298 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 19 août 1791.] pour empêcher le retour de toutes institutions féodales op de toute autre espèce, qui ont pu souiller Si longtemps ce beau territoire, que cette dispositioa-Iâ soit insérée dans la Constitution. (Murmures.) M. Dupont (de Nemours) appuie lâ proposition de M. Heuriault-Laîüerville et assuré qu’il n’ÿ a pas de liberté sans propriété, sans la libre circulation des subsistances. (Murmures.) M. Heurtatolt-Latnerville. Je demande au moins que l’on dise dans la Constitution que le territoire français est aussi libre que les personnes. M. Prieur appuie Cette dernière disposition en disant qu’elle est un obstacle au retour du régime féodal qui a tant déshonoré la France pendant plusieurs siècles. M. Thouret, rapporteur. La première disposition proposée parM. Lamerville est un objet législatif et non pas constitutionnel; quant à la seconde, si nous recherchons le sens réel des mois esclavages du territoire, nous h’entendons que l’assujettissement féodal ; or, vous avez aboli par un décret exprès, le régime et l’assujettissement féodal ; il est donc inutile de faire mention de la liberté du territoire dans la Constitution. M. Garat nîwdappuie la proposition de M . Heur-tault-Lamerville, relative à la liberté de la circulation des productions du territoire. M. Hewbel, Si on adopte la double circulation au dedans, il faut aussi l’établir au dehors. (Murmures.) M. d’André. Je demande qü’on aille âüx Voix sur le paragraphe tel qü’il est proposé par le comité, parce que ces divers amendements ne sont que le résultat de systèmes particuliers plus où moins mûrement combinés, sur lesquels il ne s’agit nullement de délibérer, Cës objets sont d’ajlleurs dii ressort de la législation ; il Suffit d’établir que la Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du joiir sur l’amendement de M. Heurtault-Lamer ville.) M. Halés. C’eèt ici, Messieurs, le mondent d’établir un des plus grands principes de la liberté. Le territoire français est le pays des Francs, et cependant on a porté atteinte à cette franchise d’une manière bien inconsidérée. En effet, il était possible autrefois, moyennant le dépôt d’une somme modique aux amirautés, d’amener et de conserver des esclaves en France. (Murmures prolongés.) 11 était encore une autre convention plus abominable faite entre tous les souverains d’Europe: ils voulaient qu’un malheureux poursuivi par le despotisme, s’il passait en pays étranger, fût rendu att tyran qui le réclamait. (Murmures.) M. de Custinc. Il est du devoir du Président de rappeler à l’ordre l’opinant lorsqu’il s’écarte de la question. (Murmures.) M. le Président. Monsieur de Gustine, vous n’avez pas la parole. Îl. Fuimery. Monsieur le Président, rappelez ‘ordre M. de Gustine. Plusieurs membres : A l’ordre I à l’ordre ! M. le Président. J’observe à M. Malès qu’il n’a la parole que sur le paragraphe qui vient d’être lu par M-Thouret. Je le prie de se renfermer dans l’examen de ce paragraphe. M. Halés. Je demande qu’il soit ajouté que tout hoüime non libre qui atteindra le territoire français restera irrévocablement libre. (Murmures et applaudissements.) M. Fréteàu-Saint -dftist. Cette disposition est inutile, je demande l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. d’Areinbértde la Harck. Je suis obligé dé regarder comme illusoire, quant à présent, la garantie de tous les droits decitoyen, tant que l’Assemblée nationale n’y joindra pas une loi qui exprime très clairement que tout citoyen qui éprouvera UUe injustice dans sa personne OU dans ses biens de la part d’un fonctionnaire public, d’une municipalité, d’un corps administratif quelconque, aura le droit de prendre ceux-ci à partie èt de Ie3 citer devant les tribunaux. (Murmures. — C'est de droit.) Jè demande qu’il soit institué un tribunal... (Murmures.) Je ne demande pas que celte loi soit mise dans le paragraphe que nous discutons, mais je veux qu’elle soit quelque part. (Murmures.) Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix I M. Thouret, rapporteur. Je donne une nouvelle lecture du premier alinéa du troisième paragraphe : « La Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés, ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sacrifice. » (Cet alinéa est mis aux voix et adopté.) M. Thouret, rapporteur. Voici le second alinéa du troisième paragraphe : « Les biens qui ont été ci-devant destinés à des services d’utilité publique, appartiennent à la nation; ceux qui étaient. affectés aux dépenses du culte sont à sa disposition. » Voici lâ raison qui nous a déterminés à placer ici cet article. Dans le paragraphe précédent, l’on garantit constitutionnellement l’inviolabilité des propriétaires. Vous avez remarqué l’abus qu’on a déjà fait de ce principe dans la disposition que vous avez faite des biens ci-devant affectés au clergé. 