[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Î8 septembre 1790.1 175 celui-ci m’a paru devoir être lié ; les municipalités et district de Corbigny, en protestant, en suspendant, en adressant aux municipalités cet acte attentatoire, se sont évidemment livrés à l’intérêt personnel ; ils ont préféré cet intérêt au patriotisme qui devait les animer, au respect qu’ils n’ont pas dû cesser de manifester pour la nation, la loi et le roi, et leur délit est inexcusable. Voici le projet de décret que nous vous proposons : PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, instruite que la municipalité de Corbigny au département de la Nièvre, s’est permis de protester contre le décret qui fixe à Lorme le placement du tribunal du district de Corbigny, et contre toutes élections de juges qui se feraient en conséquence; « Qu'elle a même osé prononcer une surséance à l’exécution de ce décret, et arrêté d’envoyer sa délibération à plusieurs municipalités de même district; « Que son directoire, dont le devoir était de réprimer l’entreprise de la municipalité de Corbigny, lui a, au contraire, donné son approbation : « Après avoir entendu le rapport du comité de Constitution; « Décrète qu’elle improuve la conduite de la municipalité de Corbigny, et celle du directoire de district de cette ville. « Elle déclare l’arrêté de la municipalité du 14 septembre, celui du même jour du directoire du district, nuis, attentatoires et contraires au respect dû aux décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le roi; et décrète que le procureur de la commune, le procureur-syndic du district se rendront à la barre, dans la huitaine du jour de la notification du décret, pour rendre compte de leur conduite. « Que toutes municipalités, districts et départements qui se permettraient de suspendre directement ou indirectement l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, seront personnellement responsables de tous événements. « Elle charge son président de supplier le roi de faire parvenir ce décret au département de la Nièvre, pour qu’il rappelle à leur devoir le directoire du district de Corbigny, ainsi que la municipalité de cette ville, et leur enjoigne, comme à toutes autres municipalités de ce district, de se conformer à ses dispositions, et à celles du présent décret qui a fixé à Lorme le tribunal du district de Corbigny. « Elle autorise le directoire du département de la Nièvre, en cas de désobéissance ultérieure, à suspendre de leurs fonctions les réfractaires, et à pourvoir cependant aux administrations municipales devenues vacantes par cette suspension, sauf plus grande peine qui sera statuée, s’il y a lieu. « Elle décrète, en outre, que, sur les pétitions de différentes villes et communes pour obtenir dans d’autres lieux les sièges des tribunaux dont les placements ont été décrétés, il n’y a pas lieu à délibérer; et que le présent décret, ainsi que le rapport fait au nom du comité de Constitution seront imprimés et envoyés dans les départements. » Plusieurs membres présentent quelques courtes observations. (Le projet de décret présenté par M, Gassin est ensuite mis aux voix et adopté.) M. Voidel , au nom du comité des recherches , fait un rapport sur les obstacles apportés à Soissons à l'enlèvement de blés qui y avaient été achetés pour l' approvisionnement de la ville de Metz . M. 'Voidel. La municipalité de Metz a envoyé à Soissons, pendant le mois juillet dernier, M. Saint-Jacques, son homme de confiance, qui a acheté des grains pour le besoin de la ville de Metz. Le peuple de Soissons s’est assemblé et a empêché la traite du second envoi, consistant en vingt-trois voitures. Le comité a été instruit de cette opposition ; il a écrit à la municipalité de Soissons de faire exécuter le décret qui ordonne la libre circulation des grains. En conséquence nouvelle tentative pour la libre extraction des grains ; mais le peuple renouvelle son opposition. La municipalité se borne à des invitations qui ne produisent aucun effet; le blé est retenu et remis dans les greniers de Soissons. Le directoire du district improuve la faiblesse de la municipalité, qui essaie de se justifier par différentes allégations, entre lesquelles on remarque ce principe s ce n’est pas la libre extraction des grains d’une ville qu’or-* donne le décret de l’Assemblée nationale, c’est la libre circulation. Or, le peuple de Soissons n’empêchait que la traite et non le libre transit , etc. Le comité me charge de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des recherches, improuve la conduite tenue par le maire et officiers municipaux de Soissons, lors des événements des 30 juillet et 1er août derniers; leur enjoint de faire exécuter littéralement les décrets du Corps législatif, sanctionnés par le roi; charge son président de se retirer par devers le roi , pour le prier de donner des ordres, afin que par lebailliage de Château-Thierry, il soit informé contre les auteurs et instigateurs des émeutes arrivées à Soissons, les 30 juillet et 1er août derniers, contre la libre circulation des grains, réserve au sieur Saint-Jacques à faire valoir ses droits comme et contre qui il appartiendra. M. Robespierre. Je réclame contre le projet du comité. La municipalité de Soissons s’est conduite comme elle le devait. Le peuple devait être inquiet sur sa subsistance, il devait craindre que les grains ne fussent importés à l’étranger ou ne servissent aux troupes étrangères. N’aliénons pas de l’Assemblée nationale le peuple par des décrets tels que ceux qu’on nous propose. M. Rœderer. L’intérêt que le préopinant accorde au peuple de Soissons lui a fait oublier que pendant son opposition à la traite des grains, achetés pour Metz, le peuple de Metz était exposé à mourir de faim; il oublie aussi que dans le même temps où la municipalité de Soissons se dispensait d’exécuter la loi martiale, pour faire sortir du grain superflu, elle exposait celle de Metz à la nécessité de l’exécuter, pour contenir