620 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 décembre 17S9.J ni de plus de cent dix raille hommes, et des gardes nationales, dont la quantité sera fixée par la constitution, et qui ne marcheront que pour la défense de l’Etat, etc. M. le comte d’Egmont. Le comité militaire a préparé beaucoup de mémoires sur des objets de détail; mais il a besoin, pour terminer son travail, que l’Assemblée décrète le mode de recrutement de l’armée. Je demande au nom de ce comité, qu’on adopte sur-le-champ, soit la conscription, soit l’enrôlement volontaire. On ferme la discussion, et on pose ainsi la question : L’armée française active sera-t-elle recrutée par des enrôlements volontaires? oui, ou non ? M. de Bousmard de Chantereine. Je demande ce qu’on entend par ce mot active. M. le comte d’Egmont. Ce mot indique la force destinée à défendre les froutières et vos propriétés. Après plusieurs tentatives pour réformer la position de la question, on demande à aller aux voix. M. le comte de Mirabeau. La difficulté pour poser la question tient à une chose qui n’est pas déterminée, et qui aurait dû l’être la première, c’est-à-dire le rapport de la milice nationale avec l’armée, et le rapport de l’armée avec la milice nationale. La conscription peut être et n’être pas appliquée tout à la fois aux troupes réglées et aux gardes nationales. 11 faut décréter si vous adoptez ou n’adoptez pas la conscription militaire pour les troupes soldées ; ce qui ne décidera point si vous l’adoptez ou ne l’adoptez pas pour les gardes nationales. La question étant double doit être posée de deux manières. 1° La force armée du royaume sera-t-elle totalement recrutée par des enrôlements volontaires? 2° Une portion le sera-t-elle par la conscription militaire? M. le comte d’Egmont. Je n’ai rien entendu préjuger sur les milices nationales, en présentant ia question qu’ou a posée. On fait lecture de différentes manières de la rédiger. M. Rœderer propose celle-ci : Les troupes françaises, de quelque arme qu’elles soient, autres que les milices et gardes nationales, seront-elles recrutées par enrôlements volontaires ou par conscription? Le comité militaire et un grand nombre de membres demandent la priorité pour cette rédaction. M. le baron de Menou propose un léger amendement, et l’Assemblée rend à l’unamité le décret suivant : « Les troupes françaises, de quelque arme qu’elles soient, autres que les milices et gardes nationales, seront recrutées par engagements volontaires. » M. Achard de Bonvouloir, en son nom et au nom de plusieurs députés du Cotentin, fait une motion sur la maréchaussée considérée comme tribunal de justice (1). Après avoir présenté ci-devant notre opinion sur la maréchaussée, considérée comme troupe militaire, nous la présenterons aujourd’hui sur ce qu’elle a été et sur ce qu’elle peut être encore, comme tribunal de justice. Nous ne nous dissimulons point que si nous avons eu la suite de la maréchaussée, comme milice nationale soldée, continuellement armée contre les entreprises des méchants pour la sûreté des gens de bien, nous ne pouvons pas nous flatter de trouver établi un préjugé aussi favorable à l’opinion que nous en avons, comme tribunal de justice criminelle. Le seul mot de justice prévôtale excite, dans la plupart des esprits, un premier mouvement de défaveur, effet de la prévention où l’on est généralement contre ce tribunal; parce qu’il est très-peu de personnes qui en connaissent la nature, très-peu qui aient eu l’occasion d’approfondir l’essence de cette juridiction, telle qu’elle s’exerce dans l’intérieur du royaume, et qui ne la confondent avec la juridiction militaire, nécessairement expéditive, du grand -prévôt de l’armée, qui juge seul, quoique avec des formes. Ce préjugé, absolument sans fondement, loin de présenter le moindre inconvénient, a l’avantage inappréciable d’inspirer une terreur salutaire à cette classe dangereuse qu’il est aussi consolant de pouvoir contenir par la crainte seule, que douloureux de réprimer par des châtiments. La terreur que ce préjugé inspire fait une partie de la force delà maréchaussée; elle présente le prévôt comme un magistrat armé, qui en impose doublement au coupable. Mais les législateurs analysent, conservent, corrigent ou suppriment avec connaissance; et leurs décrets sont fondés sur la vérité. Nous allons donc tâcher de rectifier les idées, trop généralement adoptées sans examen, sur l’utile institution qui fait le sujet de cette discussion. La maréchaussée, considérée comme siège de justice, a été en butte aux qualifications les plus flétrissantes : on l’a présentée comme un tribunal arbitraire et cruel; mais les personnes qui en parlent ainsi, n’ont assurément pas approfondi avec assez d'attention l’organisation des sièges prévôtaux : car, de quoi sont composés ces tribunaux? De tous les juges delà nation, près desquels sont établis les prévôts et leurs lieutenants. Tout jugement prévôtal, soit interlocutoire, soit définitif, doit être rendu par sept juges au moins ; il l’est souvent par douze ou quinze. Ainsi, on voit que la Chambre, prévôtalement assemblée, est toujours formée par un grand nombre de juges pris dans les tribunaux ordinaires; plus, un seul officier militaire, qui ne peut par conséquent, avoir que bien peu d’influence sur les jugements délibérés par un si grand nombre de magistrats. Si Ton veut prendre la peine d’approfondir la forme de procéder dans les sièges prévôtaux, on se convaincra aisément que les officiers de maréchaussée, assujettis comme les juges ordinaires à toutes les formes de l’ordonnance criminelle, avaient sur ces derniers l’avantage d’être infiniment plus rapprochés qu’eux des formes nouvellement prescrites; puisque dans les sièges ordinaires le lieutenant criminel a jusqu’ici toujours fait seul l’instruction, et que les prévôts ou leurs lieutenants ne pouvaient pas faire un seul acte de la procédure, qu’avec l’assistance, le conseil, et sous l’inspection d’un conseiller assesseur. Que passé le jugement de compétence, le prévôt et l’assesseur réunis ne pouvaient pas décerner le moindre décret contre un complice, régler le (1) Cette motion n’a pas été insérée au Moniteur.