SÉANCE DU 5e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (DIMANCHE 21 SEPTEMBRE 1794) - N° 4 337 4 Un membre rend compte de la bonne conduite de la section onze de Marseille ; sur sa proposition, la Convention nationale décrète mention honorable de la conduite tenue par la section n°. 11 de la commune de Marseille, toujours fidèle à l’unité et à l’indivisibilité de la République, et constamment attachée à la Convention nationale (43). THURIOT : Représentais du peuple, on vient de vous dire que c’étoit en prenant des mesures promptes, qu’on avoit souvent déterminé l’explosion : je pense, au contraire, que c’est en temporisant qu’on a souvent laissé incendier. Les faits sont constans, ils résultent de preuves matérielles ; pourquoi donc balanceriez-vous ? Si le projet de septembriser, si une conjuration infernale n’avoit pas éclaté dans Marseille; si elle n’avoit pas des complices au dehors, des scélérats se seroient-ils apostés de nuit au nombre de cent cinquante pour attaquer la gendarmerie et enlever à force armée cet infâme Reynier, dont la déclaration étoit terrible, et dont les déclarations postérieures pou voient devenir plus terribles encore. Loin de nous l’idée que le général des ha-bitans de Marseille approuve les actes aussi criminels ! Malheureusement les bons citoyens sont, dans cette cité importante, enchaînés par la peur : la terreur y règne, non pas par la force de la loi, mais bien par la force du crime. Douze à quinze hommes y dominent ; ces hommes ont des reproches terribles à se faire. On veut qu’on consulte avant d’agir : mais on a entendu les personnes qui pouvoient donner des renseignemens, et les aveux progressifs ont convaincu de cette vérité accablante. Voulez-vous abandonner Marseille à la domination de ces hommes infâmes, qui servent si bien les puissances coalisées ? Voulez-vous qu’on vous reproche le sang qui pourra couler dans les murs de cette commune et dans une partie du Midi, si vous ne développez pas la force qu’exige une pareille circonstance, si vous ne venez pas au secours des bons citoyens trop long-temps opprimés. Combien votre position seroit terrible, si un jour faute d’avoir pris des mesures assez promptes, les fils venoient vous redemander leurs pères, les mères leurs époux et leurs en-fans ; si tout ce qui respireroit encore dans les murs de cette cité vous reprochoit de n’avoir pas rempli les devoirs qui vous sont imposés ? Les instructions que nous avons, et qui ont déterminé les mesures qui ne peuvent alarmer, dans Marseille, que les auteurs et complices (43) P. V., XLV, 367. C 318, pi. 1288, p. 25. Décret n° 10 978, minute de la main de Barras, rapporteur. Débats, n° 730 bis, 595 ; Moniteur, XXII, 33 ; J. Fr., n° 727 ; Mess. Soir, n° 764 ; M. U., XLIV, 8 ; Rép., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2 ; Ann. R.F., n° 2. de la conspiration, ne nous viennent pas seulement de nos collègues qui sont actuellement dans cette malheureuse commune ; elles viennent encore d’autres citoyens; elles viennent aussi de Jeanbon Saint-André, qui annonce la crainte d’apprendre, dans le moment où il écrit sa dernière lettre, qu’il n’y ait eu une Saint-Barthélémy politique à Marseille (44). Lorsque, l’année dernière, l’état de rébellion de Marseille vous affligeoit, c’étoit un sentiment de satisfaction pour vous de voir que la section onze, malgré tous les orages, étoit restée fidèle aux principes (45). Eh bien ! sachez, Législateurs, que cette section n’a point changé : sachez qu’elle a juré de conserver son attachement à la représentation nationale. N’oubliez pas l’importance du port de Marseille; n’oubliez pas l’intérêt de faire régner le calme dans le Midi; n’oubliez pas surtout combien est urgent de vous prononcer contre les scélérats qui ne veulent point que les lois soient respectées, et qui, par tout, s’occupent d’attaquer et d’avilir la représentation nationale. Ne vous y trompez pas plus longtemps, re-présentans du peuple, c’est le crime qui veut régner et poignarder la vertu. Je suis loin de m’élever contre les idées présentées par Voulland ; il a payé le tribut à la recônnoissance ; il a parlé d’après son ame. Ce n’est point comme complice qu’on vous propose de faire arrêter son oncle; c’est pour ne pas avoir obéi à l’ordre des représentans ; c’est parce qu’il a été destitué, et que la loi est impérative à cet égard. Nous avons pesé toutes les considérations qu’il a fait valoir ; elles ne nous ont point arrêtés ; les décrets commandoient. Tout s’éclaircira par l’instruction : il sera plus doux pour les comités de n’avoir que des reproches à lui faire, que d’être obligés de l’inculper gravement ; et j’aime à dire que tous les membres qui les composent, après s’être expliqués, se sont complus à croire qu’il avoit pu être trompé, mais qu’il étoit étranger à la conjuration. Cette vérité ne peut en rien retarder le décret demandé par vos trois comités, sollicité par l’intérêt de Marseille, par l’intérêt du Midi, et par l’intérêt général de la République : ce sera le coup de tonnerre qui brisera tous les liens de l’intrigue infernale des fripons qui, dans beaucoup de parties de la France, sont évidemment coalisés pour anéantir la représentation nationale, faire régner l’anarchie et assurer l’impunité de leurs crimes. MERLIN (de Thionville) : Représentans d’un peuple que vous devez amener au bonheur le plus promptement possible, ce ne sont pas des invitations à nos collègues qu’il faut aujourd’hui, ce sont des mesures assez fortes et assez décisives, pour que l’on sache que (44) L’ensemble des gazettes font référence à une adresse de Jeanbon Saint-André, écrite depuis Port-la-Montagne : J. Fr., n° 727; M.U., XLIV, 8; Rép., n° 2; Ann. R.F., n" 2 ; F. de la Républ., n° 2 ; Mess. Soir, n° 764. (45) Une grande partie des gazettes insistent sur ce fait.