétent, le grand juge requerra, de ceux qui le composent, de prêter serment, de donner leur avis en leur âme et conscience, ce qu’ils seront tenus de faire en levant la main et pronon ç m't: je le jure. Ç « Art. 55. Le commissaire-auditeur donnera lecture de la plainte et de toute la procédure antérieure ainsi que des écrits venant à l’appui de la plainte, s’il en existe. Les pièces prétendues de conviction seront mises en évidence; entin les témoins seront nommés et désignés l’un après l’autre parleurs nom, âge, état, qualité et domicile. « Art. 56. Le grand juge ordonnera aux témoins de prêter serment de dire la vérité, toute la [22 septembre 1790.J vérité, rien que la vérité, ce qu’ils seront tenus de faire en levant la main et prononçant : je le jure . « Art. 57. Il sera libre aux accusés ou à leurs conseils non seulement de proposer les motifs de suspicion qu’jls peuvent avoir contre le témoin, mais encoie de faire telles observations qu’jlsjuge-ront à propos sur son témoignage, même de lui proposer, pour l’éclaircissement des faits, telles questions qu’ils voudront, et auxquelles le témoin sera tenu de répondre; l’auditeur, les jurés et les juges pourront ensuite successivement demander au témoin les explications dont ils croiront sa déposition susceptible. « Art. 58. Les témoins ayant tous été entendus et examinés l’un après l’autre, dans une ou plusieurs séances, suivant l’exigence du cas, l’auditeur établira le mérite de sa plainte par les divers témoignages qu’il résumera; il conclura à ce que l’accusé soit déclaré coupable et condamné à ia peine que la loi prononce pour son délit. « Art. 59. L’accusé ou les accusés pourront, soit par eux-mêmes, soit par l’organe de leurs conseils, proposer leurs moyens de justification, de défense ou d’atténuation : il sera libre au commissaire-auditeur de reprendre la parole après les accusés, et ceux-pi seront les maîtres de lui répondre à leur tour; mais les plaidoiries ne s’étendront pas plus loin, et il ne sera jamais accordé de duplique. « Art. 60. Lorsque l’accusé ou les accusés produiront des témoins soit à l’appui des moyens de suspicion qu’ils auront proposés contre les témoins du pla gnant, soit pour établir des faits tendant à leur justification ou à leur décharge, ou ne pourra pas leur refuser d’entendre à l’instant ces témoins; et quand même l’accusé ou les accusés ne produiraient aucuns témoins pour établir des faits justificatifs qui paraîtraient concluants, et dont iis offriraient la preuve, cette preuve sera toujours admissible à ia pluralité des voix du grand juge et de ses assesseurs, qui fixeront le délai dans lequel elle devra être faite. « Art. 61. Les mômes formalités seront observées tant pour l’audition et l'examen des témoins produits par les accusés, que pour l’audition et i’examen des témoins produits par le plaignant. « Art. 62. Le greffier de la cour martiale rédigera le procès-verbal de chaque séance, de manière qu’il puisse servir à constater l’accomplissement ou l’inobservation de chacune des formalités qui doivent avoir lieu dans le cours de l’instruction, pour assurer la régularité du jugement. M. Emmcry, rapporteur , lit l’article 64 devenu 63. M. Prieur en demande l’ajournement. (Après quelques courtes observations, présentées par divers membres, l’ajournement est prononcé.) M. Emmery, rapporteur, donne lecture des articles 65 à 75 devenus 63 à 73. Ces articles sont décrétés, sans opposition, dans les termes suivants : « Art. 63. Toutes les formalités ci-dessus prescrites étant remplies, toutes les questions incidentes à l’instruction du procès étant décidées, le grand juge prendra la parole et avertira les jurés qu’ils ont à prononcer sur deux questions, qu’ils doivent traiter séparément ; la première, 144 [Assemblée nationale.] de savoir s’ils sont convaincus que le délit militaire, énoncé dans la plainte, ait été commis ; la seconde, s’il sont convaincus que ce soit par l’accusé que ce même délit ait été commis. En conséquence, le grand juge sera tenu de donner lecture du présent article aux jurés. « Art. 64. Il présentera, sur l’une et sur l’autre de ces deux questions, les témoignages à charge et à décharge, et le degré de croyance plus ou moins grand dont ils lui paraîtront susceptibles. Il résumera les moyens pour et contre, faisant valoir ceux en faveur de l’accusé, quand même ils n’auraient été employés ni par lui ni par son conseil; il s’attachera surtout dans les cas où le délit paraîtrait constant, aux termes de la loi, mais où les circonstances dont il serait environné pourraient faire penser que l’accusé est excusable ou non criminel, à fixer sur ces circonstances toute l’attention des jurés ; il les exhortera à donner leur avis dans leur âme et conscience ; enfin il les invitera à passer dans une pièce voisine où ils seront tenus de se retirer et de rester sans aucune communication au dehors, jusqu’à ce qu’ils aient formé leur résultat. En même temps le commissaire-auditeur se retirera de son côté, et le grand juge ordonnera que l’accusé ou les accusés soient reconduits en prison. « Art. 65. Les jurés, sous la présidence du premier de la première colonne, opineront