|5 février 1791.] 753 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. QUATRIEME QUESTION. Comment pourra-t-on remédier à plusieurs obstacles perpétuels du produit , tels que la suppression des rigueurs pénales , l'impossibilité des visites domiciliaires, et l' anéantissement des barrières intérieures des traites ? Je réponds d’abord à ce dernier point : 1° Les barrières intérieures n’ étaient établies que pour les traites, et n’avaient aucun rapport avec le tabac ; 2° 11 n’y aurait pas non plus de barrières intérieures dans le système du comité; et cependant il croit pouvoir concilier la liberté de la culture et du commerce du tabac avec deux ou trois mille privilèges exclusifs de le fabriquer et de le vendre ; 3° Il en sera du tabac comme des traites pour les marchandises, ou prohibées, ou soumises à des droits. Si l’impôt sur le tabac ne peut pas être assuré, le droit sur les traites ne saurait l’êire ; 4° L’introduction du tabac en grande masse est encore plus facile à découvrir que celle de toute autre marchandise prohibée. Visites domiciliaires. — Même sous l’ancien régime, on en faisait Irès rarement; et il s’est passé des années sans qu’on en fît une seule dans de très grandes villes. Elles deviendront encore moins nécessaires, par la suppression du privilège des provinces exemptes, qui doublait en quelque sorte les points à garder, et rendait la contrebande cent fois plus active qu’elle ne le sera sous le nouveau régime. Il ne s’agira pour l’avenir que de garder rigoureusement les frontières. Il est d’ailleurs des fraudes inévitables qu’il ne faut pas compter, puisque je les retranche du produit; et, en bornant les visites au seul cas d’approvisionnement, en exigeant même alors que la visite soit autorisée par la présence d’un officier municipal, il sera très facile de concilier la liberté publique avec la surveillance qu’il faut pourtant accorder à la perception des impôts. Les visites domiciliaires déterminées par la loi sont admises en Angleterre. Suppression des rigueurs pénales. — Je la réclamerai si le comité ne la demandait pas; elle ne contrarie en aucune manière mon système ; mais si les peines sont plus douces, le produit de l’impôt ne sera-t-il pas diminué par une contrebande plus forte? Voilà ce que je n’admets point, parce que dans mon plan une foule de causes particulières s’opposeront à la contrebande et rendront les peines inutiles. La première source de la fraude était le prix excessif de la ferme. Cette cause cessera. On n’aura de même plus à craindre les versements des provinces libres presque partout enclavées dans des provinces sujettes à la vente exclusive; et telle était la position de l’Alsace relativement à la Lorraine; de l’Artois, du Hainaut et du Cam-brésis, relativement à la Picardie, au Soisson-nais et à la Champagne; enfin de la Franche-Comté, par rapport à la Lorraine et à la Bourgogne. On n’aura donc plus à se garder à l’avenir que des étrangers et l’on aura de fortes barrières. Or, montrer qu’en grande partie le délit cessera, c’est répondre certainement à l’objection tirée de la nécessité des peines. Cette objection d’ailleurs poussée trop loin serait commune aux traites, et faut-il donc renoncer aussi aux produits des traites? Il est évident que par une contravention tout à la fois moins fréquente, 1" Série. T. XXII. moins facile et moins nuisible, les simples amendes avec contrainte par corps suffiront. Lnfin, n’oublions jamais le point d’où nous sommes partis dans cette discussion, c’est que le comité avoue qu’l/ a besoin d'un impôt sur le tabac. Si, pour discuter cette assertion, il était encore temps de refondre tous les plans du comité, et de remonter à d’autres principes, peut-être et probablement ne serais-je pas de son avis, et certes, il n’y a que la nécessité la mieux démontrée qui puisse justifier la prohibition de tel commerce et de telle culture. Mais, je n’ai été appelé à partir que des bases du comité. Qu’il déclaré que la situation de nos finances nous permet de nous passer de ces 30 millions, provenant de la consommation du tabac; qu’il déclare surtout que tous les autres impôts seront plus équitables, et toute polémique entre nous cessera. Je ne craindrai plus alors que la culture soit libre, étant bien assuré que presque personne ne cultivera, et que nos relations avec l’Amérique septentrionale ne seront point anéanties. 