un peuple affamé, qui pouvait se porter aux derniers excès ..... Certes les villes frontières seraient bien malheureuses, si les principes du préopinant étaient admis. Il en résulterait que, quand les grains de l’intérieur sont transportés sur des frontières, on serait autorisé à les arrêter, sous 170 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] prétexte qu’ils peuvent passer à l’étranger. Remarquez, Messieurs, que les villes frontières ne peuvent tirer leurs subsistances que de l’intérieur. Quand la France prohibe la sortie des grains, les puissances étrangères usent aussitôt de représailles. Les frontières donc se trouvent tout d’un coup adossées à des pays devenus stériles pour elles, et pour ainsi dire à des déserts. Il faut donc qu’elles tirent de l’intérieur du royaume.... C’est se mettre en une véritable opposition à vos décrets et à la raison, que de distinguer entre la liberté de la traite de ville à ville, et la liberté du passage. Il est évident qu’il serait bien inutile d’avoir ordonné la libre circulation dans le royaume, si les villes pouvaient empêcher la libre traite hors de leur enceinte, pour une autre ville du royaume... Je conclus à l’adoption du décret, ou au moins de la première partie. M. le Président met aux voix la division. Elle est rejetée. (Le projet de décret du comité est ensuite adopté.) M. Tailhardat, député du Puy-de-Dôme , demande et obtient un congé de deux mois. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le traitement des ordres religieux et des chanoinesses séculières. Dans sa séance du 21 septembre, l’Assemblée a adopté l’article 1er du titre II intitulé : Des religieuses . M. Treilhard, rapporteur, propose de mettre aux voix ensemble les articles 2, 3 et 4 du projet, parce qu’ils ont entre eux une relation qui en fait presque un seul article. M. l’abbé Bourdon propose, par amendement à l’articie 3, de conserver aux maisons destinées par leur institut à l’éducation publique et au soulagement des malades, l’administration des biens dont ils ont joui jusqu’ici. On demande la question préalable sur cet amendement. La question préalable est prononcée. Les articles 2, 3 et 4 sont décrétés ainsi qu’il suit : « Art. 2. Dans les maisons, dont les revenus excèdent la somme de 600 livres, à raison de chaque professe, et celle de 300 livres, à raison de chaque sœur donnée ou converse, il ne sera tenu compte desdits revenus que jusqu’à concurrence desdites sommes. « Art. 3. Demeurent provisoirement exceptées des dispositions de l’article précédent, les maisons actuellement occupées à l’éducation publique et au soulagement des malades, et il leur sera tenu compte de la totalité de leur revenu, jusqu’à ce qu’il eu soit autrement ordonné. « Art. 4. Dans les maisons, dont le revenu est inférieur à 700 livres pour chaque professe, et à 300 livres pour chaque sœur donnée ou converse, les traitements des religieuses qui décéderont les premières accroitront aux traitements des survivantes jusqu’à concurrence desdites sommes. » M. Treilhard, rapporteur , donne lecture de l’article 5. « Art. 5. Il pourra être accordé, sur l’avis des directoires de département, un secours annuel aux maisons qui, par la destruction de la mendicité, ou par la privation d’autre ressource dont elles avaient joui jusqu’à présent, n’auront plus un revenu suffisant pour leur existence. » M. l’abbé Gouttes propose que ces secours soient tels, qu’y compris les revenus conservés, chaque religieuse ait au moins 300 livres par an. Un membre demande que le minimum soit de 400 livres. M. Martineau demande, au contraire, que ces secours, joints aux revenus conservés aux maisons religieuses, ne puissent excéder la somme de 300 livres par an pour chaque religieuse. Ce dernier amendement est adopté. En conséquence, l’article 5 est décrété dans la teneur suivante : « Art. 5. Il pourra être accordé, sur l’avis des directoires de département, un secours annuel aux maisons qui, par la destruction de la mendicité, ou par la privation d’autres ressources, dont elles avaient joui jusqu'à présent, n’auront plus un revenu suffisant pour leur existence ; mais ces secours, unis au revenu de chaque maison, ne pourront excéder la somme de 300 livres par année pour chaque religieuse. » M. le Président lève la séance à 10 heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 23 SEPTEMBRE 1790. Observations par M. d’IIarmnbure sur la répartition de l'impôt foncier entre chaque département, district, canton, municipalité et entre chaque contribuable . 1. La répartition de l’impôt foncier ne sera d’abord que provisoire dans l’année 1791 ; mais, avant la fin de la même année, elle sera portée à son vrai taux qui pourtant ne sera définitif que que dans l’année 1793. 2. L’année 1792 sera accordée à chaque département, district, canton, municipalité et à chaque contribuable, pour redresser, par le ministère de commissaires nommés à cet effet, les erreurs et inégalités qui auraient pu avoir lieu dans la répartition de 1791. 3. Néanmoins le recouvrement de l’impôt se fera d’après la première répartition dont il va être parlé ci-après. On sentira qu’il n’y a pas le moindre inconvénient à cette recette provisoire, puisque la diminution ou l’augmentation de la cote d’imposition de chaque contribuable aura lieu par des sous pour livre en augmentation ou en diminution; ce qui n’oblige à aucune opération compliquée, de la part des percepteurs, ni de celle des contribuables. 4. On prendra pour base de la répartition de l’impôt foncier, la somme que se vend communément, et d’après la notoriété publique, l’arpent de terre dans chaque canton du royaume, en le distinguant seulement par première, deuxième et troisième qualité (1) et quels que soient les productions et fruits que rapportent ledit arpent, ainsi que sa valeur ; ce qui n’inlirme, en aucune manière, la base proposée. (i) J’entends la première, deuxième et troisième qualité de terres labourables, des prés, des vignes et des bois.