à haute voix et séparément sur chacune des deux questions soumises à leur détermination, le dernier de la dernière colonne parlant le premier et ainsi de suite en remontant. Ils seront les maîtres de motiver leurs avis dans le premier tour d’opinions qui se fera sur chaque question ; il sera fait ensuite un second tour, lors duquel les avis seront énoncés simplement par oui ou par non. « Art. 66. L’avis contraire à l’accusé ne peut être formé dans le juré de jugement, que par la réunion des sept neuvièmes des voix des jurés. « Art. 67. S’il passe à la négative sur la première question qu’ils ont à décider, la seconde sera résolue, et les jurés rapporteront que l’accusé n’est pas coupable ; s’il passe à l’affirmative sur cette première question, mais à la négative sur la seconde, les jurés rapporteront également que l’accusé n'est pas coupable : mais s’il passe à l’affirmative sur chacune des deux questions, les jurés rapporteront que l’accusé est coupable. « Art. 68. Il est possible que l’accusé soit convaincu d’un fait que la lettre de la loi place au rang des délits militaires, mais que les circonstances environnantes servent d’excuse au coupable, et prouvent même que son intention n’a pas été criminelle; il sera donc permis aux jurés, qui seront les juges du fait, de modifier leur rapport suivant les circonstances, en prononçant ainsi : « coupable, mais excusable » ; ou bien ainsi : convaincu du fait, mais non criminel ». Ces modifications pourront être ajoutées au rapport à la pluralité des deux tiers des voix des jurés. « Art. 69. Le juré du jugement ayant formé son résultat, en préviendra le grand juge et rentrera immédiatement après dans la salle d’audience, où étant à leurs premières places, debout et découverts, tous les jurés lèveront la main, et le premier de la première colonne dira ; nous *urons sur notre conscience et notre honneur, qu’après avoir observé scrupuleusement dans notre délibération les règles qui nous étaient [22 septembre 1190.] prescrites par la loi, nous avons trouvé qu’un tel, accusé de tel fait, n’en était pas coupable; ou bien qu’un tel, accusé de tel fait, en était coupable; ou bien qu’un tel, accusé de tel fait, en était coupable mais excusable; ou bien enfin, qu’un tel, accusé de tel fait, en était convaincu, mais non criminel. « Art. 70. Le greffier dressera sur-le-champ procès-verbal du rapport des jurés, qu’ils seront tenus de signer, après quoi ils se retireront. « Art. 71. La délibération entre le grand juge et ses assesseurs commencera immédiatement après la retraite des jurés. Si ceux-ci ont rapporté que l’accusé n’était pas coupable, le jugement portera que l’accusé est déchargé de l’accusation, sans ajouter rien de plus. Si les jurés ont rapporté coupable, il sera dit que la loi condamne l’accusé à telle peine; et l’article de la loi sera cité avec les motifs de son application. Il en sera toujours de même, lorsque les jurés auront rapporté « coupable, mais excusable »; et il sera déterminé dans la suite ce que les juges auront à faire en pareil cas ; enfin, si les jurés ont rapporté « convaincu du fait, mais non cri-« minèl », l’accusé sera déchargé de l’accusation. « Art. 72. Il faut l’unanimité des voix des trois juges pour condamner à la mort; la loi ne la prononce que dans cette présupposition, et, en général, son intention est toujours qu’on se réduise à la moindre peine, lorsque les circonstances font naître des doutes sur l’application de la peine la plus rigoureuse. Art. 73. « Pour condamner à toute autre peine que la mort, il suffit de la pluralité des voix; mais si les juges diffèrent absolument d’opinion sur le genre de peine à prononcer, il en sera fait mention dans le jugement, et l’avis le plus doux prévaudra. » Divers membres demandent l’ajournement des articles 76 et 77 devenus 74 et 75. M. le Président met cet ajournement aux voix. Il est prononcé. M. Emmery, rapporteur , donne lecture des articles 78 à 81, devenus 74 à 77. Ils sont adoptés, sans discussion, en ces termes : « Art. 74. Les jugements de la cour martiale seront prononcés par le grand juge en présence de tout l’auditoire, avant la levée de l’audience. Ils seront signés tant par le grand juge, que par ses deux assesseurs et par le greffier. « Art. 75. Le greffier se transportera immédiatement après à la prison, où il donnera lecture de la sentence aux accusés, qui l’entendront debout et découverts. Le procès-verbal de la lecture sera écrit au bas de la sentence, et signé seulement du greffier. « Art. 76. Dans tous les cas où l’effet d’un jugement de la cour martiale n’est pas suspendu par la disposition précise de quelque loi, son exécution ne pourra être empêchée ni retardée sous aucun prétexte et aura lieu le jour même, s’il y a peine de mort. « Art. 77. Le greffier ou tout autre officier public qui pourra être désigné à la suite, assistera et veillera aux exécutions dont il dressera procès-verbal au bas de la sentence : il sera très attentif à ce que la peine ne soit aggravée par aucun accessoire, et que la volonté arbitraire de qui que ce soit ne puisse rien ajouter à la sévérité du jugement. » ARCHIVES PARLEMENTAIRES.