4 février 1791. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MIRABEAU. Séance du samedi 5 février 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. Un membre fait lecture d’une lettre des officiers municipaux de la commune d’Aix à M. le Président de l’Assemblée nationale, contenant le détail des bous traitements que reçoivent les détenus dans les prisons de cette ville relativement aux événements qui l’ont affligée le 12 décembre dernier. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention de cette lettre dans le procès-verbal.) M. le Président. J’ai reçu de M. le garde des sceaux la note suivante ; « Le roi a donné sa sanctionne 26 du mois dernier : « 1° Au décret de l’Assemblée nationale du 21, relatif à l’instruction sur la Constitution civile du clergé. « 2° Le 20, au décret des 22, 23 et 24 décembre 1790, et 16 janvier dernier, sur l’organisation de la gendarmerie nationale. « 3° Au décret du 23, relatif aux lieux où se tiendront provisoirement les séances de deux tribunaux du département de Paris, et aux emplacements adonner aux 6 tribunaux de ce département. « 4° Au décret du 28 du même mois, relatif à l’élection des membres qui composeront le tribunal de cassation. « 5° Et le 30 au décret du 16 octobre dernier, concernant les édifices et bâtiments qui servaient ( I ) Celle séance est incomplète au Moniteur . 48 754 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 févier 1791. j à loger les commissaires départis, les gouverneurs, les commandants et autres fonctionnaires publics, et gui sont destinés à recevoir les corps administratifs, ou à être vendus. « 6° Au décret des 19, 21 octobre et 9 novembre, relatif au canal de navigation proposé par le sieur Brûlée. « 7° Au décret du 2 décembre, relatif à la suppression de diverses indemnités. « 8° A dix décrets du 13, concernant la vente de biens nationaux aux municipalités d’Ebarres, Billon, laGuiilotière, Nogent-sur-Seine, Savigny-lès-Beaune, Chasselas, Cessey, Sugères et Ghes-sey. « 9° A cinq décrets du 16, concernant pareilles ventes aux municipalités de Varrois et Chignot, Bourges, Messas, Bayonne et Athée. « 10° A cinq décrets du 17, concernant pareilles ventes aux municipalités de Traignes, Orléans, Janville, Hamel et Saint-Léonard. « 11° Au décret du 27, concernant pareille vente à la municipalité d’Aigue-Perse. « 12° Au décret du 31, concernant pareille vente à la municipalité de Beauvais. « 13° Au décret du 23 janvier, relatif aux parties de rentes et autres charges de pareille nature de 12 à 20 livres de produit, remboursables à la caisse de l’extraordinaire. « 14° Au décret du 24, relatif à la perception, au proht de la commune de Strasbourg, de la moitié des droits perçus sur le débit en détail des boissons. « 15° Et enfin, au décret du même jour, concernant les communes de Royaunais. » Le siège de l’administration du département des Basses-Alpes; » La nomination des juges de paix et l’établissement de tribunaux de commerce dans quelques villes et cantons. » Le ministre de la justice transmet à M.le Président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi. Signé : M. L. F. Duport. Paris, le 1er février 1791. M. de Menou, au nom du comité d'aliénation, propose de vendre et l’Assemblée déclare vendre aux municipalités ci-après, les biens mentionnés dans les différents états annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, aux charges, clauses et conditions portées par ie decret du 14 mai 1790, payables de la manière déterminée par 1e même décret ; Savoir : À la municipalité d’Angers, département de Maine-et-Loire, pour ................. 385,935 1. A celle de Tours, département d’Indre-et-Loire ...... 