11 est donc nécessaire de fixer imperturbablement les idées, et de déclarer que les biens affectés à des services d’utilité publique sout à la nation et pour la nation. M. Thévettot de Haroise. Je demande qu’au lieu de dire : « les bieîls qui ont été ci-devant destinés aux «, on dise purement et simplement, en termes généraux applicables à tous les temps: « les biens destinés à des services d’utilité publique appartiennent à la nation.») (Assentiment.) M. Thouret, rapporteur. J’adopte. M. Thévenot de Haroise. Je demanderais d’autre part si par ces inuts d'utilité publique on enteud les objets d’utilité pour une ville, pour un [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMEN TAIRES. [9 août 1791.1 29d canton. Je craindrais que si. vous comprenez dans cet alinéa tous les objets d’utilité publique sans exception, on n’abuse de ce principe pour s’emparer des établissements faits par les communes dans un but quelconque d’utilité publique. M. Thouret, rapporteur. Je répondrai en peu de mots au préopinant que l’expression dans laquelle le paragraphe est conçu, en rend complètement l’idée qui est dans le style de la Constitution et parfaitement expliquée par ceci : Nous entendons toujours, dans ia Constitution , par utilité publique ce qui est général; car ce qui n’est que communal n’est pas public, de telle sorte que les communes ne doivent être considérées que comme individu et comme chose privée et non pas comme chose publique appartenant à l’organisation générale. Ainsi il faut fixer le sens des termes une bonne fois, et quand on lira le paragraphe, il ne restera pas le plus petit doute: on comprendra que le mot publique ne s’applique pas à un simple village ou hameau. M. Dupont (de Nemours). Je demande que les observations contenues dans la réponse de M. Thouret soient insérées dans le procès-verbal. Plusieurs membres : C’est inutile. M. de Ta ftochefoucauld-Tiancourt. 11 m’a paru, dans la rédaction du deuxième alinéa, qu’on faisait entre les services d’utilité publique et les services du culte une différence qui ne me paraît pas devoir exister. On dit que les biens ci-devant destinés à des services d’utilité publique appartiennent à la nation, que ceux qui étaient destinés au culte sont à sa disposition. Je ne vois aucune raison de cette différence ; tous appartiennent à la nation et tous sont également à sa disposition. ( Applaudissements .) D'ailleurs je pense que la disposition de cet article ne doit pas être circonscrite au passé. Sans doute, vous ne conserverez pas pour l’avenir l’usage des fondations perpétuelles ; vous penserez qu’il n’appartient à aucun homme de prescrire à la société un usage perpétuel. Tel établissement excellent aujourd’hui peut devenir en 100 ans beaucoup moins utile ou même nuisible. Ainsi toutes les fois que des biens quelconques sont destinés à l’utilité publique, la société doit se réserver te droit d’en diriger l’usage pour ia plus grande utilité publique. Voici donc la rédaction que je propose ; « Les biens qui ont été ou qui seront destinés à des services d’utilité publique, ou aux dépenses du culte, appartiennent à la nation et seront dans tous les temps à sa disposition. » M. Gombert. Je demande qu’il soit ajouté à la disposition proposée par M. de Liancourt ces mots : « à la charge par elle de salarier les fonctionnaires publics du culte librement élus par le peuple. » Vous avez fait, Messieurs, jurer la Constitution au clergé, il faut que vous lui fassiez un état, et si vous n’insérez pas l’addition que je propose, il est bien constant et bien certain que le clergé n’a plus d’état (Murmures et applaudissements ) et les malveillants ont un nouveau prétexte de calomnier votre Constitution. M. l’abbé Bourdon. J’ai fait hier au comité de Constitution la même observation. J’ai l'honneur de prévenir l’Assemblée qu’il est con-venq qu'il y aurait une conférence ce soir âiix comités, et il me semble qu’en employant ce moment-ci à cètte discussion, c’est faire pérdre à l’Assemblée un temps qu’elle peut employer plus Utilement. Je demande donc que sur ce qui vient d’étre proposé, la