536 [Assemblée nationale.) AKCMAES PARLEMENTAIRES. [3 avril 1 79 l.J Je prie donc l’Assemblée de vouloir bien accepter ma démission. M. d’André. Je demande qu’il soit procédé demain, à l’issue de la séance, à la nomination d’un membre pour le comité diplomatique. Plusieurs membres : Oui! oui! (L’Assemblée décrète la motion de M. d’André.) M. le Président. Une députation de citoyens des différentes sections de la ville de Paris demande d’être admise à la barre avant la lin de la séance pour une pétition relative aux funérailles de M. Honoré Riquetti-Mirabeau. Je demande à l’Assemblée si elle juge à propos d’admettre cette députation à deux heures. Plusieurs membres : Tout de suite ! (L’Assemblée décrète que cette députation sera introduite sur-le-champ). La députation est introduite. L'orateur de la députation. Messieurs, les vrais citoyens doivent être consternés de la perte que l’Assemblée vient de faire dans la personne de M. de Mirabeau. Ceux qui composent les sections de la ville de Paris, sur l’arrêté de la section de la rue Poissonnière, auquel toutes les autres ont adhéré, vivement pénétrés de ce sentiment et voulant rendre un hommage public d’estime et de reconnaissance aux mânes de ce grand homme, viennent vous demander, Messieurs, et avec instance, que vous vouliez bien fixer un temps déterminé pour son deuil, que son corps soit déposé et iuliumé au champ de la Fédération, sous l’autel de la patrie, que vous vouliez bien en fixer le jour, et que son oraison funèbre y soit prononcée. Le siècle de la raison doit apprendre à tous les peuples que ces honneurs, qui n’étaient décernés autrefois qu’aux souverains, appartiennent essentiellement à l’homme vertueux qui a eu assez de courage pour briser les chaînes du despotisme, et établir les bases d’uue Constitution qui fait la gloire et le bonheur de la nation française. (Applaudissements.) M. le Président. L’Assemblée nationale a déjà manifesté tout l’intérêt qu’elle prend à la perte d’un collègue qui a rendu de si grands services à la patrie par un civisme égal aux grands talents dont la nature l’avait doué. Ce n’est point aux représentants de la nation, qui ont concouru avec le citoyen dont vous pleurez la mort, à établir l’édifice immortel de la liberté publique, qu’il est nécessaire de rappeler l’importance des services que M. Riquetti l’aîné a rendus, et les distinctions qu’ils peuvent mériter. L’Assemblée nationale prendra en considération votre pétition. Voulez-vous bien vous retirer pour que l’Assemblée puisse délibérer? (Silence prolongé.) M. Goupil-Préfeln. Lorsque l’Angleterre eut perdu Newton, cet illustre mort fut déposé dans le tombeau des rois. Plusieurs membres à droite : Oh ! oh ! M. Goupil-Préfeln. Quatre membres du Parlement de la Chambre haute, puisque ce pays connaît une Chambre haute, portèrent les coins du poêle, et le Parlement assista à ses obsèques. Voilà, Messieurs, de grands exemples que nous a donnés une nation libre, d’après lesquels je laisse à votre prudence à déterminer, relativement à nos mœurs, à nos convenances religieuses et civiles, quel est le genre et le degré d’honneurs qu’il vous convient de rendre à l’illustre collègue dont nous déplorons la perte. (Applaudissements.) M. le Président. On m’annonce que le directoire du département de Paris va se présenter dans un instant pour vous présenter sur cet objet une pétition qui pourrait influer sur votre délibération. La députation du directoire de Paris est admise à la barre. M. de l�a Rochefoucauld, président et orateur de la députation. Messieurs, l’administration du département de Paris a compté, pendant quelques instant?, M. de Mirabeau au nombre de ses membres. C’est à ce titre que, vêtus de deuil, nous venons parler de lui aux représentants de la nation, et leur apporter l’hommage du vœu que nous formons, pour que Père de la liberté française soit l’époque d’un hommage rendu à la gloire des hommes qui auront bien mérité de la patrie. Nous allons vous lire, si vous le permettez, l’extrait de la délibération du directoire. M. Pastoref, procureur général syndic , lisant : Extrait des registres du directoire du départe-mnt de Paris, du 2 avril 1791. « Messieurs, 8 jours sont à peine écoulés de-« puis qu’assis au milieu de nous, Mirabeau y pré-« sentait avec son éloquente énergie les moyens « de régénérer la tranquillité publique, et déjà « Mirabeau n’est plus. « Quand la mort frappa cet Américain illustre, « dont le nom rappelle à Ja fois tout ce que le « génie eut de plus vaste, la liberté de plus actif, « la vertu de plus auguste, l’orateur français, « dans la tribune nationale, provoqua le deuii « de la France et de l’univers. Vous venez de lui « rendre le même hommage d’estime et de dou-« leur; mais cet hommage, Messieurs, ne vous « acquitte pas entièrement. « Au millieu des justes regrets causés par une « mort qui, dans ce moment, peut être considé-« rée comme une calamité publique, le seul « moyen de distraire sa pensée est de chercher u dans ce malheur même une grande leçon pour « la postérité. « Les larmes que fait couler la perte d’un « grand homme ne doivent pas être des larmes « stériles. « Plusieurs peuples anciens renfermaient dans « des monuments séparés leurs prêtres et leurs « héros. « Cette espèce de culte qu’ils rendaient à la « piété et au courage, rendons-le aujourd hui à « l’amour constant du bonheur et de la liberté « des hommes : que le temple de la religion de-<' vienne le temple de la patrie; que la tombe « d’un grand homme devienne l’autel de la li-« berté. « On sait qu’une nation voisine recueille reli-