375,529 A celle de Ruan, département du Loiret .............. 176,265 12 d. M. Prugnon, au nom du comité d'emplace-ment des tribunaux et corps administratifs. Messieurs, je viens proposer à l’Assemblée non pas de loger, mais de déloger un département. (Rires.) Le directoire de la Corrèze vous demande, non pas d’être autorisé à acquérir, mais d’être autorisé à avoir acquis. Cette proposition a toute la fraîcheur de la nouveauté, et il en résulterait que le Corps législatif ne serait plus, en quelque sorte que l’instrument passif des directoires, et qu’il ne lui resterait qu’une sanction de cérémonie à leur accorder. L’article 6 des décrets du 17 octobre porte : «Que chaque directoire enverra à votre comité de l’emplacement un mémoire expositif de ses vues, et y joindra un plan et devis estimatif, contenant l’étendue de l’édifice qu’il jugera lui convenir. Cette disposition dictait assez aux corps administratifs la marche qu’ils avaient à suivre; et il est assez sensible que, si elle n’a pas été conçue par eux, c’est qu’ils n’ont pas voulu la concevoir. Leur premier pas a dû être d’examiner quel était l’édifice national qui pouvait convenir le mieux à leur établissement. Cela fait, ils devaient charger un architecte d’en dresser le plan et le devis estimatif des arrangements intérieurs nécessaires au placement des bureaux, et ensuite les adresser au comité, avec une pétition pour se faire autoriser à acquérir ou à louer. Une grande idée d’économie devait présider à cet établissement surtout dans les départements où les administrés sont loin de l’opulence. Le rapport de votre comité de l’emplacement portait les expressions suivantes : « Une économie sévère doit être pour les corps administratifs une jouissance, en même temps qu’elle est un devoir, parce que chaque fois qu’ils vont au delà dubesoiu, ils commettent un vol envers les malheureux ; parce que la liberté commence à se compromettre, le jour où elle permet au faste de pénétrer dans la modeste demeure ..... » L’article 10 d’un décret du 2 septembre renferme une exhoriation non moins remarquable; en voici les termes : « Le Corps législatif fera imposer annuellement sur chaque district les dépenses du corps administratif et du tribunal qui y seront établis : l'Assemblée nationale les invite à régler avec économie celles qui les concernent, et à se distinguer à l'envi par cette simplicité patriotique qui fait la décoration des élus du peuple »... Le vœu bien évident de l’Assemblée était d’établir entre eux la plus touchante des rivalités, et de les conduire à disputer d’économie et de simplicité. Plus d’un exemple est venu nous apprendre qu’il était difficile de ne pas perdre sur cet article l’erreur de l’espérance, si l’Assemblée ne prend des mesures sévères et promptes. 1° Il est aussi nécessaire qu’instant de décréter qu’aucun corps administratif ne pourra faire une acquisition quelconque sans l’autorisation du Corps législatif : si vous n’usez de cette précaution, les départements iront loin : ils ont en général une tendance très décidée à envahir des pouvoirs qui ne peuvent être à eux et à s’établir sans la plus petite cérémonie dans les édifices nationaux les plus vastes, et ils préfèrent communément ceux qui ont de très beaux jardins. A cet égard, je désirerais que le comité de santé fût chargé de faire un rapport pour déterminer jusqu’à quel point le grand air est nécessaire à l’esprit des administrateurs. 2° Il est d’une égale nécessité de prononcer dans les termes les plus exprès, qu’ils ne pourront même s’établir provisoirement dans un édifice national quelconque, qu’après avoir reçu l’attache du Corps législatif. Le motif en est palpable : on connaît bien l’instant où un corps administratif entre daus un édifice national ; mais celui où il est possible de l’en faire sortir n’est pas aussi connu. D’ailleurs c’est un édifice condamné par le fait à être invendu ; car quel est le citoyen qui cherchera à évincer un corps administratif? La nation se trouve donc réduite à recevoir un