discussion ne s’ouvre qu’après la conférence du comité. M. Dararid-lVlaillane. ïl sortira un nouveau projet d’article. Je mëts en avant, et je prie les membres de ce comité de vouloir bien, autant qu’ils le jugeront convenable, diviser la matière en dènx articles, diviser les biens qui Appartiennent aux objets d’utilité publique d’avec la maiière qui a un objet propre et direct au culte. Ce sont là deux matières que nous devons distinguer, elle n’ont aucun rapport l’une avec TauLe, et je demande qu’on nous présente demain deux objets très distincts de cette nature, M. Thouret, rapporteur. La conférence dont vient de parler le préoptnant doit en effet avoir lieu aujourd’hui et il me semble que �Assemblée hè s’oppose pas à ce que cette conférence, qui peut avoir des résultats favorables, prévienne une discussion dont le moment d’ailleurs n’est p�s opportun, puisque nous ne nous occupons ici que de ia garantie des droits naturels des citoyens. Quant à la rédaction proposée par M. La Rochefoucauld, elle me paraît exprimer parfaitement bien l’opinion du comité de Constitution. Nqu§ n’avons pas entendu mettre une différence entré le principe général et l’application qui doit en être faite aux biens ci-devant affectés au clergé. M. Camus. Je demande que, sans perdre de temps à des discussions inutiles, l’alinéa tout entier soit renvoyé à l’examen des comités. M. Prieur. Moi, je ndoppose a ce renvoi ; il s’agit dans ce paragraphe d’une vérité solennellement consacrée par les décrets de l’Assemblée nationale, d’un principe sur leqtuel repose le crédit public puisque c’est sur ies biens de là nation que sont hypothéqués les assignats. La proposition deM. Camus, si elle était adoptée, pourrait avoir le très grave inconvénient de suspendre un instant le crédit public ; elle doit être formellement rejetée et je demande qu’on mette le paragraphe aux voix sur-le-champ. M. Camus. Je ne conteste pas du tout le principe, quand je demande le renvoi au comité; mais voici pourquoi je demande le renvoi du tout. Par le décret du 2 novembre 1789 vous ayez dit que les biens affectés aux dépenses du culte étaient à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres et aü soulagement des pauvres. Actuellement on prend là moitié de cet article, et on veut la mettre aux voix ; je soutiens que l’article doit être décrété en son entier. Je demande qu’on le décrète mais qu’on ne fasse pas la scission aciuelle de ses dispositions. C’est le décret du 2 novembre tout entier, c’est l’acte constitutionnel, c’est l’article sage et légitime qu’il faut proposer en entier. Je conclus donc à ce que tout soit renvoyé, et je soutiens qu’il n’en résultera aucune atteinte pour le principe. M. d’André. Je ne pense pas que le renvoi du tout soit nécessaire et convenable. 11 y a ici deux 300 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1791.] dispositions différentes : la première, c’est celle que les biens destinés à des services d’utilité publique appartiennent à la nation et sont à sa disposition; je pense qu’à cet égard, il ne peut y avoir aucune difficulté; la seconde, c’est qu’elle a pareillement à sa disposition les biens destinés aux dépenses du culte, biens qui appartenaient au ci-devant clergé ou dont il avait du moins la jouissance usufruitière. ( Rires ironiques à droite. Applaudissements à gauche.) Ces biens-là appartiennent-ils à la nation, oui ou non? Sont-ils ou ne sont-ils pas à sa disposition? Voilà une question générale qui est déjà tranchée et qui ne peut plus souffrir la moindre difficulté. Si elle en éprouvait quelqu’une, vous verriez bientôt, comme le disait M. Prieur, le crédit national ébranlé jusque dans s�s fondements. ( Applaudissements à gauche. Murmures à droite). Je ne conçois même pas comment il peut y avoir l’ombre d’un doute sur cette question-là; car si le crédit public repose sur les assignats, si les assignats sont hypothéqués sur les biens nationaux, il est évident que si vous élevez la moindre difficulté sur les biens nationaux, je ne dis pas pendant un jour, mais pendant deux heures, vous portez un préjudice éternel au crédit des assignats. (. Applaudissements à gauche. Murmures à droite.) D’après cela, je m’oppose absolument à l’ajournement do paragraphe. Cependant l’amendement de M. Gombert peut être juste en un point; c’est qu’il faut établir constitutionnellement que les ministres du culte doivent être élus par le peuple. Voilà la constitution civile du clergé. M. Lanjuinais. Ah ! la voilà. M. d’ André. Elle est toute là : les ministres du culte doivent être élus par le peuple; il faut sans doute au«si assurer à ces ministres leur subsistance. Mais je vous le demande, mettez-vous dans la Constitution que les juges, que les administrateurs seront payés? cela n’est pas constitutionnel. ( Applaudissements à gauche.) Pourquoi parleriez-vous des seuls fonctionnaires du culte? Ainsi la marche que vous avez à suivre est extrêmement simple. Il y a des précautions à prendre; il faut que les bases de la constitution civile du clergé soient dans la Constitution; omis. ce n’est pas au titre des droits naturels et civils des citoyens garantis par la Constitution que vous devez placer cette disposition, cela n’a rien de commun avec ce titre, et c’est pour cela qu’on a demandé une conférence, Je demande donc qu’en renvoyant l’amendement de M. Gombert dont j’appuierai très fortement une partie lorsqu’il sera représenté, qu’en renvoyant, dis-je, cet amendement aux comités, pour y entendre les personnes qui voudront s’y présenter, vous ne vous exposiez pas au plus grand danger, en retardant l’adoption de la disposition fondamentale sur laquelle je propose que l’Assemblée aille de suite aux v oïx. (Applaudissements à gauche.) M. Tanjuinais. Je demande à répondre. Plusieurs membres : Non 1 non ! La discussion fermée ! M. Tanjuinais. La justice, la raison ( Murmures prolongés .)... c’est un mensonge (Bruit.) (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) M. Thouret, rapporteur. Voici, avec la proposition de M. de La Rochefoucauld et avec une ad-ditiou relative aux aliénations, la rédaction définitive que nous proposons pour le deuxième alinéa : « Les biens destinés aux dépenses du culte et à tout service d’utilité publique, appartiennent à la nation, et sont dans tous les temps à sa disposition. La Constitution garantit les aliénations qui ont été ou seront faites suivant les formes établies par la loi. » (Cet alinéa est mis aux voix et adopté.) M. Thouret, rapporteur. Nous passons au troisième alinéa qui est ainsi conçu : « Il sera créé et organisé un établissement général de secours publics pour le soulagement des pauvres infirmes et des pauvres valides manquant de travail. » M. Rabaud-Saint-Etiennc. Pour donner à cet article plus de moralité et plus de solennité, je demande que l’on dise : « La nation regarde comme une dette le soulagement ces pauvres infirmes et des pauvres valides manquant de travail. En conséquence, il sera créé et organisé à cet effet un établissement général de secours publics. » M. Barrère de Vieuzac. En adoptant la rédaction du comité, je demande seulement qu’on y ajoute : et des enfants trouvés..., qui sont une des dettes les plus sacrées de la société, surtout depuis l’abolition du régime féodal. Cette classe de déshérités est assez malheureuse ; elle peut être utile à la nation, elle est digne de vos soins et de votre humanité, vous devez consacrer expressément la dette de la société envers eux, et à laquelle ils ont des droits incontestables. M. Ciarat, aîné. J’appuie l’amendement de M« Barrère. La nation ne doit pas en effet venir seulement au secours des pauvres infirmes ou valides, mais encore au secours des enfants que des pères assez dénaturés et des mères assez barbares ont abandonnés. Quant à la rédaction de M. Rabaud : « La nation regarde comme une dette... » on dirait à l’entendre que la nation se rend débitrice par bienveillance, par pure générosité; faisons donc la parler comme il convient. Je propose en conséquence la question préalable sur la rédaction de M. Rabaud, et je demande que celle du comité soit mise aux voix en y ajoutant l’amendement de M. Barrère pour les enfants trouvés. M. Dupont (de Nemours). L’amendement de M. Barrère est d’une grande justice. S’il est un établissement qui honore l’humanité, c’est celui qui a éié fait pour les enfants abandonnés ; il est d’un personnage dévoué à la r< connaissance des siècles, c’est saint Vincent-de-Paul, et jamais on n’a rien fait de plus beau. J’appuie donc cet amendement et je propose pour l’alinéa la rédaction suivante : « Il s"ra créé et organisé un établissement général de secours publics pour élever les enfants abandonnés, soulager les pauvres infirmes, et procurer du travail aux pauvres valides. » M. de Ta Rochefoucauld-Liancourt. Pour ne pas exciter les hommes à la paresse, je propose, par amendement à la proposition de M. Dupont, de dire : « et procurer du travail aux pau-