570 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1790. etit nombre de front, dans un passage construit cet effet. Art. 7. Ce passage devra être divisé en plusieurs parties pour empêcher qu’il y ait foule et les barrières ne se videront qu’à mesure qu’une enceinte se videra. Art. 8. Ou ne pourra retenir son tour, ceux qui sortiront de l’enceinte le perdront. Art. 9. Le bureau de remboursement est autorisé à délivrer ou échanger des assignats de 2,000 livres contre une somme de 1,880 livres en écus par assignat; Des assignats de 1,000 livres contre une somme de 950 livres en écus ; Des assignats de 500 livres, contre une somme de* 480 livres en écus ; Des assignats de 300 livres, contre une somme de 291 livres en écus; et enfin des assignats de 200 livres contre une somme de 196 livres en écus. Art. 10. Chaque jour le bureau de remboursement ne pourra délivrer d’assignats, comme il est dit en l’article précédent que jusqu’à concurrence d’une somme de 300,000 livres, dont un cinquième de chaque espèce d’assignats. Art. 11. Le bureau de remboursement rendra public, chaque jour, par la voie de l’impression, combien il aura remboursé d’assignats de 50 livres en écus ; combien en autres assignats et écus, et combien il aura délivré d’assignats contre des écus, conformément aux dispositions de l’article 9. Art. 12. Le comité des finances présentera incessamment à l’Assemblée un projet dérèglement pour l’organisation de ce bureau de remboursement, qui sera sous l’inspection immédiate du ministre de la caisse de l’extraordinaire. M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE JESSÉ. Séance du samedi 4 septembre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. de Las, prêtre de l’Oratoire, fait hommage d’un ouvrage de sa composition, intitulé : « De l’éducation publique. » L’Assemblée agrée cette offrande et ordonne que l’ouvrage sera déposé dans ses archives. Le sieur Florentin Gilbert, architecte, citoyen de Paris, présente à l’Assemblée la gravure d’un projet de palais de législature, dont il a fourni les plans et dessins, le 20 mars dernier. L’Assemblée reçoit avec satisfaction l’hommage du sieur Gilbert; elle lui permet d’assister à sa séance et ordonne que la gravure sera déposée dans ses archives, après avoir été exposée dans la salie. Un de MM. les secrétaires fait lecture de l’extrait des adresses et pièces suivantes : Adresse de la municipalité de la ville d’Ajaccio, en Corse, qui s’élève avec la plus grande force contre la déclaration d'une partie de l’Assemblée nationale. Le conseil général de la commune, extraordinairement assemblé, a donné l’adhésion la plus entière aux décrets de l’Assemblée, et notamment à celui du 13 avril dernier. Il a ordonné que cette déclaration serait brûlée sur la place de l’Hôtel-de-Ville, avec les cérémonies d’usage. Adresse des officiers municipaux de la commune de Cousance, au département du Jura, qui annoncent que tous les citoyens de cette ville, pénétrés du respect le plus profond pour les décrets émanés de la sagesse des représentants de la nation, ont. fait éclater dans toutes les occasions le patriofisme le plus pur, et que, le 25 août dernier, ils ont célébré avec transport la fête du roi restaurateur de la liberté française. Adresse des curés et vicaires du département des Hautes-Pyrénées qui expriment, avec la plus grande énergie, les sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l’Assemblée nationale. Lettre de M. Bailly, maire de Paris, contenant une délibération de la section de Henri IV, du 19 août dernier, qui a pour objet de désavouer l’adresse que quelques représentants de la commune avaient pris sur eux de présenter à l’Assemblée, pour demander la diminution des droits perçus aux entrées de la capitale. Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la commune du Luchat en Saintonge ; elle fait une pétition relative aux droits féodaux. Lettre de M. Béhague, maréchal de camp, président du conseil supérieur d'administration établi dans le régiment de Forez en garnison à Saint-Servan, par laquelle il fait connaître à l’Assemblée une adresse remise sur le bureau d’administration par les sous-officiers et soldats de ce1 régiment, qui avouent leurs torts dans leurs prétentions, et rendent hommage à l’équité des opérations du conseil supérieur, lequel a ramené parmi eux l’harmonie et la tranquillité. Ils expriment le plus vif repentir de leur faute, et en même temps l’amour et le respect le plus vrai pour leur lieutenant-colonel et le ministre de la guerre. Adresse des gardes nationaux de Lons-le-Saul-nier, qui font hommage à l’Assemblée de celle qu’elles ont envoyée aux troupes de ligne, par laquelle elles les conjurent, par les motifs les plus pressants, de repousser les perfides manœuvres qui s’efforcent d’anéantir partout la discipline militaire et d’être fidèles au serment qu’ils ont prêté. Adresse de M. Oudet et de la section de Notre - Dame , dont il est le président , sur V objet des assignats. Cette adresse est renvoyée au comité des finances. (Voy. ce document annexé à la séance de ce jour, p. 577.) Procès-verbal de la fête civique que les habi-- tants de la paroisse de la chapelle Saint-Martial ont célébrée le 14 juillet, dans laquelle ils ont prononcé le serment fédératif des Français. Adresses des administrateurs du département du Tarn, des membres du directoire du district d’Apt et du district de Beziers, qui, avant d’entrer dans la carrière des travaux qui leur sont confiés, présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse de la municipalité du Sault, départe* ment de l’Indre, qui, en adhérant aux décrets de l’Assemblée, la supplie de prendre en considération le sort de cette -ville, devenu le plus malheureux par la privation entière des établissement» considérables dont elle jouissait. (1) Cetto séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1790.] 571 Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville d’Aurillac, qui, à peine formée, s’empresse d’adresser à l'Assemblée ses hommages et son adhésion à la Constitution ; elle sollicite l'établissement d’un tribunal de commerce à Aurillac. Adresses des communes de Ligny-le-Ghâtel, Ma-ligny, Mercy-le-Cerveux, Varennes, Ligneville, la Chapelle, Vaupelfaigue et Yilly, au département de l’Yonne, district de Saint-Florentin, contenant diverses observations sur la ferme des aides, dont elles demandent la suppression, et sur les moyens de la remplacer. Le sieur Michel Cabien , sergent des milices gardes-côtes d' Oisti'eham, est admis à la barre. M. de Cussy, député de Caen, obtient la parole et raconte en ces termes les actions courageuses de Michel Cabien (1) : Messieurs, le 12 juillet de l’année 1762, une escadre anglaise, mouillant à l’embouchure de la rivière d’Orne, dans le dessein d’intercepter ou de détruire quinze vaisseaux du roi, chargés de bois de construction pour Brest, lit ses préparatifs pour exécuter ses projets hostiles. Elle mit à terre, dans la nuit, deux détachements de soldats pour protéger l’attaque que ses chaloupes armées allaient entreprendre. Le détachement qui avait débarqué à la droite de la rivière, surprit le poste qui veillait à la garde de la batterie, tua sept soldats, en prit seize, mit les autres en fuite, et s’empara de la batterie. Cinquante soldats, qui avaient débarqué à l’autre rive, s’emparèrent aisément de la batterie qui n’était gardée que par un matelot canonnier invalide, et quatre vieillards qui eurent le bonheur de s'échapper à la faveur de l’obscurité; mais avant d’abandonner leur poste, ils avaient tiré deux coups de canon, qui avaient mis en alarme les habitants du village d’Oistreham, situé à la rive gauche de l’Orne. Ce beau village , peuplé de pêcheurs intrépides , avait perdu presque tous ses habitants détruits par une guerre, malheureux ou captifs en Angleterre. Mais tandis que les femmes et les enfants s’occupaient d’enlever leurs meubles et de cacher leurs bestiaux, Michel Cabien, sergent des milices gardes-côtes de la compagnie d’Oistreham se porta, seul, à l’entrée du village, couvert par un canal de trente pieds de largeur. Le seul tambour de sa compagnie l’avait suivi, mais ne tarda pas à le uitter pour aller prendre soin de sa famille et e ses effets. Bientôt l’intrépide sergent aperçoit la troupe anglaise qui prolongeait le canal ; il s’avance à l’autre rive, crie : qui vive! fait feu sur les ennemis, gagne rapidement une autre porte, renouvelle son cri