64b [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j brumaire an II 1 1 9 novembre 1793 éprouver un degré de chaleur et d’enthousiasme que nous ne lui avions point encore trouvé. « L’armée sous Toulon est sur la défensive, on ne tentera les grandes opérations qu’ après l’ar¬ rivée des £5,000 hommes que nous attendons « Nous remplissons notre tâche à travers mille calomnies et mille obstacles. Nous agissons avec vigueur, parce que c’est le seul moyen de rame¬ ner ce pays à la liberté. Cela n’a pas plu à tout le monde; notre marche a trop le caractère de l’audace révolutionnaire pour être agréable aux modérés et aux trembfeurs. t « Nous savons que beaucoup de conspirateurs ont eu l’art perfide d’intéresser en leur faveur. Ni Barras, ni Fréron n’ont placé, ni ne placeront leurs parents; s’ils ont destitué des hommes sus¬ pects, c’est aux sociétés populaires qu’ils se sont adressés pour les faire remplacer par des patrio¬ tes. Ils mont peut-être pas les formes aimables ni muscadines; mais ils ont dans le coeur l’amour de la liberté; la patrie est tout pour eux, intérêts particuliers, liens du sang, rien ne peut influer sur leurs principes ni sur leurs actions; ils ne voient que le salut de la République et versent, chaque jour, des pleurs de rage d’avoir vu échouer par les trahisons de Brunet, les com¬ binaisons les plus certaines par lesquelles ils au¬ raient conservé Toulon à la République. « Marseille désire nous garder et se précipiter tout entier, avec nous, sur Toulon l’ Exécra ble, qui est encore debout; cette ville nous a mani¬ festé son vœu par l’organe de ses sociétés et des corps administratifs; mais quelque flatteur qu’il soit, nous ne connaissons que vos décisions, et ne savons qu’obéir à la Convention nationale. « Salut et fraternité, « Vos collègues, les représentants du peuple près l’armée d/Italie, « Paul Barras; Fréron. » Au nom de la République. Arrêté des représentants du peuple, qui fixe des indemnités en faveur des patriotes du départe¬ ment des Bouches-du-Rhône et du Var, qui ont été incarcérés ou opprimés par les conspirateurs sectionnaires ( 1 ). Les représentants du peuple, près les départe¬ ments méridionaux et l’armée d’Italie, Considérant la situation malheureuse dans laquelle se trouvent les patriotes de Marseille et du Midi qui ont été incarcérés pendant des mois entiers par ordre des comités des sections mis hors de la loi ; Considérant que ces victimes de l’aristocratie ont vu, par ces détentions aussi longues qu’ar¬ bitraires, se consumer le fruit de leur industrie, interrompre les professions ou le commerce qui alimentaient leurs femmes et leurs enfants; que la liberté, dont jouissent aujourd’hui ces citoyens, serait pour eux un demi -bienfait, s’ils éprouvaient l’indigence et les besoins; Considérant que la justice et l’humanité ré¬ clament impérieusement de la part des repré¬ sentants du peuple, les plus promptes consola¬ tions envers ces infortunés; (I]j Archives nationales, carton C 278, dossier 736, * Considérant que par l’article 2 du décret des 4, 7 et 9 septembre dernier, la Convention nationale déclare qu’il sera accordé des indemnités aux patriotes du Midi qui ont éprouvé des persécu¬ tions, des emprisonnements et des dommages par les contre-révolutionnaires et les rebelles; Considérant qu’en attendant que la loi ait réglé les indemnités qui leur sont dues, et que les formes toujours lentes aient été observées à leur égard, ainsi que leurs droits établis sur les biens de leurs oppresseurs, Arrêtent : Art. 1er. « Il sera payé provisoirement, à chacun de ces martyrs de la liberté, à titre de secours provi¬ soire, une somme suffisante, soit pour acquitter les dettes qu’ils ont contractées en prison, soit pour reprendre le cours de leurs travaux, et et proportionnellement au temps de leur déten¬ tion, un maximum de 4,000 livres pour ceux qui auront été plus longtemps exposés aux ven¬ geances des aristocrates, et un minimum de 1,000 livres pour la classe de ceux qui ont été moins de temps arrachés à leurs foyers. Art. 2. « Il sera accordé des secours et indemnités aux patriotes que la persécution et leur civisme ont forcés d’abandonner leur domicile, dans Toulon, Marseille, et autres villes en rébellion; il sera fixé, pour ces derniers, toujours en raison du temps de leur proscription et des pertes qu’ils ont éprouvées, un maximum de 2,000 livres et un minimum de 300 livres. Art. 3. « Les pères, mères, époux ou épouses et enfants des patriotes assassinés, pour cause de la liberté, recevront l’indemnité provisoire fixée d’après le minimum de 1,000 livres, au maximum de 4,000 livres. Art. 4. « Les sommes, pour payer ces différentes indemnités, en avance de celles que fixera la Convention nationale, seront prélevées provi¬ soirement sur celle de 4 millions, destinée au remboursement de l’emprunt fait sur les com¬ merçants de la ville de Marseille. Art. 5. « Il sera demandé aux personnes riches et aux négociants dont la fortune connue excède 150,000 livres, une avance proportionnée à leurs richesses respectives, pour remplacer la somme de 4 millions que les circonstances et les