37 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 février 1791.) d’éloges à la conduite des notaires de Paris, pour rétablissement de ce droit; ils y ont concouru de loute leur puissance et avec rigidité poussée jusqu’au dernier scrupule. Nous devions compte de ce fait à l’Assemblée nationale, parce qu’il est satisfaisant pour elle et honorable pour une classe de citoyens qui s’est de tout temps distinguée par son patriotisme et ses lumières. La motion de M. de Folleville présente par elle-même une espèce de justice, qui ne permet pas de la rejeter, au moins inconsidérément : je demande qu’elle soit renvoyée au comité de ju-dicature. (Le renvoi est décrété.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés (1). M. Duport, rapporteur. Messieurs, j’ai à proposer trois articles additionnels aux dispositions que vous avez déjà décrétées au titre relatif aux contumaces. Le premier article est ainsi conçu : « Tout accusé qui s’évadera des maisons d’arrêt ou de justice, sera regardé comme contumax, et il sera procédé contre lui ainsi qu’il vient d’être dit. » (Adopté). Voici le second article : « Toute peine portée dans un jugement de condamnation sera prescrite par vingt année', à compter de la date du jugement. » (Adopté.) Le troisième article est conçu en ces termes : « Après la mort de l’accusé, prouvée légale-: ment, ou après 50 ans de la date du jugement, ses biens seront restitués à ses héritiers légitimes. » M. Thévenot de Maroise. Je propose, pour amendement, que 20 années après l’absence ou la disparition de l’accusé, ses héritiers [missent demander l’envoi en possession de ses biens. M. Régnier. L’espace de 50 années qu’a déterminé votre comité est en faveur du condamné qui est admis par un article précédent, à se présenter à perpétuité; et en, cela, il s’est conformé aux principes qui ont été adoptés jusqu’à présent. Mais je crois qu’il est nécessaire d’étatilir une distinction, c’est-à-dire qu’il ne faut pas attendre que la révolution de 50 années, portée par l’article, soit consommée pour autoriser les héritiers du condamné contumax à se mettre en possession provisionnelle de ses biens. Je crois qu’a-près un laps de 10 ou de 20 ans tout au plus, les héritiers du condamné contumax peuvent être autorisés à entrer en possession provisionnelle de ses biens, sauf à lui restituer la propriété desdits biens, au cas qu’il vienne à se représenter avant la révolution du terme de 50 années fixé par le décret. M. Martineau. J’adopte l’amendement de M. Régnier; peut-être pourrait-on mettre 20 ou 25 ans; je le laisse au jugement de l’Assemblée. M. Boutteville-Dnmet*. Je crois que M. Régnier a négligé d’observer qu’il invoquait , à l’appui de cet amendement, des raisons qui ne sont applicab es qu à une absence légitime. Il est très certain qu’il faut distinguer l’ab-(1) Le Moniteur ne fait qu’insérer le texte des articles décrétés dans cette séance. sence d’un contumax de l’absence d’un homme qui a disparu pour cause d’affaire, de malheurs ou de voyage. Très certainement, l’absence est une désobéissance formelle à la loi; je crois donc qu’il ne faut point appliquer à ses héritiers le principe qui voulait qu’au bout d’un certain temps les héritiers pussent invoquer la présomption de sa mort, pour demander l’envoi en possession de ses biens : sans cela vous accorderiez aux héritiers d’un coutumax la même faveur que vous accorderiez aux héritiers d’un absent pour affaires ou voyages. Je sais, Messieurs, qu’on se plaît très souvent à faire observer à l'Assemblée que les fautes sont personnelles, que des héritiers ne doivent pas en souffrir; mais je demande quel moyen reste à la société pour empêcher les citoyens de chercher à s’échapper, à se soustraire aux peines prononcées par la loi contre les coupables ? Quand il y avait une absence légitime, les héritiers présomptifs avaient grande raison de demander l’envoi en possession provisoire des biens de l’absent; car on pouvait ignorer si l’absent était vivant ou mort, et, dans cette ignorance, personne n’avait un droit plus apparent que les héritiers présomptifs ; mais dès l’instant que c’est un homme qui s’est soustrait à la loi, lui personnellement ne doit pas jouir et les héritiers ne doivent pas succéder tant que l’on ne peut pas s’assurer s’il est mort. Or, je demande si un espace de dix années peut suffire pour acquérir la présomption de la mort de l’absent? Je combats précisément l’amendement de M. Régnier. M. Martineau. Il faut distinguer, en matière criminelle, deux sortes de prescriptions : 1° une prescription contre un crime non poursuivi par la société et qui s’acquiert par un laps de temps de 30 années. Je suppose un homme, par exemple, quia versé le sang humain; on est 30 années sans le poursuivre ; mais pendant 30 années la société et la partie civile qui ont souffert de son crime ont le droit de rendre plainte contre lui : il ne s’agit pas de cette espèce ici. Le second cas de prescription est contre le crime commis et poursuivi, voilà le cas de l’article, c’est le cas de la condamnation par contumace. D’après le décret que vous venez de rendre, le contumax, ne se représentant pas, peut prescrire sa peine afflictive puisqu’il ne la subit pas, il peut prescrire contre cette peine par le laps de 20 années; mais il serait contre tous les principes de la prescription qu’il pût prescrire la peine d’infamie qui résulte nécessairement de la condamnation par contumace, qu’il acquît la décharge de sa peine afflictive, de sa peine corporelle, parce qu’il a été 20 ans sans la subir. J’adopte l’amendement de M. Régnier et je demande sur