et son feu, et toujours par son agilité se préserve du feu de l’ennemi, qui, dirigeant ses coups vers l’endroit où l’on avait tiré, ne pouvait l’atteindre. Cabien s’aperçoit que les Anglais sondent la profondeur du canal ; alors il prend le ton imposant d’un commandant, ordonne à sa troupe de faire feu de bataillon. La prudence détermine les Anglais à sè coucher ventre à terre ; mais Cabien réfléchit bientôt que les Anglais ne seront pas dupes de sa ruse guerrière; il a recours à une ruse nouvelle; il ordonne à son aide-major de prendre cent hommes et de tourner le village pour gagner le pont et attaquer l’ennemi en queue, tandis (1) Le Moniteur ne reproduit qu’une partie du discours de M. de Cussy. qu’il va le charger en tête. L’ennemi intimidé se relève et se détermiue à la retraite ; mais elle n’est pas assez rapide au gré de Cabien; il prend > la caisse que le tambour avait laissée près de. lui, bat la marche, et frappant à coups redoublés sur un petit pont de bois, imite, par le mouvement rapide de ses pieds, celui d’une troupe nombreuse qui se précipitait sur le passage. Les Anglais battent la retraite autant que le permit le fardeau des morts et des blessés qu’ils remportaient avec eux. Un officier anglais, atteint de plusieurs coups, avait eu la cuisse cassée; la douleur que lui causait cette griève blessure, ne permit pas à ses camarades de l’emporter dans leur suite; ils abandonnèrent cet infortuné à la générosité; des Français. Leur attente ne fut pas trompée. . Lorsque la renaissance du jour a permis au brave sergent de reconnaître le terrain, il prodigua ses soins généreux à son ennemi vaincu; il se montra aussi prévenant, aussi empressé pour le secourir, qu'il avait employé de fermeté pour le combattre. Cette circonstance prouve que si l’éducation perfectionne nos mœurs, la vraie générosité est un sentiment inspiré par la nature, qui n’apparlient pas exclusivement aux classes les plus distinguées de la société. Au milieu des soins multipliés que les habitants d’Oistreham s’empressaient de prodiguer à ce prisonnier, on remarquait en lui un air qui décelait son inquiétude; on se hâta de faire venir un interprète ; alors, cet officier pria ceux qui l’environnaient de ne point le transporter à Caen; . il assura qu’il serait bientôt réclamé. En effet, une chaloupe parlementaire se présenta et proposa pour sa rançon les seize prisonniers que les Anglais avaient fait à l’autre bord. Cabien donna seul la liberté à ces seize prisonniers; il sauva quinze bâtiments chargé d’une-cargaison précieuse; il priva les Anglais de la satisfaction de conduire dans leurs ports, comme un trophée dont ils étaient jaloux, des bâtiments destinés, lors de la construction, à porter dans leur île la terreur et la destruction. Cabien préserva son village de l’incendie auquel il était destiné pour éclairer et favoriser l’attaque; des Anglais. Cette entreprise échoua par sa prudence, par sa fermeté. L’honneur du nom français ne fut pas flétri, parce que Cabien se montra , digne de le porter. L’officier anglais, chargé de commander le débarquement, fut dégradé par un conseil de guerre. Je garderai le silence sur les autres actions par lesquelles il n’a cessé de se rendre utile à sa patrie et dangereux à ses ennemis. Messieurs, j’ai rempli un devoir aussi intéressant pour mon cœur qu’agréable à mes compatriotes, en présentant à vos regards un des plus braves citoyens dont mon pays s’honore, et dont la patrie puisse s’enorgueillir. Le surnom de brave lui a été donné par un maréchal de France commandant la province ; il eût pu y joindre celui de prudent. Les actions utiles et glorieuses de ce modeste soldat suffiraient pour donner droit à plusieurs citoyens de réclamer avec confiance des récompenses utiles et des titres d’honneur.; mais Cabien n’a rien sollicité ; une modique gratification de deux cents livres lui fut accordée ar le feu roi, pour reconnaître l'action la plus ardie, la mieux combinée qui puisse être conçue, et exécutée par un soldat qui réunit la valeur au génie ; mais cette recompense pécuniaire lui fut moins précieuse, malgré sa pauvreté, que le témoignage honorable que M. le �duc de Choiseul lui adressa pour lui exprimer la satisfaction que