besoins urgents des patriotes opprimés exigent que nous affections aux indemnités qui leur sont dues. Art. 6. « Les représentants du peuple consulteront l’Administration du département des Bouches-du-Rhône pour déterminer ce que chaque ci- [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 59novembrc im 647 toyen, dont’ la fortune surpasse 150,000 livres, doit avancer à la République, pour subvenir aux besoins pressants que l’humanité réclame, Art. 7. « Les représentants du peuple nommeront un© commission, composée de 12 membres, ies-uels détermineront quels sont ceux qui auront roit aux indemnités; dans l’attestation que les commissaires donneront, le temps et le lieu de la détention seront désignés, ainsi que la profes¬ sion et les dommages qu’auront éprouvés les patriotes qui réclameront. Art. 8. « L’attestation donnée aux patriotes oppri¬ més sera signée par 7 commissaires au moins, et revêtue de toutes les formalités ci-dessus indi¬ quées; elle sera présentée par la personne en faveur de laquelle elle aura été faite, à l’admi¬ nistration du département des Bouches-du-Rhône, et à celle du Var, si le réclamant appar¬ tient à ce dernier département ; et lesdites admi¬ nistrations ordonnanceront les sommes portées dans les attestations données par les commis¬ saires : bien entendu pourtant que l’adminis¬ tration du département du Yar sera tenue de faire viser par celle du département des Bouches-du-Rhône les ordonnances de payement qu’elle sera dans le cas d’expédier, d’après l’attestation des commissaires. Art. 9. « Le receveur du district de Marseille, à qui l’avance des 4 millions sera comptée, sera tenu de payer les ordonnances qui lui seront présen¬ tées dans les formes prescrites ci-dessus, et scellées du sceau du département des Bouches-du-Rhône et du Yar. Art. 10. « L’administration du département des Bou¬ ches-du-Rhône désignera un local aux 12 com¬ missaires chargés de recevoir et d’examiner les réclamations des patriotes proscrits. Art. 11. « Il sera envoyé, tous les 8 jours, aux repré¬ sentants du peuple, copie collationnée des attes¬ tations et des ordonnances qui, dans cet inter¬ valle, auront été délivrées. Art. 12. « Il sera accordé une indemnité de 8 livres par jour aux commissaires, qui sont tenus de s’as¬ sembler soir et matin, et qui prendront les infor¬ mations les plus précises sur la légitimité des demandes qui leur seront présentées, comme sur la durée de la détention des réclamants, afin d’établir, dans tous les cas, une balance juste. Art. 13, « Les représentants du peuple, en déterminant cette mesure provisoire et urgente, n’entendent rien statuer sur ceux qui auraient à prétendre de plus grandes indemnités, lesquels seront libres de se pourvoir par devant les tribunaux civils du district . Art. 14. « Les représentants du peuple déclarent que les avances ci-dessus mentionnées, ne sont que provisoires, et qu’elles doivent être imputées sur celles que fixera la Convention nationale. Ils chargent l’administration du département des Bouches-du-Rhône, celle du Var, toutes les autorités constituées, le receveur du district de Marseille et les 12 commissaires nommés par eux, de se conformer aux présentes dispositions sous peine de responsabilité. « Le présent arrêté sera imprimé, affiché et publié dans les départements du Var et des Bouches-du-Rhône. « Fait à Marseille, le 4e jour de la 3e décade du Ie* mois de la 2e année de la République française ». Signé ; Servières, Pomme, l’Américain, Charbonnier, Paul Barras, Fréron. » Proclamation des représentants du peuple Barras 4 et Fréron ( 1 ). Les représentants du peuple Barras et Fréron, annoncent au département des Bouches-du-Rhône la ferme résolution où ils sont de sauver la liberté publique ou de périr dans leur sainte entreprise. Ils viennent de faire succéder la vérité et la justice au système désastreux du modérantisme et du royalisme; il ne suffira plus d’avoir de l’or pour acheter impunément le droit d’être scélé¬ rat ; qu’ils tremblent tous ces oppresseurs de la patrie ! Voyez tous ces mille vaisseaux resser¬ rés dans nos ports, voyez votre industrie cap¬ tive, votre commerce paralysé ! c’est à eux que vous le devez ! Mais la terreur est à V ordre du jour... Il ne suffira plus, pour jouir avec ingrati¬ tude des bienfaits de la Révolution, d’être modé¬ rés, d’être accapareurs ou sectionnaires. Nous ne voulons que des républicains; sauver Marseille et raser Toulon, voilà le but de nos travaux. Pour y parvenir, nous allons transformer les places publiques en ateliers, les boutiques en forges nationales; que l’enclume retentisse; que tout respire le génie martial et l’amour de la liberté. Nous serons infatigables, inaccessibles à toute considération personnelle; nous brave¬ rons et les séductions de la beauté et les poi¬ gnards des assassins. Que les sans-culottes tra¬ vaillent le jour, qu’ils veillent la nuit, et que le soleil n’achève point son cours sans nous avoir vus faire des pas de géant vers cette liberté ché¬ rie, pour laquelle nous sommes tous prêts à nous immoler. (1) Archives nationales, carton AFn 90, pla¬ quette 662, pièce 3.