tous les autres la question préalable. M. Duport, rapporteur. M. Régnier propose de limiter le temps. Là-dessus il n’y a qu’un motif pour se déterminer; c’est qu’il ne devrait pas y avoir tant de facilité pour les contumaces que nous en avons donné; nous avons adouci les articles de l’ordonnance de 1670 sur les contumax, en ce que d’uue part nous avons permis qu’on se représentât toute sa vie, ce qui, comme on sait, n’existait pas; d’une autre part après 5 ans on confisquait les biens : on ne les confisque plus. Le motif qui nous a déterminé à supprimer la 3R [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 février 1791.) confiscation est évident; nous n’avons pas voulu que ses héritiers en fussent privés. Ainsi je demande que l’article soit mis aux voix tel qu’il est, parce que je crois qu’il n’est pas encore assez sévère. M. Régnier. Je suis d’accord avec M. le rapporteur relativement aux contumax; j’observe seulement qu’il y a lieu de stipuler en faveur des héritiers après 20 ans. (La discussion est fermée.) Plusieurs membres demandent la question préalable sur l’amendement. (L'Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer et adopte l’amendement.) Un membre: Il faut ajouter nécessairement que les héritiers donneront caution. (Get amendement e3t adopté.) L’article additionnel, ainsi amendé, est décrété en ces termes : « Après la mort de l’accusé, prouvée légalement, ou après 50 ans de la date du jugement, ses biens seront restitués à ses héritiers légitimes ; néanmoins, après 20 ans, ces héritiers pourront être provisoirement envoyés en possession des biens, en donnant caution. » M. le Président donne lecture d’une lettre de M. de Lessart, par laquelle il donne connaissance à l’Assemblée de la séance tenue samedi dernier pour l’adjudication du bail des messageries et des motifs qui lui ont fait remettre cette adjudication à huitaine. Cette lettre est accompagnée du procès-verbal de la séance et d’un mémoire sur les mes-ageries. (L’Assemblée renvoie ces pièces au comité de l’imposition.) La discussion du projet de décret sur les jurés est reprise. M. Eoys. Messieurs, l’Assemblée vient de décréter qu’après 20 ans les biens d’un contumax seraient rendus à ses héritiers en donnant caution ; je demande que l’on explique là-dessus si les biens seront remis aux héritiers qui se trouveront les plus proches à l’époque de 20 ans ou aux représentants de ceux qui se trouvaient les plus proches à l’époque de la condamnation par contumace, et que l’on fixe par un décret quel jour sera présumée ouverte la succession du condamné par contumace qui ne sera pas venu se représenter. M. Duport, rapporteur. C’est, au lieu de la preuve légale de mort, en admettre la supposition; mais il est évident qu’il y aurait plus de 400 articles à ajouter, si tout ce qui est affaire de jugement entrait dans une loi. M. d’Aubergeon de llurinais. J’appuie l’observation de M. le rapporteur ; je demande l’ordre du jour, d’autant plus que ce sont les plus proches parents, à l’expiration de 20 ans, qui doivent entrer en possession des biens. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour). M. Duport, rapporteur. Messieurs, il nous reste maintenant à examiner les titres XII et XIII du projet de décret. TITRE XII. Des prisons et maisons d'arrêt. Art. Ie* « Il y aura auprès de chaque tribunal de district une maison d’arrêt pour y retenir ceux qui y seront envoyés par un mandat d’officier de police, et auprès de chaque tribunal criminel une maison de justice pour détenir ceux contre lesquels il sera intervenu une ordonnance de prise de corps, indépendamment des prisons qui pourront être établies comme peine. » (Adopté.) Art. 2. « Les procureurs généraux syndics veilleront, sous l’autorité des directoires, à ce que ces différentes maisons soient non seulement sûres, mais propres et saines, de manière que la santé des personnes détenues ne puisse être aucunement altérée. » (Adopté.) Art. 3. « La garde de ces maisons sera donnée par le directoire, sur la présentation de la municipalité du lieu, à des hommes d’un caractère et de mœurs irréprochables, lesquels prêteront serment de veiller à la garde de ceux qui leur seront remis, et de les traiter avec douceur et humanité. » (Adopté.) Art. 4. « Les gardiens des maisons d’arrêt, maisons de justice, ou geôliers de prisons, seront tenus d’avoir un registre signé et paraphé à toutes les pages par le président du tribunal. » (Adopté.) Art. 5. « Tout exécuteur de mandat d’arrêt, d’ordonnance de prise de corps, ou de jugement de condamnation à prison, sera tenu, avant de remettre la personne qu’il conduit, de faire inscrire en sa présence sur le registre l’acte dont il est porteur. L’acte de remise sera écrit de suite. Le tout sera signé tant par lui que par le gardien ou geôlier, qui lui en donnera copie signée pônr sa décharge. » (Adopté.) Art. 6. « Nul gardien ou geôlier ne pourra recevoir ou retenir aucun homme, qu’en vertu des mandats, ordonnances ou jugements dont il vient d’être parlé, à peine d’être poursuivi comme coupable du crime de détention arbitraire. » (Adopté.) Art. 7. « Le registre ci-dessus mentionné contiendra également, en marge de l’acte de remise, la date de la sortie du détenu, ainsi que l’ordonnance ou le jugement en vertu desquels elle a eu lieu. » (Adopté.) Art. 8. « Dans toutes les villes où il y aura, soit une maison d’arrêt, soit une maison de justice, soit une prison, un des officiers municipaux du lieu sera tenu de faire, au moins deux fois par semaine, la visite de ces maisons. » (Adopté.) Art. 9. « L’ofticier municipal veillera à ce que la